Confidences 1 - Vestiaires

Confidences 1 - Vestiaires
Misa – 10/2012
1/3 - Premier soir

Je retrouve assez souvent des amies dans un café de mon quartier. Certains soirs, on refait le monde, d’autres soirs on se raconte nos petits malheurs ou nos petits bonheurs. Des anciens reviennent, de nouveaux nous rejoignent pour une soirée, écoutent ou racontent. Il est très rare que des inconnus se joignent à nous.
Celle dont j’ai transcrit l’histoire ici était une inconnue. Elle a lu ce que j’ai écrit de nos rencontres et m’a autorisée à le publier.

Nous étions trois filles et un garçon ce soir-là. L’une d’entre nous se plaignait en termes assez crus que son petit copain du moment avait des exigences un peu particulières qui commençaient à la déranger quand la jeune femme installée à une table proche de la nôtre l’a interrompue …


— Bonsoir ! Je vous prie de m’excuser, c’est un peu cavalier de m’immiscer dans votre conversation, mais … je n’ai pu m’empêcher d’entendre ce que vous disiez. Et comme ça prend un tour assez intime … enfin, je vous entends … en fait depuis quelques minutes, j’avoue que je vous écoute !
— …
— Ce sera mon tour ? Pardon, je ne comprends pas …
— …
— Moi ? Que moi je vous parle de moi ? Eh bien … Pourquoi pas ! Vous avez le temps ? Si je raconte, c’est vous qui payez les verres ? Non, je plaisante !
Ce doit être aussi … intime … que vous ?
— …
— Oh non ! Non ! ça ne me gêne pas ! Mais vous pourriez, vous, être gênées !
— …
— Sûr ? Eh bien allons-y …

Elle nous a raconté ce qui suit …

« J’en ai pas l’air, comme ça, mais je m’ennuie. J’avais cru … être libre !
Pouvoir sortir. Aller au ciné. Me balader.
Faire ce que je veux quand je veux, sans avoir à convaincre, à rendre de compte. Traîner dans les magasins avant de rentrer du travail. Prendre le soleil à la terrasse d’un café ! Retrouver une des copines que j’ai perdue de vue et passer le week-end à discuter, aller au ciné, un petit restau … Passer une soirée dans le canapé avec un bon livre.


Libre. Et tant pis si le frigo était vide, grignoter des cochonneries sous la couette.

Frédéric est parti depuis deux mois.
Et je m’ennuie, un peu.
Je regrette pas.
Je le regrette pas lui. Non.
Ça fait deux mois.
Faudrait d’ailleurs que j’arrête de compter le temps passé de cette manière, c’est idiot.
Pendant un mois ça allait, et puis ça se gâte. Maintenant, je me fais carrément chier. Excusez le mot, c’est pas poli, je sais. Bon. Je vais surveiller mon vocabulaire.

De toute façon, on baisait même plus. Enfin si. Mais rarement. Quand lui voulait. Que moi j’en ai envie ou pas, il s’en moquait complètement ! Ecarte les cuisses, ma belle, j’ai une envie qui pousse ! Il le disait pas comme ça, mais c’est l’idée ! La dernière fois, il s’était même pas aperçu qu’il y avait des tampons dans la poubelle de la salle de bains depuis deux jours ! Je sais pas vous, mais moi, quand j’ai mes règles, faut pas me toucher ! Il le savait pourtant !

