Accueil De Déshérités 3


Le lendemain matin, Lili est certaine d’avoir regagné ma confiance parce que nous avons fait l’amour.

- Alors, mon amour ton envie de break est passée? Tu m’as fait l’amour de façon merveilleuse. Il n’y a rien de tel qu’une réconciliation sur l’oreiller.

Une flatterie devrait conforter mon retour à de meilleurs sentiments. Je doute de m’être surpassé.

- C’était mieux que les autres fois ?

- Formidable. Mais tu as fait des dégâts : mon vagin est enflammé. Je t’adore.

- Ce sera un point de référence si un jour tu veux établir une comparaison avec Robert ou un autre soupirant.

- Jamais, idiot, je t’aime trop. Bois vite ton café, nous allons arriver en retard au travail.

Lili part vers sa grande surface, je fais semblant de partir au bureau. J’achète le quotidien local. Dans les petites annonces je découvre deux studios à louer. Je visite le premier, moins cher; il est trop éloigné de mon travail et de mon domicile. Par chance le second vient juste de se libérer. Quand j’annonce au propriétaire que je ne louerai que pour un mois, il fait la grimace. Mais faute de concurrence, il me fait une fleur à condition de pouvoir faire visiter les lieux pendant ce mois. Ce studio présente l’avantage d’être situé à proximité du local de l‘aide aux déshérités servis par Robert, Lili et compagnie. De ma fenêtre sur rue j’aurai vue sur l’entrée de l’association. Que rêver de mieux ?

Dans la foulée je retourne chez moi, je jette dans une valise le nécessaire pour le mois et je laisse un mot à Lili. Je la prie de vivre ces quatre semaines sans me chercher, libre de ses mouvements. Qu’elle profite de sa liberté pour étudier la possibilité d’une vie avec Robert ou un autre homme. Qu’elle ne se sente pas coupable si ses promesses passées et ses engagements antérieurs s’effondrent devant l’évidence d’un autre amour. Car tel est le but de cette pause : faire le point et réorienter sa vie si cela s’impose.

Autant j’étais certain de mon amour pour elle, autant je doute du sien pour moi.

Par écrit, je la remercie pour le bonheur qu’elle m’a donné jusqu’à ce baiser qui est à l’origine de ma décision de retrait temporaire. Je lui souhaite d’être heureuse, quelle que soit la décision qu’elle prendra à la fin de cette expérience. Volontairement je ne lui dis rien de mon amour toujours vif,: je ne veux pas la lier à moi par une déclaration qui ressemblerait à une cage dont elle se croirait prisonnière à vie. Je déménage, je peux reprendre mon travail. J’ai le cœur brisé, je prends un gros risque, je veux construire sur du solide. On verra.

Chaque soir, de ma fenêtre, je guette son arrivée au club des déshérités. Par la porte n’entrent que des hommes. Les femmes entrent à l‘autre bout. Ce soir Lili se présente avec un quart d’heure de retard à vive allure. J’ai failli ne pas la reconnaître. Elle a enfilé un jeans et un pull. C’est une tenue inhabituelle, elle a toujours préféré les jupes ou les robes. Se protège-t-elle des mains baladeuses de Robert ? Elle aurait peur d’être e?

Les habitués arrivent peu à peu, avec une désinvolture affichée. Sortants et retardataires se croisent, ils jouent l’indifférence. Deux heures plus tard, Robert et Lili quittent les lieux. Robert la raccompagne jusqu’à ce renfoncement sombre. Il tente un bisou sur la joue. Lili lui tend la main. Elle le tient à l’écart, on ne pourra pas l’accuser de flirter. Elle s’éloigne. Pourtant elle ne sait pas que je l’observe.

Pendant une huitaine, j’assiste à la répétition de la même scène. Lili est sage. Trop sage dans la rue. Avec une barbe de dix jours, en bleu de travail et une casquette vissée sur la tête, je visite le local de la soupe et du vin. Ce soir, pour les gardiens du temple heureux de voir arriver une recrue, je m’appelle Maurice ou Momo pour les amis. Paul ne m’a pas reconnu, a oublié de me demander des papiers. A la douche, préside une inconnue.
Je traîne sous l’eau, je jette un œil du côté dames: il n’y a personne sous la douche.

