Lulu 3

LULU 3


Le ventre de Lulu se contracte sous la succion du clitoris. Barbara-Lulu, la vedette ne dort pas, Lulu ma femme, ne proteste plus, elle émet des soupirs exagérés, grogne sa joie, geint, pousse des cris de plaisir. C(est foutu. Elle est matée, femelle soumise, victime à la fois de ses sens énervés par l’habile patron de cabaret, victime aussi de l’alcool ingurgité et victime surtout de son brûlant désir de faire carrière et de devenir célèbre et riche pour moi : C’est un comble , je n’ai rien demandé, elle a perdu la tête. Richard lui a fait connaître le prix de son aide précieuse, il a assis ses arguments dans un esprit embrouillé par l’alcool et par l’appel de la célébrité. Pour lui c’est bien joué et c’est gagné. Claude avait raison.

Pauvre femme, les léchouilles ont raison de ses derniers retranchements. Dans son ventre en émoi, sous la bouche et contre les doigts fouineurs, monte l’impression d’entrer dans un nouveau monde, fait de tremblements de bonheur, de frissons dus aux louanges et aux applaudissements, un monde rempli d’hommes qui bavent en découvrant sa nudité unique. Des hommes qui lui lancent des billets en euros . Les doigts la fouillent, un corps chaud rampe sur son ventre, pèse de tout son poids, lourd et rassurant, une verge gonflée de sang chaud presse sur sa cramouille épanouie, offerte, le gland pèse, pousse, s’ouvre la voie et s’enfonce.
Le pubis reçoit la poussée du bas-ventre : il n’y a pas moyen d’aller plus loin : il l’a prise, elle s’est laissé faire, elle s’est donnée. Elle savoure la pénétration. Il savoure sa victoire. Désormais, cette femme est marquée par son membre viril plus sûrement qu’au fer rouge. Ils sont unis, immobiles. L’homme s’inquiète de savoir si c’est bon. Elle est bien, c’est bon, c’est chaud, oui elle est heureuse, oui elle lui appartient, oui elle suivra ses conseils. Elle le remercie pour tout ce qu’il a fait pour elle. Oui, elle fera une grande et belle carrière grâce à lui.

Encore… Ça dure, que puis-je opposer à la vision paradisiaque de cet homme riche qui la baise et la fait rêver ? J’aurais dû écouter mon frère.

Satisfait de s‘être installé en sa protégée, Richard relève son arrière train, ses fesses montent et retombent, son gourdin sort du puits, puis y replonge, en montant il fait sortir du noir des chairs roses puis au retour, il les renvoie dans leurs ténèbres. Il va, il vient, elle est écrasée, puis suit, en appui sur les talons, la montée rapide du piston. Dix fois, cent fois, pendant une éternité, il la bouscule, la remue, la secoue, la réduit à recevoir les coups de bite, à être chair chaude, bouillante, obéissante, à gémir au lieu de penser.

Perdue, elle s’accroche aux hanches, elle agrippe une fesse, elle emprisonne des mollets poilus entre ses jambes épilées, elle tire sur ses muscles pour être pénétrée à fond. Et lui, domine, entre, sort, force, double la pénétration en enfonçant son majeur dans le derrière, en le frottant contre le sphincter . Il gronde, se raidit, s’immobilise enfin et s’écroule sur sa proie. Lulu ne bouge plus, retient sa respiration. Encore une fois, c’était bon, oui elle a aimé. Elle recommencera aussi souvent, oui. Il n’aura qu’à demander ! Elle est entièrement conquise, définitivement soumise, à la botte.

Richard quitte la monture exténuée. Un peu de repos est suivi d’ une nouvelle cavalcade. Barbara va voir ce qu’elle va voir. Elle se souviendra du voyage. La main poilue maintient en éveil la chagatte trempée. Inutile d’essuyer, c’est un lubrifiant naturel. Un jour, il la fera lécher. Cette nuit ce n’est pas nécessaire. Par qui ? Il ne précise pas. Le mieux pour sa carrière de star sera de voyager. Lundi, il part à Paris. L’idéal serait qu’elle l’accompagne pour observer ses consœurs à l’œuvre. Il y a des tas de choses à apprendre dans le monde du spectacle parisien et international Ses démonstrations sont d’un bon niveau, mais il faut professionnaliser. Voir, regarder, apprendre pour améliorer.
Elle retrouve ses esprits, se souvient :

- Comment dire ça à mon mari ?

