Evasion (2)

Deux jours sans voir âme qui vive. Deux jours à errer dans la campagne, sans but précis, sans savoir le pourquoi de cette errance. Le samedi, en fin de matinée, Aubin se rend au village pour faire ses courses. Même ambiance qu’à l’accoutumée, même curiosité, nouvelle tentative afin de le faire parler, nouveaux déboires pour les curieux. Tout en servant son client, Mikael propose de le livrer : offre acceptée.
Comme la fois précédente, la livraison s’effectue vers les 13 h. Mikael repart vite fait.
Ses victuailles rangées, Aubin baguenaude encore, plus exactement il complète sa connaissance du village et de ses environs. Tout à coup il pense à Modeste : où est-il passé, celui-là ? Près de trois jours qu’il ne l’a pas vu. Quand on pense au loup….. Justement le voilà sur son tracteur, s’arrête, hèle le vacancier :
<< - T’es ben loin d’ton coin, pour sûr. Tu veux que j’te ramène ?
- Volontiers. Je commence à avoir les pieds en compote.
- Tu vois, Aubin, ça tombe bien, faut que j’te cause. >>

Aubin grimpe sur l’engin. Modeste reprend :
<< - Tu sais, j’m’en tape que tu t’farcisses le p’tit Mikael. J’suis pas marida avec lui. Comme j’ai dit, c’est juste un casse-croûte en extra. Mais fait gaffe, faut pas m’l’abîmer. C’est un fragile, ce môme. J’l’aime à ma façon. J’veux pas l’voir chagrin. Si ça arrivait par ta faute, j’t’écrabouillerais, par le fait !
- Rassure-toi, il m’a éjecté, ton Mikael. Il dit que je suis un danger en amour. >>

Le sourire, qui se dessine sur les lèvres de Modeste, n’échappe pas à Aubin qui poursuit :
<< - Tu y tiens beaucoup, même si tu ne veux pas le reconnaître. Lui et moi, c’est fini, apparemment. Je n’ai pas cherché à me défendre. Il m’a livré, tout à l’heure, et je n’ai rien tenté. Il en était heureux, ou presque.
- Y m’a raconté vos exploits. Y m’a dit qu’y t’l’a mise. Pas peu fier quand y parlait d’ça. Y connaissait pas, l’pauvret ! J’croyais pas qu’il aimerait la mettre.

Maintenant, va falloir qu’j’y passe, ça c’est sûr !
- Pourquoi, on ne t’a jamais pénétré ?
- Si, quand j’étais jeunot. Une semaine avant d’me marier, un arabe qui travaillait en journalier. L’a pas été dans la douceur. L’a enfoncé son truc d’un coup, sans préparer. J’ai beuglé comme un veau. Voulait rien entendre. Avec son engin, j’ai cru qu’y m’défonçait les boyaux, qu’y m’déchirait les tripes. Heureusement, trois ou quatre coups à peine, et déjà y crachait son jus. Ça dégoulinait d’partout tant y’en avait. A croire qu’y s’vidait tout entier. Ça, c’était la première fois. On à r’piqué au truc, deux s’maines après mon mariage. Mais j’ai mis mes conditions. J’l’ai un peu civilisé côté galipettes. Y s’y ait fait, l’gonze. Ça a duré pendant près d’deux ans. L’a jamais voulu que j’le pistonne. M'a toujours pilonné avec son bout coupé, sans capote à l'époque. Gentil, remarque bien, pas compliqué et surtout discret. Quand il est parti chez lui, j’sais plus où, là-bas dans l’désert, j’ai plus recommencé à m’faire mettre. Pourtant, j’trouvais ça chouette. J’prenais mon panard. Et toi ?
- Les deux me conviennent parfaitement. C’est même une obligation quand je fais l’amour avec quelqu’un.
- Rien qu’des hommes ?
- Oui, jamais de femmes.
- Et ça t’manque pas ?
- Non. Pour dire le vrai, je ne connais pas. >>

Modeste arrête le tracteur :
<< - Voilà, t’es arrivé. Ça t’dis un coup d’blanc, comme apéritif ? J’ai une bonne bouteille au frais. Tu m’laisses juste l’temps d’aller la chercher et on s’la descend.
- Va pour le blanc ! >>