Bon, c’est pas uniquement à cause de ça. Même pas un prétexte que j’ai pris. La goutte d’eau ? Goutte sanglante, alors ! Un peu. J’y pensais. Depuis quelques mois.
Le repas de monsieur, le linge de monsieur, les chemises à repasser, les amis à inviter ! C’était lourd ! Trop !
Au début, super. Je me souviens. J’étais fière de tout ça. M’installer avec lui, organiser notre chez nous. Faire des projets.
Comme une gamine ! Je jouais à la dinette !
Deux ans.
Y a pas que moi, quand même ? Vous prenez votre pied à plier des chaussettes, vous ? A sourire devant ses copains à des blagues nazes ? A faire les courses le samedi ?
Au début.
Et puis ça devient lourd …
Et plus une copine à l’horizon ! Il ne les aimait pas. Il avait oublié de me demander si moi j’aimais ses potes.
Et mes tenues ! Au début il aimait mes petites robes courtes. Et puis elles sont devenues trop courtes ! « Tu vas mettre ça ? T’es sûre ? ça fait pas un peu … ».
Quoi ? Un peu quoi ? Avant j’étais sexy et maintenant je fais pute ? Il osait pas ces mots-là ! Heureusement ! Mais je voyais le mot clignoter dans ses yeux !
Et puis la bouffe, toujours à critiquer ! Merde ! Si sa mère fait mieux le risotto, qu’il aille le bouffer chez elle, son risotto !

Séparation. Sans trop de heurts, sans cris, sans pleurs.
Enfin si. Mais après. Un ou deux soirs de cafard dans l’appart vide.
Un peu parce qu’il était vide, justement. Un peu parce que je savais pas où j’allais. Ça faisait quand même deux ans !
J’ai gardé les murs, mais les meubles étaient à lui.
J’ai gardé un fauteuil à moitié pourri qu’on a dû remonter de la cave et un canapé-lit acheté chez Confo. Deux cartons qui faisaient table basse dans le séjour. Mes fringues empilées en vrac dans la chambre sur des feuilles de plastique. Pas de placard et plus d’armoire. Génial. Il me restait deux casseroles et deux assiettes, un bol, une fourchette, une grande cuillère et plus de couteau. C’était ses parents qui avaient payé la vaisselle, alors pour pas fâcher môman, il a tout embarqué.
On faisait compte à part.
Il avait payé l’équipement, les meubles. Moi je payais la bouffe. Connerie ! Quand il a tout embarqué j’aurais dû lui faire vomir ce que j’avais foutu dans son assiette pendant deux ans !
Tout juste s’il a pas emballé les quelques fringues qu’il m’avait acheté ! Il louchait même sur les strings posés sur ma valise dans la chambre. Je vous jure ! Je l’ai vu hésiter ! « Tu veux les refiler à une future ? ». Monsieur a haussé les épaules.
Ça faisait des mois qu’il les regardait quasiment plus, pourtant ! Ni eux, ni ce qu’il y avait dedans ! J’avais essayé ! Et puis j’ai plus essayé.
On invitait … non ! ‘IL’ invitait des amis à lui le samedi soir. Je passais le samedi à faire les courses et cuisiner, et comme il avait un peu picolé, il voulait me sauter. Dans le noir. J’aurais préféré la lumière. Qu’il me regarde, le voir.
Mais non. A la fin, remarquez, ça m’arrangeait plutôt.

A peine deux mois et je m’ennuie.
Deux mois.
C’est la dernière semaine qui a été dure.
La première aussi était moche. Mais il y avait l’espoir et l’envie.
Mais cette dernière semaine ! Dure !
Et plus personne vers qui me tourner. Disparues, les copines. Normal. Moi j’ai disparu pour elles pendant deux ans !
J’ai téléphoné.
Nancy a déménagé à Valenciennes, elle a changé de boulot. Sandrine est introuvable, ne répond plus au numéro que j’avais. Marie-Lise a eu un bébé et s’éclate dans les couches et les biberons. Elle m’a donné des nouvelles d’Eva, partie filer le grand amour en Allemagne avec une gretchen.
Normal. J’ai été la première à couper les ponts.
Seule.
Une ou deux nanas au bureau. Mais on se voyait qu’au bureau, au début.

