Histoire Des Libertines (37) : Caroline-Mathilde, Reine Du Danemark, Un Destin Tragique

AVERTISSEMENT

Je vais essayer d’accélérer la publication de ces récits historiques, sinon il me faudra des années pour en venir au bout.

Certains de ces récits racontent la vie de personnages emblématiques, évoquent des destins hors du commun. D’autres abordent des femmes beaucoup moins connues, dont le destin est tragique. J’ai estimé que leur vie avait aussi leur place dans cette série.

C’est le cas de Caroline-Mathilde de Grande-Bretagne (1751-1775), issue de la maison de Hanovre, qui fut reine du Danemark de 1766 à 1772.

Elle est un autre exemple tragique de la façon dont ont longtemps été traitées les femmes adultères, furent-elles princesses ou reines.

Pauvre Caroline-Mathilde, mariée à un débauché et malade mental !

PRINCESSE BRITANNIQUE

Caroline-Mathilde est la fille du Prince de Galles et la petite-fille du roi Georges II, et donc l’arrière-petite fille de la malheureuse Sophie-Dorothée (voir « Histoire des libertines (33) : Sophie-Dorothée de Hanovre, reine d’Angleterre. » paru le 11 juillet 2019), qui avait, elle aussi, connu un destin tragique.

Elle fut élevée par sa mère, avec une éducation stricte, loin de la cour anglaise. Caroline-Mathilde pratiquait l'équitation, elle était une jeune fille douée pour la musique, une chanteuse accomplie avec une belle voix. Elle parlait également couramment trois langues: italien, français et allemand.

UN MARIAGE PARTICULIEREMENT MALHEUREUX AVEC UN FOU !

Comme ce fut le cas pour son arrière-grand-mère, Caroline-Mathilde fut la victime d’un mariage désastreux.

En 1764, fut suggéré un mariage entre la Maison danoise d'Oldenburg et la Maison britannique de Hanovre, ainsi entre Christian (1749-1808), alors Prince héritier du Danemark et une princesse britannique.

Le Prince héritier danois était le fils aîné du roi Frédéric V et de sa première femme, la princesse Louise de Grande-Bretagne et par conséquent les deux familles étaient cousines.



Au moment où les négociations en vue du mariage vont se conclure, en janvier 1766, Frédéric V meurt et Christian lui succède. Très vite, Christian VII finit par sombrer dans une stupeur mentale totale, avec des crises de paranoïa, d'automutilation et d'hallucinations.

Le mariage a lieu en novembre 1766.

LA PERSONNALITE DE CAROLINE-MATHILDE

Au départ, Caroline-Mathilde est bien accueillie par son peuple, qui l’appelle la « rose anglaise ». Elle est décrite comme vive et charmante. Bien que n'étant pas une beauté, elle est considérée comme attirante : on a dit d'elle que son apparence était à même d'attirer l'attention des hommes sans susciter pour autant la critique des femmes. Cependant, sa personnalité pleine de naturel et sans affectation n'est guère populaire à l’austère Cour du Danemark, à l'étiquette stricte.

Considérée comme capricieuse et nonchalante, on reconnait sa vivacité ainsi que ses capacités intellectuelles. Elle marquait un vif intérêt pour les idées des philosophes français des Lumières, ce qui déplaisait fortement dans une Cour très conservatrice.

DELAISSEE

Le manque de volonté, l'auto-centrisme, et la folie mentale rendaient Christian VII froid envers sa femme et peu enclin à consommer le mariage. Les raisons de cette attitude à l'égard de Caroline-Mathilde pourraient être parce qu'il fut effectivement de se marier par la cour, qui croyait que par le sacrement du mariage, ses problèmes mentaux s'amélioreraient. En outre, une partie de la cour estimait que Christian VII préférait la compagnie des hommes à celle des femmes. Malgré ces rumeurs d'homosexualité, le roi eut une maîtresse dès l'été 1766 à Holstein et visitait des courtisanes à Copenhague.

Caroline-Mathilde est proche de sa première dame de compagnie, Louise von Plessen, qui considère les amis du roi comme immoraux et cherche à isoler Caroline-Mathilde de son mari. Ce qui n'est pas difficile, vu les relations qu'entretenait le couple royal.
Louise von Plessen conseillait d'ailleurs à la Reine de prétendre être indisposée lorsque le roi exprimait le désir d'intimité physique, pensant que la distance réveillerait le désir du roi. Mais au contraire cela ne l'a rendu que plus réticent !

