Deux Soeurs



Sophia, la jeune soeur de mon épouse Maria, bac en poche est admise à sciences politiques dans notre ville. De Lisbonne, elle nous contacte pour trouver une chambre en ville. Tout naturellement Maria propose de lui réserver notre chambre d'amis pour deux ans. Leurs parents se réjouissent de la solution qui allégera le budget des études de la cadette. Maria est heureuse de retrouver sa soeur. Me voilà entouré de deux jeunes femmes, dans une ambiance familiale apaisante.

Il y a quelques années, Maria a profité de l'ouverture des frontières dans l'union européenne pour s'installer en France. Comme beaucoup de portugaises elle a accepté des emplois de femme de ménage. Salvador, un de nos voisins d'origine portugaise lui aussi, a réussi à la faire entrer dans une grande surface où, grâce à son activité d’abeille, Maria est devenue chef de rayon. J'ai fait sa connaissance quelque temps avant sa dernière promotion. Nous avons flirté pendant quelques mois, avons de décider de nous marier. Comme il se doit, Maria est arrivée vierge au mariage. La célébration et la fête ont mis à sec nos comptes en banque.

Dès le début de notre vie conjugale, Maria a établi un règlement pour gérer notre budget. Toutes les dépenses communes, loyer, eau, électricité, nourriture seront payées par une contribution à parts égales dans le pot. Chacun versera la même somme. Si nécessaire nous compléterons par une cotisation supplémentaire. Le procédé devrait éviter les contrôles tatillons. J'ai trouvé ça pratique et j'ai adhéré à la méthode, malgré le vague sentiment que ma femme était autoritaire. Mais quand on est amoureux la vie est rose. Sophia, en arrivant, a dû se plier à la règle de sa soeur, elle a fait la moue.

Quand une jeune fille de 18 ans fait la moue, sa grimace se remarque. Maria l'a ignorée. Je me suis tu lâchement. Les jours, les semaines, les mois passent. L'étudiante a quelques copines et copains, sort un peu le soir, Maria impose des limites.

Toutes deux aiment s'entretenir dans leur langue natale entre elles ou avec certains voisins qui ne peuvent pas oublier leurs origines. A ces moments, je me retire puisque je ne les comprends pas. Antonio, Pedro, José, Salvador ont porte ouverte chez nous, Maria et Sophia sont parfois invitées chez ces amis. Un certain roulement les mène dans une famille ou dans une autre. Le soir les chansons nostalgiques entretiennent les souvenirs.

Actuellement Sophia déroule la deuxième année de son cycle. Des bruits annoncent une pandémie originaire de Chine. Ce soir Maria est toute tendre, affectueuse comme rarement. Elle veut..., sa chemise de nuit tombe, elle me tend les bras, m'attire sur elle. Je la possède amoureusement. Maria essaie de ne pas être trop bruyante, elle ne voudrait pas émouvoir la petite par des gémissements trop sonores et significatifs. Mais elle se donne, bouge, balance ses jambes et m'étreint avec force. Je revis nos premières nuits de jeunes mariés. Cela devrait arriver plus souvent.

Une petite douche plus tard, alors que j'aspire au sommeil, Maria, contrairement à l'habitude entame une conversation.

- Mon chéri, j'ai une demande particulière à t'adresser. J'ai reçu aujourd’hui un appel de ma mère. Mon père serait malade et souhaiterait me parler. Maman pense que je devrais prendre un avion pour passer une semaine en famille. Penses-tu que tu pourrais te passer de moi pendant huit jours ?

- Mais bien sûr. Sophia t'accompagnera certainement ?

- En pleine année scolaire, ce n'est pas indiqué. Et puis, pendant mon absence elle te donnera un coup de main en cuisine, non ? Qu'en dis-tu ?

- Tu as réfléchi. Comme toujours je te fais confiance. Quand pars-tu ?

- Je savais que tu m'encouragerais, tu es si compréhensif. Aussitôt après le coup de téléphone de maman, j'ai consulté le calendrier des vols et sans perdre de temps j'ai commandé mon billet. L'avion s'envole lundi matin, vers onze heures.
J'ai posé une semaine de congé. Tout se passe bien.