Modeste remonte sur l’engin, démarre, tout guilleret. Aubin sait pertinemment ce qu’il va advenir. Une petite séance de jambes en l’air devrait clore cette journée.
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L’orage persiste. Pas dans le ciel mais dans la tête d’un Aubin à la bouche pâteuse. Dès qu’il tente de se redresser, une sensation de balançoire s’empare de son corps.
Il se recouche cherchant à se rendormir. En vain. Le matraquage dans son crâne continue. Que s’est-il passé ? Les souvenirs font surface. En fait d’apéritif, c’est un véritable gueuleton qu’offrait Modeste : produits du cru, vins du cru, digestif du cru. Madame est absente pour deux jours, chez son plus jeune frère dont l’épouse vient d’accoucher de jumeaux. Départ précipité, les bambins arrivant plus tôt que prévu. Donc occasion rêvée de courir ailleurs pour un Modeste friand de chair à baiser. Heureux de l’aubaine, il arriva sur sa moto, porteur des victuailles et boissons du pays. Les nuits, devenues un tantinet fraîches et humides, ne permettent plus le pique-nique en extérieur. Les agapes se déroulèrent sous la tente. Patins, mains chaudes sous slips encore plus chauds. Deux godets de vin blanc chacun (du bon !) on reprend les inspections corporelles. Une autre énorme lampée chacun, afin de désaltérer les papilles, on se remet à soupeser les burnes, à décalotter les glands, à se frictionner les amygdales. Pfft ! Les deux pines giclent à l’unisson, sans prévenir. Petite pause afin de déguster les charcuteries arrosées d’un rouge au bouquet évocateur de plaisirs gustatifs, entre deux polissonneries. Avant de s’attaquer aux queues en effervescence, lavage buccale au vin blanc, histoire de les deux bouteilles. On savoure les salives ainsi parfumées, langue lovée contre langue. Malgré la température extérieure, les corps montent en chaleur intérieure. À poil, on goûte les fromages à point, les fruits fermes et juteux, avec, pour faciliter la descente, la fin des deux kils de rouge précités. Petite rincée de poire williams avant la prise en bouche des bâtons de chair. Sucée pénienne, lècherie anale, rinçage des gosiers à la poire sus mentionnée. Emboutissage d’un Modeste en veine par un Aubin demandeur, après une pose de capote fort compliquée. Autre généreuse rincette de poire avant le changement de rôle. Pistonnage énergique du fion d’Aubin par la mastodonte bite d’un Modeste en verve.
Là encore, pose très problématique de capote, la queue à vêtir ne cessant de bouger ou de se dédoubler selon les participants. Grande finale en pluie de spermatozoïdes et ultime rincée de poire avant de s’endormir totalement groggy.
Aubin remarque un panier, des vêtements ne lui appartenant pas. Près de la tente, il entend quelqu’un marcher. Modeste, en n’en pas douter, qui revient content de lui :
<< - Lève-toi, cossard ! Fait soleil, c’est bon pour s’laver. Pas b’soin d’serviette. >>

Afin de faire participer Aubin aux joies du bain matinal, il se jette sur lui, le serre dans ses bras, dans ses cuisses, lui roule une pelle. L’autre renâcle au contact de cette peau froide et humide puis se laisse aller tant cela devient agréable. Les ébats sont rapides. Modeste, en grande forme, s’emploie seul à donner du plaisir aux deux. Aubin, crâne toujours en effervescence avec explosions à répétition, se contente d’ouvrir sa bouche afin de permettre à la grosse tige de s’y loger et de s’y agiter puis de tendre son cul et accepter la pénétration sans broncher. En fait, il ne prend même pas son pied. Au bout d’une minute, il lui tarde que la séance s’achève, que Modeste quitte les lieux, désireux de se retrouver seul afin de dormir. Son "affaire" terminée, Modeste dépité constate :
<< - Ben t’as encore du ch’min avant d’passer pour un endurci. C’est chiffe molle tout ça ! Juste deux gouttes d’pinard et ça a les sangs tout r’tournés ! >>

Il se rhabille, récupère ses ustensiles et s’en va, comme outragé dans sa dignité, laissant un Aubin couché, cul à l’air dégoulinant de lubrifiant, déjà endormi.
14h : deux cachets contre le mal de crâne, un bain dans la rivière, un léger repas. Aubin se sent mieux, regrette de n’avoir pas été à la hauteur. Une envie de s’excuser le tenaille. Il revoit le corps de Modeste : musclé, peau brune, les yeux marrons, le front bas dominé par une tignasse abondante couleur châtain clair au poil raide et long.
Les mains sont calleuses, les bras et les jambes d’une puissance impressionnante. Le visage, carré, à la barbe naissante rugueuse, montre le caractère trempé du personnage, sa solidité. Cette virilité exacerbée se tempère d’une douceur extrême, d’une gentillesse peu courante lors des ébats amoureux. Ces images provoquent une érection chez Aubin qui soupire. Un bruit de pas le distrait : Modeste est de retour, panier à victuailles en main :
<< - Ah, content d’voir ma poule mouillée devenir un homme, pour sûr !
- Excuse-moi, mais je n’ai pas l’habitude de boire des alcools forts.
- Pour ce soir, juste le pinard et pas d’mélange. Y’a qu’nous deux qu’on va s’mélanger si t’es d’aplomb. Hier, c’était chouette. J’m’ai régalé. J’voudrai r’piqué au truc.
- Merci du compliment. Tu y es pour beaucoup. OK pour le dîner. >>

