La Tentation De L'Ange.

LA TENTATION DE L’ANGE :

Une femme assiste, impuissante, aux ébats torrides de sa petite amie. Celle-ci, jusqu'ici sage et réservée, son ange idolâtré, s'est laissée entraîner par une voisine dans une spirale aussi dangereuse que débridée, et se découvrira, après une farouche résistance, d'insatiables aptitudes sexuelles. Remise en question et terrible constat de défaite pour son amante qui, brisée et anéantie, ayant toujours privilégiée les relations platoniques, en sera réduite à observer la longue et vertigineuse débauche d'une femme qu'elle croyait si bien connaître…

C'est étrange comme le destin peut vous jouer des tours, vous prendre comme bouc émissaire et s'amuser à chambouler votre vie de façon si cruelle. Tout me souriait, une vie heureuse et sereine, un boulot passionnant, une amante adorable, et en si peu de temps tout vient de s'écrouler. Assister à ma propre chute sans me battre me semble logique, un juste châtiment, le prix à payer pour des années d'égoïsme, de boulot acharné, de course à la promotion, et tout cela aux dépens de ma vie amoureuse .. Anéantie, je me traîne pitoyablement comme une âme en peine, abandonnant toute dignité. Qui s'en préoccupe maintenant ? C'est avant que j'aurais dû réagir, m'inquiéter ou sentir venir le danger, et tout faire pour que cela n'arrive jamais. Aujourd'hui, il est trop tard, j'ai tout perdu. De la culpabilité, de l'amertume, du désespoir, c'est un mélange perfide de tout ça qui me laisse sans force. Quel nom donner à ce trou béant qui vient de s'emparer de tout mon être ? Je ne sais pas, mais j'en connais par contre le résultat final, une horrible vérité que je ne suis toujours pas prête à affronter. Je traverse le salon d'un pas chancelant, sur des jambes lourdes qui ont du mal à me guider, comme si elles appartenaient à quelqu'un d'autre. J'ai la désagréable impression d'être une marionnette manipulée par une volonté pleine de bonnes intentions, mais manquant réellement d'expérience dans son art.

Je me fais violence pour sortir de cet état végétatif dans lequel je sombre lamentablement, fonçant sur ma télévision d'une démarche un peu plus assurée. Ma décision est prise. Je dois connaître la vérité, même si le mal est déjà fait. Le seul moyen d'en être sûr est de visionner ce foutu film. Là, j'en aurai enfin le cœur net, le triste dénouement d'une sombre histoire. Tant de folies qui me paraissent incompréhensibles, qui ont pris ici des proportions démesurées. C'est ce matin de fin d'été que tout s'achève, et l'appréhension de ce que je vais voir me fait encore hésiter. La vérité me flanque la frousse, je ne peux le nier, mais j'éprouve la sensation encore plus forte et plus insidieuse de satisfaire une curiosité presque malsaine.
" Ne regarde pas, fous le camp d'ici !"
Mais au lieu d'écouter cette voix, voilà que je me penche sur le côté de l'écran, à l'endroit où sont regroupées toutes sortes d'entrées et sorties audio- vidéo. Je dois m'y reprendre à trois fois avant de faire les bons branchements, ne sachant pas trop comment relier le camescope à mon téléviseur. J'y parviens, appuie sur la lecture. Je m'installe nerveusement sur mon canapé, gardant d'abord les yeux fixés sur la table basse, là où sont posés un verre et une bouteille de Martini. Un petit remontant dont je vais bien avoir besoin… J'évite le papier qui traîne à côté, avec ce message immonde qui vient de me frapper en plein figure, que je viens de lire il y'a deux minutes: " Ta copine m'appartient, elle est à moi maintenant, et en voici la preuve. Signé, Laure." Pour l'instant, je ne peux me résoudre à regarder l'écran. Je ferme les yeux, retiens mon souffle, rouvre les yeux en levant la tête. Je laisse échapper l'air de mes poumons, avec le sentiment de fondre sur place en affrontant les premières images. Ce n'est pas un camescope numérique, la qualité s'en ressent péniblement. Une image affreuse, des couleurs qui bavent, avec des défauts de granulations et de contrastes dans les scènes sombres qui accentuent le côté glauque et réaliste du film amateur.
Je distingue un enchevêtrement de corps nus, de membres entrelacés, de seins et de pubis qui apparaissent dans un flou qui n'a rien d'artistique, et pendant un long moment il m'est impossible de reconnaître qui que ce soit. L'image tremblante se perd d'un coup vers le plafond, si haut qu'il en est invisible dans les ténèbres, puis redescend le long de pierres dures et lisses, couleur grenat, faiblement éclairées par quelques torches qui brûlent dans des niches creusées dans la paroi. Les murs sont à peine décorés de tissus perlés et de rares sculptures en cire, comme ces visages de femmes aux traits figés dans un masque de luxure, abaissant leurs regards torves vers le sol. Leurs têtes coupées forment une rangée superposée, inclinées dans un angle grotesque, ce qui ne les rend que plus sinistres. De toute façon, tout semble lugubre et macabre, un décor gothique assez effrayant, ren par l'architecture imposante, écrasante même. Mais le décor me semble vite anodin lorsque l'image descend et se fixe sur une dizaine de lits immenses, recouverts de lin, posés dans le même alignement à distance égale. Le camescope va rapidement de l'un à l'autre, comme cherchant quelqu'un, et ce à une telle vitesse que je ne distingue plus rien. Enfin, l'image s'arrête sur un lit et n'y bouge plus. Un zoom plus précis se fixe sur les personnes qui s'y ébattent joyeusement dans une mélodie de soupirs extasiés. La chevelure flamboyante de Laure étincelle un instant dans ce mélange de chairs impudiques, mais pas son visage qui reste enfoncé dans la fourche d'une cuisse féminine. En voilà une qui passe du bon temps, mais sa présence n'a rien de surprenant, je m'y attendais. Le décor est maintenant planté. On est là en pleine soirée échangiste, dans un pseudo temple dédié aux plaisirs de la chair, pour de longues nuits de débauche. Ici, les clientes se livrent à toutes sortes de perversions, parodiant quelques cérémonies antiques et obscènes, au cours d'orgies interminables. Les grands lits occupés par des femmes qui gémissent et se tordent les unes sur les autres me donnent raison à cent pour cent.
