Crise De Morale Et Folle Passion (Suite De La Saga De Claire).

Je tarde à m’endormir. Mon corps est cassé mais un tourbillon d’émotions me submerge.
Catherine reste près de moi cette nuit. Elle essaie de me calmer. Elle essuie mes larmes, me réconforte. Elle m’embrasse tendrement en m’appelant sa petite chérie.
Je suis en plein paradoxe. J’ai envie de la pousser et de lui hurler de s’en aller, mais j’ai aussi envie de la serrer plus fort contre moi et par moment je lui rends passionnément ses baisers. Je crois que j’ai de la fièvre. Mon corps brûle ; mon esprit s’enfièvre lui aussi.
Je ne me reconnais plus. Suis-je toujours Claire ? La fille qui courrait dans les prés et les champs de blé étant a-t-elle disparu à jamais ? Son innocence brisée. Mes parents ne pourraient pas la reconnaître aujourd’hui. J’en suis sûre. Elle-même ne se reconnait pas. Et Cédric ? Qu’est-il devenu ? Nos avenirs qui semblaient liés à jamais ? Tout s’est effondré si vite. Une simple erreur peut-elle tout détruire ? Définitivement ?
Mais était-ce une erreur ?
Je ne sais pas, je ne sais plus. Qu’ai-je jamais su ?
Peut-être étais-je aveuglée par ce que l’on attendait de moi ? Les valeurs que je partageais étaient-elles les miennes ou était-ce une usurpation ?
Mes souvenirs me font mal ; presque autant que ce que je viens de vivre. Mon être est en lutte avec lui-même. Il se déchire constamment. Puis, tout semble fini. Mes blessures sont cicatrisées et je me sens bien, heureuse de partager mon lit avec Catherine. Ça ne dure pas et tout recommence. J’ai mal.

A mon réveil, Catherine n’est plus là. Je suis seule.
Il est tôt. Le jour se lève à peine.
J’enfile mes vêtements et je descends.
Quand je passe au troisième, je croise Olivia. Elle sort d’une chambre en petite tenue.
Elle a donc dormi ici ? Je croyais qu’elle venait simplement pour le ménage.
Elle me salue en baissant la tête avant de se rendre aux toilettes.

Dans la cuisine, il n’y a personne d’autre que Catherine.


- J’ai donné congé à Joachim et Francis dit-elle. Nous ne serons que les deux aujourd’hui. L’hôtel et le restaurant sont fermés, ajoute-t-elle le plus naturellement du monde.
- Olivia. Elle est là, bredouille-je.
- Oui, c’est vrai ! Je l’avais oubliée. Ne t’en soucie pas. Elle sait où est sa place et ce qu’elle a à faire. Tu as beaucoup pleuré cette nuit. Je te pensais plus forte, dit-elle assez durement.
J’ai de la peine à croire que ces paroles sortent de sa bouche. Je reste muette de surprise.
- Ne fais pas ta mijaurée. Ça n’avait pas l’air de te déplaire hier soir.
- Mais, non, ce n’est pas…
- Arrête, ne cherche pas d’excuses. Tu te mens à toi-même. Il faut que tu acceptes tes désirs. Arrête d’avoir honte. Accepte qui tu es vraiment.
Je ne réponds rien. Elle trouve les mots pour répondre à mes questions. Comment fait-elle pour lire en moi de la sorte ? Mais… les réponses sont-elles vraiment les bonnes ?
- Allez, ne fais pas cette tête. Viens vers moi.
Je m’approche d’elle, tête baissée. Elle me la relève, une main sous le menton. Elle me sourit puis m’embrasse. J’accepte d’abord son baiser passivement, puis je lie ma langue à la sienne et notre étreinte se fait plus passionnée.

Catherine me propose une marche assez sportive. Nous partons dans la matinée et ne reviendrons qu’en fin de journée. Elle veut que nous gravissions le pic du loup, d’une altitude de 2600 mètres. Je n’ai pas l’habitude de ce genre de marche.
L’effort est intense mais me fait du bien. Il vide ma tête et je sens de la joie me remplir le cœur.
Nous nous arrêtons au sommet pour un rapide pic-nic. Quelques plaques de neige éparses couvrent les pentes abruptes.
- Nous avons de la chance dit Catherine. Le temps est exceptionnellement doux cette année. D’habitude la neige nous aurait empêchées de monter jusqu’ici.
La vue est splendide. Je me sens libre à nouveau et mes soucis semblent s’envoler.

