Clorinde, Ma Colocataire (21)

On a frappé.
J’ai jeté un coup d’œil sur le réveil. Huit heures. Qui ça pouvait bien être ?
On a insisté.
– Clorinde…
– Quoi ?
Elle était couchée sur le flanc, couette rabattue jusqu’au pied du lit, vêtue en tout et
pour tout d’une petite culotte blanche.
– On frappe.
– Ben, allez ouvrir ! Qu’est-ce vous attendez ?
D’une voix empâtée.
C’était un type en peignoir bleu, la serviette de bains sur l’épaule, la trousse de
toilette à la main.
– Excusez-moi ! Je suis le voisin à gauche. Elle est pas là la jeune femme ?
J’ai chuchoté.
– Elle dort.
Il a chuchoté aussi.
– Non, parce que je l’ai vue hier. Et elle m’a proposé de venir me laver si je voulais.
Comme ma douche est en panne.
– Ben, allez-y ! Mais faites pas de bruit. La réveillez pas !
Un doigt sur les lèvres, il m’a fait signe que oui… Oui… Bien sûr.
Elle n’avait pas changé de position.
Il a tiré sur lui la porte de la salle de bains. L’eau a giclé.

Je suis allé la rejoindre.
– Il m’a regardée ? En passant. Il m’a regardée ?
– Ah, ben ça !
– Appuyé ?
– Encore assez. Mais pas trop quand même. Parce que j’étais là, mais sinon…
– Et si ça se trouve, il est en train de se branler comme un furieux, là, à côté, en
pensant à ce qu’il vient de voir.
– Possible, oui.
– Plus que probable, vous voulez dire. Et même, quasiment certain. J’aime bien. Comment
elle est sa queue, vous croyez ?
– Qu’est-ce que tu veux que j’en sache ?
– Ben, allez voir ! Trouvez un prétexte, je sais pas, moi !
– Que je…
Elle a éclaté de rire.
– Vous verriez votre tête ! Vous êtes vraiment trop drôle.
Elle s’est levée.
– Bon, mais que je m’habille quand même ! Avant qu’il sorte. Qu’il aille pas s’imaginer
des trucs. Parce que tout à l’heure j’étais censée dormir, mais maintenant…
– Tu m’en avais pas parlé de ce type…
– Entre la Mégane de la pétanque, son mari, Alexandra, et tout et tout, ça m’était
complètement sorti de la tête.

Oh, mais c’est tout bête, hein ! On s’est trouvés en même
temps sur le palier. Il sortait de chez lui. Je rentrais. On a un peu discuté. Il m’a dit
qu’il était embêté parce que sa douche marchait plus, que le plombier était débordé,
qu’il allait venir, oui, mais quand ? Je lui ai proposé d’utiliser la mienne, du coup, en
attendant. Et puis voilà !
Elle a boutonné son pantalon.
– Cela étant, que sa douche soit HS, je suis loin d’en être convaincue, mais bon…

Il a fait sa réapparition.
– Hou ! Ça fait du bien…
Elle lui a proposé un café.
– Non, merci. Désolé. Faut que j’y aille. Je suis déjà à la bourre. Une autre fois…
– En tout cas, hésitez pas, hein ! Revenez quand vous voulez.
– Oui. Merci. C’est gentil. C’est très gentil.

* *
*

C’est Clorinde qui a fait faire à Alexandra le tour du propriétaire.
– Je peux ?
– Bien sûr…
– Alors là, c’est le séjour… Regarde-moi ça ! Non, mais regarde-moi ça ! Et puis alors la
vue !
Qu’elle ne lui a pas laissé le temps de contempler. Elle l’a entraînée dans la cuisine.
– Tu te mets aux fourneaux par plaisir dans un truc pareil. Des heures t’y passerais !
Puis dans sa chambre.
– Une vraie salle de bal, t’as vu ça ! Et le lit ! Il est d’un moelleux !
Ce qu’elle lui a fait vérifier. Poing fermé.
– Cela étant, j’y suis pas souvent. C’est plutôt avec lui que je dors. À côté.
Où elle l’a entraînée.
– Et v’là le travail ! Avoue que j’ai pas à me plaindre…
Un petit tour dans la salle de bains.
– Baignoire avec remous, s’il vous plaît…
Elle l’a fait redescendre.
– Et maintenant la cerise sur le gâteau. Par là ! Non, à droite. Là ! Tu y es.
Devant la piscine.
– Hou ! La vache !
– Oui, hein ! Et il y a pas de vis-à-vis. L’été complètement à poil on se baigne. Pas de
marques de maillot comme ça. Tu pourras venir si tu veux.


On est passés à table.
– Alors ? Qu’est-ce t’en dis ?
Elle en disait que… Que c’était bien… Que c’était même très bien.
– Oui, hein ! Oh, mais je sais ce que tu penses. T’y crois pas une seule seconde qu’on
couche pas.
Alexandra a fait mine de protester.
– Mais si ! Bien sûr que si que c’est ce que tu penses ! C’est trop le schéma classique,
attends ! La petite étudiante sans le sou avec le quinquagénaire bourré de thunes. Qui
l’entretient. Qui lui offre tout ce qu’elle veut. En contrepartie de quoi elle écarte les
cuisses. C’est ce que tout le monde s’imagine. ment. Eh ben, c’est pas ça du tout.
Bien sûr qu’on en a des moments érotiques. Souvent. Et intenses. À notre façon à nous.
Mais on couche pas. Non, non et non. Ça gâcherait tout. Et on se perdrait.
C’était pas vraiment qu’elle y croyait pas, Alexandra. C’était…
– Qu’il y a pas grand-monde qu’est capable de ça. Alors que presque tout le monde en
rêve. Et, du coup, on préfère se persuader que c’est pas possible. On n’a pas envie de se
dire qu’il y en a qui y arrivent.

Dans la foulée, Clorinde a évoqué ses mecs.
– Et il y en a eu ! Mais bof ! Ça cassait pas trois pattes à un canard. J’en ai fait le
tour. C’est toujours à peu près pareil finalement, hein ! Avant tu t’imagines des tas de
trucs, mais une fois que t’es avec, le type ! Alors je cherche plus. C’est trop décevant.
Et puis je suis bien comme je suis. Un petit coup vite fait, comme ça, à la rigueur, si
l’occasion se présente, mais ça s’arrête là. Et toi ?

Elle a hésité.
– Oh, moi !
Haussé les épaules.
– J’ai quelqu’un, oui, mais qu’est marié.
– Et t’espères que…
– Qu’il quitte sa femme ? Non. De toute façon je suis pas sûre qu’au quotidien avec lui…
Alors je prends les bons moments. Sans trop me poser de questions.

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