La porte de séparation entre cette douche et le quartier des femmes est entrouverte. Je fais le curieux. La salle est symétrique à celle des hommes, c’est un couloir peu large et j’y remarque les mêmes box séparés par des planches. Lili est debout dos au mur et surveille peu de monde. Je ne dénombre que deux dames actives, aux fesses voilées qui débordent de la limite des bas flancs de séparations. Quelqu’un frappe sur mon épaule :

- C’est toi le nouveau ? Tu te trompes de porte.

- Aoh ! Pardon

- Comment t’appelles-tu ?

- Maurice, Momo pour les amis.

- Eh bien, Momo, tu vas prendre l’autre porte. D’accord ?

Comme Paul, Robert ne me reconnaît pas. Je suis la consigne et je passe chez les hommes. Face au mur ils sont cinq. Deux sont occupés, collés à la paroi. Trois patientent et entretiennent leur érection, ils se masturbent et regardent le plafond.

- Ho, il n’y a personne de l’autre côté ce soir ? Grogne l’un des trois.

Je traverse discrètement dans leur dos, j’atteins la porte vitrée du fond : elle s’ouvre et je me retrouve dans un passage de deux mètres sur un. Une porte vitrée symétriquement placée donne sur la salle des femmes. Une tête dépasse des séparations, plus loin une bonne grosse au ventre volumineux retire sa culotte et marche à reculons vers le trou. Elle se tient aux planches. J’entends des protestations. Robert et Lili discutent, l’air ennuyé et tout à coup se dirigent vers les box. Lili occupe le dernier, limité à sa droite mais sans cache de mon côté.

Pourvu qu’elle ne se tourne pas vers moi. J’essaie les clenches des deux portes situées dans mon dos : elles sont fermées à clé. Je ne laisse dépasser qu’un œil pour observer ma femme. Toujours habillée, elle prend en main ce qui dépasse d’une verge. Elle promène délicatement deux doigts sur le dos du membre à plusieurs reprises.
L’engin prend de l’importance. Elle porte sa main à hauteur de sa bouche, y crache de la salive et ressaisit la queue des deux mains, la sèche, tient la chose près du trou, l’autre mouille le gland et entreprend le va et vient rituel. Faute de combattante, Lili se dévoue et masturbe vaillamment le sexe de l’homme.

Je ne vois pas ce que fait Robert, mais il y a fort à parier que lui aussi se livre aux mêmes travaux manuels sur la bite d’un pauvre diable qui se croit manipulé par une femme à poigne. Les distributeurs de chaleur humaine mettent donc la main à la pâte lorsqu’il y a pénurie de participantes. Lili change de main, la gauche est aussi agile que la droite. J’ai souvent admiré son savoir faire lorsqu’elle m’offrait des préliminaires. Je connais maintenant la cause de son habileté ; elle a des occasions nombreuses de s’entraîner. Elle a oublié de me parler de cette activité. Serait-ce ça son « don de soi. » Ou se donne-t-elle plus à l‘occasion?

Mettre la main à la pâte. Passe encore. Le type ne s’en contente pas. En hochant la tête, Lili s’accroupit et l’inimaginable se produit : elle lubrifie le gland d’un nouveau jet de salive, tient la base du manche et dépose un bisou sur l’extrémité. La main reprend l’aller retour et la bouche souffle sur le méat. La tête avance, les lèvres forment un anneau sur la chair dégagée du prépuce par les doigts de fée. La fellation peut faire partie des attributions occasionnelles de la dirigeante. Je ne saurai pas si elle peut pousser le don de soi jusqu’à affronter le sexe masculin avec sa chatte, car le bonhomme branlé et sucé par ma femme généreuse se laisse aller. Lili fait un bond en arrière, se relève mais ne lâche pas le « tube lance sperme » dont elle dirige les jets vers le sol. Elle le caresse longuement, il se vide, perd quelques gouttes. Lili le libère, cherche dans sa poche un mouchoir en papier et s’essuie la bouche.

