Nu Trop Loin 6/17

Oui, j’étais l’acteur principal mais pas la pièce maîtresse.

Pour retrouver mon souffle j’avais mis mes mains sur les genoux et c’est doucement que je reprenais mes esprits. Il éteignit sa lampe de poche et la nuit fut à nouveau totale. Ma respiration qui se régulait progressivement emplissait le silence de son rythme profond et lui, toujours accoudé à la fenêtre de sa porte, devait profiter de mes expirations quasiment animales.

- Lui : Traverse la route et approche-toi
- Moi : (Je me redressai et marchai vers lui sur le bitume)
- Faut que je touche, amène ta viande !
- (Je me plantai devant lui pendant qu’il allumait le plafonnier dans sa bagnole)
- Tes grelots sont tout rouge mec ! (Il les prit à pleine main et s’amusa à secouer tout le paquet comme s’il voulait le décrocher)
- Aïe aïe aïe, arrête, je suis déjà blessé là
- Ah bon pourquoi ?
- C’est quand j’ai traversé le champ de maïs tout à l’heure
- Oui je vois, tu as des rainures rouges mais ça t’empêche pas de bander, t’es trop con (Il saisit la pine et commença à la manipuler doucement)
- Moi : pas trop vite, ça fait mal
- Lui : c’est pas mon problème, c’est le tien, par contre la bite que tu portes m’appartient et j’en fais ce que je veux

Pendant qu’il triturait le prépuce au bout du gland avec ses deux mains depuis l’intérieur de sa bagnole, l’ambiance à l’extérieur changea rapidement….. des phares au loin étaient visibles et se dirigeaient vers le virage où j’étais posté. Il s’en aperçu très vite et éteignit le plafonnier. Grand silence.

Je voulais lui proposer d’entrer dans sa bagnole mais préférai ne rien dire et attendre son initiative. Les phares approchaient et faisaient des méandres dans l’obscurité en suivant les virages que j’avais empruntés à pieds plus tôt dans la soirée. Parfois le faisceau lumineux qui irradiait balayait le terre-plein où la bagnole était stationnée et à côté de laquelle je me tenais mais je me disais que la distance était encore trop grande pour que les passagers puissent distinguer quelque chose.

Mais bientôt ils pourraient discerner des détails …. Il fallait faire vite…

J’attendais toujours qu’il dise quelque chose quand il se décida à parler :

- Lui : tu retraverses et tu te tiens de l’autre côté du virage
- Moi : mais ils vont me voir !
- Tu te débrouilles, tu ne descends pas du talus, tu restes à côté de la route, je veux regarder ça
- Putain tu ne peux pas me faire faire ça ….. déjà que deux mecs m’ont trouvé tout à l’heure …
- Connard ! et c’est maintenant que tu me dis ça ! …… tu me raconteras ça après, la bagnole arrive, vas-y !

Lui était dans le noir total assis dans sa bagnole et moi dehors, tout autant dans le noir mais à l’extérieur du virage. Le stress me faisait réfléchir et je compris très vite que les phares de la voiture me croiseraient inévitablement quand elle entamerait la courbe de la route. J’apparaîtrai tel un ver aux passagers du véhicule qui se dirigeait vers moi ; une seconde rencontre était probable mais ce coup-ci, sous les yeux du mec qui avait décidé de regarder comment j’allais gérer cette ignominie d’être découvert nu en pleine nuit.

Je me dis qu’il fallait éviter le pire et je mis mes mains devant les parties pour cacher ce que je ne voulais pas montrer à ces passants qui ne demandaient rien. Les deux mecs rencontrés un peu plus tôt avaient déjà été choqués et avaient été méprisants, je ne voulais pas revivre ça.

La voiture avançait toujours (évidemment !) et désormais la rencontre allait se faire très vite. Je me préparais en fermant les yeux et en imaginant ce qui allait se passer. J’allais être balayé par la lumière des phares ……Puis j’entendis le bruit du moteur s’approcher, les pneus sur la route, ….., j’ouvris les yeux d’un dixième de millimètre et compris que j’étais parfaitement éclairé par la bagnole qui arrivait en face. Dans ma confusion je préférais cacher mon visage et je le mis dans mes deux mains.

J’avais fait le choix –pas très réfléchi !- de cacher ce que j’avais de plus personnel et donc de laisser ce que j’avais de plus indécent à l’air libre.
Ne pas être reconnu …. telle était ma décision au moment où la panique m’avait envahi. Ces instants se déroulèrent très rapidement mais à l’échelle de mon angoisse cela parut une éternité.

Pendant que la bagnole s’approchait, c’était comme si je n’avais pas été là, j’avais réussi à suspendre ma conscience de ce que j’avais consenti à être pour le mec qui me regardait depuis le fond de l’obscurité. Mais en même temps je me rendais bien compte que je représentais quelque chose de trop scandaleux et finalement j’étais partagé entre une honte qui me tenait au ventre et une neutralité d’objet qui se révéla vite une protection d’une piètre efficacité. Alors que la bagnole était exactement à mon niveau et comme j’écartais légèrement les mains je vis la réalité qui me plongea dans un effroi insondable : la bite que je portais n’avait jamais été aussi éruptive et j’eus véritablement la sensation que quelque chose sortait de moi, c’était une muqueuse de mon métabolisme interne qui se projetait au dehors et qui provoquait la nuit, les passagers de la voiture, les étoiles, la nature. Elle était véritablement debout entre mes deux jambes comme un cobra qui se dresse pour attaquer une proie. Je ne pouvais que laisser faire et me laisser voir dans cet état inhumain.

Coups de klaxon, plusieurs ; freinage, arrêt de la voiture ; voix dans la nuit ; la voiture m’a dépassé mais elle est à l’arrêt ; insultes qui ne peuvent être adressées qu’à moi ; je ne bouge absolument pas, sensation que je flageole sur les jambes ; des mots me sont envoyés ; silence et immobilisme chez le mec qui me détaille depuis la zone d’ombre ; mon phallus est irrigué des fortes pulsations sanguines provenant du muscle cardiaque, il est secoué de micro tressaillements qui ne cessent de me rappeler qu’il est là, présent sur moi ; mes yeux restent fermés …….
Mes yeux restent fermés mais plus pour longtemps ……

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