Mon cœur se serre d'angoisse lorsque l'image plonge soudainement au cœur même de l'action, où toutes ces peaux luisantes qui s'emmêlent me font penser à l'étreinte sinueuse des serpents, un fouillis à la fois immonde et voluptueux. Imaginer Mélanie dedans me procure une excitation si vive et si inadmissible que je la chasse aussitôt. Honteuse, je m'accroche à l'espoir de ne pas la trouver là-dedans, mais je n'y crois pas trop. A quoi bon alors ce message et cette cassette qui l'accompagnait. L'attente me devient insupportable, et je ne peux m'empêcher pendant ce temps de laisser dériver mon esprit en arrière. Au début, il n'y a que les ténèbres, puis la confusion, avec l'impression de vivre simultanément dans le passé et le présent. Quelques détails se gravent enfin avec une précision redoutable, revenant souvent à cette fois où l’on a croisé Laure dans le couloir de l'immeuble, alors qu'elle venait d'emménager. Elle nous a fait un effet immédiat, et apparemment beaucoup plus à Mélanie, ce que je n'aurais jamais soupçonné. Laure est une femme qui impressionne, qui en jette. Grande, sportive, elle a cette énergie et cette décontraction de celles qui sont bien dans leur tête et bien dans leur peau, et à l'aise en toutes circonstances. Même vêtue d'un survêtement, son habit préféré, elle dégage un sex-apple et une sensualité débordante, avec un naturel désarmant. Son beau visage ajoute encore du charme, elle n'a rien à jeter : yeux en amande, grande bouche pulpeuse, nez aquilin, fossettes expressives qui accentuent son côté espiègle et rieur. Son look rebelle ajoute encore du piquant : cheveux d'un rouge agressif, piercing au sourcil droit, tatouage d'un ange sur l'épaule gauche, elle affiche ainsi un tempérament de femme libre et anticonformiste. Bref, tout le contraire de Mélanie, qui est plutôt classique, un peu BCBG, timide et discrète en toutes circonstances, et qui ne fera jamais rien pour se démarquer. Et, contre toute attente, malgré leurs différences, le courant est très bien passé, un peu trop même… Et moi, stupide et aveugle, je n'ai rien vu, trop préoccupée par ce poste de rédactrice en chef que je souhaitais absolument obtenir, travaillant jour et nuit, sans relâche, délaissant complètement ma petite chérie.
Certes, notre vie amoureuse n'était déjà pas au beau fixe ces derniers temps, nous étions enlisé dans le triste refrain boulot dodo, mais comment faire autrement lorsque le couple travaille beaucoup trop chacun de son côté, avec très peu de temps libre et de loisirs ? Bon, je n'essaie pas de me trouver des circonstances atténuantes, cela n'excuse pas tout, mais cette vie active ne facilite pas l'intimité ou le dialogue. J'aurais dû avoir la puce à l'oreille lorsque Mélanie s'est montrée plus indépendante, plus émancipée, subissant l'influence néfaste de la voisine, sans que je m'en rende compte réellement. Et, de même, j'aurais dû avoir plus tôt des soupçons sur les orientations sexuelles de Laure, qui ne recevait que des filles. On peut dire que ça défilait chez elle, rien que des filles de tout genre et toutes nationalités, dont cette immense et sculpturale noire, Daphné, que je n'ai jamais aimée. Elle avait ce petit air moqueur et condescendant qui veut vous rabaisser, celle-là je ne pouvais pas me l'encadrer ! Laure, elle, était plus avenante, même si elle me donnait l'impression de se forcer un peu, pour mieux me tromper sans doute, pour que je ne me braque pas contre elle et interdise catégoriquement Mélanie de la voir. J'aurais dû également deviner ses intentions rien qu'à sa façon de la regarder, comme si elle voulait la manger à la petite cuiller ! Comme j'ai été stupide ! J'ai atteint le sommet de la bêtise humaine en laissant Mélanie seule durant toute une semaine. Je n’avais pas trop le choix, ce foutu séminaire à Toulon m’avait été imposé par le patron, mais j’aurais dû quand même refuser. L’abandonner si longtemps fut la plus grosse erreur de ma vie. Et j’avais tellement confiance, croyant en l’amour indéfectible et absolu. Comme je fus naïve aussi ! C'est cette fameuse semaine qu'il s'est passé quelques chose, car elle fût ensuite différente. Oui, plus aucun doute alors que j'y repense, le changement radical s'est opéré à partir de cet instant là. Depuis, elle se montre distante, absente, perdue dans ses rêves, délaissant le ménage et ses petites manies domestiques, fuyant ma présence le peu de fois où l'on se voit… Je ne sais pas ce qui lui est arrivé cette semaine-là, mais je crois que je vais bientôt le savoir, et certainement le regretter. Je reporte mon attention sur la télé, me concentrant sur les images qui se font plus nettes, dans un plan plus général. Enfin, tout m'apparaît clairement. Aucune trace de Mélanie, et je me sens soulagée, avec l'infime espoir que je me suis inquiétée pour rien. Sur le lit, quatre femmes font l'amour : Laure, Daphné dont la peau noire contraste violemment sur celles de ses compagnes, et deux autres que je ne connais pas. La scène est éclairée plus distinctement par un chandelier à sept branches, aux lueurs blafardes. Un