Je vais pas vous mentir : je me suis bien lâchée, bien éclatée !
J’ai remis mes petites robes. Le temps ne s’y prêtait pas toujours, pourtant. C’est ça qui a attiré les regards ? Sans doute.
Quel plaisir de se faire draguer ! Pas valorisant ? Eh ! Mon œil ! Etre regardée, se sentir désirée, le pied !
Si j’en ai profité ? Ben oui ! Tiens, pourquoi non ? D’abord goûter. Aux regards. Aux compliments. Parfois lourds, c’est vrai. Et parfois maladroits. Oh qu’ils sont bons, ceux-là ! Les meilleurs ! Ceux derrière lesquels on sent la timidité, et qui viennent malgré tout … jouissifs, ceux-là ! J’ai cédé ? Ben oui !

A Joël. Etudiant. 21 ans. Tout rougissant. Qui m’a abordé aux Buttes Chaumont. Il était si touchant, tellement charmant dans ses mots bégayés ! Je l’ai joué affranchie. On a pris un verre en terrasse, le soir tombait, je l’ai ramené chez moi.
J’avais un peu meublé, pas beaucoup, faute de moyens, mais mon appart ne ressemblait plus à un désert. Je ne sais pas s’il a beaucoup fait attention au décor. Il me regardait moi. Posait ses mains sur moi. Et je posais mes mains sur lui.
J’osais.
C’était le premier. Je l’avais choisi lui, jeune, plus jeune que moi, parce que je voulais être la plus forte. Gagné.
Quel pied de le déshabiller en pleine lumière, de le serrer contre moi, de le prendre dans ma main, si chaud …
Vous êtes sûres de vouloir tout entendre ? Vrai ?

Je lui ai mis un préservatif avant de le prendre dans ma bouche. Un achat de la veille. J’avais choisi ceux-là parce qu’ils étaient « goût fraise ». Sur le moment, j’ai pas vraiment trouvé le goût. J’étais trop occupée à toucher, embrasser, respirer son odeur de garçon, son odeur de désir. Dieu que c’était bon ! Comme si je jouais à la poupée ! Je mettais mes mains partout sur lui, comme jamais avant, sans honte, sans crainte, longtemps. Il a joui deux fois sous mes mains et mes lèvres avant d’oser me toucher. Ça aussi c’était bon !
Quand il a commencé à me déshabiller, j’ai baissé la lumière. Je n’ai plus son âge, moi.
28 ans, c’est encore jeune, mais je ne me suis pas beaucoup occupée de moi ces deux dernières années. Pour preuve quelques jupes et pantalons, que je garde, mais … bon ! Vous connaissez aussi, non ? On se dit « je vais me remettre au sport, mieux manger, perdre une taille, plus ? J’essaierai. Promis, je m’y mets demain ! » . Ouais, vous aussi !
En fait, je m’y suis déjà mis, je vous dirai après !
J’ai baissé la lumière. Il avait les yeux qui brillaient et les mains qui tremblaient, alors tout allait bien. Et comme il avait besoin de récupérer, il a pris son temps. Il était maladroit mais il s’appliquait. Ce qui est bien avec un garçon de 21 ans, c’est qu’il récupère vite.
En y repensant, je crois que j’aurais préféré qu’il mette plus de temps à retrouver son énergie, parce que ce qu’il faisait avec ses doigts et avec sa bouche était bien meilleur que quand il m’a fait l’amour.
Il est parti au petit matin. J’ai dormi dans l’odeur de sexe tard ce samedi-là.

Après, j’ai pris mon temps, le soir en quittant le travail, les week-end. Je me suis baladée. Je suis allée au cinéma. J’ai pris le soleil. J’ai remeublé l’appartement à mon goût.
Et il y a eu d’autres hommes aussi. Deux autres. Une erreur et un coup de chance. L’erreur, je vous dirai pas. Triste et moche.

