Collection Zone Rouge. La Comtesse De Forchambeau (13/16)

Comment sommes-nous arrivées sous ce pont sans attirer l’attention de deux hommes parlant avec un brin d’amertume de l’avenir qu’ils auront quand cette révolution sera terminée sans qu’ils nous remarquent, encore un coup de chance.
Ils finissent par quitter le pont, je pense que ce sera bientôt à nous de jouer, il va nous falloir du courage pour trouver le moyen de monter sur la berge, là où nous sommes amarrées, c’est impossible.

• Agnès, il faut nous préparer, remettons nos costumes de bonnes sœurs sans oublier les cornettes et les étoles, tu reprendras en main les huiles et moi l’eau bénite.
Chute.

Au-dessus de nous, des chevaux passent sans s’arrêter, quand nous sommes prêtes, je détache la barque et je la pousse pour retrouver le lit de la rivière, coup de chance aux abords de la ville que nous cherchions un ponton avec des barques nous permet après avoir accosté de rejoindre la terre ferme.

• Donne-moi le papier que je regarde l’adresse que ma donnée la mère supérieure.

« Madame Arlette, rue du Paradis »

Nous rejoignons les premières maisons, nous sommes nues sous nos robes ayant oublié nos soulèvements derrière la cabane qui nous procure des sensations nouvelles.
Nous avons la chance de croiser un homme qui semble revenir des champs portant une serpette à la ceinture et un sac d’herbe fraîchement coupée.

• La rue du Paradis, madame Arlette troisième rue à droite, il est impossible de louper sa maison, c’est la plus grosse sur la droite, j’avais entendu dire qu’Émile faisait travailler une none, mais trois, on vit des temps étranges avec cette révolution.

Ma copine et moi, nous nous regardons, intriguées, suite aux propos que cet homme vient de dire, mais les choses se précisent, il semble qu’Émile ait fait venir Isabelle dans cette ville, mais de quel travail a-t-il voulu parler ?
Indemnes avec beaucoup de chance, nous tapons avec un marteau comme le Duc l’a fait à la porte du couvent et un Juda s’ouvre avec des yeux qui nous regardent.



• Bonsoir mes sœurs, que puis-je pour vous ?
• Nous souhaiterions voir madame Arlette de la part de sa sœur.
• Elle a une sœur.
• Oui, une jumelle.
• Je vais voir si elle accepte de vous recevoir.

Un temps plus court d’attente et la porte s’ouvre, j’ai l’impression de voir la mère supérieure devant moi sans le voile, il est drôle après coup de constater que la supérieure si elle avait les mêmes cheveux que sa sœur avait une masse de cheveux noirs.

• Que voulez-vous mes sœurs, mais entrez, il est plus prudent d’éviter les questions que les gens pourraient se poser sur la présence de deux nones dans cette maison ?

C’est étrange, en entrant, j’ai une drôle d’impression d’être dans un lieu qui va nous étonner, j’entends de la musique alors que madame Arlette nous conduit vers son bureau.

• Comment vous appelez-vous ?
• Voici sœur Agnès, je m’appelle Blanche.
• Avez-vous des nouvelles de ma sœur ?
• Non et si je ne me trompe, un dénommé Émile doit vous en avoir donné
• Lui non, mais sa protégée oui.
• Sa protégée ?
• Isabelle qui travaille ici.
• Isabelle est ici.
• Oui, j’ai besoin de filles après l’hémorragie qui a frappé notre maison à la suite des évènements.
• Besoin de filles, que font-elles ?
• Comment, vous ignorez ce que mes filles font dans cette maison ?
• Oui, toi, Agnès tu le sais.
• C’est pareil.
• Je tiens une maison de tolérance, savez-vous ce que cela veut dire !
• Oui, elles vivent de leurs charmes, ce sont des prostitués.

Je tombe des nues, c’est Agnès qui vient de lui répondre, Arlette s’occupe de pute pendant que sa sœur jumelle s’occupait de nones un peu délurées certes, dans quel monde vivons-nous et comment les deux sœurs sont-elles arrivées à un tel écart dans leur vie.

• Isabelle se prostitue chez vous !
• Oui, c’est ma meilleure gagneuse, je devrais dire notre meilleure gagneuse, Émile est son souteneur et touche la plus grande partie de ce qu’elle gagne.

• Incroyable, est-il possible de la voir ?
• La soirée a commencé et chaque fois que vous entendez le marteau taper, c’est un client qui arrive, j’en ai compté dix depuis le début de notre conversation, mais que voulez-vous avec vos costumes et surtout ces étoles de curés ?
• Votre protection, votre sœur savait de quel milieu, je suis issu, je suis la fille d’un comte et d’une comtesse, elle m’a cachée jusqu’à ce que les évènements se terminent, mais la dévastation du couvent m’a obligée à me servir de l’adresse qu’elle m’a donnée et nous voilà.

Je cherche les Louis d’or dans le sac et je lui tends.