Christian VII décide de consommer son mariage par souci d'assurer la succession. Ainsi après que la Reine eut donné naissance au Prince héritier Frédéric le 28 janvier 1768, il se détourna d'elle, au profit des maisons closes de Copenhague : avec sa maîtresse, la courtisane Støvlet-Cathrine, il visite les bordels de Copenhague. Caroline-Mathilde est malheureuse en mariage, négligée et humiliée comme elle l'est par le roi. Lorsque Louise von Plessen est exilée de la cour en 1768, la reine perd sa seule confidente, la laissant encore plus isolée.

LES PREMIERES RUMEURS

En mai 1768, Christian VII a effectué une longue tournée en Europe.

Pendant son absence, Caroline-Mathilde prit soin de son fils, exerçant son rôle de mère à la perfection. Elle prend pour habitude de faire de longues promenades à cheval à Copenhague. Son modernisme scandalise, car les femmes danoises de lignées royales et nobles n'avaient pas habitude de se comporter ainsi.

Depuis le début du règne de son mari, Caroline-Mathilde faitt l'objet de rumeurs concernant des relations amoureuses illégitimes.

En 1768 passant l'été au château de Frederiksborg avec son fils avant de retourner à Copenhague à l'automne, la cour colporte une affaire entre la Reine et un certain La Tour, un bel acteur et un chanteur du Hofteatret de théâtre en langue française. La Tour était connu pour être l'amant de Elisabet von Eyben, sa dame de compagnie, mais il était de notoriété publique qu'il recevait des cadeaux d'une «main supérieure». Il fut dit que ses visites à répétition dans la chambre de von Eyben étaient en fait des visites rendues à la Reine ! La Tour fut exilé au retour du roi.

SON AMANT : STRUENSEE, LE REFORMATEUR DANOIS

Le roi rentre à Copenhague le 12 janvier 1769, en ramenant avec lui Johann Friedrich Struensee (1737-1772), en tant que médecin du roi, qui devient plus tard également l'un des ministres de sa cour.


Beaucoup de choses ont été dites sur Struensee. Pour les uns, il fut un génie méconnu, un martyr. Pour d’autres, un ambitieux, un intrigant, avide de pouvoir et qui, à cette fin, a séduit une épouse malheureuse.

Struensee parvient à gérer l'instabilité mentale du roi, ce qui est un grand soulagement pour tous les conseillers de celui-ci, et le roi lui accorde sa confiance. Le roi ne jure plus que par lui et le nomme conseiller d’État à l’été 1769.

Struensee encourage le roi à améliorer ses rapports avec Caroline-Mathilde. Pendant quelques temps, le roi change son attitude et se montre amoureux de son épouse et assidu auprès d’elle.

La reine est parfaitement consciente que c'est à Struensee qu'elle doit ces améliorations, et son intérêt, comme son affection, pour le séduisant médecin ne fait que croître. Une vaccination couronnée de succès du tout jeune héritier de la couronne accroît encore son influence.

Struensee sait réconforter la reine et s’immiscer dans ses rêves. Il partage avec elle une commune passion pour les «philosophes» français.

On est en plein siècle des Lumières et, à Copenhague comme à Paris, il n’y a de plaisir plus délicat que la conversation. Ladite conversation, de paternelle et protectrice, se fait sentimentale et amoureuse. C’est ainsi que le séduisant médecin devient à l’été 1770 l’amant de la jeune reine, sans cesser d’être l’ami du roi.

La maladie du roi progressant, le pouvoir de la reine grandit à la cour. Struensee devient conseiller privé du roi le 15 septembre 1770 et dirige de fait le royaume. En juillet 1771, la reine donne naissance à Louise Augusta, dont la filiation est sujette à question.

Struensee ambitionne de réformer le pays selon les préceptes du «despotisme éclairé». Les réformes de Struensee, son autoritarisme et son influence lui suscitèrent de nombreux ennemis. Il finit par être victime d’un coup d’Etat et c’est sur son adultère avec la reine qu’il va tomber.


LA CHUTE

Tout irait pour le mieux dans ce ménage à trois si le zèle réformateur de Struensee ne heurtait trop d’intérêts.