mouvement brusque me signale qu'il va y' avoir du changement. Les deux femmes inconnues bousculent sur le côté, toujours étroitement enlacées, libérant ainsi Laure et Daphné qui en profitent pour sortir du lit. Laure s'étire avec une grâce féline tout en regardant fixement la personne qui filme, une femme sans aucun doute. Les yeux de Laure sont des fentes brûlantes, et c'est comme si elle me voyait à travers l'objectif. Je repousse ce sentiment absurde. Etrangement, elle a gardé son pantalon, un jean de couleur noire qui est à moitié déboutonné, et elle en est encore plus sexy. Elle détourne les yeux, inspectant les lieux avant de diriger son regard dans la même direction que Daphné, droit devant. Cette dernière se passe souvent la langue sur les lèvres, avec des hochements de tête approbateurs. Je ne sais pas ce qu'elles lorgnent ainsi, mais cela a l'air de leur plaire drôlement. Elles se dirigent ensemble vers un escalier de pierre qui s'enfonce dans la pénombre. Le camescope suit maladroitement leur progression, faisant en même temps un plan serré. Une magnifique silhouette, silencieuse et immobile, s'encadre dans le champ de vision. Je la reconnais tout de suite : Mélanie. Mon cœur ne fait qu'un bond.
-" Oh, non…"
Je sens monter en moi une panique irraisonnée. Evidemment, je m'en doutais, mais jusqu'au bout j'osais croire le contraire, avec l'entêtement de celle qui refuse la vérité. Cela risque de modifier à jamais ma façon de vivre, m'obliger à réaliser que l'amour peut engendrer bien des folies et des aberrations, si loin de mes principes et de ce bon sens auquel j'ai toujours crû … Même si ce n'est que justice d'en faire cruellement les frais, j'aimerai avoir une deuxième chance, réparer mes erreurs, tout recommencer à zéro. J'ai envie de crier, tout arrêter, avertir Mélanie, la mettre en garde et lui ordonner de s'enfuir le plus loin possible de cet endroit décadent où l'attendent les pires sévices. Je parviens à me maîtriser, cette réaction est aussi puérile que stupide, je connais le résultat final et mon inquiétude n'y pourra rien changer. Mélanie, comme inconsciente du danger qui la guette, ne bouge toujours pas. Sa présence à quelque chose d'irréel, de choquant. Elle n'a pas sa place ici, elle paraît si fragile, si innocente. Sa beauté ingénue illumine à elle seule la vaste pièce, et même l'image granuleuse de la vidéo qui se fige sur elle ne peut l'enlaidir. Elle est toute de noire vêtue, pas longtemps puisque Laure entreprend de la déshabiller aussitôt, mais lentement, savourant chaque instant où elle la met à nue. Mélanie est figée, la respiration haletante, se laissant faire mais crispant tout de même ses mains sur son pantalon alors que celui-ci glisse à ses pieds. Elle ne réussit qu’à retenir son slip qui commençait à descendre avec. Elle s’y accroche désespérément, poussant un petit râle de protestation. Laure n’insiste pas, enlacée par Daphné qui se colle dans son dos, lui caresse les bras, comme pour lui communiquer son excitation, une excitation qui n’a fait que croître en assistant à ce délicieux spectacle. Maintenant, elles la dévorent du regard, comme deux lionnes se délectant d’un mets de choix dont elles vont profiter savamment. Mélanie en reste pétrifiée. Elle est juste vêtue de son petit slip en soie, de couleur grise, et je devine dessous l'ombre du pubis qui se dessine. Je me surprends encore à admirer la délicatesse de sa gorge offerte, la douceur satinée des épaules nues, la finesse de sa taille élancée, le galbe parfait de ses petits seins. Comme elle est belle et désirable ! Mélanie, Mélanie… Mon seul et unique amour, la femme de mes rêves, mon ange… Déjà cinq ans que l’on vit ensemble, et j’ai tout gâchée en croyant stupidement que notre bonheur était déjà acquis pour l’éternité. En si peu de temps je l’ai perdue alors qu’il m’a fallu plusieurs mois pour la conquérir. Depuis notre rencontre à la piscine municipale, il y’ a six ans, elle m’obsédait jour et nuit, occupant mes pensées avant que j’ai le courage de l’aborder. Chaque mercredi, je restais stupide et paralysée, bouche béante, observant en silence cette jeune femme d’une étonnante beauté qui représentait à mes yeux la grâce la plus émouvante qu’il m’eût jamais été donnée de voir, et la tête me tournait à force de la contempler. Oui, son souvenir m’avait réellement hantée, me réduisant à l’état d’amoureuse transie. Et plus j’attendais et plus il m’était difficile de l’approcher. Enfin, je fis le premier pas. Maladroitement, je le reconnais, bafouillant et oubliant la phrase que je pensais spirituelle et que j’avais longuement répétée, mais cela eut au moins le mérite de l’amuser, ce qui me sauva du désastre… On devint amies. Pour attirer son attention, il fallait la faire rire et la surprendre. Mélanie avait fui sa province profonde avec précipitation. Elle étouffait dans un contexte familial ringard et étriqué qui se complaisait dans les conventions petites-bourgeoises de bas-étage, et c’est ainsi qu’elle décida d’affronter seule le monde du travail alors que ses études étaient