Voilà qu’elle se soucie de moi. Ou plutôt, je deviens un souci pour elle. Richard sait :

- Pour lui, tu vas passer un stage de coiffure chez un maître coiffeur de Paris. Juste une petite semaine. Après, tout dépendra de ce que tu veux faire. Si tu as vraiment envie de développer ta fibre artistique, tu laisseras tomber ton gentil ouvrier et tu viendras vivre avec moi dans le luxe. Si tu préfères stagner dans le besoin, tu retourneras avec ton chéri. Tu vois, tu es libre, tu peux devenir une femme libérée qui assume son avenir et dirige sa vie comme elle le veut ! Je t’offre l’occasion de te forger une opinion sur le vrai monde du spectacle. Tu es extrêmement douée, saisis ta chance

- Il faut que je réfléchisse !

Il ne lui e laisse pas le temps de cogiter davantage. Il att les deux pieds de la belle, met sa souplesse à l’épreuve en les rabattant sur ses épaules et dévoile tout le postérieur. Le revoilà dard contre fente, pieu enfoncé dans les chairs avides et il reprend sa chevauchée fantastique pour , dans la volupté, les velléités de renoncement. Sous mes yeux, il baise la femme de ma vie. Elle est d’accord, elle ne m’appelle pas au secours, elle se met à participer, à dire qu’elle se sent bien, à répéter que c’est bon, merveilleux, meilleur que tout, il est son maître, son guide, il la fera gagner, elle lui appartient, elle fera comme il voudra pour son bien. Son discours s’essouffle, cesse, se transforme en éclats de voix, en bruits étouffés, en geignements. Elle se lâche, réclame des coups plus puissants, crie « encore », supplie, veut qu’il la baise, qu’il l’aime !

Qui suis-je pour vouloir m’opposer à ce délire? Un obstacle à son épanouissement? Mieux vaut m’effacer. Si je lui répétais les commentaires de mes voisins pendant le spectacle, je la ferais rire. Je serais un obscur jaloux qui n’y connaît rien, un petit ouvrier sans ambition.
Ce Richard l’a endoctrinée. Le goût de l’argent l’a tentée, mais l’envie de plaire, d’être applaudie et une certaine dose, jusqu’alors ignorée, de luxure l’ont décidée en dehors de toute concertation. Elle m’a ignoré, elle me trompe. J’ai le résultat sous les yeux, Lulu hurle son orgasme sous l’homme qui me la ravit. Elle annonce qu’elle veut utiliser le bidet, elle veut protéger son nouveau job, elle ne peut pas être enceinte. Je bats en retraite.

Peu avant mon retour théorique du travail, Richard couvert de baisers, de promesses en tout genre, a quitté le domicile. Je me suis allongé à côté d’une épouse épuisée. Le repas de midi a été pris à quatorze heures « comme chez les gens bien » m’a dit Lulu. J’étais trop déçu pour parler. Elle était trop moulue. À dix-sept heures, elle entreprit de faire une énorme valise, remplie du strict nécessaire pour un stage de coiffure à Paris, expliqua-t-elle, en réponse à un coup d’œil interrogateur. Moins on parle, moins on ment. Elle devait se lever tôt le lundi matin. Nous ferions l’amour comme des fous à son retour.

Elle n’est pas encore revenue. Même pas à La lune bleue. On n’y parle d’elle que pour évoquer sa disparition prévue par les plus perspicaces habitués. Et saluée d’un commentaire laconique:

- Trop beau cul pour la province, tu parles ! Richard a vendu le contrat et s’est encore enrichi



- Tiens, une carte avec un bonjour de Tanger ! Qui est cette Barbara qui pense à moi ? Je ne suis pas sensé le savoir. Elle ne m’avait pas parlé de son pseudonyme de scène, ni même de scène…Aurait-elle oublié son prénom? Retrouvera-t-elle le chemin de la maison ?



