Lulu 5

LULU 5


Pour assurer ma place et garantir les gains substantiels lui correspondant, pour tenter ma chance de devenir la vedette adulée, applaudie et réclamée, promise par le patron de la lune bleue, j’ai accepté de devenir gogo girl dans son établissement avant d’entamer mon ascension vers les scènes les plus brillantes. J’entamai donc discrètement une reconversion de coiffeuse à danseuse et effeuilleuse, spécialiste de la barre de danse, chanteuse et stripteaseuse.


Deux anciennes, sur le point de rejoindre des grandes scènes dans le réseau de Richard, furent chargées de ma formation. Je ne voulais pas t’alerter avant d’être certaine de réussir. J’aurais été déçue de t’avoir donné de faux espoirs. Par conséquent j’ai accompli mes progrès principalement pendant tes tournées de nuit ou sur mon temps de travail quand on m’envoyait peigner les artistes féminines du cabaret. J’appris les exercices à la barre, les mille et une façon de dévoiler innocemment un coin de chair, de créer l’illusion de la lascivité, de faire monter le désir dans le ventre des spectateurs.


Sans compter, je consacrais des heures le soir, après ma journée de travail, jusqu’à tard la nuit et avant ton retour, à m’assouplir, à faire saillir ma poitrine ou à creuser les reins pour mettre en valeur ma croupe fabuleuse, comme disait Richard, ou à exposer mon mont de Vénus en le projetant en avant pour mimer une recherche d'accouplement


Dans cette position chaque client pense que tu lui offres ton corps, que tu es prête à te donner à lui. Ça les rends fous et ils consomment sans compter les boissons servies au bar. Je progressais et on me criait depuis les coulisses :


- Mais continue, tu atteindras la perfection, tu es douée. Lève bien la jambe.



Je dus perdre des kilos pour affiner ma taille. Mon ambition, encouragée par l’ensemble des artistes et par Richard, m’a poussée à me surpasser.

Certaines nuits j’ai fait l’amour avec toi malgré mon dos brisé par les exercices, je ne voulais pas que tu remarques ce que me coûtaient mes efforts pour gagner. Le plus difficile fut d’apprendre à me dénuder en musique, en premier devant mes formatrices, puis devant Richard et son adjoint Ben, enfin devant toute la troupe.


Ce que tu étais seul à avoir vu et touché, était exposé à d'autres, ma fente nue et le trou de mon cul ne m'appartenaient plus, t'étaient dérobés. J’appréhendais le jour où il y aurait un public d’hommes dans la salle. Je redoutais surtout d’être reconnue par des connaissances quand je me montrerais dans le plus simple appareil. Car il me faudrait passer par la nudité intégrale, étape indispensable pour attirer du public chaque soir. C'était la règle du tout ou rien. Heureusement le temps d'exposition serait assez court.


- Tu veux être artiste ou tu ne veux pas !


D'autres filles ou femmes le faisaient, je le fis. Je me rendis vite compte que c'était un pas à franchir important aux yeux de mes soutiens, avant d'en faire une habitude simple à transformer en art. Comme toujours c'est le premier pas le plus difficile, ensuite au milieu de filles nues tu te sens moins nue. Se faire désirer sans rien accorder était le mot d'ordre à intégrer. Chacune pouvait, à la sortie de l'établissement, accepter ou refuser poliment des invitations ou des offres moins nuancées d'hommes avides de paraître en compagnie d'une artiste ou de passer un bon moment avec une femme jolie, en général richement rémunérée pour des prestations sexuelles accordées en privé. Certaines filles rêvaient de se faire embarquer.


