Compiègne (Épisode 2)

Virginie était pensive. Elle pensait aux deux garçons qu’elle avait rencontré ce jour-là et plus particulièrement à la conversation qu’ils tinrent avec elle à la sortie du musée, tandis que Bob était encore dans la boutique. L’un des gars le lui avait dit :
« Et en plus, c’est bien payé ! »
Cette phrase fit échos plusieurs fois dans ses pensées, sur le trajet qui la ramenait à Senlis. Le gars lui avait annoncé le montant de la prestation. Cela la tourmentait. On venait de lui proposer de l’argent en échange d’une scène, d’un tournage où elle serait l’héroïne du jeu. Et quel jeu ! les gars ont été direct avec elle :
« L’objectif, dit l’un des deux gars, c’est de coucher avec nous où deux autres mecs ; c’est au choix, c’est comme tu veux ! On peut mettre te présenter un catalogue avec nos acteurs ! »
Virginie n’en revenait pas et n’en croyait pas ses oreilles. Elle était choquée et intriguée par la démarche des deux compères. « Me demander ça à moi » se disait-elle en les écoutant, puis de dire :
« Mais pourquoi moi ? »
L’autre gars prit la parole :
- On vous a vu, toi et ton copain, et on s’est dit « cette fille là là-bas, je suis sûre qu’elle est chaude », Je me trompe ?
« Non ! je ne suis pas comme vous dites ! », « Et je suis fidèle à mon compagnon ! » ajouta Virginie tout en restant attentive à leurs remarques et à leurs commentaires.
Virginie était une fille timide, presque réservée. Peu d’hommes avait remarqué jusqu’à présent qu’il suffisait souvent juste de l’aborder et de l’apprivoiser. Elle était comme un oiseau en cage à qui on avait rendu la liberté. Elle virevoltait, attendait qu’on lui adresse la parole, demandait de l’attention et les deux compères des jardins de Compiègne l’avait bien remarqué. Ils avaient pris le temps de l’observer avant de l’aborder et ne s’étaient sans doute pas tromper sur la personnalité de la belle : une semaine plus tard, elle les rappela !

C’était de chez elle, alors qu’elle était en vacances une semaine chez sa mère, à Senlis, qu’elle appela le numéro qu’elle ne cessait le lire et de relire chaque soir avant de se coucher.

Bob venait de passer un week-end avec elle. Il était reparti sur Paris pour ses obligations professionnelles. Chaque soir, avant d’éteindre la lumière de sa lampe de chevet et de s’endormir, elle contempla lascivement le morceau de papier sur lequel était inscrit le numéro de téléphone à rappeler. Elle hésita, tous les soirs de la semaine, du dimanche soir où Bob la raccompagna chez elle après la visite de Compiègne, Au vendredi de la semaine suivante. Il ne lui resta plus que deux jours avant de retourner sur Vincennes et décida donc d’appeler au numéro griffonné sur son bout de papier.

A cette heure, sa mère était déjà couchée et Virginie était seule dans sa chambre. Les deux femmes partagèrent la maison rien que pour elles, la mère de Virginie étant divorcée depuis plusieurs années.
Virginie hésita encore puis, se mordant la lèvre se dit : « bon, allez, j’y vais, je téléphone ». Elle savait, avant de composer le numéro qu’elle tomberait surement sur un répondeur. Il était 23 heures du soir, peu de chance pour que quelqu’un décroche !
Elle appela de sa chambre, après avoir vérifié que sa mère était bien endormie, referma la porte en toute discrétion et composa le numéro. Ça sonne ! Elle attend une fois… deux fois… soudain, elle entendit la voix d’un homme à l’autre bout du fil :
- Allô ?
C’était Phil, l’un des deux gars des jardins de Compiègne. Celui qui lui avait laissé son numéro pour être précis.
- Allô ! répondit Virginie, avec aberration (elle ne connaissait même pas le nom du gars qu’elle appelait). « Je suis la fille du château de Compiègne, Virginie », ajouta-t-elle.
« Virginie ? fit le gars, cherchant dans sa mémoire qui était Virginie ». « Ah ! Oui ! Virginie ! » se ressaisit-il rapidement. « Tu vas bien ma belle ? » ajouta-t-il.
- Oui, mais je ne peux pas parler trop fort. Ma mère dort dans la chambre à côté et je ne veux pas la réveiller.
- OK ! Dis-moi ce qui t’amènes ? tu as réfléchi à notre proposition ? Je te rassure, on est des mecs réglos ! »
- Oui, je n’en doute pas, rétorqua la belle.
C’est OK pour un casting mais je dois retourner à Paris dimanche. On peut se voir demain ?
- Demain ? Ah non, demain, ce n’est pas possible. Il faut que l’on s’organise, nous !
- Ah ! répondit Virginie, un peu déçue. « Bon, bah, tant pis alors ! »
Virginie s’apprêta à raccrocher et le gars s’en rendit compte :
- Attends, attends, attends, ajouta-t-il rapidement. Dimanche ? ça te va dimanche ?
- Dimanche, non, je ne peux pas, mon mec vient me chercher pour rentrer sur Paris.
- Ah, OK ! Je suis désolé, on ne peut pas faire mieux. Tu ne peux pas t’arranger ?
- Je vais voir, ajouta Virginie.
- OK, mais fais vite alors. Tu nous rappelles demain. Généralement, c’est moi qui décroche. J’en parle à mon pote, Yves et tu essayes toi de voir ce que tu peux faire de ton côté. On fait comme ça ?
- On fait comme ça. Et je rappelle demain matin ! ajouta Virginie.
- Ciao ma belle ! dit la voix au téléphone.
- Ciao !
Virginie était contente et toute tremblante à la fois. Elle venait, mais ce n’était pas la première fois, de braver l’interdit. Excitée par l’idée de faire le casting, elle chercha en vain un prétexte pour se rendre disponible dimanche prochain, c’est-à-dire dans deux jours. Elle éteignit la lumière de sa lampe de chevet et réfléchit à ce qu’elle pourrait bien dire à Bob pour qui ne vienne pas la chercher comme prévu dimanche matin.

