Juste Une Fois

Texte écrit par Maticalou, publié avec son aimable autorisation.

Inspiré par cette histoire originale, je publierais prochainement une fin alternative à celle imaginée par l’auteur.de ce récit.
N’hésitez pas à nous laisser vos commentaires qui pourraient me donner d’autres idées.

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C’était devenu une tradition, un petit rituel pour nous deux.

A chaque fois que nous revenions de Nice où résidaient les parents de Lison, nous faisions étape dans cet hôtel de Beaune afin de couper la longue et fastidieuse route du retour vers Lille.
C’était un hôtel assez cossu, dépassant largement le standing spartiate du « Formule première classe » du coin et donc relativement cher mais malgré notre jeune âge nous en avions les moyens : Mon cabinet commençait à bien tourner.
Autre concession devenue rituelle en cette occasion, pour aller diner au restaurant de l’hôtel, nous abandonnions le style « jean-baskets » pour des tenues un peu plus classieuses.
Oh, rien de très solennel, pas de costume-cravate ni de robe de soirée mais juste pantalon décontracté, polo pour moi et une petite robe d’été pour ma chère et tendre.
Ce qui n’était pas pour me déplaire car cette étoffe légère mettait en valeur le joli bronzage que Lili avait soigné tout au long des vacances et magnifiait, si c’était encore possible, la beauté naturelle de ma dulcinée.
Il faut dire que ma femme était vraiment une très jolie jeune femme : 1 m 70, une silhouette svelte, un visage fin, de longs cheveux châtain clair et de grands yeux verts, elle aurait sans problème pu faire du mannequinat (on le lui avait proposé, d’ailleurs) mais le rôle de potiche ne l’intéressait pas. Elle avait préféré se lancer dans de rudes études pour devenir dentiste.
Sans vouloir faire preuve de modestie ou de vantardise exagérée, je dois admettre que je n’étais pas mal non plus : 1 m 85, sportif sans musculature exagérée, brun aux yeux bleus, j’avais eu mon petit succès auprès de la gent féminine au lycée puis à la fac.



Un succès resté chaste cependant car mon cœur était déjà pris.
Et oui, Lison et moi nous nous sommes connus au lycée et nous ne nous sommes plus quittés depuis.
Un vrai coup de foudre qui n’a étonné personne tellement nous allions bien ensemble : La plus belle fille du lycée avec le plus beau mec ; Pourquoi aller chercher plus loin ? Et comme on s’entendait à merveille, on s’est promis… pour la vie.

On peut dire qu’on en a fait des envieux.

Nous formions le couple parfait, le couple idéal, n’en déplaise à ceux qui nous surnommaient « Barbie et Ken !
Nous avons fait nos gammes ensemble. D’abord timides et maladroits, puis de moins en moins, nous avons aussi découvert le sexe ensemble. Et pour ça aussi nous étions en accord parfait.
Pas surprenant donc que l’on attirât de nombreux regards sur nous au cours du dîner au restaurant.
Cela nous arrivait parfois mais il fallait bien admettre que Lili était vraiment magnifique ce soir-là.
Elle respirait la fraicheur et le bonheur.

C’est donc sans étonnement que je surpris de nombreux regards sur elle tout au long du repas, d’autant que la clientèle du soir était aux trois quart composée d’hommes, le plus souvent seuls. Sans doute pour la plupart, des commerciaux occupant comme ils pouvaient une énième morne soirée, exilés loin de leur base. Certains avaient le nez plongé dans une revue ou dans un rapport, d’autres se contentaient de manger en silence.

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J’aime cette ambiance feutrée et discrète des hôtels de standing, siroter son verre au bar, silencieusement, juste bercé par une mélodie de fond jazzy.

On a l’impression que la nuit nous appartient.
Comme j’avais fini avant Lili, je lui proposai de terminer sans se presser tandis que je la précédais dans la chambre.

J’avais évidemment une petite idée derrière la tête : Profiter de cette avance pour préparer notre petit nid d’amour et me faire un brin de toilette bien nécessaire après une longue journée de route.

Avec un petit sourire complice, elle me laissa partir.

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Seulement, après avoir longuement retourné la chambre en tous sens, je devais me rendre à l’évidence : Aucune trace de ma trousse de toilette.
Ça en devenait agaçant !

