Accueil Déshérités 1.

Accueil déshérités 1

Depuis un certain temps, tous les soirs, Lili ma petite amie et compagne, après un gros câlin qui me laisse groggy, me quitte pendant deux heures. Elle est bénévole dans une association récente, ADDC, qui réconforte, me dit-elle, des déshérités de toutes sortes, hommes et femmes. Elle distribue en compagnie de ses compagnons de la chaleur aux malheureux qui en manquent. Offrir la chaleur d’une salle chauffée, la chaleur d’un café ou d’une soupe et de la chaleur humaine par l’écoute, par la présence physique, par un contact proche : c’est m’a-t-elle expliqué le but de cette association. La motivation réelle des fondateurs est, ne le cachons pas, de faire diminuer les agressions à caractère sexuel par une offre gratuite et contrôlée des services en adéquation avec la demande orientée d'un public spécifique

Derrière ce charabia intentionnel. se cache une réalité bien sombre. Heureux les individus qui vivent en couple, paraît-il. Mais grande est la souffrance des célibataires des deux sexes. Le plaisir solitaire est triste. Les pulsions sexuelles peuvent oppresser les esseulés. Le but de l’association est d'alléger les douleurs physiques et psychologiques des délaissés ou laissés pour compte de la société. Quel noble but !

Mais en plus de l'aide apportée par les associations caritatives habituelles comme le secours populaire ou le secours catholique et beaucoup d'autres, ADDC se fixe une mission préventive et curative : répondre à la misère sexuelle. Ce n'est pas, par nature, une agence matrimoniale, bien que dans des cas limités elle puisse s'y apparenter, par exception. On y apporte des solutions immédiates, temporaires qu'on verrait d'un bon oeil évoluer vers la constitution d'un couple parfois. Ainsi reculerait en partie la misère.

Pour être plus précis, le service principal est destiné à résoudre le besoin de relations sexuelles des isolés. Des subventions ont permis l'achat d’un bâtiment désaffecté que les premiers bénévoles ont transformé en un lieu de convivialité.

Pour éviter d'en faire un lieu de perdition qui éveillerait l'hostilité des esprits étroits, le bâtiment a été divisé en deux parties dans le sens de la longueur sauf aux deux extrémités terminées de part et d’autre par une grande salle de réception et des annexes. A un bout une porte présente un écriteau "réservé aux hommes" et à l'autre bout une porte annonce "réservée aux dames"Derrière chacune de ces portes s'ouvre de façon symétrique une salle de réception meublée de quelques chaises et tables.

J’admire le dévouement quotidien de Lili, ce qu’elle appelle pudiquement le don de soi bien que je perde chaque soir deux heures de sa chaleureuse présence. A force de questions, j'ai compris ce que sont les demandes et besoins exprimés et ce qu'on appelle "services en adéquation" avec la demande. Sans se voir, d'un côté des femmes et de l'autre côté de la cloison de séparation médiane des hommes, peuvent avoir un contact physique (sexuel) anonyme. Des trous ronds ont été percés dans les panneaux de bois de la cloison entre 70 cm et 90 cm du sol. Ils sont destinés à laisser passer les verges de ces messieurs en direction des dames, de leurs mains, de leur bouche ou de leurs autres orifices .

Trois mots clés peuvent être affichés pour indiquer, en appuyant sur un bouton, le souhait de l'homme : ce sont "masturbation", "fellation", "pénétration". le plus employé est le dernier. C'est généralement l'aboutissement normal des deux premières actions. De leur côté les femmes choisissent ce qu'elles préfèrent pour répondre à la demande selon leurs propres attentes. En principe le règlement impose le silence ou plutôt interdit l'échange de conversation, de noms ou d’adresses. C'est le moyen de protéger l'identité de chacune et de chacun. Mais on admet les gémissements et petits cris de plaisir de part et d'autres; comment les empêcher ? Rares sont les individus capables de ne pas émettre de sons quand ils jouissent.

J'ai donc voulu connaître le rôle exact de Lili dans cette structure.
Elle m'a présenté « une synthèse» de ses différentes activités habituelles. Elle reçoit les candidates ou candidats, les dirige vers les douches obligatoires, remet des préservatifs aux hommes par souci de protéger la santé des acteurs. Elle surveille le bon déroulement des séances en désignant aux dames les ouvertures où apparaissent les membres virils à traiter. En somme elle coordonne les mouvements dans la salle réservée aux femmes et, souligne-t-elle, n'intervient que rarement du côté hommes sauf pour obtenir de la fluidité lorsqu'il y a risque d'engorgement devant les trous de la paroi de séparation des deux univers. Autrement dit, je n'ai pas de soucis à me faire, pas à me montrer jaloux de ces pauvres hères; elle n'entretient pas de liaison avec la patientèle masculine.

Je rentre tard du travail. Lili a déjà enfilé son manteau, on l’attend.

- Tu seras récompensé à mon retour, promet-elle.