Le lendemain matin, la nuit avait portée conseil : Virginie téléphona à Bob délicatement. Elle devait trouver un stratagème pour que ni lui ni sa mère ne se doutent de rien. Elle prétexta qu’elle avait rendez-vous avec une copine, à Chantilly et c’était vrai : Virginie avait bien une copine sur Chantilly : Murielle !
Sauf que, Murielle était elle aussi en vacances chez sa mère, dans le Périgord ! Cela ne faisait rien. Personne n’était obligé de le savoir. La mère de Virginie ne savait même pas où Murielle habita exactement. Elle n’avait que le numéro de téléphone portable de sa fille pour la joindre, quelque soit l’endroit où elle se trouvait.
Puis Bob ne connaissait pas vraiment Murielle. Il l’avait bien vue une fois ou deux, mais ne savait même pas dans quel quartier de la ville elle habitait.
Virginie prétexta donc le rendez-vous chez sa copine Murielle et présenta les choses ainsi autant à sa mère qu’à Bob. A Bob, ce fut simple : elle lui téléphona le samedi matin pour lui dire qu’elle avait rendez-vous avec sa copine Murielle l’après-midi. Bob lui demanda :
- Mais pourquoi tu n’as pas pris rendez-vous avec elle plus tôt dans la semaine ?
- Je ne pouvais pas. Elle était en vacances chez sa mère dans le Périgord. Elle ne rentre que ce soir et m’a dit ne pas être disponible avant demain après-midi. Je ne l’ai pas vu depuis deux mois, ajouta Virginie.
Bob acquiesça, néanmoins contrarié, pour venir chercher Virginie plus tard dans la journée. L’heure était fixée vers 17 heures, à Senlis.
Virginie n’eut pas plus de difficulté à broder une excuse pour sa mère : elle utilisa le même mensonge, à l’exception qu’elle ajouta qu’elle a prévenu Bob et que ce dernier viendrait la chercher vers 17 heures au lieu des 10 heures le matin.
Cela laissait du temps pour Virginie. Elle espérait que cela serait suffisant. Elle rappela Phil, l’un des deux garçons de Compiègne et lui dit qu’elle était dispo dimanche jusqu’à 17 heures. Phil était heureux : « Super, ma belle ! Que dis-tu, on se voit à Compiègne, même endroit, disons, 15 heures ça te va ? »
- 15 heures ? Cela risque d’être un peu short, répondit Virginie. Mon mec vient me chercher à Senlis chez ma mère vers 17 heures.
- Attends, je vais voir ce que je peux faire.
Phil plaça sa main sur le micro de son téléphone et demanda à Yves s’il était possible d’avancer l’heure pour la petite parce que dit-il son copain vient la chercher à Senlis vers 17 heures.
Yves fit signe à Phil que ce n’était pas possible, bafouillant quelque chose d’inintelligible pour Virginie, à l’autre bout du fil.
- Non, ce n’est pas possible, précisa Phil, lui-même déçu.

La belle réfléchit rapidement. Elle avait vraiment envie de faire ce casting ; Puis soudainement, elle répondit : « Bon, OK, c’est OK pour 15 heures à Compiègne ! »
- Tu vas t’arranger ? répondit-il au téléphone.
- Oui, je vais m’arranger, ne t’inquiète pas ! ajouta Virginie.
- OK, bon bah, à demain ?
- A demain ! répondit la belle.
En raccrochant, Virginie réalisa qu’elle devait bien s’organiser pour être toutefois à l’heure à Compiègne : les bus pour Compiègne ne circulaient pas le dimanche, et il fallait passer par Chantilly, pour rejoindre la gare la plus proche. C’était une vraie expédition, avec ses contraintes : les horaires, les trains qui potentiellement sont en retards, les changements, etc. Elle trouva finalement un train pour Compiègne (au départ de Chantilly). Il ne lui restait plus qu’à prendre le bus pour la ville princière et le tour était joué.

Le samedi, après avoir appelé Bob pour lui dire qu’elle ne serait pas disponible avant 17 heures et murmuré à sa mère un mensonge aussi gros, Virginie s’en alla dans sa chambre voir ce qu’elle pouvait mettre comme vêtements. Elle fouilla dans son armoire, déballa quelques affaires, robes, jupes… Elle s’en trouva une qui lui plaisait bien. C’était la robe de témoin du mariage de sa sœur. Virginie l’avait conservée précieusement, espérant la remettre un jour. Elle se dit qu’elle était jolie et qu’elle irait bien pour demain, le grand jour.
Une question s’imposait toutefois : comment faire pour que sa mère ne la voit pas partir avec cette robe que Virginie jugea trop élégante pour sortir avec une copine. Devait-elle la mettre dans un sac puis se changer dans les toilettes du train ? Ce n’était pas top comme idée. Que dira Bob le soir s’il la voyait dans cette tenue ? Finalement, Virginie opta pour une robe plus soft, de la même couleur. Les épaules étant dénudées. Elle ajouta un petit gilet à manches en élasthanne. La belle avait une allure très chic. Elle se regarda dans la glace : c’était adjugé. Elle venait de trouver ce qu’elle porterait le lendemain.

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