Et Lison qui ne venait toujours pas !
Elle avait peut-être décidé de me laisser un peu plus de temps mais là j’avais besoin d’elle pour retrouver mon bien.
En désespoir de cause, je me résolus à redescendre au bar afin de lui demander de l’aide, en espérant bien la croiser en train de monter à la chambre.
Mais non, elle était toujours au bar, assise sur son tabouret rehaussé… mais plus seule !

Le quinqua repéré plus tôt dans la soirée l’accompagnait de près.
Ils semblaient en grande discussion et cela renforça mon agacement.

Non pas que je me sentis mis en danger par cet homme.

Certes, il semblait plutôt bien conservé pour son âge, n’accusait pas de ventre bedonnant ni de calvitie prononcée mais on lui donnait facilement 55 ans ou plus et je n’imaginais pas un seul instant ma femme intéressée par un homme de plus de trente ans son ainé.
Non, ce qui m’énervait, c’était qu’elle paraissait m’avoir tout simplement oublié et oublié aussi ce que nous avions tacitement projeté pour la nuit.
Je m’approchai. Lorsqu’elle m’aperçut, Lison m’accorda un large sourire.

« – Ah, chéri ! Te voilà ! Viens que je te présente… Voici Charles, il est VRP pour une marque de gants de luxe. C’est pas banal, n’est-ce pas ? »

Je ne voyais pas ce qu’il y avait de si extraordinaire à ça mais je gratifiai le bonhomme d’un « bonsoir » le plus chaleureux possible compte tenu de mon état légèrement électrique. Je ne voulais pas non plus paraître pour le bourru du coin.

J’aurais pourtant pu m’éviter cette marque de politesse car le gars m’accorda à peine un demi regard en coin et grommela un « ‘soir » à peine audible.
Sans quitter ma femme des yeux, il rajouta quand-même :

« – J’étais justement en train de dire à votre séduisante épouse qu’elle avait un prénom tout à fait charmant, profondément sensuel et teinté d’une affolante féminité malgré des consonances masculines, à l’instar d’une Manon ou, en son temps, d’une Suzon. »
Ma parole ! Mais il était en train de faire du gringue à ma femme le bougre ! Culotté le mec ! Même pas peur de se prendre un inévitable râteau ! Avait-il au moins conscience de l’Everest auquel il s’attaquait ? Sans doute pas. Et ça en devenait presque pitoyable.

Mais comme dit le slogan : 100 % des gagnants ont tenté leur chance
.
Bon, en fait, je le soupçonnais plutôt d’avoir trouvé en la personne de ma femme une bonne occasion de tromper sa solitude une partie de la soirée, sans réelle velléité de conclure et sans véritable espoir non plus compte tenu de l’écart d’âge qui les séparait. A peine entretenait-elle une douce illusion : En lui accordant un peu d’attention, elle ravivait pour quelques instants ses souvenirs de jeunesse, lorsqu’il draguait les minettes de vingt ans.

Si ça pouvait lui faire plaisir…
Mais trêve de plaisanterie :

« – Dis, chérie, tu n’aurais pas vu ma trousse de toilette par hasard, je n’arrive pas à mettre la main dessus ! »

« – Non… Es-tu certain de l’avoir descendue de la voiture ? Rappelle-toi qu’elle ne rentrait pas dans le gros sac. »

« – Ah mais c’est vrai ! Quel idiot je fais ! Je vais la chercher de ce pas et je remonte direct. Tu ne tardes pas hein ? ! »

« – Non – non, j’arrive ! »
Elle avait capté mon clin d’œil : Elle avait compris que je lui donnais là un bon prétexte pour abréger une conversation qu’elle n’avait sans doute pas sollicitée.
C’est donc l’esprit tranquille et sans l’ombre d’un doute que je retournais vers le parking, avant de reprendre directement l’ascenseur une fois mon bien récupéré.

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J’étais à nouveau désappointé :

Il m’avait fallu à peine plus de vingt minutes pour me rafraichir et me raser de près.
Ce laps de temps aurait largement dû suffire à Lison pour expédier gentiment le pépère collant or toujours pas de Lili à l’horizon.
Cette fois, pas question de perdre du temps.

Même si ça me coûtait de me rhabiller alors que j’étais prêt à accueillir ma partenaire dans le plus simple appareil, histoire de lancer tranquillement les « hostilités », je renfilais prestement pantalon et polo pour aller voir de quoi il retournait au rez-de-chaussée…
Ils n’étaient plus au bar…

… mais assis dans un des confortables canapés qui formaient un ilot au centre de la salle.
Devant eux, sur la table basse, trônait une bouteille de champagne ouverte accompagnée de deux coupes aux deux tiers remplies de bulles ambrées.
Manifestement, je n’étais pas attendu.
A mon arrivée, Lison m’adressa un petit sourire mi amusé mi désolé accompagné d’un très léger haussement d’épaule.

