Evasion (3)

La nuit n’a pas porté conseil. Aubin s’apprête à quitter les lieux, après le petit déjeuner servi dans le jardin d’hiver où le rejoint son hôte :
<< - Content de vous voir, mon cher Aubin. Je vais être direct. Hier, j’ai pu apprécier un peu de votre personnalité. Vous me semblez débrouillard, instruit. Je sais que vous êtes en année sabbatique mais ce que je vais vous proposer ne devrait pas vous déplaire. Voilà ce dont il s’agit. J’écris un livre sur notre village dont le passé historique n’est pas inintéressant, loin de là. Je suppose que vous êtes familiarisé avec internet. Personnellement, je passe mes journées, ou presque, dans les archives municipales, dans les presbytères du coin ou chez les particuliers. Ici, ce sont pour la plupart de très vieilles familles ayant racine depuis plusieurs siècles. Mon épouse ne s'intéresse pas à ma petite marotte. Je n’ai personne pour m’aider et votre rencontre tombe à pic d’autant que je suis peu doué dans l’art de déjouer les pièges du web, comme on dit. Bien entendu, vous seriez nourri, logé blanchi avec des émoluments. Cela ne devrait pas durer plus de trois à quatre semaines. Ne me répondez pas tout de suite. Réfléchissez. Nous pourrions en reparler ce soir au dîner. Qu’en pensez-vous ?
- J’ai prévu de partir d’ici une heure environ.
- Rien ne presse, mon cher Aubin, rien ne presse ! Une journée de plus ou de moins... Si vous persistez à vouloir nous quitter, eh bien vous le ferez demain ! >>

Aubin se concentre quelques secondes avant d’accepter de remettre son départ au lendemain. Heureux de cette décision, l’ex médecin ajoute :
<< - Parfait ! J’ai préparé un petit dossier à votre attention, histoire de vous donner un aperçu. Lisez-le si cela vous dit. Ah! Une dernière chose, mon épouse serait très heureuse si vous nous appeliez par nos prénoms. Elle c’est Mathilde, moi Paulin. >>

Alors qu’il se prélasse sous les premiers rayons de soleil de la semaine, Aubin décide de rester.

Après tout, que risque-t-il ?
Dans la soirée, discussion devant une fricassée de perdreaux. Mr Paulin ne veut rien entendre : il refuse l’offre de bénévolat de la part d’Aubin. Ce dernier insiste : ou il effectue ces recherches gracieusement ou il part. Mme Mathilde intervient. Son époux cède à une condition :
<< - Bon, d’accord mais je mettrais un petit remerciement vous concernant, dans l’avant-propos du livre. J’y tiens. >>

La collaboration commence le lendemain matin même.

Le travail n’a rien d’écrasant, une fois le léger retard rattrapé. Aubin dispose de pas mal de temps libre. Mathilde passe le plus clair de ses journées à papoter avec ses copines, tantôt chez l’une, tantôt chez l’autre. Le personnel de la maison se fait le plus discret possible. La nourriture est délicieuse, variée, copieuse. Le nouveau « secrétaire » commence à se plaire, ici. Il ne fréquente plus le commerce du village où, maintenant, on croit tout savoir de lui. Ce que l’on ne sait pas, on l’invente.
Lors d’une promenade digestive, aux environs de 14h, Aubin remarque un groupe de jeunes, filles et garçons, une quinzaine à peu près. Cette jeunesse, ici, le surprend. Il s’était presque convaincu de ne voir que des gens âgés dans ce patelin. Il continue son chemin. Une vraie vie sociale manque à son bonheur. Certes, Mathilde et Paulin sont le charme personnifié, mais question érotisme…. Le chemin devient boueux. Aubin fait demi-tour. Presque plus personne chez les jeunes, tout au moins dehors. On danse, portes et fenêtres fermés. Est-ce l’heure des coquineries ? Certainement pas, les parents ne doivent pas être loin. Un garçon, 21 ans à peu près, déambule, mains dans les poches. Il salue le promeneur qui note le sourire parfait, les yeux scrutateurs. Il répond :
<< - Vous prenez l’air entre deux volutes de fumée ?
- Oui et non. Disons que je ne me sens pas très à l’aise.
- Moi je m’appelle Aubin. Je suis ici pour quelques semaines.

