Pécheresse

"Dialogues Interdits" : une série de mini-nouvelles sans narration, uniquement faite de dialogues. Confessions crues, drôles et surprenantes entre amis...

Pécheresse

— Je viens de finir la bible. Et tu sais quoi ? Je n’ai pas bien compris la posture exact de la chrétienté par rapport au sexe non conventionnel.
— Et c’est quoi, le sexe non conventionnel ?
— Cunni, fellation, sodomie…
— Ah, t’appelles ça du non conventionnel ? De nos jours c’est tellement banalisé, je sais pas si ces termes sont encore justes.
— La sodomie, conventionnelle ? N’exagérons rien.
— En tout cas la pipe.
— La pipe, oui.
— Et le cunni…
— Le cunni devrait être la convention autant que la pipe ! Malheureusement on n’y est pas encore. Sur ce point je suis à fond pour l’égalité parfaite homme femme.
— Quand même, tu devrais relire plus attentivement certains passages. Dieu considère Sodome et Gomorrhe tel un crachat à son visage. Y’a pas plus anti-sodomie que la bible, si ce n’est le coran et la torah.
— C’est anti-gay alors ?
— C’est plus large : anti sodomie je te dis ! Que ça se fasse entre homos ou hétéros.
— Dieu est étrange. S’il ne voulait pas qu’on pratique, pourquoi diable a-t-il placé l’anus si près du vagin ? ment, il y a tentation.
— Justement ! C’est pour nous tester, et cela s’appelle précisément la Tentation : on te donne la possibilité de pécher, ce n’est pas une raison pour te compromettre. Cela reste un libre choix.
— Oui et non. Dans certains états seconds, le partenaire peut donner un coup et entrer au mauvais endroit.
— Ou au contraire au bon endroit, selon le point de vue. À toi d’avoir les idées claires, et de faire l’amour avec un type lucide qui va pas te pénétrer en étant défoncé. Sauf si tu juges que c’est un heureux accident.
— Tout de même, il faut pas s’étonner qu’on expérimente tout, avec une anatomie aussi naturellement tentatrice.


— Et si c’était Dieu qui avait placé le vagin, et Satan l’anus ?
— Tu te contredis, là.
— Pas du tout. Satan est, au fond, au service de Dieu. Lorsqu’il nous tente, ce sont autant de fois que le Seigneur nous met à l’épreuve, même indirectement.
— Tu y crois vraiment ? Si tu y croyais, en tant que chrétienne jamais tu ne pratiquerais autant de cochonneries.
— Je t’assure que j’y crois. Seulement, je sais que j’ai jusqu’à mon dernier souffle pour regretter : il sera encore bien temps. Un petit repentir sincère et hop ! Tous mes péchés seront effacés.
— Vraiment ?
— C’est écrit. Puis de tout façon il ne faut rien exagérer non plus. Parmi les péchés, ceux de chairs sont les plus anodins. Tant que c’est entre individus majeurs et consentants. Il y a tant de malheurs, de méchancetés, de ies à travers le monde et les époques. Ne me dis pas qu’on commet quoi que ce soit de si grave.
— Je ne dis rien ! C’est toi la chrétienne, pas moi. À mon sens, il n’y a pas le moindre péché dans nos activités sexuelles.
— Il y en a, c’est juste qu’ils ne sont pas gravissimes. Nous ne faisons qu’échanger de l’amour et de la tendresse. D’une façon un peu moins convenue que ce qui est écrit dans les bouquins d’éducation sexuelle, c’est tout.
— Et encore ! Aujourd’hui certains livres d’éducation sexuelle sont si hards, c’est même pas sûr.
— Puis entre un homme et une femme, Dieu est sûrement plus indulgent.
— Moins avec les gays ?
— Oh, il leur pardonnera aussi. Seulement, c’est un niveau de péché un peu au-dessus.
— Tu l’as vu dans la bible ?
— Non, sur le corps humain. Tu n’avais jamais remarqué ? Sur les hommes, Dieu a posé une barrière supplémentaire. Entre la verge et l’anus, il a placé les couilles. C’est un avertissement.
— Eh bé décidément, c’est quelque chose la chrétienté d’aujourd’hui…

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