Comme si elle semblait s’être laissée embarquée plus ou moins contre son gré dans cette « aventure » mais qu’elle se réjouissait quand-même de la situation. Déroutant.
En m’approchant, je remarquai que l’homme tenait la main gauche de Lison dans ses mains.
Alors que je prenais place en face d’eux, il ignora ostensiblement mon arrivée et continua sans se démonter :

« – Non, Lison, ne faites pas la modeste, vous avez des mains absolument divines ! Croyez-moi, je suis très bien placé pour me faire juge : Des mains, j’en vois des centaines, c’est mon métier ! Les vôtres sont fines, douces, merveilleusement proportionnées… parfaites quoi ! »
De toute évidence, le bonhomme ne s’était pas découragé et continuait à draguer de plus en plus ouvertement ma femme.

Tout en parlant, il passait doucement les pouces sur la paume et le dos de la main qu’il avait emprisonnée, dans un mouvement savamment étudié pour paraître machinal et anodin mais qui n’en demeurait pas moins une caresse.
Lison rosissait sous les compliments et masquait son émotion en buvant sa flute à petites gorgées de sa main libre.
« – Dis, mon amour, on ne va peut-être pas r plus longtemps de la gentillesse et de la générosité de Monsieur… De plus, il se fait tard et la journée a été longue… On ferait mieux d’aller nous coucher… »
« – Allons, Julien, vous êtes encore tout jeunes, ne me faites pas croire que vous êtes fatigués à cette heure ! Allez donc vous trouver une coupe au bar et joignez-vous à nous pour finir cette bouteille. Je suis certain qu’elle sera à votre goût… Pour ma part, passer ma soirée entre une si ravissante jeune femme et un grand cru classé, je ne pouvais rêver mieux ! »
Il commençait à m’échauffer les oreilles, le vieux, avec ses manières de grand seigneur ! Non content de m’appeler par mon petit nom il m’envoyait paître pour mieux « profiter » de ma compagne.
Et elle qui ne disait rien !
Piqué au vif, je l’ai pris au mot : je suis allé chercher une coupe et de me suis installé bien en face d’eux pour me servir généreusement.

J’étais bien décidé à rester là et assister au râteau monumental qu’il n’allait pas tarder à se prendre en pleine poire.
Mais, jusqu’à présent, le gaillard s’en tirait plus bien.

En bon commercial qu’il était indéniablement, ça ne le dérangeait visiblement pas d’assurer à lui seul la quasi intégralité de la discussion, Lison se contentant de lui accorder de laconiques assentiments de temps en temps et moi ne décochant pas un mot, dans l’espoir jusqu’alors vain de le perturber dans ses intentions.
Il parlait donc beaucoup, mêlant compliments ouvertement flatteurs envers mon épouse et considérations plus banales sur son travail ou tout autre sujet qui lui venait à l’esprit.
Mais immanquablement, il trouvait l’occasion de revenir sur la « beauté époustouflante de ma tendre épouse ».
A un moment, l’air de rien, il posa une main sur le genou dénudé de celle-ci qui tressaillit légèrement.
Là encore, le geste pouvait paraître anodin et sans conséquence, presque paternaliste, la paume posée sagement sur le haut du genou tandis que la pulpe du pouce en caressait l’arête de façon apparemment machinale.

Cependant je commençai à tiquer lorsque ladite main entama un mouvement circulaire d’abord imperceptible puis de plus en plus prononcé, mouvement qui, comme par hasard, progressait peu à peu vers le haut de la cuisse exposée.
Mais le plus surprenant dans tout ça n’était pas tant l’outrecuidance improbable de notre interlocuteur que l’étonnante apathie dont faisait preuve Lison.

Elle qui d’ordinaire aurait depuis longtemps renvoyé l’impudent dans ses 22, le laissait faire docilement sans opposer la moindre résistance

Pire, par moment, j’avais la désagréable impression qu’elle recherchait ce contact étranger.
Alors, quand je vis les longs doigts commencer à disparaître sous l’étoffe légère, je craquai :
« – Dites, ça ne vous dérange pas trop de peloter ma femme sous mes yeux ?! »
Il ne me regarda pas mais sa réaction fut immédiate : Il retira promptement sa main.
« – Vous avez raison… Je me suis laissé envouter par le charme de votre épouse… J’ai outrepassé la bienséance » Continua-t-il sans la quitter des yeux.