- Elias, ravi de te rencontrer. Ma cousine m’a invité. Je repars demain. Tu te promènes ?
- Comme tu vois. Je passe le temps.
- Ça te dirait de venir à la fête ?
- Merci, mais je n’y tiens pas trop, Élias
- Moi non plus, en réalité. Si on faisait un bout de chemin ensemble ?
- Va pour le bout de chemin !
- Arrête-moi si je me trompe. Tu es chez Mathilde et Paulin, n’est-ce pas ? C’est toi qui lui donne un coup de main pour son fameux bouquin ?
- Exact… >>
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Dans sa chambre, Aubin tente de retrouver le parfum d’Élias, sa démarche, la douceur de sa peau effleurée à maintes reprises, le son de sa voix calme et énergique à la fois. Une compagnie aimante arrangerait bien des choses, entre autres l’humeur. Aubin se contemple dans la glace collée à une porte de placard mural. Ce séjour campagnard produit sur lui le meilleur effet ! Il lui semble contempler un autre corps que le sien. Aucune vilaine trace d’une vie débridée. Oui, cette quasi retraite sied à son corps. Pour la première fois depuis son départ, il se demande ce que devient Gus. Il écarte le sujet : il se doit d’oublier, vivre autre chose, loin de toute l’agitation de jadis, des pièges de jadis, de l’enfer de jadis.

Aubin, tenue correcte exigée, pénètre dans la salle à manger à 20h pétantes.
Ce soir, grand raout mondain ! Nombre d’inconnus papotent. Il ne cache pas sa surprise en apercevant Élias en conversation avec Mathilde qui, le voyant, se charge des présentations. Sourires complices des deux garçons qui se gratifient d’une chaleureuse poignée de mains, un peu plus longue que la bienséance l’exige, ce dont personne ne se rend compte. Leur plaisir augmente lorsqu’ils se voient mis côte à côte pour le dîner.
La maîtresse de maison s’est surpassée, tout au moins sa cuisinière. Les plats défilent, se vident intégralement. Par moment, les seuls bruits que l’on discerne sont ceux de la mastication, de la déglutition.
Aubin et Élias, dès que la situation le permet, se font du genou-genou, se frôlent les cuisses ou flirtent avec leurs pieds. Au dessert, le second murmure à l’oreille du premier :
<< - Une promenade digestive, ça te dirait ? Pas longue, évidemment. Juste pour aller jusqu’à mon palace privé. >>

Aubin opine du chef. Il remarque que Paulin l’observe. Après dîner, les quelques jeunes présents se retirent, poliment, prétextant leur retour à l’université le lendemain. Élias les imite, Aubin s’excuse et veut se retirer dans sa chambre.
Les deux jeunes gens se retrouvent, cinq minutes plus tard, derrière la maison. Ils prennent un petit sentier menant tout droit vers un bungalow. Élias précise :
<< - Mes parents ont fait construire ce truc en dépannage quand nous avons trop de monde à coucher. On ne s’en sert jamais. Sauf moi quand j’ai la chance de trouver la perle rare.
- Ils sont au courant ?
- Non, pas du tout. >>