Elle se redresse, examine son pull et son pantalon. Elle se tourne vers les autres box.
Robert, toujours droit l’appelle au secours pour achever son client. Elle fait non de la main. Il insiste, elle se dirige vers le gars, Robert passe au box suivant et se crache dans les mains. Je ne vois plus que le jeans de Lili ,penchée sur une verge nouvelle. Elle aura mal aux mâchoires si elle continue. Les deux autres femmes ont fait demi-tour et recommencent avec de nouvelles queues. Je resterais bien pour voir ce qui peut se passer entre Robert et Lili. Mais je ne tiens pas à être enfermé dans le bâtiment. Je rebrousse chemin. A Paul je déclare:

- Oui, c’est formidable, je reviendrai, mais ça manque de femmes ce soir.

- Salut Momo. D’autres soir il manque des hommes, on a du mal à accorder l’offre et la demande. Mais reviens.

Le don de soi, la chaleur humaine : désormais je sais. Finalement cette paroi trouée permet de soulager sans s’attacher au bénéficiaire. Les sexes ne sont pas absolument anonymes. Avec l’habitude les mains au toucher ou la bouche au diamètre, aux formes et aux saveurs doivent établir des portraits ou des cartes d’identités des bites qu’on leur soumet. Mais j’ai relevé qu’à la sortie les individus se dispersent rapidement, je n’ai pas constaté la formation de couples en dehors de celui de Lili et Robert.

Ce soir encore, de mon observatoire, j’assiste à leur sortie. Ils discutent debout sous le lampadaire. La discussion est animée. A mon étonnement ils prennent la direction de notre immeuble. Ils se sont échauffés en servant leurs patients, vont-ils terminer la nuit ensemble. Je les suis. Ils entrent, j’attends un peu. Il faut leur laisser le temps de se mettre à poil et de se coucher pour passer aux constatations d’adultère sans se tromper. Lili n’a pas voulu se rendre à l’hôtel, mais elle accueille son soupirant à la maison ! Elle suit mes recommandations à la perfection. Il lui aura fallu huit jours pour se décider, mais malgré les services rendus à des anonymes, elle a des envies de sexe.

Le barillet Bricard offre l’avantage d’ouvrir la porte de l’extérieur même si l’occupant a laissé sa clé sur la serrure à l’intérieur. Pour le moment je fais le tour du bâtiment. Entre les lames du volet du salon filtre des rais de lumière. Pas de lampe allumée dans les deux chambres. A l’arrière la fenêtre de la cuisine est éclairée. Lili prépare un repas. Elle éteint. Ils mangeront ensemble. Voilà les prémices d’une relation sexuelle prochaine : on reprend des forces avant d’aller au lit pour les dépenser !

La situation me chagrine. Quelques jours d’abstinence auront eu raison de l’indéfectible amour de Lili pour moi. Ce n’est pas un hasard. La faille existait, le baiser et les caresses sur le trottoir en étaient le signe ou si je préfère la fumée qui annonçait alors le feu de ce soir. Ils se sont préparés sur les mâles de l’association, le sang bout dans leurs veines.

Il est temps d’entrer discrètement dans mon logis, pour assister à la concrétisation de leur attirance. La clé tourne, la porte me laisse pénétrer dans le vestibule. Le téléviseur diffuse de la musique d’un film et couvre mon bruit. Le peu de lumière qui passe par l’entrebâillement de la porte du salon me permet de remarquer que la porte de la penderie est ouverte : je pourrai m’y cacher si nécessaire. J’avance sur la pointe des pieds et je fais le voyeur.

- Alors Lili, il faut recruter des femmes. Sinon les gaillards ne viendront plus.

- Évidemment. Nous n’aurons plus la subvention pour la nourriture et la boisson, si nos pauvres hommes ne trouvent plus leur plaisir et délaissent la soupe. Mais je ne vais pas faire tous les soirs la pompe à sperme. Une fois passe de temps en temps, mais je ne veux pas être en permanence devant les trous à secouer des verges. Hélas nous n’avons pas le droit de faire de la publicité pour la sexualité. Pourtant il y a certainement autant de femmes que d’hommes dans le besoin de se faire du bien.