Sans compter je consacrais des heures le soir, après ma journée de travail, jusqu’à tard la nuit et avant ton retour, à m’assouplir, à faire saillir ma poitrine ou à creuser les reins pour mettre en valeur ma croupe fabuleuse, comme on disait, ou à exposer mon mont de Vénus en le projetant en avant au cours du pont de rigueur, jambes écartées.
Alors se dessinait dans la culotte légère la forme du sexe féminin. Je l'ai observé sur les autres filles qui s'entraînaient


Dans cette position chaque client pense que tu lui offres ton corps, que tu es prête à te donner à lui. Ça les rend fous et au bar ils consomment sans compter. Mais continue, tu atteindras la perfection, tu es douée


J'agissais pour l'argent, un peu pour la gloire, mais je n'avais pas l'intention de monnayer mes charmes et de te tromper. Je serais une professionnelle consciencieuse, fière d'atteindre le meilleur niveau. Ben ne s'intéressait plus à moi. Ma faiblesse faisait partie d'un passé à oublier. j'avais confiance dans la protection de mon patron. Tout me préparait à un brillant avenir. ma première apparition sur scène fut un succès. Celle du lendemain devant un public nombreux donna entière satisfaction. En fin de semaine on parla d'un triomphe. Je fus applaudie, rappelée je ne sais plus combien de fois. Richard rayonnait, je remplissais la salle, le champagne et la bière coulaient à flot, la caisse battait des records. Exceptionnellement, ce premier samedi de ma semaine de spectacle, tu travaillais de nuit. Ginette regardait mes bouquets avec envie, je les lui offris. Elle se rendit même à un rendez-vous où on me réclamait, dont elle revint folle amoureuse et embarrassée d'un amant pervers.


Richard offrit le champagne. J'avais oublié les dégâts du pot d'arrivée. je jubilais d'être la nouvelle attraction, je riais, remerciais pour les compliments, je buvais et je me promis alors de te mettre enfin au courant de ma nouvelle activité, avant que la rumeur ne t'alerte. Je voulais que tu saches, que tu viennes m'applaudir, constater mon succès et le partager. Ce succès devait te combler d'aise et faire bisquer ton frère qui ne m'aimait guère.


Quand après la célébration Richard me ramena, il insista pour entrer. En effet nous devions étudier ensemble un projet concernant ma carrière; c'était de la plus haute importance.
J'avais devant moi trois semaines d'interruption au cabaret avant de relancer mon nouveau spectacle. Selon Richard je devais savoir me faire désirer. Je pouvais bien entendu retourner au salon de coiffure, mais à mon niveau mieux valait utiliser ce temps libre à me perfectionner. Or une occasion unique de précipiter ma carrière se présentait à nous. Il tenait à m'emmener à Paris, dès lundi, pour un stage de huit ou dix jours dans un cabaret dont il était actionnaire. La perspective m'enchanta. Il sut me flatter,n'eut guère de peine à me persuader de l'accompagner, me convainquit. J'eus une hésitation :


- Comment annoncer la nouvelle à mon mari ?


-Pour l'instant ne t'embarque pas dans d'interminables explications. Va au plus simple. Laisse le encore un peu dans l'ignorance où tu l'as maintenu jusqu'à aujourd'hui. Annonce lui simplement que tu vas suivre un stage de perfectionnement d'une semaine en coiffure. Cela lui paraîtra normal, il ne lèvera pas d'obstacles à ton départ.


- Oui, c'est exactement ce que tu m'as dit en préparant la valise de " Barbara."


J'ai appuyé volontairement sur son pseudonyme que je suis censé ignorer. Lulu me regarde. Mon interruption lui a fait perdre le fil de son récit. Je continue:


- Tu sembles avoir oublié par quel moyen Richard a vaincu tes réticences et obtenir ton accord. Permets-moi de te rafraîchir la mémoire. Vous aviez fêté et bu au cabaret. Il t'a encore poussée à boire, plus que de raison, puis vous avez fait l'amour, il t'a prise, possédée, il a brisé ta volonté et t'a soumise au plaisir des sens pour t'imposer sa volonté. Tu ne pouvais pas venir spontanément me raconter cette fin de nuit et vos exploits sexuels, alors tu m'as servi le mensonge du stage de coiffure.