L’endroit, simple, fonctionnel, très propre, manque de chaleur. Heureusement, les futurs amants se noient regards dans regards, oublieux du décor. Les vêtements glissent au sol, aidés par des mains adroites aux doigts agiles. Lèvres contre lèvres, corps contre corps, deux êtres se livrent aux délices de la chair, sans retenue, seulement soucieux des plaisirs à donner et à prendre. Ils devinent les sexes coulisser entre les bas-ventres tandis que les corps ondulent en un ballet où deux danseurs ne veulent en faire qu’un. Les jambes se croisent, se mêlent. Les peaux, maintenant totalement à nu, s’électrisent mutuellement. L’appel d’une possession complète devient de plus en plus pressant. Les mains virevoltent, procurant les caresses magiques. Une sorte de féérie s’empare des amants devenus subitement prestidigitateurs dans l’art d’aimer charnellement. Ils ne prennent pas le temps de se contempler, trop désireux de se savourer. Les deux hommes balancent doucement leurs corps vers le sol où ils s’étendent toujours unis.
Très vite, les langues s’occupent de taquiner les queues en effervescence, dans des succions gloutonnes accompagnées de diverses manipulations aux doigtés expérimentés. Les nerfs frémissent, les muscles se tendent. Un braquemart se présente devant une rosette, s’introduit délicatement dans un anus afin d’y créer une sensation de bonheur inoubliable. Aubin gémit au moment de l’intromission, s’ouvrant au maximum, gourmand de posséder entièrement le vit d’Élias dans ses entrailles. Commence une autre ondulation : celle provoquée par le pistonnage. Les mouvements langoureux deviennent de plus en plus rapides pour ralentir d’un coup alors que des jets de foutre inondent la capote pendant que d’autres arrosent généreusement corps et moquette. Apaisés, les amants s’accordent quelque répit. La queue sort de son habitacle. Débarrassée de son indispensable latex, elle repose, flasque, sur le ventre d’un Élias satisfait, heureux de sentir les caresses et les baisers d’un Aubin impatient de renouveler les ébats. Ce qui ne tarde pas. De nouveau en éveil, les bites se dressent fièrement. Des doigts s’en emparent, leur imposant une masturbation au rythme lent. Scellés par leurs lèvres, les garçons échangent leurs passions charnelles d’un moment. Pas de fellation, pas de sodomie, juste une branlette. Ils éjaculent, l’un après l’autre, l’un sur le visage de l’autre en se rendant la politesse. Sourires, taquineries, ils étalent leur semence sur les joues, contents de cette petite polissonnerie. Toujours tendrement enlacés, ils s’épient, se titillent, se bécotent, se lèchent, se sucent, se bouffent la rosette avant de permettre à la queue d’Aubin de pénétrer dans le cul d’un Élias qui manifeste sa joie d’être ainsi empalé. Nouvelle séance de pistonnage, nouvelles giclées de sperme, nouveaux instants de taquineries.

Aubin, d’une voix gorgée d’émotion, murmure à regret :
<< - Je dois y aller. >>

Après mille et un baisers, mille et une caresses, ils se lèvent, se rhabillent sans mot dire. Une fois prêts à quitter l’endroit, Élias déclare calmement, tendrement :
<< - C’était trop merveilleux. Recommencer serait détruire le souvenir de telles étreintes. Restons-en là, veux-tu ? >>

Une réponse s’avère inutile. L’un regagne le logis familial, l’autre fait quelques pas avant de rejoindre celui de ses patrons.

Aubin traverse le salon, chaussures à la main. Il gagne sa chambre sans même s’apercevoir d’une présence dans un des vastes fauteuils. Chagrin mais rasséréné, Paulin monte se coucher dès que son "secrétaire" a refermé la porte de sa chambre.
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Le lendemain, lors du déjeuner, sans Mathilde partie chapeauter une quelconque œuvre de bienfaisance, Paulin et Aubin se retrouvent en tête-à-tête. L'un paraît sombre. L'autre rêvasse. Les deux grignotent leurs assiettées de ris de veau à l’ancienne. Enfin, le maître de maison s’inquiète:
< - Je me demande si vous ne vous ennuyez pas parmi nous, Aubin. Vous êtes jeune, vigoureux, plein de vie. Je me trompe ?
- Oui, vous vous trompez. Certes, je ne passerai pas ma vie ici. Mais, pour l’heure, je suis bien, même si parfois je m’ennuie. J’ai l’impression qu’ici on ne connaît pas la méchanceté, la jalousie, que tout est serein. Je sais qu’il n’en est rien. Tant pis, je veux le croire, j’en ai besoin.
- Je crois vous comprendre, Aubin. Nous aimerions, Mathilde et moi, vous aider à retrouver cette joie de vivre que vous ne semblez plus guère éprouver. Non ! Ne dites rien et ne vous croyez pas tenu de me faire des confidences. Je vous exprime simplement ce que nous ressentons. Sachez seulement que, quelles que soient les épreuves que vous avez subies, la vie doit reprendre le dessus, le goût de vivre, devrai-je dire. Vous êtes un très beau garçon, bourré de qualités, très attachant. J’allais dire très attirant. Ne gâchez pas tout cela. >>

Paulin regarde tendrement son vis-à-vis qui le remarque, le remercie avec un large sourire.
L’après-midi studieuse accapare les deux hommes. Aubin note certains frôlements de la part de son patron. Cette attitude cause chez lui une certaine répulsion incontrôlable qu’il tente de cacher avec difficulté. Cet homme légèrement bedonnant, presque chauve, lui rappelle trop certains personnages jadis fréquentés. Reviennent en mémoire les effleurements sur ses fesses, les regards énamourés mais ô combien salaces ! Plus jamais ça, se dit-il ! Il exige du jeune, du ferme ! Modeste oui ! Mikael oui ! Élias oui ! Paulin jamais !