Nous redescendons pour arriver comme prévu à la nuit tombante.
Je suis épuisée et je m’endors comme une masse après un rapide diner en tête à tête avec Catherine.

Les jours qui suivent sont calmes. Quelques clients, toujours des habitués. La plupart louent une chambre pour la nuit. Je les vois rarement repartir le lendemain matin.
Contrairement à ce qu’elle m’avait promis, Catherine ne m’explique rien.
- Ecoute Claire ! Tu veux en savoir plus, c’est bien légitime. Je te comprends. Ce soir, tu pourrais tout découvrir si tu le veux. Mais je ne suis pas sûre que tu sois prête.
Cette phrase terrifiante exacerbe ma curiosité. Elle ajoute :
- As-tu réfléchi à ce que je t’ai dit ? Es-tu heureuse ici avec moi ?
- Avec toi, oui. Mais…
- Laisse-toi vivre Claire ! Arrête de penser. Tu penses trop. Affranchis-toi de ta prison.
Sa réflexion me replonge dans ce paradoxe infernal qui déchire mon âme et mon corps.
Je reste coite quelques minutes, plongée dans mes pensées. Elle me laisse face à mes incohérences, habitée de pulsions et de morale. Puis, je m’entends répondre :
- D’accord, je veux savoir.
- Tu en es bien sûre. Tu ne pourras plus revenir en arrière ?
- Je… Oui.
- Très bien. Tu me fais plaisir, tu sais. Je te donne congé jusqu’à ce soir. A vingt-et-une heure, viens ici ! Sois belle et sexy.
Elle me congédie d’un geste de la main.
Je décide d’aller me promener vers la rivière, en contrebas de l’hôtel. Il fait plus frais aujourd’hui et le soleil n’est pas de la partie.
Je marche longtemps, sans profiter du paysage. Mon esprit est ailleurs. Il vagabonde dans mes souvenirs et se créé des scénarios rocambolesques.
J’ai le sentiment que ma soirée de la semaine passée avec ces six hommes n’était qu’un aperçu de ce qu’il se passera ce soir. Mon esprit me dicte de fuir. C’est le dernier moment. Je n’ai qu’à rentrer à l’hôtel, prendre mes affaires et disparaître.

Seulement, rien ne m’attend, nulle part. Je n’ai aucune envie.
Mes seuls désirs se trouvent ici. Ils sont mêlés de peur et d’angoisse mais ils m’attirent inexorablement vers cette soirée.
J’essaie de faire ce que Catherine m’a recommandée ; me laisser vivre sans me poser de questions. Accepter le moment présent et en profiter, tel qu’il vient.
C’est trop facile pour être véritablement vécu. Je me toute la journée et je sais que j’ai tort de rester. Je vais sûrement le regretter.

Je me retrouve devant l’hôtel, transie. Je monte dans ma chambre, file prendre une douche et descends manger un morceau à la cuisine. Il est déjà dix-neuf heures.
- Bonjour Joachim ! Tu vas bien ?
- Ah ! Salut Claire. On fait aller. Et toi ?
- Moi aussi. Tu n’aurais pas un truc à grignoter ?
- J’ai des cuisses de canard à l’orange et au gingembre si ça te tente.
- C’est parfait !
Il me sert sur la petite table, dans le coin de la cuisine. Il est seul ce soir. Francis est absent cette semaine. J’ose lui demander :
- Tu sais ce qui se prépare ce soir ?
- Comment ? Ah ! Oui, et toi ? Tu vas aussi y participer ?
Il me dit ça d’un air hésitant. Le ton de sa voix ne me plait pas ; son regard non plus. Il s’en rend compte et se retourne vers ses fourneaux.
- Qu’est ce qui va se passer Joachim ?
- Je ne peux pas t’en dire plus. Demande à Catherine. Mais tu verras, on s’amuse bien.
Je me lève pour remonter dans ma chambre. Il me reste une heure à attendre.
En traversant le restaurant, je constate que trois clients sont installés au bar. Je n’y prête guère plus attention et monte les escaliers en vitesse.

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