En effet, tu n'as pas perdu de temps. As-tu averti Sophia ? Qu'en dit-elle ?

Cela, c'est pour demain.

- Comment te rendras-tu à l'aéroport? Veux-tu que je prenne une demi journée pour t'y conduire ?
- Que tu es chou, mon amour. Ce ne sera pas nécessaire. Pedro, le frère d'Antonio, ne travaille pas le lundi et m'a offert ses services. C'est ça la solidarité portugaise.

Je murmure un "bravo" et je me tais. Dans mon crâne ça bout tout çà coup. Pedro a connu avant moi les intentions de Maria. Tout est réglé d'avance et si Maria me demande mon avis, ce n'est qu'une formalité. J'aurais l'air de quoi si j'émettais une objection ? A quoi cela rimerait-il ? Toute la colonie lusitanienne rappellerait à ma femme qu'elle a eu tort d'épouser un français de « « souche ». Parce que, pour ces gens, le français est raciste et jaloux.

Pedro a chargé la valise, Pedro a galamment ouvert la portière droite, Pedro a fait monter Maria, Pedro a refermé la porte. Pedro me sort par les trous de nez. Maria m'a soufflé un dernier bisou. Elle m'a envoyé un sms pour me dire que le vol s'était bien passé. Elle m'a rassuré sur la santé de papa...Et le confinement est arrivé.

Le télé travail s'impose. On nous rabâche les gestes barrières, on soumet les déplacements à des attestations dérogatoires motivées et limitées dans le temps et l'espace, on nous explique longuement que le port du masque ne sert à rien en dehors des services hospitaliers. Les cours de sciences po se feront sur le web. Sophia est prisonnière, si elle avait accompagné Maria elle pourrait travailler au Portugal sur le web. Elle rouspète, se sent lésée. Ses collègues, mieux avisés ont rejoint leurs parents. Elle se retrouve seule, son meilleur ami lui-même s'est soumis aux ordres de ses parents.

Elle passe des heures dans sa chambre, devant son ordinateur. Elle sort rarement. Nous attendons des nouvelles de Maria retenue au Portugal.
Les nouvelles sont rares, il n'y a pas de réseau à proximité du village où demeurent mes beaux-parents. Sophia et moi partageons les tâches ménagères; la cuisine est l'endroit le plus fréquent de partage de vie. Prévu initialement pour quinze jours, le confinement est renouvelé. Maria me manque. Le souvenir de nos dernières nuits d'amour ne remplace pas la réalité. La vie de célibataire commence à me peser. Oui, Maria me manque. Aussi gentille soit-elle, ma jeune belle soeur, utile devant la plaque de cuisson, ne peut pas prendre la place de sa soeur dans mon lit.

Souvent, de ma chambre, j’entends des voix assez monotones. Voix de profs sur internet, sans doute. Ce soir c’est autre chose, une discussion animée se tient alors que je vais aller au lit. Sophia s’énerve, discute, proteste, s’apaise un instant puis élève la voix. On ne répond pas sur ce ton à un prof. Que se passe-t-il ? Je dois la calmer. Je frappe à la porte de sa chambre. En pleine crise elle ne répond pas. J’entre. Elle se tourne vers moi, fait « oh ! » et ramène une main sur ses seins dénudés. Son autre main tient son smartphone.

-Excuse-moi, je me demandais pourquoi tu criais. Je ne savais pas que tu étais en train de te déshabiller. Quelque chose ne va pas ? Avec qui te fâches-tu ? Remonte ton soutien-gorge.
-Mais c’est mon copain ! Quoi, la vue de ma poitrine te dérange ? Ben, pas lui. Attends, je coupe whatsapp. Tu sais ce qu’il demande cet idiot ? Il dit que je lui manque, que…

-Parle doucement, cool ! Tu as une jolie poitrine, c’est évident. Je suppose que ton copain a voulu la voir et que tu as enlevé ton soutien-gorge. Il n’y a pas de quoi crier. Est-ce la première fois qu’il voit tes nénés ? Quel âge a ce garçon ?

-Pas tout à fait 19 ans. Non, quand on se voyait chez lui, je lui ai montré mes seins. Il disait « ils sont merveilleux » et il me flattait pour réussir à les toucher. Il les a même embrassés.