La soirée se prolonge plus que de raison. Mathilde se fait maternelle avec ses deux hommes, comme elle dit. Paulin lance quelques œillades à un Aubin devenu distant, qui se promet de fermer sa chambre à clé pour la nuit. La pensée de quitter les lieux au plus tôt s’ancre dans son crâne. Le temps se fait clément : plein soleil la journée accompagnée d’une certaine tiédeur de l’air, ciel clair la nuit sans frimas automnaux excessifs. Un bus passe deux fois par jour qui pourrait l’emmener vers une destination au hasard de son humeur. Pourquoi ne pas reprendre contact avec Mikael et, par lui, avec Modeste ? Après tout, ils ne l’ont pas définitivement repoussé. Reste à annoncer la nouvelle à ses hôtes. Quelle explication leur donner ? Qu’importe ! Il n’a aucun justificatif à fournir, il est libre.

Nuit de sommeil profond, sans rêve. Première nuit calme, en vérité. Aubin pense avoir passé le plus dur dans sa quête à l’oubli. En bas, une voiture démarre. Il regarde par la fenêtre : Paulin s’en va pour la journée. Aubin procède à sa toilette, descend prendre le petit déjeuner. Il croise Mathilde affairée, la salue courtoisement. Elle s’arrête, l’accompagne dans la salle à manger, s’assied en face de lui :
<< - Aubin, je devine que vous envisagez de partir. Inutile de le nier. Notre petite communauté n’est guère folichonne pour un jeune comme vous, habitué à une vie bien plus exaltante que la nôtre.
- Mathilde, croyez bien que…
- Laissez-moi parler, Aubin. Merci d’avance. Je connais mon mari, mieux que vous ne le pensez. Je sais ses, comment dire… ses errances. Notre mariage est de raison, pas de cœur. Ce qui n’empêche nullement que nous soyons très attachés l’un à l’autre. Nous avons une totale confiance l’un envers l’autre. Nous ne nous cachons rien. Il m’a parlé de son… errance vous concernant. Nous avions cru fonder une famille et projetions d’avoir au moins deux s. Ma nature nous a refusé cette joie. Néanmoins, notre amitié, que je qualifierai d’amoureuse, n’a jamais faiblie. Nous sommes à un âge où tout devient difficile : trop de choses s’achèvent ou vont s’achever à très court terme. Paulin résiste de plus en plus désespérément contre ses penchants véritables qui, vous l’avez compris, l’entraînent vers vous. Votre départ précipité serait dommageable pour lui. Restez jusqu’à la fin prévue. Je vous assure qu’il ne fera rien de déplacé à votre encontre. Sa timidité naturelle l’y aide énormément, tout comme ma présence. Mais la vôtre, de présence, lui apporte beaucoup. Si vous jugez ne pouvoir rester, je respecterais votre décision sans une once de reproche. Dans ce cas, mon mari ressentirait ce départ avancé comme un rejet de sa compagnie. Je m’exprime mal mais j’aimerai tellement que vous me compreniez… >>

Aubin rassure : il restera sous réserve d’un comportement irréprochable de Paulin, pas de gestes équivoques, pas de paroles oiseuses. Mathilde promet, elle y veillera personnellement assurant ne plus avoir d’occupation en dehors de la maison durant plusieurs semaines.

