La Tentation Du Velours 5

La tentation du velours 5

Ma chère Lola,
Le moral est au plus bas, ma vie est redevenue vide. Le contrat à peine signé, Sarah s’envolait pour New York. Les seules nouvelles d’elle depuis deux semaines me sont données par l’agence. C’est ainsi que ça doit finir ? Bien sûr elle m’avait prévenue de ne pas m’attacher. Malgré tout, je voulais y croire. Un coach me donne maintenant les cours de maintien indispensables.
J’ai honoré un petit contrat. Quelques photos pour un magasin de fringues pour jeunes filles, et je déposais un joli chèque à la banque. Sarah ne m’a pas menti au moins, ce travail me garantit la tranquillité du point de vue financier. Puis une nouvelle proposition est arrivée, l’occasion d’une péripétie peu banale que je souhaite te détailler.

La journée s’annonçait chaude en cette fin juin. La valse des étudiants dépêtrés des examens emplissait les terrasses des bistrots d’un joyeux brouhaha. De nombreux Parisiens préparaient leur départ en vacances, les agences de production tournaient à plein régime au contraire, à préparer la prochaine rentrée. Les imprimeurs guettaient les photos afin de mettre les catalogues sous presse. J’entrai dans un immeuble ancien de la rue Lamartine, contente d’avoir de l’occupation pour les deux prochains jours.
– La porte à droite au 1er étage, balança mollement la concierge sans même un coup d’œil dans ma direction.
Le large escalier ressemblait à celui des anciens palaces privés qu’on voit dans les vieux films, le bois craquant sous le poids des femmes en robe de bal et des hommes en jacquette.

– Bonjour. Anaïs, je suppose ? me lança une jeunette à peine plus âgée que moi, dont le sourire contrastait avec le masque de la quarantenaire à la conciergerie. Je m’appelle Viviane. Venez avec moi, s’il vous plait.
La peinture fraîche du lieu transformé en studio de photographie tranchait avec le caractère vieillot de l’immeuble. Je la suivis, le regard collé à ses fesses rondes moulées dans un pantalon de toile beige, jusqu’à la salle de maquillage.


Cette partie de l’anatomie attire mon regard comme un aimant. Même gamine, je me souviens, il m’arrivait de caresser mes poupées à cet endroit précis.
La pièce en ébullition, trois nanas installées devant les coiffeuses à miroir éclairant racontaient des blagues potaches aux maquilleuses, chacune la sienne. Voici pourquoi on m’avait accueillie par mon prénom. Après un sourire général en guise de bienvenue, auquel je répondis par un salut, toutes retournèrent à leurs occupations.
Je me déshabillai entièrement comme mes collègues mannequins. Viviane, les mains tendues vers moi prêtes à m’envelopper dans un peignoir de coton, regardait sur le côté. Aucune pudeur à cela, elle vérifiait sur la tablette la présence du nécessaire. Mon esprit faisait sans peine la part des choses entre la nudité pour raison professionnelle et le nu érotique. J’étais embauchée pour servir de model par un commerçant de lingerie spécialiste de l’adolescence, une de ces marques dont les prix font bondir les mamans non fortunées.
Assise à la coiffeuse, le peignoir sur mes épaules béant sur mes formes exposées à la lumière crue, je ressentis le regard de Viviane de manière quasi-physique. Elle me demanda de me relever, écarta un pan du vêtement, se positionna à côté de moi à me toucher et se pencha. Quel défaut son œil exercé avait-il pu relever pour faire ainsi la moue.
– Un problème ? balançai-je, inquiète.
– Trois fois rien, ne bougez pas, me rassura-t-elle d’un sourire complice.
Viviane s’agenouilla face à moi, un peigne dans une main et une paire de ciseaux dans l’autre. Sa position, le nez presque dans la toison de mon minou, n’avait plus rien de professionnel. Elle commença à désépaissir ma touffe comme l’employée d’un salon de coiffure l’aurait fait avec mes cheveux. Son souffle sur la partie très intime de mon corps me rappela un souvenir pas si vieux, la réaction chimique ne se fit pas attendre.
– Je vous donnerai des lingettes, ne vous inquiétez pas, prévint ma maquilleuse d’un ton qui se voulait neutre, mais ne l’était pas vraiment.

