Le Manoir Mclaughan - Intro

Le Range Rover s'arrêta enfin au bout du chemin de terre qui m'avait semblé particulièrement long. Il était temps, car je commençais à avoir mal partout après ces deux heures de voiture, dans le Nord de l’Angleterre, surtout la dernière demi-heure où s'étaient enchaînés les petits chemins de terre ou de gravier qui m'avaient usé le dos.

Je retirai ma ceinture et regardai l'endroit autour de moi. Un magnifique manoir se tenait face à nous, dans le style des belles demeures victoriennes britanniques. Mon mari me gratifia d’un grand sourire, s’étira, puis sortit de la voiture. Je fis de même, en essayant de ne pas abîmer mes talons sur le sol boueux.
Le ciel était gris, mais il s’était au moins arrêté de pleuvoir. Nous nous avançâmes tranquillement vers l’escalier qui donnait accès à notre nouveau domicile. La porte s’ouvrit alors, et un homme petit et chauve, qui avait sans doute plus de 60 ans, s’avança vers nous. Il était habillé d’un costume noir et de gants blancs, l’idée parfaite que je me faisais d’un majordome.

« Bienvenue dans le Manoir McLaughan », nous lança l’homme d’une voix douce et sobre.
« Ah, Albert, quel plaisir de te revoir », lui répondit mon mari. « Je te présente ma femme Alicia. Alicia, c’est Albert, l’homme qui s’est toujours occupé de cette maison, du plus loin qu’il m’en souvienne.
Enchantée », répondis-je, serrant la main gantée de l’homme.
C’est un plaisir de rencontrer Madame, et de vous revoir, Monsieur. »

Je jetais un coup d’oeil à mon mari, qui paraissait aux anges. Il ne cessait de regarder le manoir dans lequel il avait grandi et qu’il avait quitté à 16 ans, lorsque sa famille avait déménagé à Paris, où nous nous étions rencontré il y a 3 ans. Ses parents lui avaient cédé la demeure comme cadeau de mariage, et il n’avait pas eu de mal à me convaincre de venir y loger. Non seulement cela me permettait de quitter mon travail d’avocate, qui, s’il était bien rémunéré, me déplaisait de plus en plus.

Mais surtout, je pourrais me consacrer entièrement à mon passe-temps favori, la peinture.

« Vos chambres sont prêtes, Monsieur, le dîner de ce soir également. J’ai pensé que vous auriez faim après votre voyage. Je vais m’occuper de vos bagages.
Merci Albert, c’est parfait. Je vais montrer à Madame la maison. »

Nous montâmes l’escalier de marbre pour nous retrouver dans un immense hall d’entrée. Les dorures, tapisseries et colonnes montraient la richesse de la famille de mon mari. Son père, issu de la riche bourgeoisie Ecossaise, avait épousé une française d’une noble famille. Mon mari Arthur était leur seul .

« L’accès aux chambres se fait par cet escalier, m’expliqua mon mari en indiquant un escalier double qui montait en spirale vers l’étage supérieur. A gauche, il y a la salle à manger et la bibliothèque. A droite, la salle de billard et une autre pièce dans laquelle je pense installer mon bureau. Albert a ses appartements derrière le hall, par cette porte qu’on voit à droite de l’escalier. Il y a également une ancienne écurie que mon père avait transformé en atelier. Je pense que tu pourras t’y installer pour peindre.»

J’eus du mal à lui répondre, tant j’étais impressionnée par la demeure. Bien que personne n’y ait habité pendant plus de 10 ans, elle était toujours impeccable, probablement entretenue par le majordome. De plus, elle était décorée avec goût, rien ne jurait entre les tapis au sol, les portraits de famille ou les scènes de chasse accrochées au mur. Je m’y sentais bien.

« Le manoir te plait ?
Oui, c’est magnifique, chéri ».

