Nu Trop Loin 4/17

(IV)
Je ne sais pas combien de temps je dois encore marcher …

La nuit est totalement tombée, une nuit sans lune et ce sont les lignes blanches de la route qui guident mes pas. Il commence à faire plus froid ce qui me force à trotter à petites foulées sur le macadam. Mon souffle est court à cause de l’émotion que je n’arrive pas à gérer. Elle se transforme petit à petit en véritable panique quand j’imagine qu’une autre rencontre est encore possible. J’allonge et accélère les enjambées et me mets très vite à courir mais rapidement le poing de côté se réinstalle et je dois m’arrêter. Je me raisonne accroupi sur le bord de la route, une main posée à terre pour maintenir l’équilibre : « tu as ce que tu veux ! tu es devenu ce que ce mec veut de toi, tu ne peux plus faire marche arrière, accepte ton sort » Je reprends mon souffle ainsi et me remet à marcher.

J’avance maintenant, halluciné par la prochaine rencontre avec celui qui m’a voulu nu et par ma soumission, pressé de lui montrer ce que je suis devenu. Un train passe et je ne cherche même pas à me cacher. Sûr que depuis les wagons quelques voyageurs me voient malgré la nuit grâce à l’éclairage intérieur mais leur vision ne sera que subreptice et que verront-ils vraiment ? La vitesse de la rame ne rend-elle pas toute vision précise improbable ? La lumière du compartiment n’est-elle pas trop fugace pour rendre possible une image nette ? Et par rapport à la rencontre avec les deux mecs, le fait de croiser ce train m’apparaît finalement comme un amusement…..Je me sécurise, ratiocine pour me tranquilliser, prend de la distance par rapport à ma nudité et dans l’obscurité totale une fois le train passé je m’apprête à repartir vers mon rendez-vous. A peine sorti de ma réflexion je m’aperçois que le pénis érigé a cédé. Il s’est flétri, recroquevillé, écroulé.

Je suis soulagé. Même si je reste porteur de pénis, ce dernier est redevenu normal. Il est pendouillant entre mes jambes mais comme le prépuce n’a pas retrouvé sa position protectrice, il garde un air de grosse nouille épaisse à la terminaison énigmatique.

Si je n’éprouve plus l’angoisse de défier les passants à cause de cet engin dur et rougeâtre dressé vers les étoiles sans que je ne puisse rien faire, je n’en demeure pas moins en situation préoccupante car toujours nu dehors et visible par n’importe qui. L’incongruité de ma nudité m’apparaît alors cruellement car elle est avilissante et aliénante. Je relis la rencontre des deux mecs à l’aune de cette découverte sur ce que le mec m’attendant veut de moi : si les femmes nues pullulent dans les médias, les hommes nus y sont totalement absents car l’image qu’ils véhiculent est intolérable et même dans l’intimité d’un couple il n’est pas certain que les partenaires s’attardent sur l’anatomie de l’homme. M’obliger à être nu est donc une façon de me plonger dans l’abîme du mépris ou de la curiosité malsaine. C’est ainsi que je ne deviens plus qu’un porteur de bite et cela efface toutes les autres dimensions de ma personnalité. Me faire vivre cette réalité est une façon très forte de me posséder ; accepter de me livrer à une telle volonté est une façon de me donner……. Ce pacte avec le diable m’apparaît alors en pleine lumière …….

En pleine lumière !

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