Fait Main 2

Fait main 2


Marie va-t-elle avoir la franchise de m’annoncer qu’elle me quitte? Ce n’est pas son premier souci apparemment : il y a ce bouquet de roses rouges que je ne lui ai pas offert aujourd’hui, sa présence pourrait m’étonner.

- Ma mère est folle, as-tu vu le magnifique bouquet de roses qu’elle m’a monté?

Elle dit bien « monté », ce n’est pas « offert », la ruse est subtile. Je pourrais confondre.

- Elle aurait pu éviter de jeter mon bouquet encore frais à la poubelle. Mais pourquoi a-t-elle cru bon de laisser une carte de visite au milieu des roses : craignait-elle que tu ne saches pas que c’était elle qui te les envoyait ? Vois le bristol.

J’entre dans son jeu, comme si je n’avais pas saisi la nuance contenue dans « monté », c’est pour frapper plus fort avec ce bristol étrange ?

- Ah ! Un bristol? Voyons. Tu l’as lu ?

- Oui. Tu m’as appris le langage des fleurs. J’ai cru que tu m’offrais ce bouquet pour renouveler ta déclaration d’amour passionné. A la lecture de cette carte, j’ai compris que j’avais commis une indiscrétion. Pardon.

Marie lit, son visage pâlit, devient livide. Elle empoche l’encombrant petit carton, réussit à murmurer d’une voix méconnaissable :

- Ce n’est pas ce que tu crois. Je vais t’expliquer.

Je sais. Quelle explication pourrait me détromper? Je lui laisse le temps de se remettre de sa surprise. Je me lève.

- Je te laisse coucher Daniel. J’ai besoin de marcher pour prendre l’air. Inutile de me préparer un repas du soir. Quand je reviendrai, j’écouterai des explications qui me semblent indispensables en effet. Mais évite de me mentir comme tu viens d’essayer de le faire à propos de ce bouquet. Des explications ne me suffiront pas, tu vas devoir prendre quelques décisions importantes, j’attendrai l’énoncé de tes résolutions.

Je sors. Je marche et je rumine ma déconvenue.

Pour essayer de me mettre sur une fausse piste, Marie a eu peur , a senti que je ne pouvais pas considérer comme normaux des faits dont elle avait oublié de me parler. Quelque part elle éprouve un vague sentiment de culpabilité en raison de cachotteries innocentes peut-être, mais qui peuvent prendre à mes yeux plus d’importance du fait de son silence. Lorsque je reviens son embarras est visible. Aussitôt elle veut se racheter:

- Mon amour, je t’aime, je n’aime que toi, je te supplie de me croire. Les apparences sont contre moi, je veux que tu saches ceci: je ne t’ai jamais trompé. Donne-moi le courage de continuer, embrasse-moi. Il y a un malentendu, Aloïs est célibataire, il a de l’affection pour moi et pour notre fils. Il aime faire plaisir et nous fait des cadeaux faute de pouvoir les adresser à d’autres. Suis-je coupable de les accepter ? Tu ne dois pas en prendre ombrage. Viens donc m’embrasser.

Elle est debout, ouvre son peignoir et m’apparaît nue, Ève tentatrice. Au bénéfice du doute, je la serre dans mes bras. Notre baiser est pour moi un acte de foi, pour elle le don absolu, ou c’est le pire des pièges. Nous pourrions aller au lit. Mais ce soir, Marie a décidé de se libérer.

- Vois ce grand sac poubelle, j’y ai jeté les roses rouges. J’y ajoute ce foulard, ces bas résille, ce flacon de parfum, ce collier, ce bracelet, cette broche, cette flasque de kirsch et ces deux verres, ce cendrier, ces dessous couleur chair, ce livre et ces 20 cd de variétés choisis parmi les chansons d‘amour, dans le genre: « je t‘attendrai » ou « pense à moi » ou « ne m‘oublie pas », « tu m’appartiens ». Ce sont des cadeaux offerts par Aloïs en diverses occasions. J’ai eu tort de les accepter si cela te fâche, parce qu’il a fini par envahir mon univers, par marquer notre appartement comme un matou et surtout parce que sans le vouloir je lui ai laissé croire qu’il pouvait me déclarer son amour.Je ne lui accorde rien en retour.

Elle interroge mon regard puis continue :

-Chaque « tu ne devrais pas » que je lui oppose ici, sans témoin, chaque cadeau reçu sous l‘œil attendri de ma mère, chaque merci en présence de mon père, l’a conforté dans l’ idée que je lui suis redevable, mais a été pour moi une source de tourment :Je me répète : il faudra un jour justifier ma conduite aux yeux de mon amour Nous y sommes, je le savais et je le redoutais.
Aujourd’hui, je suis désolée de m’être tue aussi longtemps, je suis honteuse de la peine que je t’ai faite, je t’en demande pardon. Mais enfin l’abcès est crevé et j’en suis soulagée. Je vais déposer ce sac sur le trottoir, le camion poubelle l’emportera demain matin. Voilà une preuve matérielle que je ne tiens pas à Aloïs ou à ses essais de me séduire. Je ne suis pas à acheter, je t’appartiens.