Aubin se met au travail. Vers 16h, il décide d’une promenade qui le mène au village où une envie de glace s’empare de lui. Il se rend au magasin unique. Surpris par cette visite, Mikael ne retient pas un :
<< - Qu’est-ce tu fais là ? J’te croyais avec les rupins ? >>

Aubin hausse les épaules. Paye son achat tout en commençant à déguster le cône. Le jeune rend la monnaie, chatouille la paume de la main de son client (vieille coutume de dragage aujourd’hui totalement désuète) suggère :
<< - Tu m’as manqué, si on s’revoyait ? Dis pas qu’tu me fais la gueule. J’pense souvent à toi, tu sais. Non vrai, juré ! >>

Rendez-vous est pris. La chaude présence de Mikael fera passer la lourde, mais froide, présence de Paulin.
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Gus déambule dans la chambre, leur chambre. Il revoit le corps d’Aubin lascivement allongé sur le grand lit, sa grosse queue mollement posée sur une de ses cuisses. Il imagine les bourses velues, brunes, dont il ne tâtera plus les contours. Sans cesse, il se répète ce prénom : Aubin ! Assez pleuré ! Il faut passer à l’action, le rechercher, le ramener. Et ce, d’autant que la situation ne s’arrange guère pour le beau Gus. Les finances sont au plus bas. Pour lui, économiser ressort de l’inimaginable, de l’impossible. Dès qu’il possède quatre sous, il les dépenses, sans se soucier du comment subvenir au minimum exigé par une survie. Il est vrai qu’avec Aubin, l’argent rentrait facilement, régulièrement, de quoi bien vivre. Tous deux formaient une paire d’enfer ! C’est, du moins, ce que croyait Gus, à tort puisque l’autre s’est fait la malle. Par où commencer ? Impossible d’aller quémander un renseignement dans les lieux qu’ils fréquentaient : la fierté, l’amour-propre de Gus ne supporteraient pas d’avouer qu’il s’est fait plaquer. Idem pour leurs amis communs qui, du reste, l’ignorent de plus en plus. Il devine les ricanements des uns et des autres, trop heureux de le savoir seul, perdu, sans un rond. Alors ?
L’allure élégante, vêtements dernier cri, Gus déambule dans son quartier favori. Là vivent les plus beaux spécimens mâles, selon ses goûts. Trouver un cœur à prendre avec tout le reste, recommencer une vie décente avant de se mettre en quête de l’oiseau envolé. On le remarque, le Gus. On le connaît. On le chérit… de loin. On s’en méfie. Cependant, on ne lui résiste que peu de temps. Pensez ! Un tel engin, on ne s’en prive pas quand on l’a à sa portée. Tout un chacun n’a d’yeux que pour le bellâtre qui se pavane, braguette en avant. Il sait son charme, n’en joue pas : les proies fascinées ne demandent que sa présence pour l’adorer. Michette, un travesti tout frais émoulu des hautes études en tantouzeries, clamait jadis, à qui voulait l’entendre, parlant de Gus :
<< - Si le diable lui ressemble, je vais de suite en enfer, quitte à ce qu’il m’ignore pour toujours. Aimer sans retour, ça c’est de l’amour ! >>

Pour le moment, les pensées de Gus voguent vers d’autres sujets. Voilà qu’il n’arrive pas à savourer la plastique des mecs qu’il croise. Pourtant, ils ne manquent pas d’attraits. Constamment, le corps d’Aubin supplante les autres dans sa tête. Un tantinet chagrin, Gus convient qu’il est amoureux du fugitif. Impossible ! Entre eux, seuls le cul et les affaires comptaient. Tout au plus l’habitude de bosser ensemble, de baiser ensemble… non, pas de sentiment dans cette relation là. Va pour l’habitude, un vide laissé par le départ, vide à combler rapidement. Pourtant…. Ces petits tiraillements au niveau des tripes prouvent qu’autre chose existait, existe encore.