Les deux garçons batifolent dans la rivière, se roulent dans l’herbe, ne se privent pas de s’administrer des privautés. Ce dont se rend compte Mikael qui, passant pas là et entendant des voix, voulait savoir qui était avec Aubin. Le jeune homme repart de suite, sans signaler sa présence, la rage au ventre.
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Dans le silence de la chambre, Gus (Gustave de son prénom) raccroche le téléphone. Une fois de plus, chou blanc. Nul n’a vu Aubin. Il s’est envolé, disparu, sans laisser d’adresse. Pourtant, quasiment toutes ses affaires sont là, ici compris celles qu’il préfère, y compris ses effets de toilette, jusqu’à la brosse à dent. Il a ratissé tout l’argent liquide de la maison, a vidé compte bancaire et livret d’épargne retirant des espèces uniquement. Ce départ est impossible. Trop d’éléments prouvent que cela n’est pas possible! Pourtant, les faits sont là, bien réels. Voilà près de dix jours que Gus tourne en rond. Maintenant, il convient de prendre des décisions. Il ne peut rester dans cet appartement, ses moyens sont par trop insuffisants. Soit il déménage, soit il prend quelqu’un d’autre, un colocataire par exemple. Oui, mais le temps de trouver la perle rare, le terme sera échu depuis longtemps. Pas question de passer pour un mauvais payeur, Gus tient beaucoup à son image d’honnêteté. Ce qui le chagrine c’est de n’obtenir aucune réponse à toutes les questions que pose ce départ précipité, sans prévenir, à l’anglaise quasiment. S’il tombe sur Aubin, il va lui chauffer les oreilles au lâcheur ! Il s’apprête à sortir, constate le vide de ses poches, pas même un ticket de métro ! Bon, une seule solution : se mettre en quête de rentrée d’argent. Ce qui ne devrait pas poser trop de problème s’il en juge par les sommes qu’on lui doit. Dans son milieu, les affaires étant les affaires, on respecte la parole donnée. Un bref calcul mental lui apprend qu’il pourra faire face avec ce qu’il va récupérer. Reste qu’il n’a plus à domicile et à sa disposition, le plus beau cul du monde, comme il se plaisait à le souligner devant ses amis. Le voilà réduit à draguer, comme tout un chacun, s’il veut assouvir ses grands appétits de sexe. Quels changements en même pas deux semaines ! Pas le moment de s’appesantir sur son sort, il devient urgent de passer à l’action.
Vers 18h, Gus rentre à l’appartement, le portefeuille confortablement garni. De quoi tenir un mois, minimum, deux en vivant chichement. Il aurait dû commencer par là, dès qu’il s’est aperçu de l’absence.
Mais pourquoi ? Où est-il ? Il passera un sale quart d’heure lors des retrouvailles. Aubin, un bien beau minet lorsqu’ils se sont rencontrés, il y a bientôt cinq ans de cela. Naïf comme ce n’est pas permis ! Il arrivait tout droit de pensionnat, croyant que les coucheries entre élèves internes étaient ce que le stupre connaissait de plus pervers ! Gus n’était pas mal non plus comme mec, malgré ses 34 balais à l’époque. Type nordique, nez légèrement retroussé, pointu, mince, cheveux raides d’un blond paille, yeux bleus, peau blanche, pommettes un peu saillantes, bouche moyenne aux lèvres minces colorées naturellement d’un rouge vif donnant une certaine féminité au visage. 1m82 pour 78 kg, corps élancé, nerveux, n’ayant jamais pratiqué le moindre sport, si l’on excepte celui en chambre. Le personnage, doté d’une queue hors norme, courait après tout ce qui porte bite, doté d’une voracité incroyable côté cul. Que disait un de ses ex amants ? Ah oui ! Priapisme ! Gus possède un énorme engin. Lorsqu’on l’observe habillé, on a l’impression qu’il bande constamment sous sa braguette. Ce qui attire inévitablement, inéluctablement, les regards envieux, mâles ou femelles. Et il en est fier, le bougre ! Tout comme il est fier des compliments concernant ses prouesses érotiques. Les louanges fusaient lorsqu’un homme quittait son lit. Il ne lésinait pas sur les efforts, cherchant toujours quelques nouveautés dans le domaine des galipettes cochonnes. Aubin n’a pas manqué de plonger dans le filet charnel qu’il lui tendait. Il n’a pas eu longtemps avant de le mettre dans son lit. La première fois c’était merveilleux. D’abord l’étonnement du gamin en subissant les caresses, les pelles. Ensuite la peur chez ce jeune homme en apercevant la matraque d’un Gus au mieux de sa forme. Les efforts d’Aubin pour sucer. Son étonnement au moment de l’habillage de la bite. Ses soupirs aux premiers coups de langue sur son anus. Ses appréhensions lors de la pénétration qui, malgré la douceur extrême, provoquait une certaine douleur. Enfin, le lâchage de foutre en généreuses giclées accompagné de râles aux sons gutturaux. Le gamin venait de connaître sa première véritable osmose avec un autre homme, un vrai cette fois. Quelques minutes de repos, et il en redemandait. Nouvel étonnement lorsque, prenant mille précautions, il s’asseyait sur la bite démesurée, la laissait pénétrer entièrement dans son anus. Comment a-t-il réussi pareil engloutissement ? Sur les conseils d’un Gus demandeur, Aubin se pistonnait hardiment. Autre nouveauté : les mains de son enculeur titillaient le bout de ses seins électrisant sa poitrine pendant que la queue tétanisait ses entrailles. Seconde éjaculation. Cette soirée fut l’occasion pour Aubin d’apprendre l’usage des préservatifs. Très ému, il s’endormait dans les bras d’un Gus transi d’émerveillements. Amour, passion, folie des sexes. Tout y passait durant la première année. Ensuite…..
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Aubin s’étire, baille, oublieux du passé. Debout devant la tente, jambe écartée, il savoure la chaleur que lui procurent les quelques rayons de soleil. Selon son Modeste de météorologiste, dans une paire d’heures un déluge devrait s’abattre. On aperçoit les premiers nuages gris pointer à l’horizon. Un tracteur arrive, conduit par l’homme aux chairs généreuses qui clame :
<< - Tu veux que j’t’emmène ? J’vais au pat’lin dans dix minutes.
- D’accord, je serai prêt. >>