Malgré ce début d’excuse, il ne semblait pas pour autant regretter son geste.
« – Je vais vous laisser terminer votre soirée… N’oubliez pas, chère Lison, que si vous le désirez, mon numéro de chambre est le 328. » Termina-t-il en lui accordant un baisemain furtif puis il se leva et tourna les talons sous nos regards ahuris.
Passé un moment d’incrédulité totale, j’éclatai de rire :

« – Non mais j’y crois pas ! Il est sacrément gonflé, ce type : Proposer la botte à ma femme sous mon nez, il ne manque pas d’air ! Il n’a peur de rien celui-là ! »

Lison sourit avec tendresse :

« – Oui, il est incroyable. »

« – Il faut en avoir dans le gilet, quand-même non ? Pour un peu, on a même l’impression qu’il y croit ! »

« – Oui, il est amusant. » Répondit-elle les yeux dans le vide.

« – Amusant, amusant… T’es indulgente. Il est surtout saoulant ! Il a aussi eu de la chance de tomber sur des gentils comme nous. D’autres que moi lui auraient déjà balancé leur poing dans la figure ! »
Nous avons fini la bouteille gracieusement offerte par le commercial en continuant à nous moquer gentiment de lui.
J’en riais encore dans l’ascenseur, au moment d’appuyer sur le bouton de notre étage.
Ça s’est passé très vite. Je n’ai rien vu venir.

Alors que l’ascenseur avait commencé à monter, Lison a soudain appuyé sur un bouton et les portes se sont ouvertes sur un palier qui n’était pas le bon.

« – Je suis désolée, mon amour, tu ne vas pas comprendre… Je ne suis pas sûre de comprendre moi-même mais je sens qu’il faut que je le fasse… N’oublie pas que je t’aime. »

Elle a déposé un petit baiser sur mes lèvres puis a fait demi-tour, me laissant complètement abasourdi, le regard figé sur la petite robe fleurie qui s’éloignait dans le couloir sans se retourner un seul instant.
Le temps que je reprenne mes esprits, les portes s’étaient refermées et l’ascenseur s’élançait à nouveau vers le cinquième étage.

D’un geste réflexe, j’ai appuyé sur tous les boutons.

Non, ce n’était pas possible ! Qu’est-ce qu’elle me faisait, là ?! C’était une blague !
Je suis sorti comme un diable de sa boite dès que les portes se sont réouvertes.
Je ne savais pas sur quel palier je me trouvais mais je savais qu’il fallait que je descende pour la retrouver…
A l’étage du dessous, rien. Le couloir était désert.

Un étage plus bas, pareil.

De la même manière, je n’ai trouvé âme qui vive jusqu’au rez-de-chaussée. Par acquis de conscience, je suis retourné au bar mais il n’y avait plus que le barman à moitié endormi. Je n’ai pas voulu avoir le ridicule de lui demander s’il avait vu ma femme alors que nous venions de nous en aller ensemble.
A quel jeu jouait-elle donc ?

Si cela se trouvait, c’était effectivement une blague et Lison m’attendait tout sourire dans notre chambre, ravie du mauvais tour qu’elle m’avait joué.
Le cœur battant, je suis donc remonté au cinquième. Par les escaliers car l’ascenseur finissait encore les allers et retours que, dans la panique, je lui avais programmé.
Je suis arrivé hors d’haleine dans la chambre… Mais elle aussi était déserte. Aucune trace de Lison.
Une sueur glacée commençait à me dégouliner le long de la colonne vertébrale.
Aussi incroyable que cela puisse paraître, elle avait bel et bien disparu et, de toute évidence, elle ne pouvait se trouver qu’à un seul endroit. Un cas de figure que je me refusais d’admettre depuis quelques minutes…

Quel numéro lui avait-il donné déjà ? 316 ? 318 ? 218 ?238 ?328 ?326 ?

Je n’ai jamais eu la mémoire des chiffres et en cet instant, je me maudissais.
J’essayais de me calmer, de réfléchir sereinement mais la situation ne s’y prêtait guère. Je n’arrivais pas à me concentrer.