Gus s’assied à la terrasse fermée d’un troquet, commande un martini bien frais, sans glaçon. Tandis qu’il déguste son apéritif à petites gorgées, sa longue queue pénétrant le magnifique cul d’un Aubin aux anges s’imprime dans sa tête. Comme il aime se faire sauter, le bougre ! Et cette queue aux proportions bizarres : gros diamètre, longueur moyenne. Comme il la voudrait dans ses mains ! Rien qu’en y pensant, il bande. Inconsciemment, sa main caresse la braguette, sous le guéridon. Il lui en a fallu du temps et de la patience. C’est qu’il était têtu, l’Aubin ! Faut ce qu’il faut pour se faire obéir ! Quelques horions bien tassés, bien placés, se sont avérés indispensables à une bonne éducation. Il a rapidement compris où était son intérêt. Pour cela, il avait une raison qui primait sur toutes les autres possibles : être le seul à s’envoyer en l’air avec le beau Gus ! Rares sont les mecs qui peuvent se vanter d’une telle prouesse. Car Gus est un homme fidèle à son mec, qu’on se le dise! Aubin a gagné. Alors pourquoi se débiner quand tout allait au mieux entre eux? Le regard du gamin, comme il l’appelait, lui revient en mémoire. Un regard énamouré de chien fidèle. Ça, Gus ne l’a pas vu plus tôt. Maintenant, gestes, paroles, attitudes, affluent dans son cerveau. Le gamin l’aimait, l’aime probablement toujours! Mais lui, Gus, qu’en est-il? S’il en juge d’après la pelote de nerfs qui entrave son gosier, il s’avoue épris d’Aubin à en crever. Voilà la vérité vraie! Celle qu’il se cachait. Promis, s’il retrouve son petit mec, il lui dira tout ça, tout ce qu’il éprouve en ce moment. Plus jamais de coups s’il travail mal ou pas assez. Fini d’imposer le boulot, il le laissera choisir. Ils s’accorderont, ensemble, de longs week-ends et même des vacances, comme tout le monde. Tiens! Lui, Gus, le mec des mecs, tendra son cul à Aubin pour qu’il l’enfile si l’envie lui vient. Promis, juré! La main continue son massage de braguette. La queue humide au possible glisse le long de la cuisse, entre la peau et le tissu trempé de mouille. Le malaxage ininterrompu provoque une douce éjaculation. Stoïque, Gus laisse s’écouler le foutre, insouciant des conséquences. Il vient de jouir, une fois de plus, grâce à son petit mec, son Aubin. Passée l’extase, il se lève alors qu’un ravissant petit minet lui sourit en fixant la tâche humide sur le pantalon.
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Rendez-vous avec Mikael annulé pour cause de grippe. Le fils de l’épicier s’offre une 39°2 de fièvre contre 39°4 pour Aubin. Chacun de son côté bénéficie de cajoleries médicales, si l’on peut dire. Après une longue hésitation, le premier téléphone au second afin de lui annoncer son malheur. Malheur partagé. Etrangement, Modeste s’est proposé comme intermédiaire avant de succomber au virus ambiant et de se coucher chaud bouillant et toussant. Une bonne huitaine de jours, pas moins, sont indispensables avant un complet rétablissement.
Mikael reprend le boulot alors que la fièvre ne l’a pas complètement quitté, tout comme Modeste. Ce dernier constate, sans animosité mais sur un ton envieux :
<< - Les rupins ça prend l’temps. Nous, on prendra même pas l’temps de crever. Pour sûr ! >>


Aubin se rend au village. Il retrouve un Mikael enchifrené mais heureux de le revoir. Pas de cliente pour les déranger : calme plat dans le magasin. Ils échangent leurs impressions sur la grippe, ses effets, puis conviennent de se rencontrer dans un endroit plus intime.

La météo s’améliore, elle aussi, après deux semaines de pluie, de vent, de froid. Une sortie de reconnaissance en plein air permet une reprise normale des activités physiques. Trop accaparé par ses recherches, Paulin se fait rare durant les journées, discrets aux soirées, fugitif au petit déjeuner. Toutefois, il reste d’une parfaite amabilité envers tout le monde, souriant, heureux diraient certains.
Modeste, n'hésite pas à téléphoner: Aubin, Mickael, histoire de passer le temps et de prévoir quelques menus loisirs plus jouissifs les uns que les autres.
Ces coups de fils gênent Aubin qui ne peut parler librement par crainte d’être entendu. Mathilde y fait allusion lors d’un déjeuner, profitant de l’absence de son mari :
<< - Je suis heureuse que vous ayez quelques relations avec les rares jeunes du village. Cela doit vous changer. Dommage qu’il n’y ait aucune jeune fille! >>

Madame soupire, dans l’attente évidente d’une confidence de la part du convive qui rétorque :
<< - L’absence de jeune fille me convient parfaitement, Mathilde. Je ne suis qu’errances, si vous voyez ce que je veux dire et pour employer votre langage. >>

Mathilde y va de son raisonnement :
<< - Par ma foi! Je m’en doutais un peu. Raison pour laquelle je comprends difficilement votre réticence à l’égard de mon mari. Seriez-vous de ces jouvenceaux qui répugnent à fréquenter des personnes un peu plus matures qu’elles?
- Disons que, dans un passé récent, j’ai eu à en souffrir. Les matures, comme vous dites, m’effraient mais ne me répugnent pas. Je me méfie de leurs élans auxquels je suis incapable de répondre comme ils le voudraient.
- Aubin, qui êtes-vous vraiment?
- Un très mauvais sujet à étudier, Mathilde.
- Merci pour votre franchise. Je vous en apprécie d’autant. Pour en revenir au sujet des errances, Modeste et Mikael ne dédaigneraient pas d’y participer, si je comprends. >>

Aubin ne répond pas, Mathilde change de conversation.