L’esprit encore accaparé par les folies de la nuit, Aubin s’habille. Peu de choses à acheter en ce lundi : son amant lui a laissé pas mal de nourriture du pays. Il lui a même prêté une glacière. En chemin, aubin observe :
<< - Je ne t’ai pas entendu partir, ce matin.
- Pour sûr ! T’en coinçais un bon peu à 5 plombes. Tu sais, j’suis content d’nous. C’est la première fois que j’reste deux nuits avec un autre cul que celui d’bobonne. L’tien est accueillant, faut dire. Ça t’branche une rebelote c’soir ?
- Avec grand plaisir. Mais ton cul n’est pas mal non plus.
- Si on continue, on s’ra comme si on était marida, moi et toi. >>

Et de rire de sa plaisanterie. Aubin descend de l’engin peu avant l’entrée du village. Dans le magasin, les mêmes commères le zieutent, murmurent à son sujet. Il décide de se montrer un peu plus urbain, presque joyeux. L’une d’elles, plus courageuse que les autres, en profite pour entamer la conversation. Il répond aimablement. Quand vient son tour d’être servi, il s’excuse poliment auprès de la dame. Face à Mikael, il remarque la froideur de celui-ci, ses yeux rougis ornés de cernes. La beauté du jeune homme en a pris un coup durant le week-end ! L’évidence se manifeste à l’esprit du vacancier : il a devant lui un jaloux. Mais de qui ? De Modeste ou d’Aubin ? Ce dernier paye ses achats qu’il emmène avec lui vu leur faible poids. Il se sent le cœur léger, parcourt le trajet d’un pas allègre. Arrivé sur place, il profite des dernières apparitions du soleil pour "prendre un bain" dans la rivière, histoire de se décrasser intégralement.

Alors qu’il boit un capuccino, assis non loin de son abri, Aubin voit Mikael se diriger vers lui. Une fois tout près, il s’assied. Passées deux longues minutes silencieuses, il renifle à plusieurs reprises, éclate en sanglots. Il grogne, plusieurs fois :
<< - L’a jamais passé même une seule nuit avec moi. Pourquoi ? >>

