L'Amant - Dans La Tête De Kowalski 2/2

- Bonsoir Daphné, ou plutôt devrais-je dire Angélique … Oui, nous sommes déjà le soir, vous êtes restée inconsciente un bon moment. Enfin, je dirais même que la nuit est bien avancée. Nous sommes presque le matin d’ailleurs …

Les yeux d’Angélique s’habituaient progressivement à la forte lumière. Elle était bien nue, allongée sur ce lit contre le mur. Kowalski s’approchait d’elle. Il s’assit sur le bord du matelas, à distance d’elle, presque timidement. Il la regarda un moment :

- Ah oui, je vous ai e un petit peu aussi, afin que vous ne repreniez pas conscience tout de suite, après le coup que j’ai porté sur votre crâne. Je suis d’ailleurs assez fier de moi. J’ai frappé juste et suffisamment fort pour vous rendre inconsciente, mais pas assez pour abimer votre jolie tête. Vous en portez à peine les marques. Ça aurait été vraiment dommage. J’ai pu épargner votre visage si gracieux. Je vous prie de m’excuser pour ces désagréments, Angélique, le coup à la tête, la drogue. Elle est inoffensive, ne craignez rien. Ses effets vont disparaitre progressivement. Mais vous devez avoir très soif ?

Kowalski approcha une bouteille de la bouche d’Angélique.

- Levez la tête. Buvez …

Angélique tourna la tête sur le côté. Peut-être était-ce une nouvelle drogue.

- N’ayez crainte, c’est juste de l’eau. Je n’ai pas envie de vous droguer à nouveau. Buvez … Voilà … Doucement, ne vous étranglez pas …

Elle avait soif, tellement soif. L’eau fraiche qui coulait dans sa gorge lui fit un bien fou. Elle avait la bouche si pâteuse. Surement un effet secondaire de la drogue …

Une fois qu’elle eut ingurgité une longue gorgée, Kowalski écarta la bouteille :

- Voilà, pas trop d’un coup, je vous en redonnerai tout à l’heure.
- Qu’est-ce que vous m’avez fait ? Qu’est-ce que vous allez faire de moi ?
- Prenons les choses dans l’ordre. Qu’est-ce que je vous ai fait ? Rien, rassurez-vous.

Je n’ai pas abusé de vous. A part le coup sur la tête et la drogue, je ne vous ai rien fait. Je vous ai déshabillée certes. Mais je ne vous ai absolument rien fait. Je voulais juste profiter de votre corps parfait. Profiter visuellement bien sûr ! Et puis, je voulais vous débarrasser des vêtements que vous portiez qui n’allait pas du tout avec votre personnalité. Ensuite … Qu’est-ce que je vais vous faire ? Nous verrons. J’hésite en fait …
- Vous êtes un malade Kowalski.
- Tout de suite les grands mots. Je ne suis pas tout à fait dans la norme, c’est sûr. De là à me traiter de malade…
- Vous n’allez pas vous en tirer comme ça. Mes collègues …
- Vos collègues ? Ils ont été semés. Ils ne nous retrouverons pas ici. Désolé de vous décevoir. Nous sommes au milieu de nulle part, loin de tout. Oubliez ça Angélique.
- Salaud …
- Allons allons Angélique, pas d’insultes entre nous, tout à l’heure malade, puis maintenant salaud …. On ne va pas y arriver. Vous allez m’interrompre sans arrêt ? Je vais vous bâillonner. Excusez-moi encore, mais j’ai tellement de choses à vous dire. Ce n’est pas trop serré ?
- Hmmmpffff …
- C’est mieux comme ça ! Qu’est-ce que vous avez cru ? Me tendre un piège. C’est moi qui vous ai manipulée depuis le début. Je savais pertinemment qui vous étiez avant de venir à votre rendez-vous bidon. J’ai aussi très vite repéré vos amis sur la terrasse. Vous êtes tellement prévisibles vous les forces de l’ordre. Je savais donc sur qui tirer avant de vous assommer.

J’avais repérer les deux guignols à l’autre bout de la place. Ceux dans la voiture garée dans la rue d’à côté aussi. Le truc c’est qu’ils étaient dans le mauvais sens de circulation par rapport à mon sens d’arrivée. Le temps qu’ils fassent demi-tour quand j’ai démarré, j’étais déjà loin. J’ai pris à chaque carrefour une direction différente, j’ai grillé quelques feux, et dans le dédale des petites rues du centre de Colmar, ils m’ont définitivement perdu en moins de deux minutes.


Ce qui m’avait échappé, par contre, c’est votre collègue en moto qui a essayé de nous prendre en filature. Je l’ai vite repéré et je me suis occupé de lui dans une rue étroite, en freinant brusquement, puis en effectuant une marche arrière à pleine vitesse. Je l’ai percuté et je l’ai vu partir en l’air. Un joli vol plané. J’espère que je l’ai bien abimé. Plus personne derrière moi, j’étais tranquille. Mais surement que votre collègue motorisé à été en contact radio avec les autres, je n’avais plus qu’à brouiller les dernières pistes et vous amener dans mon antre.

Ils ne viendront pas nous chercher ici. Nous sommes au cœur de la forêt vosgienne, il n’y a personne.

Lieutenant Angélique Quercy de la Section de Recherche de Colmar, c’est bien ça ? Vous avez vraiment cru que j’allais tomber dans votre piège grossier Angélique ?

Vous n’êtes pas sans savoir que je m’intéresse toujours aux enquêteurs qui me traquent. Je leur écris pour revendiquer mes actes. Je leur donne des indices, je les mets sur des pistes vraies ou fausses. Vous n’avez pas fait exception à la règle Angélique. Je me suis renseignée sur cette jeune lieutenante de Gendarmerie qui a de manière magistrale, démonté l’histoire de cet idiot de Dalmasso. Pauvre Dalmasso, marié à une nymphomane et aujourd’hui accusé de son . par procuration, mais tout de même.

J’ai été intriguée par votre ténacité. En plus vous me tendez un piège qui aurait pu marcher. Ce qui vous a trahi ? C’est la photo bien sûr ! Quand je l’ai vue et que je vous ai reconnu, ça m’a excité. J’ai voulu jouer le jeu jusqu’au bout. Vous pensiez être la chatte, en fait, vous étiez la souris.