Ainsi elle savait que je mouillais, la gêne prit définitivement le dessus. Viviane continua son œuvre, puis passa les doigts dans mon pubis désormais aux poils courts.
– C’est parfait, me dit-elle tandis que je l’aidais à se relever. Une toison trop épaisse déforme les slips, ça se voit à la photo.
Sans un mot, elle me donna une petite boite de lingettes intimes, et me montra les toilettes d’un mouvement du menton. Je m’enfuis littéralement dans la direction indiquée.
– Je vous attends, signifia une voix redevenue normale dans mon dos.
Dès mon retour, Viviane me prépara enfin au shooting photo en appliquant une poudre à l’effet matifiant (pour les parties du corps qui ne se maquillent pas) sur ma poitrine, mes cuisses et mon ventre à l’aide d’un pinceau de soie. Elle allait régulièrement répéter l’opération entre les prises au moment du changement de sous-vêtements.

Après deux séances entrecoupées d’une pause déjeuner, nous étions assez complices pour que l’envie me prenne de lui offrir un verre. Cette nana avait du chien avec son air de fausse ingénue, le nez mutin sur la petite bouche aux lèvres fines, une certaine ressemblance avec Emma Watson. Les cheveux châtains, tirés en arrière avec une queue-de-cheval haute, dégageaient les oreilles.
– J’ai eu la honte de ma vie ce matin, arguai-je afin d’amorcer la discussion.
– Je n’avais rien remarqué, mentit Viviane avec aplomb, c’est ton air surpris qui m’a avertie d’un problème.
– Tu dois en voir de drôles, même si tu ne travailles pas depuis longtemps.
Une petite ride d’expression plissa son front lisse, les lèvres s’étirèrent à peine dans un sourire amusé. La mimique la rendait craquante.
– J’ai eu mon CAP d’esthéticienne à 17 ans, ça fait trois ans que je bosse dans cette boîte.
Hop ! L’air de rien, j’avais mon renseignement. Draguer cette nana s’était imposé à mon esprit comme un défi. Mon histoire avec Sarah était une blessure pas très visible, mais douloureuse.

– Jamais je ne t’aurais donné 20 ans, je pensais que tu en avais 18, comme moi.
– Eh non ! s’amusa Viviane. Par contre, je pensais l’inverse de toi. Souvent des models font plus jeunes que leur âge véritable. Tu n’es pas vexée, j’espère.
Il en aurait fallu davantage. Une petite brise maintenait une température agréable sur la terrasse ombragée, je buvais un jus de fruit en compagnie d’une jolie fille, le moment ne se prêtait pas à la susceptibilité. Beaucoup auraient échangé leur place avec la mienne.
– Tu coiffes souvent des minous ?
Entendre son rire me rassura, car la question m’avait échappé.
– Bien sûr, comme toutes les esthéticiennes. Tu te fais épiler le sexe par une pro, non ? Mais je ne me retrouve pas souvent dans cette position. J’espère que ton copain ne sera pas déçu, tiqua la belle en baissant d’un ton.
– Je ne pense pas, non. Je suis libre en ce moment, continuai-je pour ne pas avoir à mentir.
– Le mien est en déplacement, il ne rentrera qu’à la fin de la semaine.
Occasion à saisir, je me fis fort de mettre Viviane dans mon lit avant le retour de son mec.

Faire boire une personne dans l’intention de la manipuler m’a toujours choquée. Cependant, mon accompagnatrice n’avait guère besoin d’encouragement. Et l’alcool lui déliait la langue.
– C’est la première fois que je passe la soirée avec un mannequin. Il y en a même qui refusent de déjeuner avec nous à la pause. On trouve beaucoup de frime dans ce métier.
– Oh ! fis-je d’un air blasé, ça leur passera. Je fais ce boulot pour gagner un peu d’argent, mais j’attends de reprendre mes études de littérature à la Sorbonne.
– Toi pourtant, tu devrais réussir sans mal, corrigea Viviane avec un haussement des sourcils. J’ai rarement vu une fille aussi bien foutue de visage et de corps, certains top models n’ont pas ta prestance naturelle. Ton agence a tiré le gros lot avec toi. Tu as déjà fait combien de missions ?
Je me pris au jeu, émue de me sentir belle dans ses yeux.