Pas besoin d’explication. Donc il ne s’agissait que de ça : Modeste n’a jamais passé une nuit en sa compagnie. Aubin attend que le gros du chagrin soit passé. Il pose sa main sur l’épaule de Mikael, suggère, d’une voix apaisante :
<< - Modeste n’a jamais eu l’occasion de passer une nuit avec toi. Si je n’avais pas été là, c’est avec toi qu’il serait resté toute la nuit.
- Tu crois ? Tu dis pas ça pour me consoler ?
- Non, je le pense. Quand tu as su que sa femme partait, tu aurais dû lui demander.
- Et où qu’on aurait été, hein ? Chez lui, y peut pas. Chez moi y’a mes parents.
- Pourquoi il ne peut pas chez lui ?
- Ben parc’qu’il habite chez l’patron, pardi ! Tu sais, j’ai souvent pensé à ça.
- Tu es amoureux de lui ?
- Non ! Mais j’voudrais autre chose qu’des coups vite fait dans la p’tite baraque, c’est tout. Surtout d’puis qu’je sais que j’peux lui prendre le trou. Ça, c’est grâce à toi. Tu comprends ?
- Écoute, je vais te prouver qu’il ne te refuse pas de passer une nuit avec lui. Vient ce soir, après le travail. Tes parents te laissent sortir, quand même.
- Ben oui, évidemment ! J’suis majeur quand même. Y s’inquiètent même parc’que j’sors jamais, l’soir.
- Alors pas de problème. On dîne tous les trois et après tu lui parleras. D’accord ?
- D’accord. T’es chouette. Moi qui croyais qu’tu voulais me l’piquer, l’Modeste. >>

Rasséréné, Mikael retourne au boulot. Aubin se morigène un soupçon : il se fiche complètement des états d’âme d’autrui. Ce qui l’intéresse actuellement, c’est une partie à trois. Cette perspective lui met du baume au cœur. Raison pour laquelle il supporte sans rechigner le nouvel orage qui commence à poindre. Juste le temps d’aller se mettre à l’abri dans la baraque. Encore deux ou trois heures à regarder la pluie tomber !
Lorsqu’il revient au campement, Aubin constate le désastre : tout est sans dessus-dessous. La tente coincée entre deux arbres, les ustensiles éparpillés dans la nature, les vêtements trempés essaimés, tout à l’avenant. Du coup, sa bonne humeur le quitte d’autant que son projet de baise à trois en prend un sacré coup. Un ricanement attire son attention. Modeste ironise :
<< - On voit d’suite qu’t’as pas l’habitude. Et ces p’tites tentes qui s’montent toutes seules, c’est pas fait pour les orages ! T’as pas planté les piquets comme y fallait et t’as rien mis de lourd à l’intérieur pour la t’nir. Tes quatre nippes f’saient pas l’poids !
- Merci pour les conseils mais c’est trop tard. Tu aurais dû me les donner avant.
- Bon, renaude pas ! J’vais te donner un coup d’main.
- Rien ne sera sec pour la nuit.
- T’mets pas la tête au court-bouillon ! On va t’installer un p’tit nid d’amour dans la baraque. J’y expliqu’rai, au patron, y comprendra. >>

Ils se mettent à la recherche des objets éparpillés. La nuit arrive vite. Aubin sort sa lampe de poche. Modeste éclaire avec les phares du tracteur. Une silhouette, montée sur une mobylette, s’approche. Il constate, joyeux :
< - R’garde qu’arrive, Aubin. C’est l’Mika. Viens nous donner un coup d’mains, Mika ! Tu tombes bien. Si t’as rien à faire c’soir, on t’invite après qu’on a tout ramassé. >>

Aubin ne cache pas son soulagement : il craignait un refus de la part de Modeste, concernant cette soirée à trois. Celui-ci s’absente : il va chercher deux lampes à alcool, une bâche de protection pour mettre sur le sol de la baraque, divers autres objets. Lorsqu’il revient, Aubin constate :
<< - Je crois qu’on a tout retrouvé.
- Alors on fout l’camp, fissa, j’ai l’estomac qui gargouille. L’est vide le pauvret. Avant, on calfeutre la porte et la fenêtre. >>