Et puis José. Ah ! José … Très brun, très costaud, très charmeur, très attentif, et très marié ! Je l’ai rencontré aux Galeries Lafayette, un soir de début de semaine, au rayon des sous-vêtements. L’anniversaire de sa femme. Il hésitait, il était beau, il était amusant, j’étais de bonne humeur. Cocktail parfait !
Il présentait les dessous devant lui, commentait, demandait son avis à la vendeuse, et comme je riais, il m’a demandé mon avis à moi aussi. Je suis restée, pour voir. J’attendais. Il a patienté, que la vendeuse s’écarte, à regret, il l’a remarqué comme moi et ça nous a amusé tous les deux. Il m’a demandé si je voulais bien essayer pour lui, pour qu’il se rende mieux compte m’a-t-il dit avec un sourire qui en disait un peu plus. C’était gonflé, non ? J’ai fait traîner. Pas trop. Pour la forme. Il me plaisait, j’ai accepté.
Quoi, « oh » ? Il était beau …
Il a posé les articles sur son bras, me demandant conseil d’un œil gourmand entre deux choix, avant de m’accompagner jusqu’aux cabines d’essayage.
J’ai passé en une demi-heure plus de sous-vêtements que je n’en avais jamais essayé pour moi depuis longtemps. La vendeuse venait de temps en temps, et a fini par nous laisser seuls, en m’adressant une petite moue jalouse et un clin d’œil.
Je mettais les petites culottes en dentelles diaphanes et les soutiens-gorge qu’il me donnait les uns après les autres. Il me détaillait d’un œil brûlant quand je tournais devant lui, rideau grand ouvert. Je prenais des poses, je faisais ma Maryline. Je vous dis pas dans quel état j’étais !
A la fin, il m’a tendu une guêpière noire et un porte-jarretelle avec un string fendu avec un air penaud, vite démenti par un énorme sourire. Rideau fermé, j’ai passé la guêpière, peinant à fermer les agrafes dans mon dos et j’ai abandonné le porte-jarretelle et le string sur le tabouret où s’empilaient tous les articles déjà essayés et sans même vérifier qu’aucune autre cliente ou la vendeuse ne se trouvaient dans les parages, j’ai ouvert le rideau.
Je m’étais trouvée belle dans le miroir de la cabine, ventre blanc sous le tulle noir qui finissait en pointe quelques centimètres au-dessus de ma toison brune, trouvé belles aussi mes fesses épanouies sous la taille serrée. Il est resté muet. Son regard me brûlait. J’aurais voulu qu’il me prenne, là, dans le petit couloir entre les cabines, mains crochées à mes hanches. Eh, faites pas cette tête ! Je vous jure, j’en avais envie ! Très lentement il a pris ma main et m’a faite tourner, comme une danse, et je me sentais … belle ! Et humide ! Et prête à tout pour tourner et tourner encore sous ses yeux.
Humide … J’étais carrément liquide,oui !
Il n’a acheté que la guêpière et m’a pris par le bras en sortant du magasin.
Nous sommes entrés dans le premier hôtel venu, sans choisir, juste pressés de fermer une porte sur nous.
Je crois bien qu’on n’a pas échangé un seul mot. Il était doux, calme, et ses yeux brillaient. Il m’a fait l’amour sans caresses, lentement, et j’ai joui comme rarement avant, sans mes mains, sans les siennes, juste son sexe en moi.
Ça vous est arrivé ? J’espère. Vraiment je vous le souhaite. Moi, c’était une première. D’habitude, faut que j’aide un peu.
Et ça continuait, continuait … Et puis il m’a caressée et m’a encore fait jouir, plusieurs fois, avec sa bouche et ses mains. Il est doué. Pour ces caresses, c’est le premier homme que j’ai rencontré qui tienne la comparaison avec une fille. Il m’a encore fait l’amour après, tout doucement, sans jamais jouir, lui.
Je sentais bien qu’il ralentissait parfois, se retirait avant de revenir, revenir à moi.
Il a fini par s’allonger près de moi, le visage luisant de transpiration, les yeux fermés, la main sur mes seins. Je me suis occupée de lui. Pas pour lui rendre le plaisir qu’il m’avait donné. Enfin si, pour ça, mais c’était pas une dette ou une connerie comme ça, non, j’en avais envie, vraiment.
C’est le premier homme dont j’ai bu le sperme. J’avais toujours été un peu dégoûtée par ça avant. Et là, avec lui, le garder dans ma bouche quand je l’ai senti se raidir m’a paru une évidence, et j’ai aimé le jet chaud dans ma gorge, j’ai aimé son plaisir.
On s’est revus deux autres fois.
Le lendemain de ce premier jour, on a dîné ensemble. La tension du sexe était là, mais on s’est quittés à la sortie du restaurant. Un belle soirée. Il était amusant, charmeur. On a beaucoup discuté et pourtant, je n’ai pas parlé de ma vie, et il n’a pas parlé de la sienne. C’était une vraie belle soirée.
Le vendredi soir, on est retournés à l’hôtel. Il a pris son temps. J’étais la plus belle femme du monde dans ses bras, la plus désirable. C’était différent de notre première fois, plus détendu. On parlait, on riait, on jouait, on disait des horreurs. Jamais je n’avais été aussi crue avec un homme.
Là, avec vous, je me lâche. Qu’est-ce que c’est bon de se lâcher !
C’est peut-être parce qu’on ne se connaît pas. C’est plus facile, finalement.
Eh, vous saviez, vous, que les hommes aiment bien qu’on leur mette un doigt entre les fesses ? Pas tous, peut-être, je sais pas, et qu’on les sent jouir, comme les filles, quand l’anus se resserre sur les doigts au rythme des giclées de sperme dans votre bouche ? Ben moi je savais pas avant ! Quoi ? Rigolez pas, c’est vrai, je savais pas !
Lui, c’est pas ses doigts qu’il a glissé entre mes fesses ! Enfin si, ses doigts aussi, mais son sexe. Ça aussi c’était une première pour moi. J’avais jamais voulu ça, pas d’un homme. Surprise ! j’aime bien ! Surprise ! Comme ça aussi il m’a fait jouir !