- Moi non plus, je ne peux pas continuer à masturber des gars. Ça me fait tout drôle de branler une queue d’homme qui dépasse de l’orifice. Tu es plus douée que moi. D’ailleurs je n’aurais pas pu achever les hommes comme toi avec la bouche. Tu t’es montrée à la hauteur. Une fois dans ta bouche les cinq gaillards ont craché leur semence bien vite. En as-tu avalé ? Tu aimes ça ?

- Moque-toi de moi ! Il faut revenir aux bases :Ou tu distribues des préservatifs et tu rends le port de la capote obligatoire ou je refuse toute participation. Trouve des préservatifs parfumés. La saveur fera oublier ce qu’on suce.

Eh, bien ! Lili est disposée à sucer à condition….

- Ma femme m’en a déjà parlé. Elle connaît une adresse. Je vais mendier une subvention. Tu sais vraiment y faire avec la bouche. Ton André est un veinard avec une turlututu de ton niveau. On voit la pratiquante. Et s’ils avaient réclamé un rapport complet, tu aurais présenté ton sexe ou ton joli petit troufignon ?

- Oh! Robert, tu es fou. Bien sûr ça t’aurait amusé. Tu aimerais voir ma chatte ou mon trou du cul. Tu rêves mon ami. Jamais. C’est pour André : terrain privé, défense d’entrer.

La réponse me met du baume au cœur . Lili est trop généreuse, trop dévouée …

- Allons, réfléchis. Tu y as mis les doigts et les lèvres, pourquoi pas le reste ? En cette période de pénurie, sauve notre association. Personne ne le saura ! Les demandeurs ne cherchent pas à savoir qui ils baisent. Derrière la paroi, ils ne peuvent pas savoir. Pourvu que la cramouille soit chaude et serrée, ils sont contents. De plus il y aura des préservatifs et si tu l’exiges, je quitterai la salle pour préserver ta pudeur. Toi-même tu pourrais y trouver ton compte.

- Tu passeras de l’autre côté, chez les hommes ? Pour me prendre par surprise ? Pas question. Combien de fois devrai-je le répéter : Je ne suis pas en manque. J’ai un homme comme tu as ta femme. Si nous n’avons plus de femmes que ça démange, il faudra se rendre à l’évidence, nous fermerons.

- On devra recourir à des professionnelles.

- Avec quoi les payeras-tu ? Je suis bénévole dans une association caritative, je ne serai pas maquerelle dans un bordel. Car c’est le nom donné à l’établissement par André.

- Voilà pourquoi tu dois te sacrifier pour relancer l’activité. Pense à tous ces malheureux auxquels il ne resterait plus que leurs cinq doigts pour se soulager. Pense aussi à notre rôle important dans la lutte contre le viol. Un type que tu vides de son foutre ne se jette pas sur la joggeuse isolée ou sur la gamine sans défense.

- Tu me ferais traire tous les mâles, tu en as de bonnes. Non, je ne marche pas. Ta femme serait-elle d’accord pour nous aider ? Ce serait normal, non ?

- C’est un coup bas. Notre couple va mal. Ce n’est pas le moment de lui offrir un poste pareil.

Lili a une main sur la table. Robert la regarde et pose sa patte d’homme dessus. Ils se taisent pendant quelques minutes, puis Robert se lance :

- Ce que tu refuses aux autres, ne pourrais-tu pas me l’accorder ? Ne sois pas intransigeante, je t’en prie, aie pitié d’un homme qui souffre et qui t’aime.

- Tu as vu l’heure ? Tes s et ta femme t’attendent. N’accumule pas les sujets de tension. Actuellement je souffre d’avoir déplu à André par ta faute. N’en rajoute pas.

- Ma tension est dans mon pantalon. Ton repas était excellent. On pourrait continuer la discussion ?

- Reviens demain soir si tu veux. Je veux penser à tout ça à tête reposée.

- Donc tu vas réfléchir, merci. Parce que André sera encore absent demain ? Dis, tu es toujours avec lui, sûr ?

- Quelle question ! Allez, ne traîne pas. Bonsoir.

- Merci pour tout. Tu permets que je t’embrasse.

Je quitte les lieux en vitesse. A l’extérieur j’attends au coin du bâtiment. Que font-ils ? Le baiser me paraît durer une éternité.

A suivre

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