Mikael, le plus heureux des trois, se jette contre Aubin, plaque ses lèvres contre les siennes, puis s’approche de Modeste à qui il inflige le même traitement. Un Modeste qui, sitôt sa bouche libérée, prophétise :
<< - C’est qu’ça demande un fourre-tout à trois, l’polisson ! Ben pas d’refus, mon p’tit poulet. J’ai jamais fait. Faut savoir se r’nouv’ler dans la vie. Après, tu t’mettras au milieu, pour dormir, on t’tiendra chaud, moi et l’Aubin, pour sûr. >>
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Attendrissant le couple Modeste, Mikael. Le premier mange assis, la tête du second sur les genoux qui grignote couché. Aubin observe leurs mignardises. Il se fait l’effet d’un supplément au festin que les deux veulent se donner. Il se rend compte, également, qu’il n’est pas des leurs, un étranger en quelque sorte, une pièce rapportée dans le cadre de leurs amours. Si ces deux là ne s’aiment pas, alors on se demande ce que c’est ! Ils ne connaissent pas, ou ne veulent pas connaître, leurs véritables sentiments l’un envers l’autre. Telle est la réflexion d’Aubin qui se contente d’un repas léger avec dégustation modérée de vin. Modeste ingurgite comme à son habitude, gloutonnement, passionnément, joyeusement. Mikael picore plus qu’il ne mange, déjà grisé par les deux verres de vin absorbé, euphorique en somme. La dernière bouchée avalée, on débarrasse pour faire de la place à ce qui ne tardera pas à devenir un lupanar. Dans ce qu’a ramené Modeste, on trouve plusieurs couvertures en remplacement du duvet mouillé. Tout le monde s’allonge, Mikael au milieu. Alors commence un ballet érotique à deux avec péripéties en solitaire pour le troisième. Modeste et Mikael, tendrement enlacés, ne décollent pas leurs lèvres, ne décrochent pas leurs mains agrippées à leur corps respectif. Les bassins se malaxent permettant aux bites de se frotter. Aubin comprend qu’il joue véritablement le rôle de la pièce rapportée. Il se glisse derrière Mikael, le sodomise calmement, une fois le préservatif posé sur sa matraque. L’enculé gémit, les sons étouffés par la pelle que lui roule Modeste. Le couple ne cesse de se mignoter. Le solitaire d’enfiler. D’ailleurs, il change de capote et de trou, pénétrant à fond le cul de Modeste qui grogne à son tour. Nouveau changement : les deux se taillent une pipe au rythme de succions baveuses. Aubin retourne vers Mikael pour se finir dans Modeste pendant que ces deux crachent leur jus sur leur visage. Pause café, sans alcool. La séance reprend. Le couple s’empare de la queue d’Aubin, qu’ils positionnent entre leurs lèvres. Ensuite, baisers goulus avant la prise de la pastille d’un Aubin en folie. D’abord c’est Modeste qui l’enfile, laissant Mikael l’enfiler. Puis les rôles sont inversés : Mikael encule Aubin et se fait enculer par Modeste. De nouveaux sons gutturaux jaillissent des gosiers quand les coulées de sperme explosent. Seconde pause au cours de laquelle on discute des novations en matière de baise. L’idée de double pénétration surgit. Les regards des aînés se tournent vers un Mikael apeuré qui cède sous condition :
<< - J’dis pas non. Mais faut qu’on y passe tous. Et on s’arrête si ça fait trop mal. >>

Accord conclue. De la théorie on passe à la pratique. Le plus initié à la chose, c’est Aubin, qui positionne son monde, jouant le receveur en premier. Révélation pour les deux autochtones lorsque leurs vits se rencontrent dans l’anus. On ne fait aucun geste brusque. Les pénétrations se déroulent dans un frisson de sensualité générale. Heureusement, Aubin avait prévu, dans son bagage, le lubrifiant indispensable à de telles prouesses. Timide, craintif, Modeste se dévoue en second. Changement de capotes, applications généreuses de lubrifiant. L’enculé s’assied sur la bite d’Aubin qu’il se fourre d’un coup dans le fion puis se penche. Dans l’attente de la seconde queue, il roule un patin à son enculeur. Mikael se place derrière lui, glisse sa queue le long de l’autre, pistonne langoureusement. Modeste, passée la petite douleur du début due à la contraction provoquée par la peur, connaît un moment de jouissance inespérée. Ses petits cris grossissent l’envie chez Mikael de prendre sa place. Exécution immédiate. Fier de ne pas se montrer plus faible, le nouvel enculé s’en donne à cœur joie et à chœur joie. Assis sur son amant en titre, il le gratifie de moult pelles pendant que la tierce personne entre son gros braquemart afin de coulisser contre celui plus long mais aussi plus imposant, déjà présent dans les entrailles. Apothéose en gémissements majeurs pour éjaculations finales. Trois hommes, épuisés par leurs efforts, soûlés de griseries sexuelles, s’effondrent sur la couche improvisée, s’endorment profondément. Vers les 2h1/2, Aubin, transi de froid, ouvre un œil. La lune envoie ses rayons à travers les espaces de la tenture posée contre l'entrée sans porte. Il voit deux hommes enlacés, quasi enchaînés l’un à l’autre, enroulés dans les couvertures. Il s’habille afin de ne pas attr la crève, se rendort. Un peu plus tard il se réveille de nouveau : Modeste et Mikael s’apprêtent à partir, il est 5h. Le premier conclue cette série d’amours effrénées :
<< - Y’a pas à dire, c’est quèqu’chose, à trois ! Dis, Aubin, tu comptes finir tes vacances ici, par ce temps-là ?
- Je ne sais pas. Pourquoi, je te gêne maintenant ? >>