« – Du calme, Julien, du calme ! Qu’est-ce qu’il a dit, déjà ? « Si vous le désirez, ma chambre est au numéro… » » Non, impossible de m’en souvenir ! Tout au plus étais-je à peu près certain que c’était dans les 200 ou les 300, soit au deuxième ou au troisième. Bien maigre estimation.
Je suis ressorti en proie à un terrible doute : Quelles étaient donc les intentions de Lison en rejoignant le vieux dans sa chambre ?

Malgré les évidences, je ne pouvais me résoudre à envisager la réponse la plus probable…
Non, pas ça. Tout mais pas ça !
Il fallait que je fasse quelque chose. Je ne pouvais pas laisser faire ça !

J’aurais dû avoir le culot d’aller frapper à toutes les portes jusqu’à trouver la bonne.
Mais cela allait contre ma nature discrète et un peu réservée.

Et puis je dirais quoi ? « Excusez-moi, m’sieur dame, je cherche ma femme, elle est avec un homme dans une chambre dont j’ai oublié le numéro. »

Non, ridicule !
J’ai erré dans les couloirs du deuxième et du troisième, comme si l’inspiration allait me revenir sur place.

Je m’arrêtais par endroits en essayant de capter des sons et en espérant ne pas me faire surprendre en train d’écouter aux portes.
A un moment, j’ai entendu les bribes d’une conversation entre un homme et une femme. La voix de l’homme me rappelait quelque chose…

J’ai regardé le numéro : 314, mais oui, c’était ça !

D’instinct, j’ai toqué à la porte…

Je ne savais pas ce que j’allais dire mais je savais déjà que l’autre allait prendre un bourre-pif mémorable.
« – Oui ? »
Merde ! Ce n’était pas lui.
« – Euh… Vous ne sauriez pas si tre s’milqu’uina fauet… »
« – Pardon ? »
« – Euh, non rien ! »
J’ai fait demi-tour, comme un abruti.
« – C’était qui, chéri ? »
« – J’en sais rien, un mec bizarre. »

Quel con !
Dépité et peu fier de moi, je suis retourné dans la chambre.

Après tout, Lison n’allait pas tarder à revenir de toute façon. Je ne pouvais croire qu’il en irait autrement. Sa conversation lui avait plu, elle avait eu envie de la continuer un peu plus longtemps. Il ne fallait pas que je me mette martel en tête pour si peu.
Mais les minutes passèrent sans nouvelle de Lison… des minutes qui firent bientôt une heure…
J’avais l’esprit embrouillé. Incapable de penser à autre chose, je ruminais des idées noires sans queue ni tête, seul, assis sur le lit double même pas défait.
Bien-sûr, à froid je me dis maintenant que j’aurais pu tenter quelque chose de fou, genre appeler l’hôtel et faire une fausse alerte à la bombe pour obliger tout le monde à sortir mais j’étais trop anéanti pour y penser.

Et quelque part, au fond de moi, revenait cette impression dérangeante : Lison était partie rejoindre l’autre de son plein gré. Personne ne l’y avait obligée.

Aller contre ça c’était aller contre sa volonté. Et je l’aimais trop pour ne pas m’y soumettre, même si ça me ravageait les tripes.
Encore de longues minutes à attendre.

Qu’est-ce qu’ils pouvaient bien faire ?

Imaginer ma femme dans les bras de cet homme était au-dessus de mes forces. A chaque fois que j’envisageais la chose, un frisson nauséeux me saisissait et interrompait mes tergiversations.
Au bout d’un moment interminable, je me suis décidé à redescendre dans les deux étages suspects.
J’ai à nouveau arpenté silencieusement les couloirs en ne voulant pas admettre que cette fois, les bruits que je redoutais d’entendre étaient des bruits d’accouplement.
Mais rien. Porte après porte, couloir après couloir, aucun indice, aucune confirmation.
Et je ne savais pas si je devais le regretter ou au contraire m’en réjouir.
Après m’être fait surprendre à trois reprises par des clients tardifs, je dû me résoudre à regagner définitivement ma chambre si je ne voulais pas attirer l’attention de l’hôtel sur mon activité nocturne qu’un regard extérieur pourrait trouver particulièrement louche.
En désespoir de cause, je me suis couché, tout seul, sans espérer vraiment dormir.
Je me suis tourné et retourné inlassablement dans ce grand lit vide.
Les heures ont passé et j’ai dû finir par m’endormir malgré tout, d’épuisement.