Savez-vous Angélique, que j’ai eu des dizaines d’enquêteurs à mes trousses et vous êtes celle qui aura été la plus proche de m’attr. La seule, même. Je ne parle pas des policiers de Colmar qui ont eu de la chance seulement. D’ailleurs, ils n’ont pas été capables de me garder ! Vous êtes tellement perspicace, qu’il m’a été inutile de vous contacter pour vous refiler des indices, comme avec les autres guignols.
Enfin, une adversaire à ma mesure !

Bon par contre votre piège, c’est raté, Angélique. Vous ne sortirez pas d’ici, mais je vous en félicite. Bravo ! Ça prouve votre abnégation. Et votre intelligence aussi ! Il en faut de l’intelligence pour faire presque jeu égal avec moi. Je dis presque, parce que finalement, vous vous retrouvez ici, nue attachée et bâillonnée. Il vous a manqué peu de choses. Votre seule erreur, m’envoyez cette photo de votre visage. Me sous-estimer en quelque sorte.

Vous m’intéressez Angélique. Vraiment ! Vous êtes une énigme … Vous n’avez rien à voir avec Daphné, qui elle, n’était qu’une petite pute infidèle. Une pute de classe certes, mais une pute quand même. Daphné, Je l’aurais massacrée avec joie, après l’avoir sautée bien sûr, comme les autres putes avant.

Non, vous Angélique, vous me troublez. Vous êtes si … angélique ! Est-ce que je vais vous violer, vous r un peu ? J’ai bien violé la greffière du tribunal, alors qu’elle n’avait rien fait ! Elle était juste au mauvais endroit au mauvais moment.

Vous Angélique, vous êtes venue délibérément vers moi. Peut-être que Daphné est une partie de vous finalement Angélique ? Votre côté sombre ? Votre côté vicieux ? Y-a-t’ il d’un côté l’angélique Angélique, et Daphné la petite pute de l’autre ? Est-ce que se sont deux facettes d’une même personne ?

Qu’est-ce que je vais faire de vous Angélique ? Il faut que je me décide.

Vous êtes vicieuse Angélique ? Vous n’êtes pas mariée, je le sais, mais avez-vous déjà été infidèle Angélique ?

Mais, suis-je bête !! Vous êtes bâillonnée, vous ne pouvez pas me répondre !!

Mon intention n’est pas de soliloquer devant vous. Je veux un vrai dialogue avec vous. Je retire ce bâillon. Attendez … Promettez moi seulement de cesser vos insultes. Voilà, C’est mieux :

- Ecoutez Paul …
- Ah ! J’ai le droit enfin à Paul, plutôt qu’un méprisant Kowalski. Nous avançons !
Le syndrome de Stockholm vous guette Angélique.
Méfiez-vous ! Bon, je reste persuadé que vous n’êtes pas sincère en plus, que vous essayez juste de m’amadouer. N’oubliez pas, je lis en vous comme dans un livre ouvert.

J’ai massacré ces femmes, uniquement parce qu’elles étaient infidèle. C’est exagéré me direz-vous ? Certes, je ne vais pas le nier. La punition est sévère. Après, ce ne sont pas des femmes qui ont cédé sur un coup de tête, dans l’aveuglement d’un moment qui les dépassait. Même, si je condamne, je pourrais comprendre ces femmes-là. Pardonnez, peut être aussi, même si on doit toujours être maitre de ses émotions.

Non, j’ai recruté mes victimes seulement sur des sites de rencontre. Ces femmes, Jessica Dalmasso en tête, avaient tout programmé. Le mensonge et le vice étaient ancrés en elles. Des putes … Un peu comme Maman ! Mais je m’égare …

A ce sujet, encore un bon point pour vous Angélique. Vous êtes la seule de tous les flics qui ont essayé de m’arrêter, à repérer cette histoire de site de rencontre. Les autres en ont été incapables. Vous êtes la meilleure Angélique ! Je vous le dis.

Quel dommage de devoir vous . La seule qui aura pu rivaliser avec moi. Mais je n’ai pas le choix. Je le regrette bien sûr, mais je sais aussi que je ne pourrai pas vous faire basculer de mon côté. Dommage Angélique. Dommage ! Vraiment …

La courbe de votre mollet est quasiment parfaite …

La main de Kowalski s’est posée sur la jambe d’Angélique :

- Ne me touchez pas … cria à moitié Angélique en se débattant.