De retour au bureau, Aubin peine à se mettre au travail. Il cogite : les matures…. Il les a quittés voilà pas mal de semaines, maintenant. En les quittant, il quittait également Gus, son Gus. Que n’a-t-il pas accepté, subi, dans l’unique perspective de devenir le petit mec du grand Gus! De ce Dieu vivant au sexe envoûtant, au corps prenant. De ce malandrin, faux casseur, véritable bourreau. De cet amant fidèle à un seul mec, à un seul cul. Ce mec, ce cul, c’était lui, Aubin! Mais la note à payer pour cette exclusivité était bien trop élevée. Il lui en a fallu du temps pour comprendre qu’une autre vie était possible, sans Lui l’être suprême. Comment l’éveil a-t-il débuté? Une réflexion émise par un rival potentiel. Mais qui n’était pas un rival potentiel? Toute la tantouzerie l’enviait, lui le petit Aubin! C’était quoi, déjà, cette réflexion? Ah oui!
<< - Aubin, la pauvre chérie! Rien dans le ventre! La lavette du Gus, son maquereau! >>

Ils erraient sur l’esplanade du château, lors d’une de leurs rares promenades en couple, le Gus et Aubin. Les paroles prononcées d’une voix forte, distincte, ne pouvaient échapper au Gus qui n’a pas bronché. Tout au contraire, fier, il bombait le torse un peu plus qu’à l’accoutumée. Vexé, Aubin ne disait rien. Mais dès cet instant, son cerveau s’est mis à gamberger différemment. Le processus, très long, s’engageait qui devait le diriger vers un départ définitif. Cela n’a pas été sans peine. Comment se passer d’un corps aussi parfait? Comment se passer de ces yeux tendres et brillants lors de l’acte sexuel? Comment se passer de ces jambes qui vous enserrent pour vous garder amant de l’autre? Que dire des frissons procurés par ce corps d’athlète qui vous transperce avec son merveilleux dard, donnant toute la sensualité dont un humain peut être capable? Difficile de se séparer d’un tel chef-d’œuvre! Mais pas impossible. La preuve, Aubin s’en éloigne avec succès, semble-t-il. Il en oublie presque les coups, les privations, les humiliations. Toutes ces saloperies émanaient d’un dieu nommé Gus. Il dominait, commandait, ordonnait, soumettait. À l’époque, Aubin se pensait faible, maladroit, idiot même. Il se disait que Gus était sévère comme un éducateur peut l’être envers un gamin indiscipliné mais auquel il est attaché. Jusqu’où s’est-il avili pour Gus? Jusqu’au fond, aux tréfonds. Il a tout donné en échange de la présence et de la queue d’un dieu appelé Gus. Pas d’affection en retour, aucune reconnaissance, aucun remerciement, que des reproches, que des colères, que des coups. Gus se persuadait être le cadeau suprême. Sa seule existence, selon lui, était une incomparable récompense aux efforts d’un Aubin estimé chose à baiser, source inépuisable de revenus.

Des bruits de pas sortent Aubin de ses pensées. Sa queue est en érection. Il quitte le bureau, gagne sa chambre. Assis sur la cuvette des W.C. il baisse jean et caleçon. D’une main ferme, il empoigne le gros cylindre largement humidifié de mouille. Les doigts branlent doucement pendant que le cerveau revit une scène érotique avec Gus. Le rythme masturbatoire s’accélère. Un jet de foutre s’élance qui retombe sur la main et dégouline en une coulée lente. Second jet, seconde coulée. Aubin plie sous la jouissance. Quelques minutes plus tard, il peste contre lui, s’injurie d’avoir cédé : quand on veut oublier quelqu’un, on ne se branle pas en pensant à lui!
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Mikael sauterait de joie s’il l’osait. Enfin la voie est libre pour cause de vacances annuelles! La boutique ferme deux semaines durant, les parents partis dans la famille. Une camionnette passe tous les deux jours, aménagée par l’épicier d’un village voisin, en guise de remplacement. Peu désireux d’aller vivre cette quinzaine chez une tante à la marmaille nombreuse, Mikael a prétexté son « reste de grippe », sa grande fatigue qu’un trop long voyage risquerait d’aggraver. Pas dupe, le père lui décocha :
<< - Y’a d’la gisquette là-dessous! >>