C’est la reine douairière, Julia-Maria, qui hait Caroline-Mathilde, qui sera l’organisatrice du complot. Une troupe de militaires pénètre dans le château royal dans la nuit du 16 au 17 janvier 1772. Une partie se rend dans la chambre du roi pour éviter qu’il n'intervienne en faveur de son conseiller et lui faire signer un mandat d'arrêt.

L'interrogatoire de Struensee débute le 20 février 1772, en reconnaissance du « crime de familiarité » à l'égard de la reine, mais il n'a rien admis d'autre pendant les trois jours suivant l'aveu.

Plus tard, Struensee tenta à maintes reprises de transférer la responsabilité de l'adultère sur Caroline-Mathilde.

Le principal associé politique et ami de Struensee, Enevold Brandt, interrogé en même temps, aurait admis sa connaissance des « crimes » perpétrés par le favori.

À la suite de ces révélations, un comité de quatre nobles fut envoyé à Kronborg pour interroger la reine. Lors de leur première visite, Caroline-Mathilde refusa de s'entretenir avec eux, répondant que « elle ne reconnaît aucun tribunal autre que la cour du roi ». Dans les dernières visites du comité, la reine a nié toutes relations adultérines avec Struensee, dans l'unique espoir de le sauver.

Le 9 mars 1772, une confession signée par Struensee fut présentée à Caroline-Mathilde. Dans un dernier élan d'espoir, elle signa également une confession reconnaissant sa culpabilité et portant la faute sur elle-même, espérant ainsi atténuer le sort de son amant, bien qu'elle ait été pressée ou manipulée très probablement pour admettre l'affaire par l'interrogateur du comité.

LE SUPPLICE DE L’AMANT

Christian VII signa l'arrêt de mort qu'on lui présenta et qui fut exécuté par la des deux condamnés, Brandt et Struensee, le 28 avril 1772.

L’exécution fut particulièrement barbare : main droite tranchée, décapités et corps démembrés. Comme le rappela plus tard Caroline-Mathilde, elle a intuitivement connu la mort de son amant

LE PROCES DE LA REINE

Le 24 mars 1772, un acte d'accusation contre la Reine fut présenté au tribunal, composé de trente-cinq membres de la noblesse. Le jugement fut rendu le 6 avril : son mariage avec Christian VII était dissous.

Son frère, le roi d’Angleterre Georges III, ne fit rien pour la défendre. A la suggestion de George III, la nouvelle résidence de sa « sœur criminelle » devait être le château de Celle, situé en Hanovre. Quant à ses deux s, le prince héritier Frederick et Louise Augusta, elle dut les abandonner à Copenhague et ne les a jamais revus.

EXIL

Caroline-Mathilde va connaitre le même sort que sa malheureuse arrière-grand-mère, enfermée aussi dans un château, celui d’Alhden.

A la différence de Sophie-Dorothée, qui connut un exil de 32 ans, le séjour de Caroline-Mathilde durera peu.

À Celle, Caroline-Mathilde eut une vie paisible. Elle est rejointe par son amie, la comtesse Louise von Plessen.

Désireux de changer le pays par le retour de Caroline-Mathilde en tant que régente et gardien du prince héritier, elle conservait des partisans.

Caroline-Mathilde était prête à agir, mais seulement avec le consentement de son frère George III, craignant pour la vie de ses s. George III était prêt à soutenir sa sœur et le complot, mais à la condition que les conspirateurs devaient d'abord gagner le pouvoir au Danemark.

Caroline-Mathilde a envoyé une lettre à son frère, dans laquelle elle apporta son approbation pour la conspiration, qu'elle nomma « ce plan pour le bonheur de mon fils ».

Caroline Matilde est morte subitement de la scarlatine le 10 mai 1775. Sur son lit de mort, elle a écrit une lettre à son frère dans laquelle elle clamait son innocence.

PRINCIPALES SOURCES

Outre le chapitre que lui consacre Juliette Benzoni dans son ouvrage « Dans le lit des reines » (Perrin, 2011), voici les principaux liens que j’ai consultés, en plus de l’article de Wikipédia :

• https://www.herodote.net/28_avril_1772-evenement-17720428.php

• http://www.cosmovisions.com/CarolineMathilde.htm

• http://marie-antoinette.forumactif.org/t2364-christian-vii-de-danemark-caroline-mathilde-et-struensee

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