inachevées. La destination la plus proche et la plus excitante était évidemment Marseille, où elle trouva vite un emploi de secrétaire médical. Elle occupait en location un studio bien trop cher et ses soucis financiers devinrent pour moi une aubaine car je lui proposai vite de cohabiter dans un appartement bien plus grand et bien plus luxueux. Là, je pensais que les choses seraient plus faciles pour lui dévoiler mes sentiments, mais je me trompais. En effet, il me fallut six mois pour lui faire comprendre que j’attendais plus qu’une simple amitié. D’un naturel timide et réservé, elle était de surcroît naïve, ne voyant le mal nulle part – mais peut-on parler de mal lorsqu’une femme se sent attirée par une autre femme ? – et elle était donc longue à la détente. Ma première tentative se solda par un échec cuisant, j’eus l’impression que le ciel me tombait dessus et que ma vie s’arrêtait là, brutalement, parce qu’elle ne valait pas d’être vécue sans elle. Mélanie était hétéro, ce dont je me doutais, mais il n’est jamais trop tard pour comprendre ses erreurs, il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis… Mélanie se révéla donc particulièrement avisée, après trois mois de confusion et de malaise, à se laisser faire lorsque je pris l’initiative de venir la rejoindre au lit. On passa la nuit ensemble, sans faire l’amour, juste blotties dans les bras l’une de l’autre, cherchant chaleur et réconfort, un ineffable besoin de tendresse et de bien-être. Pour manifester mon amour, je crois plus aux relations platoniques, au respect et à la noblesse d’esprit, à cette complicité féminine qui peut s’instaurer sans le démontrer obligatoirement par le sexe. On peut être bien ensemble sans se sentir obligée de coucher. Issue d’une famille très catholique, j’ai reçu une éducation stricte et austère et, sans approuver tout ce que l’on m’a enseigné, j’en garde des traces profondes qui continuent d’influencer de façon manifeste mon quotidien. Ainsi, après cette nuit magique, ce souvenir me transporta d’un tel bonheur et d’une telle félicité que j’en vins à retourner à l’église pour prier et chanter des louanges. J’étais une femme heureuse et comblée, le PACS fut par la suite la concrétisation de notre bonheur. Du moins c’est ce que je pensais… Ce qui aurait dû m’alerter déjà et qui ternissait un peu notre équilibre, c’est cette incompréhension sexuelle. Mélanie, malgré son jeune âge, était possédée d’un feu intérieur qui dénotait une volupté précoce et une curiosité que j’étais incapable de satisfaire ou d’assouvir. Lorsque nous faisions l’amour, une fois par semaine en moyenne, pas plus parce que je n’en ressentais ni l’envie ni le besoin - cela n’entrait vraiment pas dans mes priorités – il y’ avait en elle une passion et un appétit déroutant. C’était toujours elle qui sollicitait les relations sexuelles, j’y répondais de temps à autre avec plaisir, mais aussi souvent par obligation, un peu comme ces femmes hétérosexuelles qui se plient aux corvées conjugales pour avoir une bonne fois pour toute la paix. Et là, lorsque Mélanie m’en demandait un peu trop, cherchant à m’entraîner dans des ébats trop intenses et prolongés, j’y mettais fin un peu hâtivement, tempérant vite ses ardeurs et l’obligeant à adopter une attitude plus sage. Elle était mon ange, pure et innocente, correspondant à cet idéal féminin que je ne voulais pour rien au monde souiller. Je ne voulais pas la voir autrement, fermant les yeux sur ce qu’elle pouvait être si je cédais à ses envies. Maintenant, je regrette d’être restée hermétique dans ce domaine, c’est sans doute pour cette raison que je viens de la perdre. C’est une jeune femme si jolie, rayonnante de joie et d’innocence, qu’elle illumine chacun des endroits dans lesquels elle se rend, attirant le regard admiratif ou concupiscent des hommes et, plus grave, celui des femmes. Il y’ avait donc danger à la délaisser, je le réalise trop tard en regardant avec horreur les deux femmes qui s'approchent de Mélanie, gagnées par un trouble si flagrant et palpable que je le sens comme si l'air était chargé d'électricité. Laure semble fiévreuse et impatiente, elle se colle au plus prés de Mélanie, caressant le visage de poupée avec des gestes nerveux. Elle ne cesse de la défier du regard, arrogante et provoquante, creusant les reins pour faire saillir sa poitrine. Cette fille, je la déteste, mais je dois reconnaître qu'elle est drôlement bien faite. Beaucoup d'hommes donneraient n'importe quoi pour avoir une telle femme dans leur lit, ce qui restera toujours un fantasme impossible à réaliser…. Même constat pour Daphné, une femme que je déteste, mais à qui je dois reconnaître des atouts physiques non négligeables. C'est une superbe africaine à la silhouette impressionnante, tout en muscles et en formes généreuses, qui prend certainement un malin plaisir à déclencher des torticolis chez tous les mâles qu'elle croise. Pour l'instant, c'est ma femme qui frôle le torticolis, pour d'autres raisons : elle tord le cou pour fuir les baisers de Daphné qui se love dans ses bras avec souplesse.