Ses liens étaient trop serrés

- N’ayez crainte, je ne vais toujours pas vous violez. Par contre, cessez de vous débattre et de crier. Sinon, je vais devoir à nouveau vous bâillonner. Votre mollet est juste musclé
Ce qu’il faut pour qu’il ne perde pas sa féminité.
Parfois, les femmes ont de jolis mollets, de jolies cuisses, mais ont des genoux disgracieux qui gâchent tout. Ce n’est pas votre cas. Vos jambes sont quasiment un chef-d’œuvre. Je garderai le souvenir longtemps.
La main de Kowalski se posa sur le ventre d’Angélique.
- Ne me …
- Une fois de plus, je ne vais pas vous violer. Je veux juste toucher vos courbes parfaites, mais vous frissonnez ! C’est ma main froide qui vous fait cet effet ? Ou bien est-ce que c’est autre chose ?
- C’est déjà un viol de me …
- De vous quoi ? Que savez-vous du viol Angélique ? dit Kowalski en retirant sa main.
Mais ma question était « Avez-vous déjà été infidèle ? » Non, je le vois dans vos yeux. Je vous crois Angélique. Vous voyez, je vous crois … Vous n’avez jamais été infidèle. Pourquoi devrais-je vous violer ? D’ailleurs, je n’ai même pas violé les autres. Je les ai bien baisées, mais c’était ce qu’elles voulaient en fait, se faire baiser. Les putes, on les baise. Bon moi, je les ai tuées en plus. Elles le méritaient, non ?
Vous, je ne vais ni vous violer, ni vous baiser. Je vois votre sincérité. Je lis dans les femmes comme dans des livres ouverts. Elles ne peuvent rien me cacher et vous ne faites pas exception à la règle. Vous n’êtes pas une pute, vous Angélique. Enfin, si un peu, juste la part de vous qui s’appelle Daphné. Mais pas assez pour mourir à cause de ça. On a tous une face cachée, même moi. Savez-vous que je ne suis pas qu’un monstre Angélique ? Eh oui, il y en moi une part de bonté. Ma face cachée aussi.
Par contre, à supposer que je ne vous viole pas, vous n’êtes pas sans vous douter que je ne vais pas vous laisser en vie ! Si ?
- Pourquoi ?
- Pourquoi ? A votre avis Angélique … C’est dommage, croyez-moi, je le regrette vraiment, mais je vais devoir en arriver là.
Je vais vous l’avouer Angélique, vous m’avez touché ! Eh oui, droit au cœur. Le coup de foudre ! Vous croyez au coup de foudre ? Moi non, jusqu’à aujourd’hui. Oh, ça n’a pas été immédiat. Quand je vous ai vue hier déguisée en pute Daphné, je n’ai rien ressenti pour vous. C’est seulement cette nuit, quand je vous ai débarrassée des oripeaux de Daphné, quand vous étiez nue devant moi, que j’ai eu ce coup de foudre. Je vous aime Angélique. Malheureusement, notre amour est impossible, comme on dit dans les romans de gare.
- Je ne vous aime pas, vous me dégoutez même …
- Vous ne m’aimerez jamais, je le sais, je ne peux pas vous forcer à ça. Je dois donc, à regret je précise, me débarrasser de vous. Mais de là à vous violer ! J’en suis bien incapable ! J’aurais violé Daphné sans souci. Angélique, je ne peux pas.
- Vous disiez que j’étais une adversaire à votre taille ! Je suis sure que ça vous plais, libérez moi. Nous remettons les compteurs à zéro. Je reprends la traque et …
- Vous voulez flatter mon égo Angélique ! Ça ne marche pas …
- Pourquoi ? Je vous fais peur Kowalski ?
- Vous avez déjà oublié le Paul ? Déjà ? Je croyais pourtant que nous avions mis en place, comme une certaine … proximité, vous et moi … une complicité même. Appelez-moi Paul, s’il vous plaît, nous sommes suffisamment intimes maintenant. D’ailleurs, vous ne pouvez rien me cacher. Comment pourriez-vous me cacher quelque chose, allongée complètement nue devant moi. Allongée nue, mais pas alanguie, c’est bien ça mon malheur …
Peur de vous, vous disiez ? Je n’ai peur de rien, sachez-le. , j’avais peur de Maman. Mais c’est terminé tout ça. J’ai un peu peur de ce que je suis devenu aussi, bien sûr. Mais je vous avoue que je la maitrise parfaitement cette peur-là.
Je vais vous libérez Angélique, nous avons encore tellement de choses à nous dire. J’ai aussi des choses à vous montrer. Non, ne vous réjouissez pas, par libérer, je voulais juste dire vous détacher. Je ne vais pas vous laisser partir. Ça, je ne peux pas.
Je reviens, attendez moi patiemment.

Kowalski a quitté la pièce. Il revint aussitôt après avec des vêtements sur le bras.

- J’ai préparé cette tenue. Une jolie robe que je me suis procuré spécialement pour vous. Vous voir nue est un délice. Me régaler de la vue de votre silhouette, de vos formes, de votre délicieuse toison blonde, va me manquer, mais cette robe devrait encore vous magnifier, si c’est possible.

Kowalski lui détacha les chevilles en prenant garde de rester à distance d’Angélique, de l’autre côté des barreaux du lit :

- Un coup de pied est tellement vite arrivé. Ne tentez rien Angélique. Vous n’êtes pas de taille à vous mesurer à moi physiquement. Certes, vous êtes consciente, mais les effets du somnifère opèrent encore sur votre corps. Je vous maitriserai sans difficulté. Evitons la violence, vous et moi. Je ne veux pas vous abimer Angélique. Par contre, si vous m’y obligez, je n’hésiterai pas une seconde. Cela provoquera en moi un grand désarroi évidement, mais je le ferai.

Il lui détacha les poignets également, puis dit en s’écartant du lit :

- Levez-vous Angélique, doucement, ne perdez pas l’équilibre. Laissez le sang affluer à nouveau dans vos mains et vos pieds. Une fois de plus, je vous prie de m’excuser, j’ai dû serrer un peu les liens.
Vous voyez, vous titubez. Vous ne seriez pas de taille à me résister. Voilà, doucement, ça va revenir Angélique.
Passez cette robe.

Il lui tendit une robe noire, magnifique en effet. Surement une robe de créateur, voire de grand couturier. La mousseline de soie était douce au touché. C’était une robe longue qui lui arrivait aux chevilles, fendue sur le devant découvrant ainsi la moitié de sa cuisse. Elle remonta les fines bretelles sur ses épaules et les ajusta :

- Elle vous va à ravir Angélique, vous êtes merveilleuse. Tenez, mettez ces chaussures aussi. C’est celles que portait la pute Daphné en arrivant ici. C’est tout ce qui méritait d’être sauvé de sa tenue. Vous n’étiez pas du tout compatible avec ce rôle Angélique. Vous êtes bien au-dessus de tout ça. Même si une petite part de vous est bien la pute Daphné. Mais personne n’est parfait ! Hein ? Comme je vous l’ai dit, moi-même je ne le suis pas.
Vraiment superbe ! Si la drogue n’était pas encore présente dans votre sang, je vous aurais fait tourner pour vous admirer. Mais ça risquerait de vous étourdir. Vous êtes encore trop faible.
Quand je vous ai ramené ici, j’hésitais à vous violer. Je n’ai pas pu m’y résoudre. Je vous ai expliqué pourquoi. On ne viole pas la femme que l’on aime. D’un seul coup, là, j’ai envie de vous faire l’amour. Pas de vous baiser, comme les autres putes, mais de vous faire l’amour … Je n’ai jamais fait l’amour à une femme. C’est un manque pour moi … J’ai baisé des femmes, j’en ai violé d’autres. Mais je n’ai jamais fait l’amour.