-A votre âge, c’est normal.
Alors pourquoi crier aujourd’hui quand il veut les voir sans pouvoir les toucher ? C’est virtuel.

-Oui, mais si tu savais ce qu’il me demandait en plus. tu comprendrais mon énervement. Sous la menace de mettre la photo de mes seins sur le web, il exigeait que j’enlève ma culotte et que je lui montre mon sexe. Et ça il ne l’a pas vu. Alors nous nous sommes engueulés. J’ai refusé de montrer ma vulve. Quand il a voulu que je me masturbe et que je lui fasse voir mon visage quand je jouirais, j’ai compris qu’ensuite il aurait un nouveau truc pour me faire chanter. De là mes cris. N’ai-je pas raison. ? C’est un grand con et un salaud , un pervers! Je ne lui parlerai plus.

-C’est très raisonnable. Tu es sage, je te félicite. Eh ! bien, bonne nuit.

-Attends, comment fais-tu depuis le départ de Maria ? Elle doit aussi te manquer. Tu lui demandes aussi des choses comme ça ?

-Tu oublies les difficultés des liaisons ? J’espère que le confinement cessera bientôt et qu’elle reviendra vite.

-Tu as raison. Mais ça doit être difficile pour un mari. Ah ! Si un jour elle voulait s’installer au Portugal, la rejoindrais-tu ? C'est juste une hypothèse.

-La question ne risque pas de se poser. Elle a été tranchée avant notre mariage. Maria m’a juré de rester en France avec moi.

- Vrai, elle t'a juré ça ?Seulement, j’ai cru comprendre qu’elle apprécie beaucoup son séjour au pays natal. Ne crains-tu pas qu’elle change d’avis un jour ?

-Quelle question ! T’a-t-elle fait des confidences à ce sujet ? Non, ne t’inquiète pas, dès la levée des règles sur la circulation, elle accourra.

-Tant mieux. Si seulement je pouvais être aussi patiente que toi. Mais en plus, je viens de rompre avec l’autre con. Je l’aimais, j’espérais le revoir bientôt. Bof, il y en a d’autres, hein ?

Le lendemain matin, au petit déjeuner, Sophia a triste mine, les yeux rougis. Visiblement elle a passé une mauvaise nuit, elle bâille, renifle, fait pitié. Il lui faut du réconfort, sinon elle perdra pied. Lorsqu’elle se lève, je lui tends les bras. Sans hésiter elle se réfugie contre moi. Je pose un bisou sur son front plissé. Elle lève les yeux, brusquement ses bras se referment sur ma nuque, sa bouche se colle à la mienne. Ciel, je suis vraiment maladroit et je viens de lui donner des illusions. Ses paroles le confirment.

- Jean, serre-moi fort contre ton corps. Je n’en peux plus, je t’aime. Encore, embrasse-moi. Si Maria ne revient pas, je veux être ta femme.

- Allons, Sophia, tu dérailles à cause de ta déception. Rappelle-toi, je suis le mari de Maria, ta sœur. Tu es bien gentille, mais ça ne se fait pas; on ne couche pas avec sa belle-soeur.

- Ca va, j’ai compris, je ne suis pas à ton goût, je n’ai pas un gros cul, mes seins sont trop petits, tu préfères les petites grosses avec des nibards comme des melons. Alors je n’ai plus qu’à m’offrir au frère de Pedro. Il sera fier et heureux de me délivrer de mon pucelage, lui. Depuis qu'il me fait la cour, il aura sa récompense. Toi, je t'aime, tu me rejettes. Si tu savais.

- Comme tu veux, mais ne viens pas te plaindre s’il te baise par pitié puis te laisse tomber. Je crois savoir qu’il est fiancé. Calme-toi, repose-toi, demain cela ira mieux. N’agis pas sur un coup de tête que tu regretterais plus tard.

- Tu parles comme mon père.

Cette riposte n'est pas un compliment, prononcée sur ce ton. Sophia me lance cette phrase pour me vexer. Mieux vaut me retirer. Elle rage et n'est pas disposée à entendre raison.Je préfère m'absenter jusqu'au soir, lui laisser le temps de se calmer.

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