• Que voulez-vous que je fasse de ces deux-pièces d’or à l’effigie du roi que tous haïssent ?
• C’est tout ce que nous avons, pourquoi refusez-vous ces pièces ?
• Dans le pays, l’assignat est la nouvelle monnaie-papier et présenter des Louis aux fournisseurs pourrait nous attirer des ennuis.
• Allez-vous nous mettre dehors ?
• C’est ma sœur qui vous envoie et Dieu seul sait ce qu’ils ont fait d’elle, il y aurait bien une possibilité, mais comment proposer cela à une none et une comtesse.
• Dites toujours nous sommes passées par de telles épreuves que nous sommes prêtes à tout entendre du moment où vous nous sauvez.
• Je vous ai dit que je manquais de filles, je pense qu'à vos âges, semblant jeune et la beauté de vos visages aperçus malgré vos voiles, je suis sûr que vous deviendrez les joyaux de ma maison.

Une comtesse qui accepte de vendre son corps dans un bordel !
Qui pourrait venir nous chercher ici, je pense que cette solution provisoire bien sûr nous permettra de franchir le cap en attendant que la révolution se calme.

• On accepte, le gîte et nous vous aiderons à faire tourner la boîte.
• Aujourd’hui suivez-moi, je vous emmène dans une pièce adjacente à la pièce où se trouvent mes filles ainsi vous pourrez faire comme elles, demain dès l’ouverture.

Je vous laisse avec Églantine, regardée attentivement comment aguicher le client, après ma fille fait leur voir leur chambre où elles monteront avec eux.
Une dernière chose, sur ce que me donneront vos clients après avoir retiré mes frais et vos petites dépenses, je garderais la part qui vous revient dans mon coffre, vous pourrez me les demander si un jour vous désirez partir.

Elle nous quitte et Églantine en tenue de soubrette ouvre des caches par lesquelles nous pouvons voir dans la pièce voisine, je repère Isabelle en guêpière la chatte dénudée assise sur les genoux d’un homme d’un certain âge lui fourrant sa langue goulûment dans sa bouche.
Où est passée la none qui criait au secours de l’autre côté de la porte du clocher, que j’ai vu pendu au bras d’Émile, la seule chose qu’elle a gardée, c’est sa cornette, cela doit faire bander les clients ?
Nous regardons les filles qui se frottent à tous les hommes présents des verres en mains et madame Arlette qui est derrière un pupitre à la montée de l’escalier qui encaisse les assignats avant de laisser monter les couples qui se forment dans la salle ou dans un des coins un accordéoniste joue les airs de musique.

Isabelle finit par convaincre son client, je la vois monter, je comprends pourquoi Arlette parle de leur meilleure gagneuse quand je vois sa crinière rousse sur sa touffe qui doit faire bander les clients.
J’en ai assez vu, nous pouvons rejoindre les chambres.

• Madame Blanche, prenez cette chambre, madame Agnès vous aurez celle voisine, vous pourrez ouvrir la porte entre les deux et ainsi être ensemble.
• Merci Églantine, à demain.

Je me déshabille et quand je suis nue, je rejoins Agnès qui est allongée sur son lit dans la même tenue que la mienne.

• Viens que je te rafraîchisse, regarde comme nous serons bien ici, les filles ont même un broc d’eau et une cuvette dans leur chambre.
• Pourquoi as-tu dit à la maquerelle que nous acceptons de nous prosti ?
• En ce moment, il faut réfléchir vite et cette solution m’a semblé la meilleure, mais que veut dire « maquerelle » !
• Maquerelle pour les femmes, maquereau pour les hommes, ce sont ceux qui vivent aux crochets de filles pour les faire travailler dans des bordels comme celui-ci, madame Arlette est une maquerelle et Émile qui fait travailler Isabelle ici pour en tirer de l’argent est un maquereau.

• Je comprends, mais tu sembles bien connaître tout cela, pourquoi ?
• Je t’ai caché une partie de ma vie, quand mon père a eu des soucis nous habitions à Brest où il commerçait avec des bateaux, ma mère était partie avec un marin et nous avait abandonnés.
Mon père, c’est mis à boire dans les bars du port et ces affaires ont décliné, j’ai dû aller rejoindre un bordel à marin pour survivre, j’y suis resté plus d’un an à tapiner, je lui donnais de l’argent jusqu’au jour ou lors d’une bagarre il est mort.
J’ai voulu reprendre ma vie en main et avec le petit pécule que je me suis faite un jour, j’ai pris la diligence pour me retrouver dans une ville proche d’ici, c’est après une rencontre que j’ai fini par rejoindre le couvent où sœur Odette m’a recueilli.
• Alors, les cierges ?
• J’ai menti, j’avais perdu mon pucelage dans ce bordel bien moins classe que celui-ci
• Ma pauvre chérie, je vais aller voir madame Arlette pour lui dire que je travaillerais pour deux.
• Non, entre nous, c’est à la vie à la mort, je me souviens que tu nous as sauvé la vie en prenant la barque du gros.
Quand tu m’as demandé de me mettre en levrette, je l’ai fait pour sauver nos vies, c’est comme-ci, j’avais fait mon premier client depuis des années.

Je tourne dans la pièce, j’ouvre son armoire ou des vêtements qui ont dû servir à celle qui habitait là avant, a laissé, je vais dans la mienne, j’en ai aussi, je sors un peignoir ayant vu plusieurs filles en porter dans la grande salle ce qui permettait aux clients de les caresser facilement, je le passe et je donne le sien à Agnès.

• Et si nous descendions dans la salle avec les filles, elles buvaient des verres, j’ai soif, si nous commencions dès cette nuit à nous consti nos bas de laine…

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