– C’est la deuxième. J’ai signé un contrat il y a deux semaines.
Ce n’était pas le genre de discussion dont je rêvais, mais le principal était de l’intéresser. Alors autant lui laisser le choix.
– Certaines attendent des mois avant d’être appelées, et toi tu portes déjà du Andres Sarda ! Je ne sais pas si tu imagines…
Non, je ne savais pas en effet, sauf que cette nana rendue volubile par quelques verres de bière me plaisait.
– Vous êtes mannequin ! Avec mon pote on s’en doutait.
Avant même de dévisager les inconnus installés à la table jouxtant la nôtre, j’en voulus un peu à Viviane d’avoir parlé si fort. L’habitude de fréquenter depuis deux semaines des cafés réservés aux femmes m’avait incitée à baisser la garde. Les deux lascars d’une bonne trentaine d’années portaient le costume à la façon des bureaucrates imbus de leur poste à responsabilité. La brillance dans le regard de mon accompagnatrice ajoutait à son charme naturel, mais à l’inverse, la lubricité dans les yeux de ces hommes les rendait moches. L’un d’eux entreprit d’avancer sa chaise à notre table sans demander la permission.
– On est attendues, balança Viviane en levant la main pour accrocher l’attention du serveur.
– Laissez-nous vous offrir un verre, les beautés, ricana celui qui s’était approché en posant sa main sur mon épaule, vous avez bien le temps.
Le serveur comprit la situation au premier coup d’œil. Cependant, confrontée à mon affolement, Viviane réagit la première.
– Tiens ! Paie celui-là, lui cracha-t-elle en posant bruyamment la soucoupe avec notre note sur leur table, avant de prendre ma main et de m’entraîner vers la tête de taxi toute proche.
Á peine dans la voiture, la tension retomba. J’indiquai l’adresse du bar d’Hélène au chauffeur quand elle se colla à mon oreille.
– J’ai envie, mais pas au point de me taper ces machos.
Son rire ramena le calme dans ma poitrine oppressée.

Entrée sans se poser de questions, Viviane sembla enfin remarquer après deux autres verres le dau arc-en-ciel, emblème gay. Son comportement demeura celui d’une personne désireuse de s’amuser, rien n’indiqua une gêne quelconque.
– Ce n’est pas ici que des mecs viendront nous déranger, rit-elle, même pas ceux qui auraient pu être intéressants.
Une question me tenaillait depuis un moment, elle ramenait toutes les discussions à son état d’excitation, à son désir de faire une rencontre. Rassurée de la voir prendre la chose avec humour, je tentai d’en savoir davantage.
– Tu trompes ton mec souvent ?
– Jamais, reconnut-elle sans se départir de sa bonne humeur. Mais ce week-end j’avais mes règles, et elles sont douloureuses, donc on n’a rien fait. Maintenant j’en ai envie, seulement il ne rentrera que vendredi. Ceux que je rencontre c’est pour discuter, pour s’amuser. Je me ferai du bien toute seule.
Ce n’était sans doute pas une invite. Néanmoins, je décidai moi aussi d’abandonner le jus de fruit pour une boisson plus corsée. L’accompagner un peu pouvait décanter la situation. Viviane m’en remercia d’une œillade.
Je l’écoutai parler un long moment, posant une rare question de temps à autre, ou répondant à ses interrogations. Elle finit par commander un café, à cause du travail à assurer le lendemain. Sa contenance resta celle d’une jeune femme euphorique, mais pas ivre. Plusieurs fois elle évoqua la particularité du lieu dans lequel nous nous trouvions, sans jamais se moquer ni médire.
– Je n’ai rien contre, reconnut-elle à mon oreille, c’est juste que j’aime les mecs, quoi. Et toi, pourquoi tu ne les aimes pas ?
Je lui racontai ce souvenir au collège : la main baladeuse sur mes fesses, la gifle donnée, une convocation chez le directeur avec le prof principal. L’interrogatoire se résuma en une question : « Quel était ce problème avec les garçons ? » J’avais fait preuve de naïveté en imaginant un peu de compassion. Et ces deux spécimens de bipèdes représentaient la caste des mâles. Bienvenue dans l’univers controversé des adultes.
J’expliquai ma peur face au mépris, à la féodalité exigée par les jeunes coqs de l’endroit envers les filles, à la bestialité ressentie, aux regards insidieux, aux mains baladeuses et aux insultes face à mon refus de me laisser manipuler. C’était trop demander que d’exiger de moi autre chose que de l’effroi et du mépris.
Les deux hommes s’enlisèrent dans des explications scientifiques sur la puberté, du besoin de s’affirmer, de la normalité de ces comportements. Le monde des adolescents ne se résumait pas à l’apprentissage des maths et du français, les petits garçons devaient faire leurs dents pour affronter un avenir incertain. Parfait ! Et aux filles dans tout cela, on leur enseigne la servitude ? Á subir en silence ? Á remercier « Messieurs » de l’attention qu’ils daignent nous accorder en nous reléguant au rang de simples courtisanes ?
Il n’y avait rien de normal à être la risée de la classe en voulant rester propre, rien de normal à traiter une fille de salope quand elle se refusait, rien de normal à se faire peloter dans la cour ou à la piscine. Certaines acceptaient, grand bien leur fasse. Alors pourquoi ces machos s’attaquaient à celles qui résistaient ? Tout cela n’avait rien de normal pour moi.
La menace de porter l’affaire devant mes parents puis à la gendarmerie incita les adultes à faire preuve de magnanimité. Le prof principal s’adressa à la classe, la paix revint. Trop tard et surtout absence de sincérité de sa part : j’étais devenue sexiste.