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C’est le bruit de la douche qui m’a réveillé.
Ainsi, elle était enfin revenue.

Depuis quand ? J’en avais aucune idée.
Je me demandais comment réagir. Pousser une gueulante ? Faire un esclandre ? Ou au contraire jouer l’indifférence ? L’orgueil blessé ?

Finalement, je décidais d’attendre de voir son attitude et de m’adapter en fonction.
Elle sortit nue de la salle d’eau. Mon Dieu qu’elle était belle ! Mon cœur se serra.
Malgré l’enfer qu’elle m’avait fait vivre durant la nuit, je savais déjà que j’allais lui pardonner.
Lorsqu’elle vit que j’étais debout, elle me sourit. Un sourire bizarre, ni radieux ni désolé, un sourire serein, presque sérieux.

Elle s’approcha, se pendit à mon cou et m’embrassa passionnément.

Un peu sur le recul au début, je finis par lui rendre son baiser.
Ensuite elle cala sa tête dans mon cou et me souffla :

« – Je t’aime Julien. »

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« – Alors, tu peux m’expliquer ce qui s’est passé hier ? »
Nous étions au petit-déjeuner.

Même si sa déclaration d’amour, ou plutôt sa confirmation, m’avait véritablement rassuré, je voulais en savoir plus.

Mais je ne voulais pas me rabaisser à le lui demander, j’espérais que ça viendrait d’elle-même.
Cependant, elle n’avait rien dit d’autre.

J’avais tenu jusque-là, mais c’était au-dessus de mes forces. J’étais incapable de penser à autre chose tant qu’elle ne m’en aurait pas raconté plus.
« – Je ne sais pas, je n’arrive pas à me l’expliquer moi-même… Ce n’est pas rationnel… C’est comme s’il m’avait envoutée… Tout d’un coup, dans l’ascenseur, j’ai ressenti le besoin impérieux de le rejoindre… j’ai senti que si je n’y allais pas, j’allais le regretter toute ma vie… Même, si ça pouvait te blesser… Même si les conséquences allaient être douloureuses… Je n’ai pas pensé aux conséquences. »
Ça, c’était le moins que l’on puisse dire !
« – Et alors, c’était bien ? »
« – Oui. » Admit-elle d’un ton neutre.
« – Qu’est-ce que vous avez fait ? »
Elle soupira avec un air mi navré mi apitoyé… Je n’ai pas aimé cet air-là.

« – Chéri, j’ai passé toute la nuit avec lui… Réfléchis…Tu crois que s’était pour faire un Scrabble ? »
La boule que j’avais dans le ventre se contracta de plus belle.

« – Je… Je pensais que vous aviez discuté… »
« – On a discuté… aussi. »
Un long silence s’est installé entre nous.
« – Et ? »
« – Et quoi ? »
« – Et bien je voudrais un peu plus de détails… Autre chose que : « C’était bien ». Ce n’est pas que je sois particulièrement maso, mais la femme que j’ai épousée depuis à peine plus d’un an m’a abandonné toute une nuit pour aller coucher avec un inconnu rencontré le soir même dans un hôtel, je trouve que je prends plutôt bien la chose et j’estime que je suis en droit d’en connaître un peu plus pour savoir à quoi m’en tenir. »
Elle soupira encore.

« – Ok, je t’en dirai plus… Mais plus tard… Je n’ai pas trop envie d’en parler maintenant. J’ai besoin de faire le point moi aussi. »
Même si elle ne se rendait pas compte de la qu’elle m’infligeait, je lui accordais cette faveur.

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J’allais attendre longtemps ces éclaircissements.
En effet, elle s’endormi dès les premiers kilomètres et pionça tout le reste du trajet de retour, me laissant seul avec mes doutes, mes réflexions.

Mais il était vrai qu’elle avait du sommeil en retard.
Les jours suivants, nous n’en reparlâmes pas. Lison faisait comme s’il ne s’était rien passé et moi j’attendais toujours qu’elle prenne l’initiative des explications.

Même si le sujet me tenait à cœur, je ne voulais pas la brusquer.

Et mon orgueil me poussait à ne pas lui montrer l’importante que cela avait à mes yeux.
Toutefois, comme elle ne semblait pas vouloir se décider, je remis la discussion sur le tapis en plusieurs occasions.

Mais à chaque fois, elle éludait ou détournait le sujet.

