Elle Était Si Jolie 2

Mais pourquoi tant m'empresser à effacer ces traces de rouge. Ces bisous si spontanés ont été appliqués sans arrière-pensées. Ils n'ont rien de compromettant, n'ont rien à voir avec ces baisers sur la bouche que l'on peut observer ici ou là. Pas de lèvres collées, pas de contorsions pour croiser les nez, aucune ressemblance avec le baiser auquel Noémie a fait allusion. Ce n'est pas encore, maintenant et ici, l'heure de ce premier vrai baiser entre une fille et un garçon.
D'ailleurs la jeune fille a promis, juré, de me laisser dans mon état d'ignorance originel :
" Puceau tu es, puceau tu resteras"

Rien à craindre de cette fille. Cette déclaration rassurante de la demoiselle me met à l'abri de la redoutable première fois. Cette première fois je ne l'ai pas recherchée et je n’ai pas tenté de la provoquer. Et soudain je me mets à rêver. Mon « premier baiser » vient de s'éloigner. Noémie n'a pas sa langue dans la poche ; ses questions sur mes expériences l'ont prouvé. Elle s’est assurée de mon inexpérience dans le domaine des contacts amoureux entre les filles et les garçons Pour obtenir une place dans un appartement qui lui convient, elle s’est condamnée à ne pas même m’embrasser. Qui rejette le plus petit rejette le plus grand. Pas de baiser signifie « tu resteras inexpérimenté. Elle me condamne à l’instant même où naît le désir d’être aimé et désiré que m’inspire son arrivée chez moi.

Jamais je n’aurais eu l’audace de l’interroger comme elle l’a fait. Jamais je ne me serais permis de demander si elle avait déjà embrassé un garçon. Encore moins aurais-je voulu savoir si elle était pucelle. Le mot n’appartenait pas à mon vocabulaire. Jusqu’à ce jour l’idée de recevoir ce type de confidence intime m’était complètement étrangère. Elle m'a surpris et presque gêné en explorant aussi franchement mon passé. M'a-t-elle pris pour un arriéré ? Mon innocence l’a refroidie vraisemblablement.

Je pourrais le regretter un jour.

Car peut-être serait-il temps d'avoir l'envie et surtout l'audace de passer à l’acte. A mon âge je devrais être plus dégourdi. Or qui serait la plus indiquée des filles pour mener mon initiation que celle qui convoite de partager mon espace et une part de ma vie quotidienne. Noémie m’a à la fois inspiré le souhait d’évoluer et annoncé qu’elle ne serait pas mon initiatrice. Son baiser sur les joues m’a finalement désespéré autant qu’il m’a ravi. Tout à coup j’imagine que je pourrais prendre l’initiative puisque je n’ai rien promis en la matière.

Quoique l'exercice puisse se révéler périlleux. A l'heure actuelle les femmes et les filles se sentent trop souvent agressées à la première tentative de rapprochement. Une parole maladroite ou mal interprétée peut vous classer au rang des satyres. Un baiser volé peut créer le scandale. On vous désigne comme harceleur obsédé, on vous dénonce publiquement, on vous livre à la vindicte populaire ! Voyez comme, des années après l'événement, ces « victimes » se réveillent en meutes hurlantes et accusent de harcèlement pour un "baiser volé" , pour un attouchement maladroit, pour une simple question. Méfions-nous ! Le célibat devient un refuge.

Je devrai sans doute longtemps me souvenir de ce bisou enthousiaste de Noémie. Alors pourquoi ai-je eu cette hâte à faire disparaître ces traces sur mes joues ? Le simple oubli de les effacer aurait pu suggérer à l’auteure que j’y avais ressenti de la joie et que j’attendais les prochaines manifestations de sa satisfaction. Elle est intéressante cette étudiante si vive. Belle, agréable à regarder, ouverte, franche, presque osée. Elle aurait pu être celle qui m'apprendrait. Si elle voulait, si elle recommençait, je n'irais pas me plaindre. Hélas, elle a bien affirmé sa résolution de respecter mon état d'innocence et j’ai perdu les traces de sa joie d’être acceptée. J'ai été naïf, j'aurais dû laisser croire que je pratiquais avec bonheur. Désormais elle pensera que je suis inaccessible et j'aurai le sentiment de devoir être sage en qualité d'hôte rémunéré.
J'ai gâché une formidable occasion d'entreprendre une relation amicale et plus si affinité. Elle m'aura fait rêver un instant.