Un voile de tristesse envahit son visage :

- Pour faire l’amour, il faut être deux …
- Vous avez parfaitement raison Angélique, et c’est bien là le problème. Je ne veux ni vous violer, ni vous baiser. Juste vous faire l’amour. J’aurais tant voulu vous aimer. Je crois bien que c’est impossible. Hélas … Mon charme n’agit pas sur vous … Dommage, pour ma première fois, vous et moi, ça aurait été fantastique. Après vous, je crois que plus jamais, je ne ressentirai ça. C’est assez étrange comme sentiment. Surtout pour moi.
Mais venez Angélique, j’ai des choses à vous montrer.

Kowalski l’entraina dans la pièce d’à côté, celle où il se trouvait quand elle avait repris connaissance.
Elle était envahie de cartons. A priori, il n’y avait pas de fenêtre, comme dans celle où elle avait été prisonnière. Un escalier qui montait au fond de la pièce semblait indiquer qu’ils se trouvaient dans un sous-sol :

- Venez, je vous aide Angélique, lui dit Kowalski en lui prenant le bras et en la soutenant dans l’escalier. Vous êtes encore flageolante, faites attention.
Regardez, le jour est en train de se lever.

En effet, à l’étage supérieur, la clarté commençait à poindre par les fenêtres donnant sur l’extérieur.

- Je sais ce que vous pensez Angélique. Vous avez l’espoir de pouvoir vous échapper ! Pas de volets, pas de barreaux aux fenêtres. Oubliez ça … Vous n’iriez pas loin. Vous en avez encore pour plusieurs heures avec cette faiblesse, la drogue, toujours la drogue.
Mais venez voir ce que j’ai à vous montrer. Mon petit cabinet de curiosité ! Ma collection !

En la soutenant toujours par le bras, il l’attira vers la pièce suivante. En effet, Angélique se sentait encore trop vacillante pour tenter de s’évader. Elle avait encore quelques vertiges et les talons hauts et la robe longue ne l’aideraient pas dans une fuite, s’il fallait enjamber une fenêtre ou courir dans la forêt. De plus Kowalski la tenait fermement par le bras. Il se méfiait toujours des réactions qu’elle aurait pu avoir.

La pièce suivante était surement orientée à l’est. Le soleil levant l’inondait de sa lumière. Angélique vit par la fenêtre qu’elle se trouvait au milieu d’une forêt de sapins, apparemment assez dense.

La pièce carrée possédait sur l’ensemble de ses murs de petites alcôves en bois accrochées, des sortes de vitrines.

- Mes trophées, Angélique ! Regardez là, ma première victime : Ludivine Marchand à Aix en Provence.

Ce malade avait créé un musée de l’horreur ! Des stèles pour ses victimes. Dans la première vitrine se trouvait sur la gauche une photo de Ludivine Marchand, surement celle de son profil sur le site, à droite, une autre photo de Ludivine manifestement morte, nue et allongée sur le ventre, une flaque de sang sous elle. Au milieu, sur un socle en velours rouge, reposait une mèche de cheveux bruns, appartenant surement à Ludivine et une bague.

- La suivante, toujours Aix ! Emilie Laborde. Regardez son visage Angélique. Elle semble si … chaste … Une charmante jeune femme. Au premier abord surement droite et honnête. Saviez-vous que sur le site des putes, elle se faisait appeler Gourmande13 ? Comment voulez-vous faire confiance à une telle personne ? Une pute quoi ! Une pute toute mignonne, mais une pute. Les bagues, ce sont leurs alliances au fait. j’ai voulu garder le symbole de leur infamie. D’ailleurs, aucun enquêteur n’a jamais découvert que les victimes n’avaient plus leur alliance. Des amateurs ! Vraiment ! Je reste persuadé que si vous aviez enquêté sur mes s à venir, vous vous en seriez très vite aperçue.
- Vous n’avez donc aucun …
- Respect ? Pitié ? Non, pas pour les putes … Je ne suis déjà pas quelqu’un de miséricordieux pour le commun des mortels, alors imaginez pour ces personnes-là.
Là, vous avez la vitrine de Sylvie Mercier, la greffière. Savez-vous qu’au final, elle m’a avoué avoir été infidèle une fois ! Si … Et pas sous la contrainte ! Elle était morte de peur bien sûr, mais je lui ai posé la même question qu’à vous, « Avez-vous été infidèle dans votre vie ? ». Elle m’a répondu un timide « Oui, mais ça fait longtemps et une seule fois ». Je ne suis pas sûr que le temps efface quoi que ce soit. Bon, je ne pouvais pas la baiser, elle n’aurait pas été consentante. Je l’ai violée donc, dans la forêt. Je n’ai pas éprouvé la même joie que pour les autres, je dois bien vous l’avouer. Pas la même plénitude, non. Sylvie aura été une œuvre inachevée, en quelque sorte.