-" Si on passait aux choses sérieuses…"
Mélanie émet un petit cri étranglé, secouant toujours la tête avec négation.
-" Non, j'ai changé d'avis, je n'aurais jamais dû venir ici, je regrette…"
Elle s'interrompt, trop occupée à pousser des gémissements affolés lorsqu'une langue insistante force la barrière de ses dents pour s'emparer de sa bouche. Haletante, le feu aux joues, elle y échappe en détournant la tête. Mais Daphné n'est pas femme à se décourager si facilement. Elle a certainement l'habitude de satisfaire ses envies, surtout lorsqu'elle est possédée par un désir impétueux, livrée à ses instincts les plus sauvages. Sous la lumière vacillante, sa chair semble vivante, animée d'appétits lascifs, collante d'une fine pellicule de sueur qui brille de chauds reflets, avec une densité impudique. Daphné sourit, sûre d'elle, un sourire carnassier et primitif, et de sa bouche entrouverte coule un peu de salive qui humecte ses lèvres épaisses. Je ne peux retenir un frisson d'appréhension devant un tel spectacle. Mélanie ne fait pas le poids, si délicate et vulnérable, une proie trop facile. Je ressens sa peur, elle me glace d'horreur. Mélanie se révolte encore une fois lorsqu'une bouche possessive se soude à ses lévres, la forçant à réagir. Elle se tortille en reculant, évitant la bouche exigeante. A petits pas, en titubant, elle réussit à atteindre l'escalier. Peine perdue. Laure l'a devancée, plantée devant les marches, l'air farouche, les bras croisés avec détermination. Mélanie essaie de la contourner, luttant toujours contre Daphné qui ne lâche pas prise, mais Laure ne bouge pas d'un millimètre, tel un obstacle infranchissable.
-" Laissez-moi, je veux partir !" implore Mélanie d'un ton plaintif.
Durant quelques secondes, je regarde cette scène, en proie à une fascination morbide. Je suis mortifiée. Je me rends compte que je répète depuis un moment la même phrase : " Ce n'est pas vrai, ce n'est pas vrai…" sur un ton monocorde, comme une demeurée qui ne veut pas se résigner à accepter l'horreur de la situation. Ce sentiment d'impuissance me fait trembler, j'en ai la chair de poule, l'estomac retourné. Un instant, l'idée de me lever et d'arracher le camescope du téléviseur se fait tenace. Je tords nerveusement mes doigts entrelacés au risque de les briser, mais je suis incapable d'effec le moindre mouvement. Je reste paralysée, comme hypnotisée. Et je reste là, les coudes sur les genoux, la tête entre les mains, réalisant tout juste que les larmes ruissellent depuis un bon moment sur mes joues, des larmes épaisses et abondantes qui ne pourront jamais effacer toutes mes erreurs passées et toute l'horreur d'un destin déjà écrit. Devant mes yeux incrédules, Mélanie ne cesse de lutter, poussant des petits cris de protestation. Sa situation est désespérée. Elle est prise en sandwich, malmenée par les deux femmes qui s'excitent de sa rébellion. Les trois corps ne font qu'un, d'autant plus que la définition de l'image se détériore de plus en plus. La voix mielleuse de Laure ronronne au milieu de leurs halètements, douce et caressante :
-" Mélanie, n’aie pas peur, on te fera aucun mal… Ecoute, on te laisse ton slip, d’accord ? Quand tu veux qu’on arrête, tu nous le dis, et on n’en parle plus… Allez, viens !"