La porte s'ouvre, le rêve s'envole.
- Voilà, c'est fait. Tu dois remplir ce formulaire que je porterai à la Caf. Après il faudra apprendre à vivre ensemble. Cela ne te fait pas peur ?
- De quoi aurais-je peur ? Sois donc bienvenue. Ah ! On sonne.
- Laisse, j'ouvre la porte.
On discute dans le sas d'entrée, la conversation animée semble nerveuse. Enfin Noémie revient. Elle précède un inconnu de notre âge. Elle le désigne de la main et me déclare apparemment ennuyée :
- Jean, je te présente Georges, un ami qui voudrait te parler.
L'arrivant n'attend pas mon invitation. De prime abord il corrige :
- En réalité je suis " le petit ami" de Noémie.

Toutes mes illusions s’effondrent subitement. Il tient à bien appuyer sur le lien qui les unit. Me voilà loin de ma rêverie stupide.
Il a bien insisté sur "petit ami". A l'évidence les emmerdes commencent.
- Ma chérie vient de m'annoncer que tu acceptais de l'héberger. C'est très bien.
Dans la foulée le gaillard s'octroie des droits découlant de la relation intime que Noémie ne dément pas :
- Est-ce que je peux voir comment elle sera logée ?

Selon moi, le cas sera vite réglé. Elle et lui s'en iront bientôt. Je reviendrai à une situation plus simple. Je l'invite à visiter les lieux
- Par là, la salle de bain. Cela te paraît convenable ? Oui. Ici tu vois le séjour et la kitchenette. Et derrière cette porte à galandage il y a la chambre à coucher.
- Je peux jeter un oeil ?
- Fais coulisser la porte. Regarde...
- Quoi, Noémie tu vas partager la même chambre que lui ? Mais, ce n'est pas vrai. Tu rigoles ?
Noémie qui baissait les yeux, soudain fixe le petit ami tombé des nues.
- As-tu trouvé mieux pour moi ou pour toi ?

Le garçon adoucit le ton :
- C'est vrai, je suis également à la recherche d'une colocation.
Je trouverais normal d'être logé avec ma copine. C'est spacieux. On pourrait se serrer et vivre à trois ici.
Quel culot. Le type est sur le point de diriger ma vie. J'aurai l'air de quoi entre ces deux tourtereaux. Peut-être aurai-je l'avantage de dormir hors de la chambre quand ils s'aimeront ? J'aurai la chance d'entendre le son sans voir l'image, s'ils n'ont pas l'amabilité de me prier de m'instruire en regardant leurs ébats. Georges oublie que je suis le propriétaire. Je le lui rappelle :
- Pardon. Je n'ai pas l'intention d'accueillir plus d’une personne. Je recherchais un garçon. Il a fallu toute la force de persuasion de ta "petite amie" pour que je change d'intention. Je me rends compte que j'ai eu tort de céder à ses arguments. Je suis prêt à revenir sur ma décision et à rendre son argent à Noémie. Je déteste les complications. Noémie je n'exigerai pas que tu respectes ta signature. Le bail est nul, je continuerai avec un garçon, cela vaut mieux.

Cette fois Noémie sort de son apparente soumission :
- Georges tu serais prêt à prendre ma place ? Tu es salaud. Je cherche, je trouve et tu me volerais mon résultat? Ah ! Non. J'ai un bail signé par le propriétaire, je le garde. Jean tu dois tenir parole. Toi, tu cherches pour toi, moi je reste chez Jean. Va, va.
Georges écarquille les yeux, n'en croit pas ses oreilles. Il ne s'avoue pas vaincu :
- Au moins je pourrai te rendre visite régulièrement ?
Je suis sur le point de céder. Noémie me devance :
- Ton procédé me dégoutte. Tu n'es plus mon "petit ami", oublie-moi, adieu.