- C'est ce salaud qui est venu te raconter ça ? Il voulait me discréditer à tes yeux et m'enlever toute chance de repli, si je n'obéissais pas à ses caprices et si je ne me soumettais pas à ses vues de souteneur.
Quel pourri.


- Non, ce soir là, averti par Claude qui t'avait vue et reconnue, j'ai assisté à ton spectacle, puis je suis revenu à la maison. Personne ne t'a dénoncée. J'ai assisté à votre retour, j'ai tout vu et tout entendu jusqu'au départ de ton amant au petit matin.


- Il n'est donc pas nécessaire de te narrer l'affaire par le détail. Tu as vu, tout vu. Mais alors pourquoi n'es tu pas intervenu, cela se passait chez toi!


- Chez nous, où toi, tu introduisais un étranger. Car à l'époque c'était aussi chez toi, d'autant plus que tu me croyais absent. Tu étais responsable de tout ce passé actif dont j'ignorais théoriquement l'existence, puisque tu n'en avais jamais parlé et de ses conséquences. De quel droit serais-je intervenu dans une affaire que tu me cachais intentionnellement. De plus si tu choisissais de faire l'amour avec ce Richard, c'est que tu te détachais de moi pour aller avec un homme auquel tu prêtais des qualités que tu ne me reconnaissais pas, l'argent par exemple ou la capacité de t'offrir une carrière plus agréable, plus gratifiante, une vie plus brillante que celle que tu menais avec un ouvrier.


- Mais tu te trompes, je faisais ça pour nous, pour toi aussi. Je comptais tout partager avec toi. Pourquoi, ayant tout vu et tout entendu, sachant ce que j'allais réellement faire à Paris, pourquoi ne m'as-tu retenue ?


- Qu'avais-tu partagé de ton rêve et de ta nouvelle vie avec moi jusqu'à ce jour ? Rien. De plus tu partais en te dissimulant derrière le mensonge d'un prétendu stage. Tu me mentais pour mieux obéir à l'homme qui venait de passer la nuit à ma place dans mon lit et sur ma femme. Je pouvais crever de douleur, me sentir humilié, je savais qu'aucun argument ne t'aurait fait changer. Tu t'étais entièrement impliquée dans ton projet, ton corps jouissait puissamment sous les coups de bite de ton amant pour la quantième fois d'ailleurs ? Oui, combien de fois t'étais-tu livrée à lui, combien de nuit aviez-vous souillé notre couche quand mon travail me retenait hors de la maison ? Franchement comment aurais-je pu essayer de briser ton fantasme de carrière et d'amour réunis?


- Oh comme je t'ai fait mal sans le vouloir, comme je t'ai blessé sans le savoir. Comme tu as dû me détester. J'ai été nulle. Pourtant je t'aurais entendu et écouté si tu t'étais manifesté. Cela m'aurait évité le pire.


- Ne m'accuse pas de tes malheurs. Tu étais adulte, responsable, capable de choisir qui te baisait, qui te rapporterait le plus. Tu as fait tes choix librement. Je ne t'ai pas poussée dans la gueule du loup. Si tu y es tombée c'est sur ta propre poussée. Je refuse d'assumer ce qui n'a relevé que de ta responsabilité. Tu t'es organisée sans moi, tu ne m'as laissée que l'humiliation et la douleur propre aux abandonnés. Depuis dix mois je porte cette douleur, elle m'anéantit. Mille fois je me suis reproché ton départ, mille fois je me suis dit "Pourquoi", mille fois je me suis répété les paroles de mon frère "Elle est trop belle pour toi". Mille fois aussi je me suis félicité d'avoir respecté ton choix.



- Ce que j'ai été bête de faire ce choix. Mille fois je l'ai regretté. Je ne t'accuse pas de m'avoir aimée au point de m'accorder cette liberté cruelle. Tu as raison, j'ai été l'artisan de mon malheur et la victime stupide de Richard.
à suivre

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