Sans attendre de réponse, elles la saisissent par les poignets et la traînent vers le lit. Toutes les trois passent à proximité du camescope, et les détails se font brusquement plus précis, un court instant. Mélanie semble réellement indécise. Son visage est livide, creusé par l'angoisse. Les yeux tremblants, elle ne peut retenir les larmes qui coulent sur ses joues, et je la trouve encore plus émouvante dans son désarroi. A cette constatation s'ajoute du dégoût pour moi-même. Comment puis-je ressentir de l'attirance pour elle dans un moment pareil ? Mélanie cherche des yeux un secours, jetant un appel désemparé à celle qui filme la scène. Peine perdue. Le visage de Laure apparaît une brève seconde en gros plan, et j'y lis une telle expression de joie perverse qu'une brusque envie de me saisit. Consternée, je ne peux que garder les yeux rivés sur mon téléviseur. Mon cœur bat davantage la chamade en suivant le combat puéril que livre Mélanie pour échapper au sort qui l'attend. Elle se démène comme elle peut, brusquement jetée sur le lit et aussitôt recouverte par les deux femmes inconnues qui comptent bien faire beaucoup plus que mâter. Laure et Daphné les rejoignent impatiemment. La mêlée en devient désordonnée. La lutte est faiblement éclairée par les lueurs ternes des bougies, et cela en donne un aspect indiciblement plus menaçant. Un instant, je ne sais comment, Mélanie parvient à faire tomber les deux femmes inconnues aux pieds du lit. Celles-ci se relèvent, hésitent, en proie à quelques remords, puis disparaissent du champs de vision. Durant ce temps, Mélanie tente vite sa chance, se tortillant pour fuir, cambrant les reins et s'aidant des pieds et des coudes pour ramper sur le dos, mais Laure et Daphné restent solidement accrochées à elle comme des pieuvres affamées. C'est cette dernière qui la ramène vers le milieu du lit, l'agrippant nerveusement aux hanches et l'attirant à elle. Installée entre ses cuisses, elle l'oblige également à garder les jambes ouvertes. Sa situation ne fait qu'empirer lorsque Laure lui saisit les bras pour les maintenir solidement écartées. Mélanie a beau protester de toutes ses forces, sanglotant de détresse, hérissée de la tête aux pieds en bondissant convulsivement, elle ne s'en retrouve pas moins étendue et offerte, bras et jambes en croix. Son visage, avant de disparaître, m'apparaît brièvement, avec cette même expression hébétée et apeurée dans ses yeux débordant de larmes. Mon indignation ne fait que croître. Celle qui filme cette scène ignoble semble bouger, se rapprochant pour ne rien rater du spectacle. Du coup, les cadrages deviennent instables, partant dans toutes les directions, du sol au plafond. Enfin, l'image se stabilise sur le lit, mais des problèmes de mise au point rendent l'ensemble si abstrait que j'en ai mal aux yeux. La femme jure, se démenant comme un diable avec la vidéo qui lui cause bien des soucis. Brusquement, c'est le noir absolu. Plus rien.
-" Merde !"
Elle vient de faire une fausse manipulation. Le son se fait entendre, fort et distinct, mais toujours pas d'image. Quelle conne cette fille, quelle incapable ! Je dois me contenter d'écouter et de deviner ce qui se passe. Pour l'instant, ce n'est pas trop difficile, ce ne sont que des bruits de lutte et de bataille. Puis, soudain, j'entends la voix essoufflée de Daphné, assez autoritaire :
-" Laisse-toi faire, fais pas l’idiote…"
Un sanglot lui répond. La voix de Laure est plus douce, plus rassurante.
-" Chut, détends-toi, ma jolie, laisse-toi aller, tu ne le regretteras pas…"
-" Non ! Vous aviez promis d’arrêter…" gémit Mélanie.
Sa protestation est étouffée par le bruit d'un baiser vorace. Ensuite, il n'y a rien d'autre que des froissements et des souffles haletants.
-" J'aime ta bouche. Embrasse-moi !" lui ordonne Daphné sur un ton plus impérieux.
Rien n'y répond, excepté des bruits de succions humides et de respirations oppressées. Il y' a également des frôlements de mains glissant sur les peaux nues, des corps qui s'agitent furieusement.
-" Non, non, pas ça !" supplie soudainement Mélanie.
-" Sage, gentille, ne bouge pas… Voilà, c'est mieux…" lui murmure doucement l'africaine.
-" Arrêtez !"
Mélanie crie, puis bouge violemment. Tout d'un coup, elle cesse de se débattre. Sa respiration s'accélére, courte et saccadée, ainsi que celles des autres femmes qui ne cessent de s'activer plus ardemment. Daphné prend plaisir à parler, s'excitant de ses propres paroles.
-" Tu aimes qu'on te lèche les seins, hein ? Oh, oui, je les sens durcir…" halète t-elle.
Un léger râle lui répond, noyé par de puissants soupirs qui montent et résonnent dans la pièce.
-" Hm, c'est bon, ta peau est si douce… J'aime son odeur."
Mélanie semble suffoquer, hoquetant entre des pleurs et des suppliques de plus en plus faibles.
-" Ne faîtes pas ça, pas mon slip… Je vous en prie, c'est mal…"
Soudain, elle pousse un cri stupéfait, purement sexuel. Cela brise net sa mutinerie, encore une fois. Puis le silence revient, entrecoupé de baisers, de frottements, de soupirs. Cela dure une éternité il me semble, avant que je n'entende la voix rauque de Laure :
-" Oui, continue, écarte-lui les cuisses, elle y prend goût la coquine ! C'est ça, mets-y la langue, elle commence à fondre… Hm, c'est bon !"