Mais passons à la dernière, celle qui vous concerne directement : Jessica Dalmasso. Un sacré numéro celle-là ! La reine des putes ! Après Maman bien entendu … Jessica aurait pu être un aboutissement pour moi, vu son pedigree. Mais je n’ai pas encore l’intention de m’arrêter. Il y a encore des situations à relever.
Jessica donc, quelle salope ! Elle a voulu que je vienne chez elle. Elle baisait à l’hôtel d’habitude, m’a- t-elle dit lors de nos premiers échanges de messages. Elle m’a indiqué vouloir faire ça dans le lit conjugal, pour pimenter la chose. J’en ai reçu des photos d’elle, dans toutes les positions, mais je vous épargne les détails. Savez-vous que quand elle m’a ouvert la porte, elle n’avait sur elle que des bas résilles et des talons démesurés. Une vraie pornstar. Enfin une actrice de X bas de gamme plutôt. Aucune classe ! Savez-vous qu’elle m’a demandé de l’enculer ! Tel quel ! Oui Angélique, avec ces mots-là ! Même moi, qui en ai entendu d’autres, j’ai été un peu gêné. Elle a rajouté « Bien fort ». C’est ce que j’étais en train de faire, alors qu’elle criait « Je suis ta pute », quand son mari est arrivé ! C’est ridicule ! Elle n’était pas ma pute ! Je n’ai pas de pute, moi … Les putes, je les détruits mais je n’ai pas de pute … Que ferais-je d’une pute ?
Son imbécile de mari qui débarque et qui regarde sans rien dire … Elle non plus d’ailleurs. Trop drôle ! Oh, je ne l’ai pas tout de suite reconnu, lui. C’est quand il a fait demi-tour que je me suis rappelé de ce jeune flic au commissariat de Colmar qui a participé à mon arrestation et qui m’a interrogé. Là, j’avoue que j’ai faillis éclater de rire.
A peine, avait-il quitté l’appartement, que Jessica a voulu qu’on remette ça « T’inquiète, je trouverai bien une explication bidon pour lui, ce soir ou demain ». Comme elle me l’a demandé, je l’ai à nouveau sodomisée. Bien fort comme elle voulait. J’y ai mis du cœur, croyez moi. Enfin, pas du cœur, si vous voyez ce que je veux dire. J’avais très envie de jouir en elle. Mais impossible, on ne baise pas une pute sans préservatif. J’ai donc éjaculé dans mon préservatif. Et puis ça évite les traces d’ADN, dont vous les flics êtes si friands. Je ne veux pas trop vous faciliter la tâche non plus.
Je l’ai prise par les cheveux, alors qu’elle était encore à moitié étalée sur le lit, encore râlante, après ce que je venais de lui mettre, je l’ai entrainée dans la salle de bain et je l‘ai égorgée au-dessus de la baignoire.
C’est seulement quand j’ai trouvé les fleurs sur la table, que j’ai pensé à cette mise en scène. J’ai fait couler un bain, j’ai mis la pute dedans avec les fleurs. C’était assez réussi finalement. Le tableau était joli. Toute cette eau rouge et ces roses rouges qui flottaient à la surface, et Jessica au milieu. Une jolie nature morte !! Vous mesurez l’ironie de la chose ? J’allais faire accuser ce con de Dalmasso. Celui qui avait participé à mon arrestation, qui pérorait, tel un jeune coq, lors des interrogatoires. Vous imaginez la vengeance que j’en tirais ? Bon, d’accord, j’allais perdre le bénéfice de ce -là. Mais j’allais m’en remettre. Peut-être qu’au bout d’un ou deux ans, quand Dalmasso aurait bien été cassé en prison, je l’aurais disculpé et je me serais attribué le .
Mais vous avez tout deviné Angélique. Je ne peux que vous applaudir ! Vraiment ! Vous le méritez … comment avez-vous deviné au fait ?
- Votre ADN justement !
- Mon ADN ? Où ça ?
- Un de vos poils dans le vagin de la victime.
- Ah tiens ! Je n’aurais jamais pensé à çà … Je ferai attention dorénavant ! Merci du tuyau Angélique !
- Il n’y aura peut-être pas de prochaine fois …
- Mais si, mais si ! Vous croyez que vous allez m’arrêter ? D’ailleurs, regardez bien, il y a d’autres alcôves vides, qui n’attendent que d’être remplies.
La vôtre est dans la pièce suivante …
- La mienne ???
- Eh bien oui, venez voir. Vous avez une place de choix. Je ne peux pas vous mélanger avec les putes. Impensable. Pas vous …

Kowalski l’entraina dans la pièce suivante en enfilade. Une seule vitrine s’y trouvait :

- Regardez Angélique, vos photos sont déjà là. Celle du site, celle de Daphné, et celle de votre visage, que vous m’avez envoyé, celle d’Angélique quoi. Parce que c’est bien vous Angélique sur ce cliché, pas Daphné. Restera à ajouter une de vos jolies mèches blondes. Par respect pour vous, je ne mettrai pas de photo de votre cadavre. Mais, j’y pense, je peux vous photographier avec cette jolie robe qui vous sied tant.
- Espèce de malade, lança Angélique, des sanglots dans la voix.
- Allons allons, Angélique, soyez forte, ne craquez pas … Il me reste encore à vous montrer la pièce maitresse de ma collection : Maman !

Il y avait dans la pièce suivante une stèle au milieu sur laquelle reposait … la tête naturalisé d’une femme.

- Je vous présente Maman. Mon premier . Enfin ma première œuvre devrais-je dire. Voyez-vous quand Maman nous a abandonné, et après que Papa ai mis fin à ses jours, je me suis retrouvé en foyer, puis en famille d’accueil. Ça ne s’est pas toujours très bien passé. A 17 ans, j’ai fugué et je suis parti à la recherche de Maman. J’ai pu consulter le dossier de jugement sur mon placement, en entrant par effraction dans les archives de l’administration et j’ai trouvé une adresse où Maman avait séjourné à l’époque.
J’ai remonté sa trace, d’adresse en adresse, d’amant en amant. J’avais très envie de massacrer chacun de ces amants. Mais ça n’aurait pas été prudent, ça aurait pu mettre la puce à l’oreille à Maman. Peut-être un jour, je reviendrais leur rendre une petite visite !

Ça m’a pris des années, mais je suis persévérant. Je l’ai retrouvé dans le Var, habitant chez un vieux beau, riche, qui devait l’entretenir. Je l’ai surprise un jour où elle était seule dans la villa. J’ai sonné. Elle ne m’a pas reconnu d’emblée. « Tu ne me reconnais pas ? ». Je voyais bien qu’elle avait le sentiment de me connaitre, mais n’arrivait pas à remettre mon visage. J’avais certes changé. La dernière fois qu’elle m’avait vu, j’étais un et maintenant un adulte. Mais j’étais son fils, bordel !
« Mais si, cherche bien ! ». Elle a pâlit quand enfin, elle m’a reconnu « Paul ! C’est toi ». Elle avait l’air inquiète. « Oui Maman, c’est moi ».
« Qu’est-ce que tu me veux ? », « Qu’est-ce que je te veux ? C’est la seule question qui te vient à l’esprit ?».

J’ai perdu mon calme. Je l’ai frappée. Elle est tombée en arrière. Je l’ai relevée, j’avais sorti le couteau que j’avais amené et je l’ai égorgée. Je regrette, j’ai perdu mes nerfs. Je voulais la , bien sûr, mais pas sous le coup de la colère. J’aurais tant aimé parler avec elle avant, qu’elle m’explique, vous comprenez ? Et peut-être que je l’aurais violée après, pour laver définitivement tout ça.