Je n’en doute pas. Pourquoi ne pas aller grossir les rangs des bénévoles en lui tenant compagnie ? D’ailleurs pourquoi Lili ne m’a-t-elle pas encore invité à l’aider ? Il serait temps de voir de mes yeux comment je pourrais me rendre utile. Lili marche d’un pas décidé, je la suis de loin. Elle disparaît soudain à hauteur d’un ancien magasin, une moyenne surface ruinée par l’arrivée d’une grande surface. Dans son sillage quelques ombres s’évanouissent au même endroit. Deux ou trois individus terminent une cigarette avant d'entrer. Je passe à côté d’eux. Mal rasés, habillés de vêtements trop grands, ils devisent sans se soucier des passants. Je me retourne, je suis seul sur le trottoir.

J’emprunte le passage probable de toutes ces ombres, je pousse une porte et me trouve nez à nez avec un type souriant:

- Entre mon ami. Tu es nouveau ? Ne crains rien. As-tu des papiers ?

- Je ne savais pas. Excusez-moi…

- Non, ne te sauve pas. Qu’attends-tu de nous ?

- De la chaleur, on m’a dit de m’adresser ici pour en trouver.


- Tu es à la bonne adresse. As-tu faim et soif ? Prends la porte à droite, va, Paul te servira une soupe et un verre de rouge.

Paul m’accueille, se réjouit de voir arriver un nouveau. J’ai un peu honte de manger la soupe des pauvres, mais ma curiosité m’a poussé dans une voie à sens unique. Trois hommes d’âge incertain vident leur verre de vin et vont au rab d’un même pas. Ce sont des habitués, ils sont ici chez eux, parlent fort et rient avec Paul. Pourquoi décevoir ces bénévoles si contents de me réchauffer.

- Comment t’appelles-tu ? me demande une accorte quadragénaire.

Jusque là, tout va bien, personne ne me connaît. Je donne un prénom,

- Serge.

- Eh bien Serge, voudrais-tu te laver ? La douche est libre en ce moment. Je te montre le chemin, voici une serviette et du savon, la douche est là, derrière ce rideau. Bonne douche mon ami.

Bien gentille, la dame se retire. Je joue le jeu puisqu’on est si aimable. Je n’aurai pas à me doucher pour Lili ! Je me sèche. Où est la sortie ? J’ouvre une porte, je jette un coup d’œil : une jeune femme a mal tiré son rideau, elle est sous la douche coupée; je ne vois que sa tête enveloppée d’une serviette, penchée vers un genou. De peur de l’entendre crier au secours et de passer pour un vilain voyeur, je ferme cette première porte avec précaution. La porte suivante ouvre sur une salle longue, une sorte de couloir. Quatre individus séparés par des bas flancs sont alignés face à une paroi, presque immobiles. Tout se fait en groupe ici. Je me dis qu’Ils ont dû beaucoup boire pour rester debout aussi longtemps face aux urinoirs. Au fond une niche est vide. J’irais bien vider ma vessie, moi aussi.

- Zut, l’urinoir a été retiré, j’ai l’air idiot verge en main en face de ce mur où il ne subsiste plus que le trou d’évacuation démuni de tuyauterie, un trou de quelques centimètres bordé de scotch gris. Les autres me regardent curieusement. Je suis gêné, je me sens rougir, l’envie d’uriner s’est évanouie.
Mon voisin me toise :

- T’es nouveau ? Ben alors, envoie dans le trou !

- Là ?

- Hé oui, tu n’es pas dans le coup ? Allez, approche du mur ou tu es monté comme un âne ?

- Non, bon. Je tente un sourire, j’avance, je fais comme on me dit, tourné vers ce voisin bienveillant et je le vois secoué de la tête et des épaules par un gros frisson. Mon zizi franchit la paroi. Elle a tout au plus vingt millimètres d’épaisseur. Aussitôt je m’effraie, une main m’a saisi et me tient fermement. Une voix de femme murmure:

- Tiens, un nouveau. Belle queue inconnue. Hé que veux-tu, une branlette ou une fellation ou la complète ?
- Hum !

- Les trois, gros gourmand. Manon est de bon poil aujourd’hui et les clients sont rares. Tu es inscrit à l’entrée ?

- Hum !

- C’est bien. Allons-y.

Masturbé fermement par une main souple, mon pénis enfle entre des doigts fins. Que m’arrive-t-il ? Est-ce que je rêve debout ? Les autres box se vident un à un. D’autres arrivants prennent la pose entre les planches de séparation

- Georgette, viens m’aider. C’est du frais en bon état. Tiens-le à la base, il veut une pipe. Je le commence et si tes mâchoires sont encore en forme tu pourras l’achever. Montre lui tout ce que tu sais faire. Donne lui envie de revenir. C’est du beau, c’est du neuf, il faut le fidéliser.

Le silence est relatif.

Une sensation de chaleur et d’humidité enveloppe mon gland. Un doigt passe sous ma queue et vient chatouiller mes couilles. Je laisse faire. La bouche est experte, les dents frottent juste assez pour énerver, la langue tourne autour de ma tige. Il se produit un changement de main.