Elle finit même par me dire de ne plus y penser, que ça n’avait eu aucune importance, que c’était juste une fois, sans suite et sans sentiments. Qu’elle n’avait même pas pris son numéro.
Juste une fois, d’accord mais une fois qui avait tout changé, qui avait changé mon point de vue sur elle… mais aussi sur moi.

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Malgré tout, dans la vie de tous les jours, si l’on faisait abstraction de cet « accroc », on aurait pu croire qu’il ne s’était effectivement rien passé. Tout allait normalement.
Au lit aussi ça allait à peu près comme avant.

Sauf qu’à chaque fois que j’embrassais Lison, je ne pouvais m’empêcher de penser que ces lèvres avaient été embrassées par un autre que moi. A chaque fois que je la pénétrai, me venait à l’esprit l’image d’un sexe étranger s’immisçant dans ce trésor que j’avais jusqu’à présent considéré comme ma chasse gardée, ma propriété.

Et à chaque envolée fantastique, je réalisais ce que le vieux pervers avait eu sous les yeux : Ce corps magnifique tendu comme un arc, ces petits seins tressautant frénétiquement, cette gorge offerte et ce visage adorable exprimant sa jouissance.

Et tout ça me perturbait profondément. J’en suis même arrivé à connaître des troubles de l’érection.

Non pas que cela me dégoûtât, non, j’avais toujours autant envie de ma femme, je désirais toujours autant lui faire l’amour et la voir jouir mais plus ça allait plus ce qui c’était passé lors de cette nuit en Bourgogne me prenait la tête et moins j’arrivais à en faire abstraction.
Alors que Lison misait sur le temps pour effacer les blessures, c’était le contraire qui se produisait : Ça en devenait presque une obsession.
Pourtant ma chérie y mettait du sien. Elle redoublait d’attentions câlines et d’inventivité sexuelle pour me prouver que j’étais bien resté l’homme de sa vie.

Elle m’avait même offert, pour la première fois, l’accès à sa petite rondelle. Mais la défloration anale de mon épouse n’y changea rien.

Il n’y a rien de pire que l’incertitude, car vous échafaudez des hypothèses qui vont sans doute au-delà de la réalité. Mais en l’absence de preuves contraires, vous ne pouvez pas les réfuter.
C’est ce que j’ai fini par faire comprendre à Lison : Que j’avais besoin de savoir ce qu’il s’était passé, dans les détails, pour pouvoir commencer ma phase d’oubli. Qu’il ne fallait pas qu’elle m’épargne, ni qu’elle me cache des choses car je le sentirais et ça ferait échouer cette étrange mais nécessaire thérapie.
« – D’accord » avait-elle admit en soupirant « Si c’est ce que tu veux. »
Nous étions allongés l’un à côté de l’autre, dans notre lit, dans le noir, comme si l’obscurité rendait les aveux plus faciles.
« – Qu’est-ce que tu veux savoir ? »
« – Tout. »
« – C’est trop vague, tout. Je ne peux pas te raconter une nuit entière comme ça… Pose-moi des questions. »
« – Pourquoi, comment, combien de temps, combien de fois, dans quelles positions… tout, quoi ! »
« – Le pourquoi, je te l’ai déjà dit : Je n’en sais rien. C’est arrivé, c’est comme ça. Je ne peux même pas dire que j’étais insatisfaite, ce n’est pas vrai : Tu me satisfais pleinement. »
« – Alors passe directement au comment. Tiens, déjà un détail : Lumière éteinte ou allumée ? »
« – Allumée. J’ai voulu éteindre mais il a dit qu’il voulait me voir. »
« – Tu m’étonnes ! Ça devait faire un bout de temps qu’il n’avait pas eu un aussi beau petit lot dans son lit, le salaud. Il voulait en profiter. »
« Donc, vous avez baisé la lumière allumée… Tiens, d’ailleurs : Tu considères que vous avez baisé ou que vous avez fait l’amour ? »

« – Les deux. Par moment on a baisé mais il m’a aussi fait l’amour. »
« – Il fait bien l’amour ? »
« – Oui, très bien. »
« – Il a un sexe plus gros que le mien ? »
« – Pff ! C’est bizarre, mais je m’y attendais à celle-là. Vous, les hommes et votre petit « problème de taille » … Non, son sexe est à peu près comparable au tien, peut-être légèrement plus large mais rien de significatif. »

« – Alors il est plus endurant ? »
« – Je l’ai trouvé particulièrement endurant, en effet, surtout pour un homme de son âge… Mais, là encore, il t’arrive de l’être tout autant. »
« – Il t’a fait jouir, alors. »
« – Oui, j’ai joui comme rarement j’ai joui… »

Mon cœur se serra. Malgré les évidences, j’avais espéré, au fond de moi, qu’elle avait été déçue sexuellement par cette nuit d’égarement.