L’ayant tuée et n’étant pas nécrophile, je n’ai pas pu. C’est un peu pour ça que je suis parti en croisade après et que je suis devenu un tueur en série. Peut-être que j’aurais tout arrêté après Maman, si j’avais pu lui faire expier complètement ses fautes.

Aujourd’hui, je me préserve toujours de la colère. Elle n’est pas bonne conseillère.

Voilà, j’ai ensuite décapité Maman, j’ai gardé la tête et le reste de son corps se trouve dans un endroit où on n’est pas près de le retrouver. J’ai emmené une bonne partie de ses affaires aussi et j’ai laissé une lettre, où elle annonçait à son vieux beau, qu’elle le quittait. Sortie d’une l’imprimante la lettre, pour éviter les écueils de la graphologie.

Voilà, pour tout le monde Maman était partie une fois de plus, on n’allait pas la rechercher.

J’ai d’abord congelé sa tête, avant de m’initier à la taxidermie. J’ai même étudié les sciences de la momification de l’Egypte ancienne et même des civilisations précolombiennes ou des indiens Jivaros, vous savez les réducteurs de tête.
Bon, le travail n’est pas parfait. Je suis obligé de la congeler régulièrement. Je ne sors Maman que de temps à autre, pour lui parler. Et aujourd’hui, pour vous la montrer.
- C’est horrible …
- Maman ? Oui c’était une personne horrible. Une très belle femme, mais à l’âme mauvaise.
Mais oublions Maman, Angélique, oublions les putes, discutons, venez dans le salon, installez-vous sur ce fauteuil, je vous prie. Parlons de nous Angélique.
- De nous ? Qu’est- ce qu’il y a à dire sur nous ? Nous n’avons rien en commun …
- Oh si, énormément au contraire.
Vous êtes tellement radieuse Angélique. Vous êtes une femme si riche. Je parle de votre esprit là. Un travail que vous aimez, une vie équilibrée. Que pourriez-vous désirer de plus ? Je vous envie Angélique. Je ne suis rien de tout ça … Un malade comme moi quand il a envie quelque chose, il devrait le prendre. Je devrais avoir envie de vous arracher les yeux, de souiller votre corps …
- Et ce n’est pas le cas ?

Kowalski sourit :

- Non bien sûr … Déjà parce que vos yeux sont magnifiques.
Et oui, je vais vous avouer une chose Angélique. Je me retrouve désarmé face à vous. Face à la beauté qui émane de vous. Et je ne parle pas que de votre physique quasi parfait pour le coup. Je ne vais donc pas arracher vos jolis yeux bleus.
- Merci …
- Ça serait un péché ! Vous me fascinez tellement Angélique. Avoir une authentique ennemie jurée comme vous est psychologiquement envoutant pour moi. Un peu comme Joker avec Batman ! Vous connaissez ?
- Justement, libérez-moi, nous pourrons rependre notre combat …
- Non, vous avez perdu la partie Angélique, je ne peux pas. Mais je veux profiter de ces dernières heures avec vous pour m’enrichir. M’enrichir de vous. Et en garder le souvenir pour toute ma vie.
Nous nous ressemblons tellement, vous et moi !
- C’est une plaisanterie …
- Je ne plaisante pas ! Pensez-vous que je suis fou Angélique ?
- Je ne suis pas psy !
- Certes … Mais vous devez bien avoir une petite idée sur la question.
Je vais vous aider. Il ne faut pas être complètement équilibré pour massacrer des femmes seulement parce qu’elles sont infidèles.
- Ça, j’en suis sure !
- Je me suis souvent posé la question de savoir si j’étais fou. Peut-être, mais pas si sûr que ça au fond. Voyez-vous Angélique, vous et moi sommes pareils.
- Ben voyons !
- Si, je vous assure. Vous êtes une sainte et moi un vil pêcheur, mais nous sommes si proche l’un de l’autre. Nous avons fait le même voyage, depuis des directions opposées.
- On est loin d’en être au même point ! Et on ne risque pas de se rejoindre …
- En êtes-vous si sûre ? Allons, réfléchissez un peu …
Nous sommes les deux faces d’une même pièce. Opposés certes, mais liés, indissociables même. Nous voyons le monde de la même façon, nous voyons les mêmes choses.
- Vraiment ? Vous délirez.
- Vous êtes policière. Vous êtes consciente qu’il n’y a pas de justice universelle. Le mal n’est pas puni, mal puni en tout cas. Le bien n’est pas récompensé, ou pas assez. Vous avez failli m’attr, mais ça a capoté et vous êtes ma prisonnière maintenant. Le monde regorge de gens qui n’ont pas été attrapés, qui font le mal et qui s’en tirent parfaitement en menant une vie agréable, faite de loisirs, de bonne chair, de plaisirs, de sexe …
Combien de fois, dans votre métier, avez-vous croisé le regard d’une victime et vu son besoin de justice ? Son appel à l’aide ? Son envie désespérée pour que tout soit réparé ? Et combien de fois avez-vous compris que la justice était illusoire ? Qu’aucune aide ne viendrait ? Et que rien ne pourrait contrebalancer ce qu’elle a subi ? Nous les avons vu tous les deux ces regards-là, quoique pour des raisons très différentes bien sûr.
- Et après ? Ça ne nous rend pas pareils vous et moi. Vous êtes un criminel, je …
- Je ne dis pas que nous sommes identiques. Je dis que nous sommes proches. Vous voyez le monde tel qu’il est et vous trouvez qu’il est injuste, et vous faites tout ce qui en votre pouvoir pour le changer. Je vois le monde sous le même prisme que vous, mais je fais ce que je peux pour que ce monde serve mes intérêts.
Nous sommes tous deux face à la même feuille blanche. Sauf que ce que nous écrivons est différent.
- C’est justement ce qui fait la différence entre nous. Et elle est fondamentale cette différence.
- Croyez-vous en Dieu Angélique ?
- Je ne sais pas, non surement. Je ne sais pas … Je ne sais plus … Le moment n’est pas idéal pour avoir ce genre de conversation …
- Vous hésitez Angélique. Exactement comme moi. Mais calmez-vous, je vous en prie. Je ne doute pas que votre situation soit très confortable, mais nous essayons d’avoir une conversation d’un niveau au-dessus de la moyenne. Je sais que vous en avez la capacité. Autant que moi.
- Allons-y, continuons dans le genre « La philosophie pour les nuls » …
- Non, vous vous trompez, c’est un point essentiel.
- Je n’ai pas besoin d’un Dieu, pour connaitre la différence entre vous et moi !
- Selon une théorie, le monde serait composé d’autant de bien que de mal. Du 50/50. D’un côté, il y a la shoah, de l’autre des aurores boréales. D’un côté des viols, des monstres tels que moi, de l’autre des œuvres d’art bouleversantes, de la compassion.
Autre exemple, Angélique, vous et moi. Je vous disais que nous étions les deux faces d’une même pièce. L’idée forte de cette théorie, c’est qu’au bout, tout s’équilibre, se compense. Imaginez un Dieu, une entité, une force, Mère Nature, l’univers, appelez ça comme vous voulez, qui ferait en sorte d’équilibrer le bien et le mal, avec sa pièce, jouant à pile ou face.
Il la balancerait en l’air, pile ça serait Hitler, face Gandhi. Pile le méchant Paul, face la gentille Angélique. J’adore cette idée-là !! Pas vous ?
- Le destin ?
- C’est un peu l’idée, mais pas complètement. Je vois cette entité installée dans son antre, à jouer indéfiniment avec sa pièce, distribuant bonheur et malheur. Au final, les lancers finissent par s’équilibrer, au bout d’un certain temps.
- Et ça nous amène où tout ça ?
- Que le monde est le reflet de la nature de ce Dieu. Versatile et schizophrène. Et sa miséricorde n’est pas autre chose qu’un lancer aléatoire de pièce.