Je sais que je le reverrai, un jour. Il m’a dit que ce serait à moi de le contacter. Je préfère attendre. Mais je le reverrai. Je pense à lui de temps en temps. Souvent quand je me caresse, à un moment, c’est ses yeux que je vois, que j’imagine fixés sur mes jambes ouvertes, comme quand je me suis caressée pour lui. Ça non plus je ne l’avais jamais fait pour un mec avant lui. Vous faites ça, vous ?

Voilà. Je suis libre.
Je suis seule.
Je ne regrette pas. Mais je m’ennuie.
C’est pas drôle de vivre seule. La liberté ? Ouais … pesant ! Mais ne croyez surtout pas que je vais m’accrocher au premier venu ! Non ! Il faut que je trouve mon rythme, c’est tout.
Je vais me calmer, déjà. J’ai pas vraiment fait de conneries jusque-là. Une chance ! J’aurais pu mal tomber, sur un tordu, un pervers, une sangsue.
Je vais me calmer.

Complètement oublié ! Désolée ! Je me suis pas présentée ! Je m’appelle Hélène. J’ai 28 ans. Je vous ai déjà dit ? Ah bon ? Passons alors. Et puis le physique, ben vous avez qu’à regarder ! Pas si mal, non ? Bon j’aimerais bien rentrer dans du 38 , mais c’est pas pour tout de suite. J’y travaille, je vous dirai. Ah, aussi ! Je voudrais pas que vous pensiez que je pleure sur mon sort ! Non, pas du tout ! C’est juste que j’ai un peu de mal à trouver mes marques. Mais je suis une grande fille ! Pas une pleureuse, croyez pas ça !
D’ailleurs je vous raconterai pas le petit coup de mou. Pas intéressant. Je saute les soirs de cafard.