Elle semble encourager Daphné à persévérer, la guidant au mieux pour que Mélanie cède à leurs assauts lubriques. Leurs efforts semblent porter ses fruits. Mélanie exalte un soupir plus fort qui me fait sursauter. Son râle s'achève en feulement continu, un son délicieusement sensuel. J'entends en même temps des bruits de clapotis qui s'accélèrent. Je sens une bouffée de chaleur m'envahir. Cette étreinte primitive, complètement suggérée, est d'un érotisme assez perturbant. C'est cent fois plus excitant que si chaque détail était dévoilé dans sa vérité la plus crue. Je suis partagée entre l'indignation et un trouble insidieux, et surtout le dégoût de moi-même pour tout ce que cela m'inspire. Mon imagination s'enflamme, osant deviner les positions les plus incongrues, les caresses les plus expertes, comme seules les femmes savent le faire. Leur connaissance est illimitée, leur savoir incomparable, elles vont réveiller chez Mélanie des appétits insatiables, exacerbant ses sens à l'en rendre folle, des sensations qu'elle n'a jamais exprimées avec moi. Par ma faute. Il brûlait en elle ce feu secret que j’avais détecté et qui ne demandait qu'à s'enflammer, et ce sont d’autres femmes qui vont en profiter. Laure et Daphné semblent conscientes de l'opportunité qui leur est offerte. Leurs soupirs me parviennent comme des ricanements déjà victorieux, des rires sournois, la mélodie de goules affamées qui entraînent leur proie vers les ténèbres, dans les plaisirs ultimes. La respiration puissante comme une locomotive de Daphné fait crachoter le micro du camescope, rendant le son désagréable, comme si elle soufflait tout prés. Elle articule difficilement :
-" C'est chaud, oui, tu mouilles drôlement bien, ça coule entre mes doigts… Ne résiste pas, c'est bien, tu vas perdre, oui, tu vas perdre !"
Le dernier mot est étouffé et inaudible, comme si sa bouche était activement occupée, ce qui est certainement le cas. Laure rugit :
-" Mélanie, embrasse-moi, vite !"
Leur baiser est si violent que j'entends des dents s'entrechoquer. C'est un baiser fougueux, interminable, que l'une d'entre elles interrompt enfin parce que le souffle lui manque. Peu après, la voix de Mélanie surgit, forte et hystérique, avec une telle fureur que j'ai du mal à la reconnaître
-" Je viens… Oui, je viens… Plus vite, plus vite !" crie t-elle.
Je devine des déplacements impatients, des corps qui changent de position, d'autres qui se tordent comme des vers grouillants, des bonds déchaînés qui font trembler le lit à en casser les ressorts.
Je sens la sueur couler sur mon visage. Je bois un autre verre, remarquant que ma main n'a jamais autant tremblée. Un hurlement de plaisir me surprend et me fait renverser quelques gouttes. Je ne peux affirmer avec certitude qui vient de crier ainsi, mais une petite voix me dit que c'est Laure. Je tends l'oreille vers d'autres voix, d'autres bruits, essayant de déterminer à qui elles appartiennent. Je perçois au milieu des râles et des grognements d'autres cris de plaisir, ceux de Mélanie, qui finissent par se réduire à des petits sanglots au fond de sa gorge, comme si elle avait honte de l'intensité de ses désirs, redoutant que cela se reproduise mais repartant de plus belle vers d'autres orgasmes. J'en ai la gorge sèche. Je baisse les yeux pour me servir un autre verre lorsqu'une vive lumière illumine mon salon alors plongé dans l'obscurité. Incroyable, mais les images viennent de réapparaître sur ma télé. Le définition et les couleurs sont toujours de piètre qualité, ternes et floues, mais c'est déjà mieux que rien. Tout d'abord, j'ai droit à un plan fixe du sol. Puis, réalisant que le camescope filme de nouveau, celle qui est chargée de cette mission ramène l'objectif sur le lit qui l'intéresse. Ce que j'y vois me coupe la respiration, comme un étau qui m'enserre la poitrine et me suffoque. Mélanie est encerclée et attaquée de toutes parts, avec une terrible efficacité. On est en train de la retourner comme une crêpe, l'installant à quatre pattes sur le lit, mains à plat, reins creusés et fesses haut levées. Daphné se glisse sous elle, se tordant comme une limace sur le dos pour chercher la position idéale. Laure se place derrière Mélanie, pétrissant d'une seule main les seins qui pointent vers le bas, tandis que l'autre s'enfonce entre les fesses. Brusquement, une protubérance noire et luisante attire mon regard, un objet qui va et qui vient méthodiquement. C'est évidemment un godemiché, de taille impressionnante alors qu'il ressort, et à peine visible lorsqu'il s'enfonce entièrement. Laure vient d'accélérer le mouvement du poignet, ignorant les soubresauts et les paroles inarticulées de Mélanie. Mon amour, mon petit ange, celle que j'ai toujours connue si pudique, si réservée, est en ce moment au bord de l'orgasme, emplissant ses poumons, laissant fuser un râle grandissant, comme s'apprêtant à pousser un terrible cri libérateur. La main qui cesse soudainement de bouger coupe net son élan, l'air siffle hors de ses poumons, l'empêchant de laisser exploser le feu d'artifice qui allait la dévaster. Sa frustration est si intense qu'elle se met à hoqueter, à supplier, à gémir à en perdre l'âme. N'obtenant aucune réponse, n'y tenant plus, elle se cambre avec une souplesse étonnante, reculant en tortillant du postérieur. Elle se met à onduler en tremblant de tout son corps, plaquant étroitement ses fesses contre le godemiché. Laure la retient, posant une main autoritaire sur son dos.
-" Chut, laisse-toi guider, c'est moi qui mène la danse."