Kowalski s’est levé de son fauteuil. Après avoir fait quelques allers et venues au centre de la pièce, il se figea debout devant celui d’Angélique. Il faisait des grands gestes, comme pour rendre son discours plus persuasif. Malgré la peur qu’il lui inspirait, Angélique voyait bien qu’il n’était pas agressif. Il voulait juste convaincre :

- Je vous vois Angélique, et je sais ce que vous pensez de moi, de ma toute petite bribe d’humanité, de ma monstruosité. Mais, je suis comme une personne qui souffre de famine et qu’on place devant une assiette pleine. Je mange et je ne peux pas m’en empêcher.
Vous me comprenez Angélique, je le sais. Vous savez au fond de vous pourquoi j’ai fait ce que j’ai fait.
- Je suis votre confesseuse maintenant ? Ne comptez pas sur moi.
Non, je ne comprends pas … Non, je ne vous absous pas …
- Oh si, vous comprenez. Vous comprenez que je ne pouvais pas m’en empêcher.
- Vous avez choisi, on a toujours le choix.
- Avez-vous fait le choix d’aimer les gens que vous aimez ? Pouvez-vous vous retenir d’aimer ?

Toujours debout devant Angélique, la voix de Kowalski se faisait un peu plus aigüe, comme s’il allait se mettre à pleurer, comme s’il voulait vraiment qu’on le comprenne, comme s’il voulait justifier ses actes. Angélique eu le sentiment qu’il redevenait le petit Paul, apeuré devant sa mère :

- Ça n’a rien à voir …
- Si, il y a des forces qui nous dépassent, c’est tout. Et l’orientation morale de ces forces n’a rien à voir avec ça.
- Est-ce que ce que vous faites, vous rend heureux Paul ?
- Au début oui … Je ne peux pas résister, je me laisse aller, c’est jouissif, je ne maitrise rien, je ne tente même pas de maitriser quoi que ce soit. Ensuite vient le temps des remords.
- Et pourtant, vous continuez. Vous recommencez.
- C’est ce que je vous disais sur les forces qui nous dépassent. Je ne peux pas faire autrement. Je regrette déjà ce que je vais vous faire Angélique. Quand je vous dis que je vous aime, c’était la pure vérité. Je suis tombé amoureux de vous.

Cette fois, Angélique en était sure. Elle voyait une larme poindre au coin de l’œil de Kowalski :

- Et pourtant, je vais devoir vous , je ne le souhaite pas, j’en conserverai toute ma vie un regret etern…




« Ici Vigie, cible verrouillée, j’attends votre ordre de tir. »

Le tireur d’élite du GIGN est allongé à même le sol, son fusil de précision posé sur son trépied et dirigé vers la fenêtre du chalet de Kowalski.

- Ici Aigle Royal, vous êtes sûr qu’il s’agit de la cible Vigie ?
- Affirmatif Aigle Royal.
- L’otage est hors de portée de votre tir Vigie ?
- Affirmatif.
- Ordre de tir confirmé Vigie. A tous, groupe Gerfaut prêt à investir le chalet. Groupe Balbuzard en couverture.

Vigie cale la crosse du fusil au creux de son épaule, bloque sa respiration, joue avec son index sur le ressort de la gâchette afin de trouver le point de blocage. La croix de sa lunette de visée est positionnée au milieu du crâne de la cible. Aucune hésitation chez Vigie au moment d’appuyer enfin d’un coup sec et précis sur la gâchette. A cette distance, aucune perturbation ne doit venir interférer sur le tir. Pas de tremblement, pas le moindre mouvement.
La munition s’est instantanément extraite du canon de l’arme, et s’en est allée rencontrer sa cible en un centième de seconde. Vigie n’eut même pas le temps de relâcher sa respiration, que le métal pénétrait le crane de la cible. Vigie se ressaisit juste après le moment de déconcentration qui suit immédiatement le tir. Il repose son œil sur la lunette, pour vérifier la justesse de son coup.



Angélique vit Kowalski être projeté en arrière, un jet de sang éjecté de son crâne éclaboussa le mur dans son dos.

Angélique s’est plaquée au sol à plat ventre. Elle entendait dans l’entrée et les pièces adjacentes les cris des gendarmes du GIGN qui investissaient le bâtiment.

La porte de la pièce où elle se trouvait fut ouverte d’un coup de pied. Un gendarme fusil d’assaut pointé en avant pénétra dans la pièce. Il balayait du canon de son arme les quatre coins de la pièce, s’arrêtant et se fixant sur Angélique.