Marie est chagrinée, je la sens sincère. Je l’attire à moi, je veux oublier mes doutes. J’embrasse ses seins, je flatte la croupe, j’enrobe d’une main friponne le bas ventre coquin, je taquine le doux pelage, agace le clitoris joyeux, j’envahis le vagin réceptif. Actuellement, c’est bien à moi, c’est nu pour moi, je touche et ma Marie frémit sous mes caresses. Mais le doute me ronge par dessous. Aloïs n’est pas manchot, il a deux mains énormes, une bouche aux lèvres charnues, et un braquemart qui fait peut-être la fête au sexe de ma femme: à quels jeux se livrent-ils en mon absence ?

Se contentent-ils de légers contacts ou s’accouplent-ils là, sur cette table, à la va vite ? S’assied-il dans mon fauteuil pour l’embrocher, jouent-ils au yoyo acrobatique ou, Marie, à genoux dans son fauteuil, présente-t-elle sa jolie croupe et son abricot fendu pour recevoir son hommage en levrette? Réussit-elle à ses cris quand il la fait jouir ? Jouit-elle mieux avec lui ou avec moi? Il faut bien passer le temps pendant les rendez-vous secrets. Au nombre des cadeaux je viens d’apprendre qu’il vient très souvent. Je l’ai aperçu deux fois sur combien de dizaines de visites. Il peut s’en passer des choses pendant ces moments privilégiés ! Il y a toujours des découvertes agréables à faire quand on est deux et curieux. Bon, pour le moment, j’ai l’avantage, je lutine et Marie se trémousse. Mais en deux ans qui l’a possédée le plus souvent, le mieux? Moi ou Aloïs ?

Deux ans de mensonges silencieux, réels et très efficaces, c’est insupportable. Mon cœur est au pressoir, j’étouffe.
Elle m’appartient, je ne sais plus, alors j’assure la prise, la serre contre moi. Mais peut-on garder un cœur qui a envie de s’évader?

Marie prend sa respiration et continue:

- Il n’a jamais été question que je remonte dans la coccinelle, tu sais pourquoi. Je peux très bien attendre tes congés payés pour rendre visite à mon grand-père. Si ma mère insiste, je te prie de ne pas ironiser, comme tu l’as fait. S’il fallait que je travaille, ce ne serait certainement pas en allant faire le lit d’Aloïs: il se fait des illusions! J’aurai à expliquer mon refus à mes parents. S’il le faut, je le ferai. Est-ce que ça te rassure un peu ? Je réclame une pause, j’ai envie de toi, viens me faire l’amour.

Quelle énergie soudain. Avec quelle ferveur elle s’acharne à me prouver qu’elle m’aime. Comme si elle voulait s’en persuader elle-même. Elle m’a dévêtu, m’a poussé sur le lit et a pris le dessus. Elle me chevauche avec élan, sa main m’a mis en place et Marie s’est plantée sur mon membre qu’elle avait eu vite fait de faire bander en le caressant. Elle y a même porté les lèvres et la langue pour m’assurer de sa bonne volonté et de son désir de me plaire. Et l’autre? L’image m’obsède en plein milieu des ébats. L’autre, à ma place, dans sa bouche, dans son ventre, depuis quand exactement?
A vive allure Marie monte et descend, son souffle se fait plus court. Des gouttes de sueur mouillent son front témoignent de son envie, ne doivent rien à la douceur de cette nuit d’été. Après quels retards court-elle au point de faire rougir sa peau comme si elle avait pris un terrible coup de soleil. Son vagin trempé de cyprine coulisse de haut en bas en décrivant un huit autour de ma verge affolée. J’ai oublié mes craintes, mes doutes sont partis à la poubelle, je bous, je sens le ras de marée qui traverse mes canaux pour semer mon sperme. Marie s’est aplatie sur moi, s’accroche de toutes ses forces à mes épaules. Yeux brillants plantés dans les miens elle assiste en riant à mon éjaculation.
Heureusement que j’avais enfilé un préservatif. Nous n’avons pas programmé une deuxième naissance.

- Oui, encore, c’est si bon. Je t’aime.

Je me souviendrai de ce vendredi si différent des autres soirs de la semaine.

Pendant que tu te promenais, j’ai préparé deux autres sacs. Ils contiennent les jouets et vêtements qu’Aloïs a donnés à Daniel. Tu porteras l’ensemble au secours populaire demain. Je veux effacer toutes les traces du supplice que j’endure depuis trop longtemps et que je t’ai infligé depuis hier. Des jouets neufs feront oublier ceux-ci.