Modeste ne répond pas : oui, il est gêné. Pour ne pas blesser son partenaire de baise de la veille, il dépose un baiser rapide sur ses lèvres avant d’ordonner à Mikael :
<< - Faut qu’on y aille, mon p’tit lapin ! >>

Le petit lapin se contente d’un signe de main en guise d’au revoir à Aubin. Avant de sortir, Modeste ajoute :
<< - J’vais parler au patron pour qu’tu reste ici l’temps prévu, si c’est c’que tu veux. On va plus s’revoir, j’travaill’rai plus dans les parages, on a fini ici. Quand tu partiras, laisse les affaires, j’viendrai les enl’ver, t’en fais pas. >>

Il s’éloigne, Mikael à ses côtés. Il entend une dernière phrase de Modeste :
<< - Juré ! On va s’débrouiller pour passer une nuit rien qu’tous deux, d’temps en temps. >>
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Décidément, la météo ne s’arrange pas. Ciel gris, bas, menaçant. Sol humide, arbres aux feuilles qui commencent à tomber. Pour Aubin, la situation se complique : camper devient impossible, vivre dans cette baraque sans porte ni fenêtre n’est guère recommandé. Il n’a même plus d’agréable compagnie, depuis quatre jours. Ils l’ignorent, dorénavant : de cela il est certain. Quand Mikael et Modeste se sont-ils parlé ? Probablement dans la nuit après les ébats à trois. Se sont-ils vraiment découverts ? Possible. En tout cas il ne les intéresse plus comme s’il avait « dépensé » tous ses charmes au cours de cette partie. Encore qu’ils n’aient porté que peu d’attention à Aubin si ce n’est pour leurs propres satisfactions. Il hausse les épaules : ainsi va la vie !
Première urgence : lessive si faire se peu. Ensuite procéder à une toilette malgré les circonstances. Enfin, décider de l’avenir.

Alors qu’il n’a pas achevé d’étendre ses vêtements, une voix féminine, provenant de la route, vient le distraire :
<< - M’sieur Aubin ! M’sieur Aubin ! Vous pouvez m’aider, s’y vous plaît ? >>

Il reconnaît une des matrones qui l’a abordé un matin, suite à son opération « élan de sympathie ». Il s’approche d’elle, constate son embarras : vélo par terre, courses éparses sur le bitume, la dame assise dans le fossé, cheville foulée. Elle narre l’incident, jurant ses grands dieux qu’elle ne comprend pas comment elle en est arrivée là. Coupant court à son monologue, il propose de l’aider à se relever. Elle rétorque :
<< - Si ça vous fait rien, ramassez d’abord les commissions, va.
- Non, je vais d’abord regarder votre cheville. >>

Diagnostic évident : cheville très enflée, marche impossible sans aide. Aubin décide, d’un ton qui ne veut pas entendre de réplique :
<< - D’accord, je ramasse vos affaires. On les laisse dans les sacs avec le vélo, dans un coin. Ensuite je vous emmène à la baraque ou vous attendrez que j’aille chercher pour vous ramener chez vous. Pour ça, j’emprunte votre vélo, ce sera plus rapide. >>

La blessée se laisse aller, comprenant bien que seul Aubin peut la tirer de là, peu désireuse d’attendre un éventuel passage de véhicule. Cinq minutes plus tard, installée sur les couvertures qui, la veille, servaient de couche pour orgie, elle gémit discrètement, laissant son sauveur se charger du reste après lui avoir indiqué son domicile.
Le sauveur en question ne perd pas de temps en chemin. Le patron de la dame, alerté par Aubin, ordonne à son chauffeur d’aller récupérer son employée et, dit-il, tout le tintouin. L’homme à l’uniforme impeccable ne traîne pas. Madame la patronne, qui assiste à l’entretien, propose au visiteur un rafraîchissement, il accepte. Dans le fond, ce dérivatif lui permet de passer le temps, sans trop s’enquiquiner, espérant que ses vêtement seront bientôt secs car, croit-il, il vient de décider d’aller "vacancer" ailleurs, comme il dit. Politesses d’usage : présentations, questionnements se voulant discrets. Madame, tout à trac, s’inquiète :
<< - Mais qu’est-ce qu’elle faisait sur cette route ? Elle n’avait aucune raison d’y aller. >>