- ON NE BOUGE PAS !!! RESTEZ AU SOL …

Connaissant par cœur les procédures, elle resta ventre à terre, les mains bien en vue et écartées de son corps.

D’autres silhouettes entrèrent dans la pièce :

- ANGELIQUE ! TU VAS BIEN ?
- Vincent !! Mon dieu Vincent !!!
- C’EST BON, C’EST ELLE, C’EST L’OTAGE, cria Vincent au gendarme.

Il s’agenouilla auprès d’elle, l’aida à se redresser, la prit dans ses bras et la serra très fort.

- Tu n’as rien ?
- Non, dit-elle en larmes sur l’épaule de Vincent.
- Bon sang, je n’aurais jamais cru un jour serrer ma lieutenante dans mes bras, et chialer avec elle. Tu nous as fait peur. Vous avez une couverture pour elle ? dit-il aux gendarmes qui s’affairaient maintenant autour du cadavre de Kowalski.
- J’ai eu si peur… Il était terrible. Il me terrifiait même. Mais pire que ça, à un moment, j’ai cru que j’allais plonger et entrer dans son jeu, que j’allais finir par l’écouter. Je commençais à être fascinée par lui. Son regard, sa voix, il est, enfin il était, ensorcelant. J’ai faillis craquer plein de fois. Je voulais rester forte, distante. Je suis épuisée Vincent !

Elle se remit à pleurer :

- J’étais au bord du précipice, un pied dans le vide. Je résistais, mais il était en train de me faire basculer. Je me disais que vous alliez arriver, je me raccrochais à ça. C’était mon dernier espoir.
- Remets-toi, c’est terminé maintenant. Il a le crâne explosé Kowalski. Bon sang Angélique, la trouille qu’on a eu. Tu n’es pas blessée ? Il ne t’a pas touchée ?
- Non, il m’a e, mais il ne m’a pas touchée. Et Leïla ? J’ai eu juste le temps de la voir tomber avant de perdre connaissance.
- Elle n’a pas grand-chose, la balle l’a touchée à l’épaule. La clavicule a été effleurée, mais elle n’a pas trop morflé. C’est douloureux, mais elle va s’en remettre assez vite, sans séquelles. Peut-être quelques rhumatismes quand elle sera vieille. Par contre, elle est là dehors. On a dû l’empêcher de participer à l’assaut avec son bras en écharpe. Thierry aussi est là avec un fusil à pompe. Tu imagines ? Lui qui ne sort jamais de derrière son ordi. Il est avec le deuxième groupe qui est resté en couverture et qui bloque toutes les issues au cas où Kowalski aurait réussi à échapper à notre groupe. Pour Leïla, j’ai dû m’énerver et lui donner l’ordre de rester tranquille. Je lui ai dit qu’en ton absence, le chef de groupe c’était moi et qu’elle devait m’obéir. Et au fait, la capitaine aussi est dehors. Même Duchemin est là.
- Si Duchemin est là, je suis rassurée …

Angélique se mit à rire, la tête toujours appuyée sur l’épaule de Vincent. Ses larmes se tarissaient doucement.

- Putain, tu nous as fait peur Angélique. Ne nous refais plus jamais un coup comme ça ! Promis ?
- Promis. C’est trop bon de vous retrouver.

Vincent l’aida à se relever, posa la couverture sur ses épaules et la soutenant, l’entraina vers la sortie :

- Au fait, vous m’avez retrouvée comment ?
- Seul notre motard a pu vous suivre après l’enlèvement. On vous a perdu après que le motard a été percuté. Mais un hélico est arrivé sur place. Il a pu filer le véhicule de Kowalski le temps qu’on puisse prendre des voitures pour tenter de le rattr. Il a pu le suivre loin hors de Colmar, mais nous on ne l’a pas rattrapé. Il avait trop d’avance.
L’hélico l’a perdu aussi, une fois qu’il a pénétré dans la forêt. Trop de végétation, trop touffu.
L’hélico a continué à tourner pour vérifier si la Clio ne sortait pas de la forêt. Ça n’a pas été le cas. On savait donc que tu étais quelque part dans cette forêt de plusieurs hectares. On a tout ratissé avant de trouver ce chalet abandonné, qui servait il y a longtemps de relais de chasse, bien plus tard dans la nuit. La Clio garée sous un arbre nous a permis de nous assurer que c’était le bon endroit. Il nous a fallu plusieurs heures pour ça. Le GIGN est arrivé vers trois heures du matin. Avec leurs lunettes de vision thermique, ils ont repéré deux traces de chaleur distinctes. On a donc su que tu étais là, avec Kowalski et encore en vie. Le GIGN a voulu attendre l’aube, qui n’allait pas tarder pour intervenir. Il y a cinq minutes, leur tireur d’élite a eu un angle de tir… Et voilà toute l’histoire. Mais bon sang que ça a été long d’attendre, en sachant que tu étais à l’intérieur à la merci de ce malade. Bon, ils suivaient tous vos mouvements avec leurs lunettes thermiques, mais quand même.

Jetant un dernier regard sur le corps de Kowalski, Angélique dit à Vincent :

- Il était complètement fou. Mais d’une intelligence pas possible. Une force et un ascendant hors du commun aussi. Il savait être persuasif. J’ai essayé de lui tenir tête, sans le braquer bien sûr... Mais à un moment, j’ai vraiment cru que j’allais basculer et me mettre à croire ce qu’il racontait. Il était terrifiant, je te jure.
- Viens, oublie ce gugusse. Ça va être long et dur. Tu vas devoir te faire aider. Nous on est là déjà ma grande, Leïla, Thierry et moi...
Lui est au sol, mort une balle dans la tête et toi tu es debout et vivante. Donc tu es plus forte que lui.
Bon, je te connais, dans un mois, tu seras revenue au boulot. On va t’avoir dans les jambes à nouveau !
- Un mois ? Tu rigoles. Je me repose une semaine, pas plus …Et puis tes blagues douteuses vont trop me manquer !
- Mais bien sûr… Tiens en parlant de gens prêts à t’aider, regarde qui est là !
- Thierry, Leïla, c’est trop bon de vous revoir. Et Duchemin … Mon capitaine, désolée, je vais avoir du mal à faire le salut réglementaire !



FIN.

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