J'ai droit à un regard assassin de l’étudiant congédié. Je montre la porte à l'ex petit ami et je l'accompagne vers la sortie. A mon retour je retrouve une Noémie en larmes.
-Je l'aimais, mais il a été odieusement jaloux. J'ai découvert son véritable caractère. Je ne supporterais pas un mari comme ça. Un de perdu, dix de retrouvés, dit-on. Je te demande pardon de t'avoir imposé ce spectacle lamentable.
Bon, permets-moi de m'installer.

J'ai vu une fille active ranger ses affaires dans le placard de la chambre, faire son lit. Enfin elle s'est inquiétée du repas du soir, a constaté que le réfrigérateur contenait le nécessaire.
- Et demain ? On pourrait faire un pot commun pour les achats en vue du petit déjeuner et du repas du soir. Je sais cuisiner, faire la vaisselle. On partagerait les tâches. Qu'en dis-tu ?

- C'est que... je n'ai pas l'habitude de la colocation. Tu seras précieuse. D'accord pour partager les frais. Tiens j'ai une idée. Tu vois ce pot, j'y place tes 250 € pour nos achats, c'est un début, après on avisera pour finir le mois.
- C'est trop. Je veux participer.
- D'accord, on verra
- Je ne me suis pas trompée, tu es un type formidable.
Le propos est accompagné d'une accolade chaleureuse que complètent deux bisous sur chaque joue. Mon coeur fait des bonds, je m'endormirai en rêvant. Noémie est gaie, chantonne.

Ma douche prise, je me couche. Quand Noémie revient de la salle de bain, je me tourne vers la fenêtre, elle peut agir sans se sentir espionnée au coucher. Passent trois jours. Ca roule, les conversations sont amusantes ou studieuses selon l'humeur de ma colocataire. Je ne rêve plus, la vie est simple, je ne suis plus seul dans mon appartement. Finalement fille ou garçon, l'essentiel est de pouvoir sentir une présence bienveillante.

Le quatrième jour de cohabitation, un vendredi, arrive un colis destiné à Noémie. Elle revient de cours, se réjouit à la vue du grand carton. Elle s'active, demande mon aide pour dresser entre nos deux lits un paravent constitué de six panneaux.
- Qu'est-ce que tu en dis ? Voilà une cloison de séparation, tu ne seras plus obligé de détourner le regard quand je me couche. La vue de ma nuisette ne te fera plus rougir. Si je me découvre, la nuit, tu n'auras plus à fermer les yeux, au réveil. Tu redoutais les critiques, désormais nous faisons chambre à part, finis les ragots idiots ou déplacés

Noémie a donc remarqué mes efforts pour ne pas être indiscret ou trop curieux. Me voilà puni de mon excès de pudeur. Mais le fait elle exprès ? Je ne me tourne plus sur le côté droit, je me couche n'importe comment, sur le dos, sur le côté gauche aussi. Ah : Sur le paravent elle a jeté de la lingerie. Une lanière rose pend sous un triangle de tissu plus large, bordé de dentelle, ce doit être la moitié d'un soutien- gorge. C'est petit. Le sein qui s'y loge n'est pas volumineux. Quand elle est habillée Noémie ne projette pas vers l'avant une poitrine provocante. Son sein doit être mignon. Mon imagination travaille davantage le soir où une culotte de même tissu côtoie le demi soutien-gorge.
Je ne suis pas au bout de mes surprises.

En pleine nuit un bruit me réveille. De l’autre côté du paravent la lampe de chevet allumée projette sur le blanc des panneaux des ombres chinoises : Noémie change sa nuisette. Sait-elle que je découvre sur la toile tantôt l’ombre ses épaules ou de ses hanches ou l’espace entre ses cuisses, tantôt la forme de ses seins ou l’arrondi de ses fesses ? C’est flou, imprécis mais terriblement excitant. Elle se couche, de nouveau il fait nuit. Je rêve longtemps. Je bande, le désir me trouble, je me touche.

Je dormais. Un contact sur mes lèvres me surprend. La voix de Noémie me demande de ne pas m’effrayer.
‘Jean, mon chéri, je suis folle de toi. Jean je
t’aime. Chéri embrasse-moi. Laisse-moi t’aimer…..

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