Immobilisée, Mélanie se met à geindre impatiemment. Laure sourit. Elle est en train de jouer avec Mélanie comme une chatte avec une souris, avec un sadisme raffiné, retardant le plaisir selon son bon vouloir. Au-delà de sa perversité, je dénote une science infinie à laquelle Mélanie ne peut évidemment pas résister, et aussi une tendresse qui m'emplit de jalousie et d'impuissance. Comment puis-je lutter contre cette femme qui, en une seule fois, l'a comprise et l'amène dans des plaisirs que je n'ai jamais pu lui faire partager. C'est un combat perdu d'avance, je ne fais pas le poids. Jamais je me suis sentie si humiliée, si nulle. Mélanie vient de bouger du bassin, à peine, un mouvement imperceptible, mais cela lui permet d'atteindre l'orgasme dont on l'avait privée. Son corps entier se convulse, un cri animal jaillit hors de sa bouche béante. Un plan serré sur son visage me fait distinguer la sueur jaillissant de ses pores, ses traits crispés, son expression exaltée, et surtout ses yeux agrandis démesurément. Il y' a évidemment du plaisir dans ses yeux, mais aussi d'autres choses qui ne cesseront de me hanter toute ma vie. De la jubilation, de la démence presque, une faim exacerbée qui ne se maîtrise plus, qui ne laisse aucune place à la retenue ou à la dignité. Mélanie est marquée à vie, esclave de ses sens, c'est là un désir plus fort que la raison, plus fort que tout, contre lequel elle ne pourra plus jamais se défendre. C'est le sang qui bouillonne, le cœur qui s'affole, la chair qui vibre, jamais elle n'a été si libre, si épanouie, et il faut que cela lui arrive avec quelqu'un d'autre, deux femmes en plus ! C'est certain, je l'ai perdue définitivement… Elle n’a plus rien de l’ange que j’ai idolâtré, elle est salie, corrompue, pervertie… Même si je voulais par la suite lui pardonner et la reconquérir, je ne pourrai pas. Avec un homme, je peux lutter, ils sont en général ignorants et trop égoïstes pour atteindre la perfection. Mais contre sa propre nature, une alchimie magique qui n'opère qu'avec les femmes, je suis totalement impuissante. Mélanie est faîte pour ces amours-là, avec une intensité que j’ai ignorée, sans chercher à exploiter tout ce potentiel érotique. Je ne la reconnais plus. Elle vient de basculer Laure sous elle, explorant sa peau millimètre par millimètre, s’arrêtant aux endroits sensibles et s’y attardant sadiquement lorsque sa partenaire soupire et vibre plus violemment. Daphné, délaissée, a réalisé qu’elle n’avait plus sa place dans des étreintes qui dépassent le stade du simple rapport physique. Avec un juron et un dernier regard furibond, elle quitte le champ de vision, allant certainement rejoindre d’autres couples. Mélanie et Laure ne s’en rendent même pas compte, trop occupées à se donner du plaisir. Pour ça, Mélanie avait réellement des dons cachés. Ses caresses semblent redoutables, mettant Laure dans un état d’excitation indescriptible. Elle ne cesse de gémir et onduler, jambes écartées, enfonçant ses ongles dans le dos de Mélanie qui, avec une voracité qui m’a toujours été inconnue, vient de plonger tête la première dans la fourche de ses cuisses. Celle qui filme approche, stabilisant l’image en un zoom microscopique presque, suffisamment pour suivre la langue de Mélanie qui, précise et alerte, va de haut en bas. Sur le point de jouir, Laure pousse un rugissement de fauve à la fois blessé et impatient d’en finir, n’en pouvant plus d’être attisée avec un tel raffinement. Mélanie ne cède pas à ses attentes, la laissant davantage dans cet état d’excitation extrême. Sadique revanche, c’est elle maintenant qui joue avec ses nerfs, poussant le vice à titiller de l’index le bouton durci du clitoris, juste ce qu’il faut pour la laisser au bord du gouffre, sans qu’elle y succombe. Sa langue, enfin, plonge et fouille le vagin, si loin qu’on ne voit vite plus rien. Laure pousse un cri sauvage, se cabre comme une jument en rut, puis un autre orgasme encore plus dévastateur l’oblige, pour ne pas hurler, à se mordre le poing jusqu’au sang. Et Mélanie qui, goulue et insatiable, continue de la caresser comme si sa vie en dépendait, avec cette joie sensuelle et gourmande qu’elle renouvellera certainement à la première occasion, parce qu’elle aime ça. C’est dans les bras de Laure qu’elle semble réellement heureuse et épanouie, un bonheur qu'elle n'a jamais partagé avec moi et qu'elle ne partagera jamais. C'est tout juste, un instant, si je ne me sauve pas de mon propre appartement, pour partir loin d'ici, en voyage, n'importe où, en me répétant qu'elles aillent au diable, qu'elles aillent toutes au diable avec leurs foutus désirs primitifs ! Mais je ne peux pas partir, il y’ a le boulot pour qui j’ai tout sacrifié, les responsabilités, les crédits… Toutes ces obligations et contraintes que Mélanie vient de fuir, tournant le dos à son passé, cinq ans de vie commune, abandonnant le présent et reniant toutes ses valeurs à cause d’une seule femme. La voisine. Enfin, ex- voisine devrai-je préciser, car Laure a déménagé hier soir, emportant tout, y compris ma Mélanie, mon ange déchu...
FIN.
Nouvelle envoyée à la Société Civile des Auteurs Multimédia.
nicky.gloria@tele2.fr

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