On ne saurait détromper l’heureux homme. Sitôt la voiture sortie du village, Mikael s’empare du téléphone. Pas un instant il n’hésite : on s’éclatera chez lui. Modeste répond favorablement, Aubin n’émet aucune objection.

Première visite de Modeste les bras chargés de victuailles et de boissons :
<< - V’là d’quoi se requinquer, p’tit lapin! Y vient l’Aubin?
- Plus tard, en fin d’après-midi.
- Alors on s’la donne tous deux, pour sûr. En plus j’ai une surprise pour toi, rien qu’pour toi.
- Dis voir.
- Demain, bobonne s’en va chez son frangin qu’a des soucis avec sa régulière : des maladies d’bonnes femmes, pour sûr. Par le fait, elle reste là-bas trois ou quatre jours. Elle emmène les mômes avec elle. V’là mon p’tit lapin, on va passer plusieurs nuits bite contre bite, rien qu’toi et moi, pour sûr. P’t’être bien qu’on s’ra bite à cul. >>

Une bonne pelle clôt l’annonce. Déjà les bas-ventres montrent certaines proéminences révélant la teneur des envies. L’effeuillage commence. Les lèvres laissent passer des langues avides de se superposer, de mêler les salives. Baisers dans le cou, petits passages dans une oreille, gobage d’un lobe puis tétons à titiller, telles sont les occupations des bouches aimantes. Au pied des amants, les habits gisent. Devenus gênants, du pied on les repousse au loin avant de se coller l’un contre l’autre. Reprise de la respiration. Toujours dans son idée de faire plaisir à Mikael, Modeste s’accroupit, happe le vit tendu au gland rougeoyant. Une de ses mains se dirige vers l’anus tout proche qu’elle taquine en tapotant la rosette avant de tenter une introduction discrète. Un passage par les muqueuses labiales permet à la phalange une entrée plus aisée dans le trou des plaisirs sodomites. Le sucé gémit, limite prêt à s’évanouir tant il savoure la fellation et les mignardises qui l’accompagnent. Modeste se relève, roule une magnifique pelle à Mikael qui, à son tour, se met à genoux et aspire la merveilleuse queue tendue à l’extrême. Il s’ingénie à la pomper avidement. Il y met tant de passion que l’autre se voit contraint de réfréner les ardeurs de son suceur sous peine d’éjaculation immédiate. Séparation de courte durée, le temps de gagner la chambre. Modeste s’assied sur le lit, bite en mât de cocagne qu’il encapuchonne d’un latex. Mikael la plante dans son anus, s’assied doucement sur les genoux de son enculeur, face à lui, et procède à un lever-baisser explosif tout en entamant une kyrielle de pelles plus gloutonnes les unes que les autres. Changement de position. L’enculé, à quatre pattes sur le lit, laisse l’enculeur enfourner sa matraque hardiment. Quelques minutes de pistonnage et on en revient à la station assise. Les organismes sont au bord de l’apothéose. Le visage de Modeste se crispe alors que sa queue éjecte son jus. Mikael frotte la sienne contre le ventre de l’autre et ne tarde pas à lâcher son foutre entre les deux corps. Les amants ne débandent pas. Les rôles s’inversent. Au tour de Modeste de recevoir la fine et longue tige de Mikael qui donne tout ce qu’il peut dans cet enculage. Ils restent ainsi, assis l’un sur l’autre. Le premier s’empalant gaiement sur le vit du second. Pelles, caresses, lècheries, complètent les joies de ces instants et laissent place aux convulsions éjaculatoires. Trempés de sueur, de foutre, main dans la main, lèvres contre lèvres, la démarche quelque peu hésitante, ils gagnent la salle de bain pour une douche coquine.

À suivre…


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