Il me lança un merveilleux sourire. En plus d’être riche, mon mari était particulièrement bel homme. Il était grand, musclé, les yeux bleus, sportif, et son ascendance Ecossaise lui avait légué une sorte de regard mélancolique qui faisaient fondre les femmes. Et s’il m’avait choisie moi, parmi ses nombreuses prétendantes, c’est que j’avais également un certain nombre d’atouts.
J’étais blonde naturelle, aux yeux bleus également, mon mètre 75 me permettant de mettre facilement en valeur mes jambes longues et fines et ma taille de guêpe. J’étais également très satisfaite de mes formes, car j’avais hérité de ma mère d’une très belle poitrine bien rebondie, et j’entretenais mes fesses pour qu’elles restent fermes même si j’approchais désormais de la trentaine.

Pourtant, Arthur ne m’avait encore jamais touchée. Nous n’avions pas consommé le mariage, dormant dans des chambres séparées jusqu’à présent dans la plus stricte tradition de sa famille. C’était la seule et unique manière de recevoir leur bénédiction. C’était aussi l’une des raisons qui m’avait poussé à m’isoler dans ce lieu perdu. Arthur m’avait prévenu qu’il n’y avait aucune autre demeure à des kilomètres à la ronde, mais être enfin séparé de sa famille et de ses traditions du Moyen-Âge me faisait particulièrement plaisir.

« Je te laisse un instant dans le hall, je veux vérifier que la salle à manger est bien préparée. »

Je lui fis un petit sourire, le regardant partir dans la pièce de gauche, puis je revins inspecter tranquillement les différents objets d’art présents. Il y avait des bustes, une armure, quelques armes et de la vaisselle dans une vitrine.

Soudain, alors que je revenais vers la salle à manger, je fus heurtée de plein fouet et projetée au sol sans comprendre ce qui se passait. Relevant la tête, je constatai furieuse qu’il s’agissait d’Albert, le majordome, les bras chargés de nos valises.

« Vous devriez faire attention ! Regardez ce que vous venez de faire ! Vous auriez pu me blesser !
Je suis désolé, Madame. Je ne vous ai pas vue avec les valises à transporter. Je peux vous aider à…
Vous êtes un bon à rien, incapable de trouver votre chemin dans un hall immense !
Madame, nos chemins se sont croisés, aucun de nous ne regardait devant lui. Les talons haut vont très bien à Madame, ça lui donne une belle allure, mais vous manquez d’équilibre…
Vous feriez bien de changer de ton ! Tout est entièrement votre faute, et…
Qu’est-ce qui se passe ici ? »

Mon mari venait de surgir de la cuisine en attendant mes cris.
J’étais toujours au sol, rouge de colère devant le flegme tout britannique affiché par le domestique, qui était pourtant français.

« C’est ce stupide domestique qui m’a percuté, et…
Alicia, s’il te plait. Ne parle pas comme ça d’Albert. Il est dévoué à ma famille depuis plus de quarante ans, c’est un homme de confiance que je connais depuis ma plus tendre enfance. Je ne sais pas ce qui s’est passé, mais c’est ment involontaire.
Mais il m’a…
Tu n’as pas à lui parler sur ce ton ! Est-ce clair ? »

Je n’avais jamais vu Arthur s’énerver de la sorte. Je sus que j’avais touché un point sensible, et me contentai d’acquiescer en silence. Albert s’était déjà débarrassé des valises et me tendant la main, me proposant son aide pour me relever. Je l’attrapai de mauvaises grâces, sous un sourire de mon mari.

« Je suis content que vous soyez de nouveau en paix, tous les deux. Maintenant, à la salle à manger, ma chère, je viens de nous servir un vin d’une excellente qualité. Albert, vous pourrez nous servir le repas après avoir monté nos valises.
Bien monsieur. »

Je pris la direction de la porte par laquelle mon mari avait déjà disparu, lorsque j’entendis distinctement :
« Madame a de belles fesses, quel dommage que son caractère soit si détestable…
Qu’avez-vous dit ?
Rien du tout Madame, je monte les valises. »

Je faillis répliquer, mais j’entendis mon mari m’appeler et décidai de le suivre pour profiter du repas.

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