« – Et lui, il a joui ? »
« – Oui. »
« – Sur toi ? »
« – Non. »
« – En toi, alors ? »
« – Oui. »
« – Il s’était protégé ? »
« – Non, mais je savais qu’il était clean. »
No comment.
« – Combien ? »
« – Combien quoi ? »
« – Combien de fois a-t-il éjaculé en toi ? »
« – La première fois… dans ma bouche. »
« – Tu as avalé ? »
« – Oui. »

La grosse boule était revenue au fond de mes tripes.

« – Il était productif ? »
« – Plutôt. »
« – Et ensuite ? »
« – Deux fois : Une fois en missionnaire et une fois en levrette. »
« – Il t’a sucé les seins aussi ? »
« – Bien-sûr. Il les adorait. »
« – Il t’a léché aussi ? »
« – Oui. »
« – Avant ? Après ? »
« – Avant et après. »
« – Il léchait bien ? »
« – Oui, divinement bien. »
…
« – Et à part ça, c’est tout ? »
« – Euh… presque… »
« – Quoi d’autre alors ? »
Je sentis dans son ton une légère réticence.
« – Il m’a aussi prise… par derrière. »
« – Par derrière ? Tu veux dire… »
« – Oui, une sodo. »
Un accès d’adrénaline m’a cisaillé l’abdomen.

Ainsi, il m’avait volé ça aussi !
« – Et… tu as aimé ? »
« – Oui. »
« – Bien entendu… C’est pour ça que tu as voulu recommencer avec moi. »
Elle ne répondit pas, cela ne nécessitait aucune confirmation.
Voilà, la messe était dite. Tout le reste ne serait que broutilles.

J’imaginais bien que Lison avait vécu cette expérience dans un état second, peut-être euphorique, peut-être romantique… Mais, à froid, la vérité crue n’a plus rien de glamour.
Ma femme m’avait trompé avec un vieux de presque soixante ballets. Toute la nuit, elle s’était fait retapisser la gorge, le vagin et le rectum par le sperme de cet inconnu et elle avait adoré ça.

Que pouvait-on rajouter à ça ? Ah si :

« – Tu comptes le revoir ? »
« – Mais non, bien-sûr que non ! Je te l’ai déjà dit : Je n’ai pas pris ses coordonnées et je ne lui ai pas laissé les miennes. Il aurait bien voulu, il a même insisté mais j’ai refusé. C’était un moment d’égarement, ce n’était qu’une partie de sexe. Une super bonne partie de sexe que j’ai apprécié et que, malgré une certaine culpabilité, je n’arrive pas à regretter mais ce n’était que ça.
Avec toi, c’est différent : c’est tout aussi bon et surtout avec toi, ce qu’il y a en plus c’est l’amour, c’est ça qui compte, c’est ça qui me comble et ça, personne ne pourra l’égaler ! »

----- o O o -----

Aussi improbable que cela puisse paraître, ce traitement de choc était bien le bon.
J’avais besoin de ces « aveux » pour dépasser mon blocage.

J’avais tout simplement besoin de savoir pour accepter.
Et le plus étonnant dans l’histoire, c’est que cette acceptation eut même des conséquences inattendues…
En effet, parfois il m’arrive encore, lorsque nous faisons l’amour, de craindre que Lison pense encore à lui quand elle ferme les yeux.

Il m’arrive aussi souvent de me rappeler que d’autres lèvres que le miennes l’ont embrassée, léchée, que d’autres mains que les miennes l’ont caressée, qu’un autre pénis que le mien s’est introduit en elle mais dorénavant, au lieu de me bloquer, ces réminiscences ont plutôt tendance à provoquer une… oui, une réelle excitation… aussi incompréhensible que cela puisse paraître.
Et même si ce serait sans doute tirer le Diable par la queue, par moments, j’en viens presque à envisager (espérer ?) qu’elle renouvelle ce genre d’expérience.

Maintenant, je crois que je l’accepterais.

En tout cas, je le vivrais bien mieux.
Toutefois, nous ne nous sommes jamais plus arrêtés dans cet hôtel de Beaune, en revenant de Nice.
Le Diable attendra.

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