Va savoir pourquoi, chère Lola, jamais Viviane ne me demanda si j’avais eu une expérience lesbienne. Je lui aurais dit la vérité bien sûr, mais cet aveu aurait changé son regard sur moi.
Donc, au bout d’un moment, je la regardai se dandiner sur sa chaise. Son mal être soudain me mit en alerte.
– Ça ne va pas ?
Elle pouffa avant de se pencher une nouvelle fois à mon oreille pour une confidence.
– J’ai envie de faire pipi, mais je n’ose pas y aller toute seule. Tu m’accompagnes.
Ce n’était même pas une question. Et puis, je ne pouvais pas la laisser ainsi.

Viviane me tendit son sac à main avant d’entrer dans une des cabines. Dans son insouciance, ou débordante de confiance envers moi, elle se soulagea sans songer à fermer la porte. Mon regard se porta sur son intimité. Incapable de me raisonner, je la regardais, et elle parlait comme si notre comportement était normal.
La coquine s’essuya deux fois avec du papier toilette après avoir soulagé sa vessie, mais ne parut pas satisfaite du résultat. Quelle situation invraisemblable !
– Tu peux me donner une lingette ?
Elle n’aurait pas dit : « tu peux me donner une cigarette ? » sur un autre ton. J’ouvris son sac, trouvai l’objet en question, et n’eus d’autre choix que de pénétrer dans la cabine pour lui donner. Viviane se redressa, les cuisses écartées, le minou ainsi superbement exposé à mon attention, un triangle de poils noirs si minuscule qu’il ne cachait rien de sa fente. La première lingette utilisée finit sa course dans la cuvette.
– Donne m’en une autre, sourit-elle complice, je mouille.
N’y tenant plus, je fermai doucement la porte derrière moi. Elle me regarda approcher, sans peur ni enthousiasme, dans l’expectative.

Ouvrant ses lèvres intimes d’un doigt, j’en glissai un autre dans la vulve chaude et humide. Les chairs s’animèrent sous la sollicitation. Viviane se pencha en avant par manque d’équilibre, le menton au niveau de ma poitrine du fait qu’elle était légèrement accroupie, et se cramponna à mes épaules. La caresse resta légère jusqu’à entendre un premier grognement.
Alors, sans m’interroger sur ce que j’étais en train de faire, je la pénétrai de deux doigts. Sous le choc de se sentir investie de la sorte, Viviane leva vers moi des yeux brillants, sa petite bouche forma un O de surprise. Son vagin aspira mes doigts.
Je la masturbai vite et fort, à la recherche d’une délivrance rapide. Ce n’était pas la peur d’être prise sur le fait, mais simplement une volonté animale de la prendre ainsi, sans rien demander en retour que de profiter de sa jouissance. J’entrepris de mon autre main des caresses dans la zone clitoridienne, le bouton quitta son capuchon. Ainsi branlée, mon amante s’offrit sans détour.
Le résultat ne se fit pas attendre. Viviane ne tenta pas de retarder l’inéluctable. J’ignorais s’il s’agissait d’un véritable orgasme, mais ses soudaines contractions sur mes doigts traduisirent son état de transe. Elle me tendit ses lèvres. On s’embrassa presque sauvagement, dents contre dents, langue contre langue, avec des bruits de déglutitions. Sa bouche abandonna la mienne dès la fin des soubresauts de ses chairs autour de mes doigts.
Viviane rajusta son slip et son pantalon sans prendre la peine de se nettoyer avec la lingette que je lui tendais, le regard de nouveau calme, comme si rien ne s’était passé. On se lava les mains côte à côte à l’unique lavabo, sans un mot ni même un regard par l’intermédiaire de la glace.

On retourna s’asseoir, personne n’avait remarqué notre absence, ou personne ne s’en souciait. Elle commanda un café, moi un jus de fruit. On reprit notre discussion faite de futilités, comme s’il n’y avait eu aucun intermède.

Viviane demanda au chauffeur du taxi de me déposer, puis m’embrassa sur la joue comme une simple copine avant de poursuivre son voyage.

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