Et puis l’été arrive. Ça ira mieux. J’ai envie de soleil et de mer. J’ai loué un studio par internet sur la côte landaise, et je me prépare.
La mission : rentrer dans mes petites robes que je ne mets plus depuis deux ans.

J’ai pris un abonnement de trois mois dans une salle de fitness. Step, danse moderne, musique forte, petites tenues marrantes. C’est une nana de la compta qui m’a entraînée là, un jour qu’on discutait autour de la machine à café. A voir son tour de hanches, j’étais pas très convaincue de l’efficacité, mais elle est sympa et c’est la première qui ressemble un peu à une amie. Je l’ai suivie un soir pour m’inscrire.
Depuis, je transpire deux ou trois fois par semaine et j’en sors ruinée. Le lendemain matin de la première séance, j’ai eu du mal à descendre les deux étages, de mon appartement au hall d’entrée. J’avais jamais remarqué que descendre un escalier faisait travailler autant de muscles. D’ailleurs, j’ai même découvert des muscles à des endroits insoupçonnés !
Deux séances par semaine, c’était trop, mais je me suis accrochée, maintenant il m’arrive d’y aller le week-end en prime ! Et j’avais rien d’autre à faire.
J’en suis à ma cinquième semaine et ça commence à aller mieux. Hier, j’ai même fait un peu de tapis après la séance. Je ne rentre pas encore dans mes petites robes, mais mon jean’s ne me serre plus du tout à la taille et aux cuisses. Ça vient !
Je regarde les autres filles quand on se change, presque toujours les mêmes. Difficile de toute façon de ne pas les voir. Dans le vestiaire comme dans la salle, il y a des glaces partout. C’est presque cruel, toutes ces glaces ! J’ai pas vraiment à rougir, mais quand même ! Bon, sûr, il y a des filles mieux foutues que moi, mais il y a pire aussi.
Eh oui, je mate le cul et les cuisses des nanas qui transpirent avec moi ! On se rassure comme on peut !
J’étais un peu gênée le premier jour. Plus l’habitude de me déshabiller en public. Les vestiaires de sport à la fac, c’est loin. Et j’avais une autre allure. Je n’avais pas imaginé que le vestiaire serait cette sorte de grand couloir avec des blocs de casiers le long des murs séparés de grands miroirs en pieds et des bancs au milieu, le continuel passage de celles qui arrivaient croisant celles qui partaient, celles qui sortaient des douches et se changeaient. Assez lâchement, j’étais contente : le casier qu’on m’avait donné était à côté de celui de Christelle, celle qui m’avait entraînée à la suivre.
Ça fait un peu bizarre de se retrouver en petite culotte à côté de quelqu’un qu’on ne voit d’habitude qu’au travail !
Les premières fois, j’ai fait l’autruche. Je baissais la tête. Et comme je ne regardais personne, je pouvais croire que personne ne faisait attention à moi. Maintenant je regarde. Et je sais que les autres regardent aussi. Finalement, c’est amusant. Il y en a même une ou deux qui matent franchement. Christelle, entre autres. Une ou deux aussi qui font beaucoup d’efforts pour attirer les regards. Ces petits manèges sont drôles à observer.
Un soir, pendant que je me préparais, j’ai vu Christelle retenir un fou-rire en se détournant vers son casier, puis me faire signe de la tête en se mordant les lèvres pour que je me retourne.
De l’autre côté des bancs, une fille que j’avais déjà vue une ou deux fois, qui doit faire du culturisme, faisait jouer ses muscles en se tenant tout près de la jeune femme qui avait son casier à côté du sien, et qui elle, avait l’air excédée et gênée de ces démonstrations. Elle a croisé mon regard, et a gonflé ses joues pour souffler d’agacement, me prenant à témoin de son désagrément.
Elle s’est dépêchée d’enfiler son collant et a claqué la porte de son casier avant de quitter le vestiaire, les joues rouges d’énervement, s’appliquant à ne jamais regarder l’autre qui essayait de se mettre sur son chemin en gonflant ses biceps et ses fessiers.
Christelle riait toujours. « Toujours autant de succès, la petite Ninon ».
Effectivement, d’autres soirs, dans le vestiaire ou dans la salle, j’avais vu deux ou trois autres filles serrer cette Ninon d’un peu près.
J’ai cru comprendre la semaine dernière, en partant, pendant qu’on se rhabillait, ce qui les attirait toutes. Elle venait de revenir de la douche et renfilait ses sous-vêtements, cachée sous sa serviette de bain enroulée autour d’elle. Elle a ensuite dénoué sa serviette et s’est frotté les cheveux pour les sécher. Je vous ai dit. Je regarde. Pas par vice ni par voyeurisme … quoique, d’accord, ça y ressemble beaucoup ! Je regarde.
Je mate ? Euh… oui ! Bon ! Alors je suis voyeuse. Pas grave, si ?
Sur son ventre, sous son petit slip de nylon moulant qui dessinait nettement son sexe, une bosse, étonnante, clairement visible. Son clito en érection ?
Si, si, je vous jure !
Christelle a remarqué mes yeux ébahis fixés sur l’intimité de Ninon. « Eh ! t’as compris, maintenant ? » et elle riait en secouant la tête et en me donnant une petite tape sur le bras.
J’avoue. Les autres soirs, je guettais. Je l’ai regardée se changer avant la séance. Pour savoir si j’avais bien vu. Et j’ai vu. J’ai vu aussi que j’étais pas la seule à guetter. Christelle m’a pris par le bras en allant vers la salle et s’est penchée vers moi, « Après la douche, c’est plus évident, elle doit se tripoter ».