- A toi Georgette, suce. Il est presque mûr, il va éjaculer. Quand le sperme jaillira présente la tasse, il ne faut rien perdre. Ça servira pour l’insémination . Attention voilà la responsable de la salle. Madame Lili, il y a un nouveau, vous voulez goûter.

- Folle, fait la voix connue de ma femme, j’ai tout ce qu’il faut à la maison. Ah Marie, tu tournes le dos au mur. Il a un préservatif ? C’est bien.

- Oui, de l’autre côté il y a un malabar. Regardez l’engin. Beau, grand et épais. Il était temps. J’ai besoin de me faire ramoner. J’en meurs d’envie. Et ce truc me fera grimper au mur. Oh! Vache, quel bélier. Il me défonce le trou.

A deux box de moi, un grand gaillard africain balance son postérieur d’arrière en avant, pousse son ventre vers la paroi et la fait résonner avec son pubis, à chaque coup de sa grosse bite. De l’autre côté, la fille invisible, chante son bonheur.

- Ho, toi, comment t’appelles-tu ?

Georgette m’interpelle. Je déforme ma voix et donne le même prénom qu’à l’entrée.

- Alors Serge, je te fais cracher ou tu me prends…. Tu voudrais aller en chambre ? Tu vois la porte au fond à gauche. La prochaine fois elle devrait s’ouvrir sur une chambre, c’est en travaux. Tu viendrass, nous nous amuserons et ferons connaissance.

Je remballe mon attirail. Je vise la porte par laquelle je suis venu, je fonce tout droit, salue au passage,

- Alors, réchauffé ?

- Oui, merci, c’est formidable. Merci encore… Oui; à demain!

J’ai eu chaud. Ici on distribue de la chaleur effectivement. Dans le froid du soir, je remarque ma sueur. Je me sauve, trouve un recoin. Lili va avoir fini son service, je l‘attends. Elle sort, accompagnée par un homme de forte stature.

- On se revoit demain. Ah ! Un bisou! Embrasse-moi.

Ils sont debout sous un réverbère. Le gaillard la ceinture, la plie presque en deux, lui masse les seins, le ventre. Sa main descend, saisit le bas de la jupe, remonte entre les cuisses.

- Cesse tes bêtises. Lâche-moi dit Lili avec calme et autorité.

- Quand ferons-nous l’amour ? Pourquoi remets-tu toujours à plus tard ? Pourtant tu mouilles, ta culotte est trempée.

- Non, ne mets pas le doigt, pas touche. Je suis fiancée. Si tu insistes encore je ne collaborerai plus. Évite de m’embrasser. Tes caresses sont stupides, ne recommence plus ou j’abandonne.

- Ça m’étonnerait. Avoue que ça t’excite de voir ces malheureux se défouler et se dégorger le cornichon. Ces queues qui passent par le trou, ces femmes qui les masturbent ou les prennent en bouche et celles qui collent leur cul ou leur sexe au mur pour trouver du plaisir, ça te donne des idées, des démangeaisons là et ça te fait mouiller , oui ou non? Ne mens pas. Alors détends-toi et laisse-toi un peu aller !

- Tu ne comprends donc pas ? Ils ont, hommes et femmes, besoin de boisson et de nourriture mais aussi de sexe. Ton idée est merveilleuse, ce mur percé et la répartition par sexes est judicieuse, elle permet un certain anonymat. Mais certaines femmes souhaitent de plus en plus fort l’ouverture des chambres.

- Je sais, on verra.

- Cependant, il y a un instant, un nouveau a fui quand Georgette lui a donné rendez-vous. N’allons pas trop vite, Robert. Ils se soulagent mais tous ne souhaitent pas s’engager. Ils tiennent à leur liberté.

- C’est étrange ! Donne-moi rendez-vous n’importe où et j’y cours. Hum ton odeur sur mon doigt. Allez, viens je t’emmène à l’hôtel. J’ai envie de toi.

- Va au bai soir, Georgette te soulagera.

- Un jour je te coincerai.

- Même pas en rêve. J’aime mon homme.
- Et si je lui racontais quelle est ta charge à l’association : « organisatrice des plaisirs sexuels ?’
- Tu me rendrais un éminent service. S’il savait, André serait fier de moi. Plusieurs fois j’ai failli le mettre au courant. Je n’ai pas à en rougir, au contraire.

- Qu’attends-tu ? S’il te fout à la porte, je te ramasserai avec joie.

- Idiot. Sois sérieux à la fin, Robert!

- Je n’ai jamais été plus sérieux qu’en ce moment. Regarde.

Robert ouvre sa braguette, sort un pénis déjà tumescent :

- Sois gentille, viens avec moi dans ce recoin, branle-moi et taille-moi une pipe. A force de voir nos clients tu dois savoir faire. Viens, cesse de résister.

Il tire sur le bras, enlace Lili, la pousse dans ma direction. Je sors de l’ombre, me montre. Je m’adresse au paillard:

- Remballe tes affaires et fous la paix à Lili. Dégage, sale con !

- Qui c’est celui-là?
Lili se jette dans mes bras.

- C’est André ! Adieu Robert, je t’avais prévenu.

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