- Je voyais les jouets s’accumuler, je ne savais pas toujours d’où ils venaient. Deux sacs pleins ! Pourquoi s’est-il tellement intéressé à Daniel ? Depuis quand est-il reparu dans ta vie ?

La réponse jaillit, on pourrait croire que j‘ai porté une accusation ou émis un doute sur ma paternité :
:
- Non, il n’est pas le père de notre fils. Mon Dieu, je vois que le mal est beaucoup plus profond que je le supposais. Je m’en veux de ne pas avoir été assez courageuse. Je vois que tu souffres par ma faute. Aux grands maux les grands remèdes. La première fois que mon père a ramené Aloïs, j’aurais dû mettre ma menace à exécution… Nous étions heureux, je croyais inutile de créer des problèmes et, de fil en aiguille, je me suis retrouvée dans une situation inextricable, avec la menace de voir la bombe exploser. Je n’avais pas prévu l’évolution de l’attitude d ‘Aloïs. Mon père lui a fait visiter l’appartement, me l’envoyait pour présenter un jouet à Daniel, me faisait descendre pour faire la conversation. Le cadeau pour Daniel s’est doublé d’un cadeau pour moi. Il se sentait chez lui. J’avais l’impression de contrôler la situation. Elle m’a échappé. Hélas, je n’ai pas voulu t’inquiéter, je ne t’en ai pas parlé; et plus le temps passait plus cela devenait difficile à raconter.

- Je comprends, mais cela dénote un manque de confiance en moi qui me blesse profondément et ton aptitude au mensonge par omission me stupéfie.

- J’ai pris conscience du véritable danger le jour où tu t’es étonné de la présence du foulard. J’ai cru que le ciel me tombait sur la tête. Tu n’as pas insisté. L’inscription en anglais, I LOVE YOU, était une première déclaration. Je ne l’ai pas prise au sérieux, hélas, car les fabricants écrivent n‘importe quoi.

- C’est l’acheteur qui choisit. Celui qui reçoit interprète et agit selon ses convictions ou le plaisir ressenti. Mais passons.

Depuis Aloïs est devenu incontrôlable, il s’impose de plus en plus souvent et ses dernières propositions démontrent qu’il me croit prête à céder à ses pressions. Tu peux me reprocher de tolérer sa présence, de le recevoir ici, d’avoir trinqué avec lui, d’accepter ses cadeaux, mais que ces signes de faiblesse ne te trompent pas : je subis sa présence, il n’a rien obtenu de moi, je ne l’aime pas et je vais t’en donner la preuve ce soir.

Tu aiguises ma curiosité.

- Si tu as retrouvé l’appétit, il y a des sandwichs dans le réfrigérateur, je te sers?

-Comment ? Des sandwichs, la preuve, quel rapport?

- Mon père rentre de l’usine. Attends-moi, je vais lui parler.

Quelques éclats de voix annoncent que la discussion est vive. Les sandwichs sont délicieux, je les dévore. Le siphon de l’évier a conservé une forte odeur de Kirsch. Celui de la salle de bain est parfumé comme une femme. Il va falloir que je couvre Marie de cadeaux pour compenser, elle n’a reculé devant aucun sacrifice. Elle revient, paupières gonflées mais souriante:

- C’est réglé. Tu ne verras plus Aloïs dans cette demeure. Viens nous allons célébrer cette victoire au lit.

- Une minute s’il te plaît, je vais remercier ton père.

- Il n’y a pas de quoi, ça lui a semblé naturel.

Joe s’étonne que je le remercie aussi chaleureusement. Puisque je ne souhaite pas rencontrer son ami, il lui demandera de partir avant dix-sept heures et je serai dispensé de la rencontre de dimanche.

Je ratt le sac sur le trottoir et le remonte.

Marie m’attend, angoissée, en nuisette transparente, inassouvie, prise de fringale sexuelle

- Alors, il vous en a fallu du temps, qu’as-tu raconté à mon père et pourquoi ramènes-tu ce sac ?

- Ton père m’a persuadé que je commettais une bêtise et une indélicatesse en te privant de ce que t’offre en toute loyauté son ami, j’insiste donc pour que tu reprennes ces cadeaux que tu sacrifiais à cause de ma jalousie déplacée.

- Mais… En effet rien…

Sauve vite ce que tu peux de ces malheureuses roses. Ton ami Aloïs découvrira au cours de ses prochaines visites en ces lieux , dès demain sans doute, qu’il peut t’offrir du kirsch et du parfum sans m‘offusquer. Vois, les vêtements et sous-vêtements n’ont pas souffert. Il serait dommage de jeter ces bijoux.























Comments:

No comments!

Please sign up or log in to post a comment!