Aubin se garde bien de lui apprendre que seule la curiosité a poussé la bonne dans le coin. Il note le côté charmeur de Monsieur. Un petit rondouillard, qui, jadis, devait en faire baver à ses collaborateurs. Elle, plus grande, genre majestueuse dans ses rondeurs, montre une certaine bonhommie. Ils n’ont pas dû souffrir beaucoup, ces deux là ! Combien d’années à eux deux ? 120 ? 130 ? Plus ? Pas d’âge, en vérité. On insiste pour que le "sauveur" reste à dîner. Refus poli d’Aubin. On insiste encore. Il comprend vite le but de la manœuvre : on tient à l’avoir en guise de distraction. Ici, on s’ennuie ferme, les étrangers se font rares. On voudrait bien avoir des loisirs mais on a peur d’y laisser sa tranquillité. Il cède, précisant :
<< - Mais je dois passer au campement, d’abord. J’ai étendu du linge à sécher. >>

Madame, fille de millionnaire récemment dotée de la fortune parentale, roucoule, pleine de bonnes intentions :
<< - Mon pauvre ami, rien ne sera sec, par le temps qu’il fait ! Vous ne pouvez pas rester comme cela ! Venez dormir au chaud. Nous passerons vos affaires à la machine, ce sera plus sûr question propreté. Ensuite, au sèche-linge. Mélanie s’en chargera. Allez les récupérer ! Je n’admettrais aucune excuse pour vous défiler. Nous devons nous entraider, n’est-ce pas? >>

Aubin ne réplique pas, remercie d’un signe de tête. La voiture arrive, ramenant la blessée que l’on monte dans sa chambre. Le maître de maison est médecin à la retraite, ça tombe bien. Rien de grave, dit-il, quelques jours de repos et tout sera oublié. L’invité grimpe dans la voiture, à côté du chauffeur, un homme entre deux âges, encore appétissant mais fermé à toute approche venant d’un homme, semble-t-il. Tout au moins c’est ce qu’il ressort des tentatives discrètes d’un Aubin espiègle sans véritable intention de draguer. Il se félicite de la tournure des événements. Une bonne nuit, au chaud, lui permettra de réfléchir à sa nouvelle destination. L’expédition se déroule en moins de trois quarts d’heure, l’aller-retour plus la récupération des vêtements. À peine arrivé, Madame le mène à sa chambre (avec salle de bain privée SVP !). On met à sa disposition des vêtements dits d’intérieur. Il profite un maximum du bain très moussant dans lequel il se prélasse longuement pendant que Mélanie s’empare de tous ses vêtements aux fins de nettoyage.

La soirée se déroule dans la plus parfaite urbanité, frisant l’amicale réunion. Aubin comprend que l’ex toubib s’est fendu d’un coup de fil au propriétaire du lieu où il campait. Entre gens du même monde, on se comprend, n’est-il pas ? On se refile des informations, aussi. Café, pousse-café, on continue de palabrer. Aubin se demande depuis combien de temps ces gens n’ont reçu personne, en dehors des habitués du patelin ? Un bail, pour sûr comme dirait Modeste. Enfin, Madame donne quelques signes de fatigue, ou de lassitude, impossible à définir. Galant, Monsieur présente ses excuses à leur invité alléguant qu’ici on se couche très tôt. Aubin se lève, salue ses hôtes en se confondant en remerciements puis gagne sa chambre.

Un lit moelleux ! Mais qu’est-ce qui lui a pris de partir à l’aventure, fin septembre début octobre, avec l’idée de camper ? Il se demande quel grain de folie lui a traversé la tête au moment de prendre cette décision. Certes, la campagne c’est beau, aéré. Mais avec tout le confort, pas sous une tente qui s’envole au moindre coup de vent et pas en période automnale alors que les derniers orages dévastent tout, que le froid plombe les soirées écourtées par une nuit de plus en plus précoce ! Il devait être fou, lui Aubin, de s’engager ainsi pensant prendre du repos. Certes, la première semaine s’est bien déroulée grâce, en grande partie, à la présence de Modeste et Mikael, présences chaleureuses s’il en est. Ce souvenir revigore ses sens tout comme la douce chaleur de ce lit à baldaquin. La main s’attarde sur le bas-ventre, l’autre sur un téton. Un des grands plaisirs d’Aubin, lorsqu’il s’accorde une séance en solo, c’est le noir. Il lui semble mieux fantasmer, pas distrait par ce qui l’entoure. Abandonnant ses réflexions, il porte son attention sur sa queue qui gonfle, ses doigts qui s’infiltrent dans son anus. Ses tripes frissonnent pendant que le foutre s’éjecte. Rapide passage sous la douche avant de s’endormir.


À suivre…



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