La routine. Je me suis un peu lassée de mes balades en solitaire. Depuis quelque temps, je déjeune avec Christelle et une de ses collègues. Ça me manquait ces discussions entre filles.
Elles racontent leurs gosses et leurs maris. Je raconte celui qui est parti, comme avec vous. On raconte des horreurs sur nos collègues, on se moque d’un couple qui s’engueule à la table à côté.
Un peu méchantes, un peu tendres. Ça dépend des jours et de l’humeur. Christelle essaye de convaincre Maryse de venir faire de la gym avec nous, sans succès. « Mais si, ce serait bien d’y aller à trois, et puis c’est amusant, tu verrais des choses … ». Un midi elle a raconté à Maryse l’ambiance des vestiaires, les nanas qui draguent et le clito de Ninon.
Elle en rajoutait, Maryse rougissait en se rendant compte que les deux messieurs de la table d’à côté s’étaient tus et tendaient l’oreille, essayait de faire signe à Christelle pour qu’elle baisse la voix. Elle plaisantait en parlant des culturistes qui draguaient ouvertement.
J’ai pas osé leur dire qu’il y a quelques années, je sortais aussi souvent avec des filles qu’avec des garçons. Ça les regarde pas. Et puis ça gênerait peut-être Christelle qui hésiterait à se déshabiller à côté de moi deux fois par semaine ! Elle ne m’attire pas, de toute façon. »

— Mais je parle, je parle, vous devez avoir autre chose à faire qu’écouter mes petites histoires, non ?
— …
— C’est vrai ? D’accord ! Je reviendrai un autre jour, alors si vous êtes là aussi, je vous raconterai la suite. Ciao !

Elle nous a quittés en laissant un billet pour payer ses consommations. On est tous restés silencieux un long moment, un peu éberlués de toutes ces confidences d’une inconnue.
Je me suis installée devant mon micro le soir même, pour ne rien oublier.

J’avoue que j’espérais la revoir. Je m’installais au fond du café plus souvent que d’habitude en guettant son apparition.
Je n’ai pas été déçue, elle est revenue.

(à suivre)

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