Caroline, La Bourgeoise Abandonnée (1)

Mardi 18 juin.
Le chant d’un passereau posé sur la fenêtre de votre chambre vous tire arrache aux bras de Morphée. Un rayon de soleil éclaire d’un rai de lumière votre visage ensommeillé. Une bourrasque de vent frais s’engouffre par la fenêtre entrouverte et fait danser le fin tissu du rideau qui vous cache à la ville grondante et fumante. Le printemps est enfin là.
Vous jetez un regard endormi vers le réveil qui trône sur votre table de nuit à côté de l’exemplaire à la couverture jaunie de Belle du Seigneur et vous vous redressez en sursaut : 7h59.
— Merde, les s !
Vous vous levez en vitesse, sautez dans la jupe noire qui traînait sur votre chaise et attz à l’aveugle un soutien-gorge dans l’armoire. Vous prenez un chemisier blanc que vous boutonnez en toute hâte en descendant les escaliers pour entrer dans la chambre des s.
— Debout, c’est l’heure, vous allez être en retard à l’école !

Après avoir déposé vos s à l’école, vous rejoignez, comme à votre habitude, vos deux amies, Marie et Sophie, au café du quartier. Claire vous fait remarquer que vous avez boutonné votre chemise à l’envers et vous interroge sur les raisons de cet accoutrement.
— Qu’est-ce que tu as fait encore cette nuit ? Des folies avec ton mari ?
— Arrête, répondez-vous. Tu sais bien qu’avec lui, c’est toujours parfaitement orchestré, réglé à la minute et complètement prévisible. Il n’y a pas de « folies », comme tu dis. Et c’est bien mieux comme ça.
La curiosité de vos amies est satisfaite. Balayant la salle du regard, vous vous attardez sur un jeune homme qui attire votre curiosité. Il vous fixe du regard. Il doit avoir environs vingt-cinq ans, mesure dans les 1m80 et porte une chemise blanche à rayures bleu ciel, une veste de costume d’un bleu nuit et un pantalon assorti. Il vous sourit, sort de la poche de sa veste une paire de lunettes rondes, et commence à écrire sur un petit carnet à la reliure de cuir.


Rapidement, la conversation de vos amies échappe à votre attention et vous laissez votre esprit vagabonder à des pensées lubriques. Ces derniers temps, vous vous rendez compte que vos pensées dévient souvent vers l’érotisme et vous prenez plaisir à contempler les hommes qui vous entourent. Vous ne pouvez-vous empêcher de jeter des regards vers cet inconnu absorbé par son écriture qui tourne de temps à autre un regard vers vous. Au bout d’une dizaine de minutes, Sophie vous tire de vos rêveries charnelles.
— Caroline… Caroline tu m’entends ? Tu rêves ou quoi ?
Émergeant de votre stupeur, vous prétextez vouloir aller régler pour pouvoir le voir de plus près. Le bruit de vos talons sur le parquet du café lui fait lever le regard de son calepin. Vos regards se croisent et le sien se perd dans vos yeux verts alors qu’il vous transperce de ses yeux noisette. Il sourit à nouveau, un sourire doux, bienveillant, mais en même temps terriblement masculin et charnel que cela déclenche une réaction au plus profond de vous. Votre démarche naturellement sensuelle sans être volontaire fait se balancer vos hanches de droite et de gauche, détaillant avec grâce vos formes harmonieuses. Vous payez, plaisantez avec le serveur et appelez finalement Marie et Sophie pour qu’elles vous rejoignent. Vous sortez toutes les trois, sans un regard pour l’inconnu.

Quelques minutes après votre départ, le serveur vient me voir.
— Elle s’appelle Caroline. Me dit-il. Je t’ai vu la regarder, ajoute-il avec un clin d’œil. Mais c’est peine perdue. Caroline, jamais tu ne pourras l’approcher. C’est une sainte, cette fille, personne à ma connaissance n’est parvenu à la baiser. Et pourtant, qu’est-ce qu’elle est bonne ! Elle me fait bander derrière mon bar, tous les matins.
En quelques mots, le serveur me renseigne sur votre emploi du temps. Il est drôle et sympathique, et me dit qu’il ne souhaite qu’une chose, c’est de vous voir comblée, car il a un petit faible pour vous.
Il me conseille de me rendre à la piscine du quartier, car il sait que vous y faites vos longueurs tous les mardis après-midi, et justement, on est mardi.
Je le remercie, avale mon café d’un trait, range mon petit carnet littéraire et mes lunettes, et sort du café, sous les chauds rayons du soleil.