À travers l’épais verre cathédrale de la porte d’entrée, j’aperçois une silhouette de femme, floue, déformée. Mais mon cœur, plus rapide que mes yeux, l’a reconnue et se met à battre à cent à l’heure. C’est Lulu. J’ouvre, je tente de sourire. Elle me regarde par en dessous, comme gênée. Maladroit je salue :

- Bonjour Lulu.
Enfin, ton stage est fini !

Elle ne sait comment interpréter ma phrase. Est-ce de l’ironie, une moquerie ou un reproche ?

- Bonjour Paul. Je suis de passage, je voulais savoir comment tu allais ?

- Viens, entre !

Je lui tends la main, la fais passer devant moi, sors et soulève la valise qu’elle a laissée su le palier.

- Laisse, ce n’est pas la peine, j’en ai pour quelques minutes seulement !

Je reconnais cette valise toute cabossée. Il y a dix mois, elle était lourde, pleine à craquer; aujourd’hui elle a pris des coups, est toute e et si légère.

- On s’embrasse ? Tu ne pars pas tout de suite, il y a longtemps que tu es en ville ? Viens t’asseoir !

Ses bises sur la joue sont toutes timides. Elle se tient à distance, ne sent pas bon, c’est un euphémisme et elle doit le savoir. Elle me regarde, ne sait pas quoi dire. Elle a dû préparer une déclaration. Elle hésite à parler. Moi, je n’ai rien préparé parce que je ne l’attendais plus. Je suis heureux de la revoir vivante, j’attends de savoir ce qui l’amène. Revient-elle pour de bon ou n’est-elle que de passage, comme elle l’a dit ?

- Tu n’es pas pressée. As-tu mangé, as-tu soif ? Je suis si heureux de te revoir !

Mon discours est décousu, mais j’ai surpris une lueur dans son regard. Sa tenue n’est pas fraîche, j’ai déjà évoqué l’odeur de linge pas très propre. Sa tristesse et sa gêne me fendent le cœur. Au risque de me faire rabrouer, je tente ma chance, je ne pourrai pas être plus que déçu.

- Mon amour !, ne peux-tu pas rester avec moi ?
- Tu me reprendrais ? Vraiment ? Il faut que je te parle. Tu dois savoir !

Je l’interromps.

- Je prépare un repas, tu vas monter dans ta chambre, aller prendre une douche ou un bain. Tu verras, rien n’a changé, tu trouveras le nécessaire à sa place. Nous prendrons un repas ensemble et nous parlerons !

Elle me remercie, une larme au coin de l’œil, à la fois contente de mon accueil et inquiète à propos de la suite. Je vais en cuisine. Elle s’est baignée, a visité les deux chambres, remué une chaise, elle redescend dans une robe sortie de l’armoire. Son visage est amaigri, mais le tissu de la robe est tendu au niveau des seins, du ventre et des hanches. Elle paraît un peu moins fatiguée, un peu plus détendue, quand elle me rejoint, une enveloppe épaisse en main. Elle s’est parfumée, sourit. Il lui manque une canine !

- Ça va, tu te sens plus fraîche ? Bon appétit !

Elle me remercie, mange avec appétit, dévore ma cuisine de célibataire comme si elle était affamée. Elle a changé, il manque cette dent, il y a ce regard étrange, ce n’est pas de la peur, un je ne sais quoi de désespéré, de doute.

- Lulu, dis-moi que tu vas rester !
- Tu décideras si tu me veux encore quand j’aurai fini de te raconter tout ce que j’ai vécu ! J’ai besoin de ton aide. Je suis au bout du rouleau. Mais je ne te mérite plus !

Des larmes coulent sur son visage, elle se mord les lèvres, les rides creusent son front, sa main chiffonne l’enveloppe.

- Ça va être long, tu sais. Je commence !

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