15h30. J’entre dans la piscine, ma serviette de bain sur l’épaule. Aussitôt, je vous remarque, assise au bord du grand bassin, regardant les hommes qui passent devant vous. Jeunes, vieux, grands, petits, musclés ou maigres, cela vous importe peu, mais le ballet incessant de ces corps masculins vous excite quelque peu, et le clapot de l’eau contre votre intimité ajoute à ce sentiment intérieur. Vous me remarquez aussitôt et croyez reconnaitre le jeune homme du café de ce matin. Mes abdominaux ne sont pas saillants, mais l’entrainement effréné que je me suis astreint tout au long du printemps m’ont fait perdre le léger embonpoint que j’avais acquis pendant l’hiver. Les heures de piscine ont développé mes épaules qui sont larges et puissantes, et mes pectoraux sont durs. La fraicheur de l’air conditionné fait s’ériger mes deux tétons. Je passe devant vous pour me rendre au bout de la ligne d’eau et commencer mes longueurs. Vous attardez votre regard sur mon dos dont les muscles roulent les uns sur les autres à chacun de mes pas. Mes fesses sont fermes et musclées, et leur rondeur vous fait vous mordre machinalement la lèvre inférieure à la pensée de les caresser de vos mains. J’arrive au bout de la ligne d’eau, prends mon élan et plonge dans la piscine, propulsant autour de moi une gerbe d’éclaboussures.

C’est la fin de votre pause, à vous aussi, et vous attz une planche pour commencer vos longueurs de jambes. Vous aimez votre corps, et portez une attention particulière à vos fesses, que vous prenez soin d’entretenir, car, même si vous ne l’avez jamais dit à qui que ce soit, vous adorez le regard des hommes sur vous, ici, à la piscine, ou lorsque vous marchez dans la rue.
Vous vous engagez dans la même ligne d’eau que moi. En crawl, je suis plus rapide que vous, et vous ratt régulièrement, mais je ne peux pas m’empêcher de rester à chaque fois quelques secondes dans votre sillage avant de vous dépasser afin d’apprécier le spectacle de votre corps sublime. Le balancement régulier de vos jambes fait danser vos fesses de façon si sensuelles que je ne peux pas m’empêcher de bander dans mon boxer, qui semble devenir plus étroit à chaque longueur que je fais. Une vingtaine de minutes plus tard, vous sortez de l’eau, satisfaite de votre séance hebdomadaire. Arrivant en bout de ligne d’eau, je ne peux pas m’empêcher de faire une pause afin de vous contempler. Votre peau luisante est recouverte de milliers de gouttelettes d’eau qui perlent sur vos bras et vos jambes. Vos deux seins pointent légèrement sous le fin tissu de votre monokini. Vous attz votre sac et votre serviette de bain et allez vous allonger sur la pelouse pour prendre le soleil.

Une dizaine de minutes plus tard, je sors de l’eau à mon tour. Les pensées qui m’ont traversé l’esprit quelques minutes plus tôt ont continué de me r si bien que je n’arrivais même plus à me nager et manquant de boire la tasse à chaque nouvelle longueur. D’ailleurs, en me voyant monter à l’échelle, vous remarquez la bosse que fait toujours mon sexe sous mon boxer. Contrairement à mon habitude, je ne me dirige pas directement vers les douches mais décide de prendre moi aussi un bain de soleil. Trouvant une place libre à côté de votre serviette, je décide de m’y installer. Vous êtes plongée dans la lecture de votre livre et ne faites pas attention à moi. D’un naturel timide, je n’ai pas l’habitude d’aborder des femmes dans la rue, et encore moins dans une piscine, mais quelque chose en vous m’attire et m’intrigue, alors, je décide d’entamer la conversation.
— Qu’est-ce que vous lisez ?
— Ulysse, de Joyce, me répondez-vous, levant les yeux vers mois.
Vous êtes partagée entre l’envie de poursuivre votre lecture, et la curiosité de discuter avec cet inconnu qui ne vous rend pas indifférente.
Vous cédez finalement à la tentation de me questionner.
— L’avez-vous lu ?
— Oui, c’est un chef d’œuvre, bien que certains passages soient des plus…indiscrets.
Je choisis mes mots avec précaution, ne voulant pas vous offenser ni faire offense à votre pudeur. Saisissant la perche que je vous tends, vous vous enfoncez dans la brèche.
— Indiscrets ? Qu’entendez-vous par là ? Que pensez-vous du personnage de Molly Bloom ?
— C’est ma préférée, dis-je. Joyce a réussi, dans son roman, à parfaire l’image de la femme et à délier les ambiguïtés de la fidélité. Molly, bien que femme aimante, est une femme avant tout, et le départ de son mari, couplé au fait qu’il ne la touche plus depuis trop longtemps, est un véritable supplice pour elle, alors, comme la plupart des femmes qui se sentent délaissées, elle décide de laisser libre cours à ses pensées et à ses pulsions. C’est très intéressant, et cela donne beaucoup à réfléchir…

Oui, décidément, cela donne à réfléchir, et ce jeune inconnu vient justement de pointer toute l’ambiguïté de la situation dans laquelle vous vous trouvez actuellement. Deux femmes se combattent avec rage et vigueur, d’une part, la Pénélope aimante et fidèle, qui tisse la toile de sa vie en attendant le retour de son mari, et de l’autre, Molly Bloom, qui mets ses propres pulsions et ses propres désirs au-dessus des normes de la société bien-pensante. Ce jeune homme, au regard doux et malicieux, vient de vous mettre à nu en à peine quelques phrases, et vous attz machinalement votre serviette pour vous couvrir.

Alors, Caroline, qu’allez-vous faire ?

Comments:

No comments!

Please sign up or log in to post a comment!