Quand Tout Se Met À Trembler (Partie 1)

J’avais 10 ans environ lorsque je me suis rendu compte que les garçons m’attiraient, alors que les filles me laissaient de marbre. Je l’ai découvert en écoutant un des ces nombreux films américains. On y voyait comme tous films qui se déroulent dans le milieu universitaire, des scènes de douches du vestiaire des gars après une partie de football.

La vue de leurs pectoraux, de leurs abdominaux en six packs, leurs bras musclés, leurs cuisses dures comme l’acier et surtout leurs belles petites fesses rebondies, ont réveillés en moi, une sensation étrange de bien-être jamais ressentie auparavant. Bien sûr à 10 ans j’ignorais totalement qu’il s’agissait de désir homosexuel. Dans ma tête, l’envie de me retrouver dans ce vestiaire avec eux était tout de ce qu’il y a de plus normal. À cet âge, je ne connaissais évidemment rien aux actes sexuels entre hommes. J’ignorais qu’il puisse y avoir de l’amour entre eux. Certes, j’avais déjà entendu dire que des gars couchaient ensemble, mais c’était des histoires de cour d’école, personne ne savait réellement la vérité. Mais tous connaissaient les termes de tapette, fifi, fag, sans savoir d’où venaient réellement ces mots. Nous avions tous bien sûr plaisir à apposer ces épitaphes aux moins courageux.

Comme de raison, j’ai fait comme si de rien était face à ses émotions. Si tous mes amis étaient en excitation et bavaient par terre devant les filles de Playboy, aussi bien faire croire que moi aussi elles m’excitaient. Déjà je me sentais différent des autres, bien avant l’éveil réel de ma sexualité.

Cet éveil justement, comme la plupart des garçons, s’est fait vers douze ans. J’étais déjà conscient d’une certaine attirance vers les garçons. En plus de vouloir me retrouver dans les douches des collèges des films américains, il y avait d’autres indices. Une nuit lors d’un rêve, en plus de vivre mon premier rêve érotique avec éjaculation nocturne, communément appelé un wet dream.

J’en étais bien faire, mais en même temps un peu honteux. C’est des beaux garçons très sexys que j’avais rêvés, pas de la fille des pages centrales du Playboy. Donc moi, Antoine L, douze ans, petit Acadien de Bathurst au Nouveau-Brunswick, je commençais ma vie de jeune homme. En même temps, je débutais la lot de biens des jeunes gays, celle de tout faire afin que son jardin secret ne soit pas découvert, une vie où faire de vraies confidences n’existe pas réellement.

Même si j’adorais mes amis plus que tout au monde, jamais au grand jamais je me sentais assez brave pour leur révéler mon secret. Je ne voulais pas perdre l’amitié de mes deux meilleurs amis. Mon grand ami d’enfance, Martin R. et ma meilleure amie depuis la septième année, Océane . étaient trop précieux pour que je veuille prendre la chance de les perdre pour une question de désirs sexuels. Mais je me sentais croche face à eux, je ne me sentais pas honnête, j’avais carrément l’impression de leur mentir, des les trahir. J’avais déjà une piètre estime de moi-même, la situation n’améliorait pas mon cas.

Jusqu’à l’âge de seize ans, jamais je n’ai parlé à qui que se soit de ce qui préoccupait le gros de mes pensées, ni fait quoi que se soit pour essayer de vivre mes désirs sexuels. J’en avais trop honte, je me sentais sale. L’éducation plutôt catholique qui m’a été inculqué, ajoutée à la mentalité des gens d’une petite ville comme Bathurst, où à peu près tout le monde se connaît, faisaient en sorte que je préférais me terrer. Je ne voulais pas vivre de discrimination. J’en avais lourd sur mes épaules. Et c’est justement à seize ans que tout a basculé, tout a changé.

« BIP, BIP, BIP, BIP, BIP, BIP »

- Fuck... déjà l’heure de se lever…

Même si chaque levé du lit est difficile, celui du matin de la rentrée scolaire l’est encore plus. Que je déteste ce bruit qui réveille si mal. L’être qui a inventé cet objet méritait une mort atroce… j’espère qu’il a été écartelé, fouetté et ensuite pendu! Tant bien que mal, je sors de sous mes draps et je me dirige avec un air de zombi, vers la douche.
Je demeure un bon quinze minutes sous la douche. J’en ressors, j’enfile ma robe de chambre et retourne vers ma chambre pour m’y habiller.

Je fais preuve de minutie dans mon choix, la rentrée… on doit bien paraître! Je prends un jeans délavé bleu, un t-shirt noir avec le logo de Green Day, mon groupe favori à l’époque. Je me regarde dans le miroir accroché au-dessus de ma commode. J’y vois mes yeux verts, petits à cause de la fatigue matinale, mes cheveux noirs qui tombent sur mes épaules et mes muscles qui commencent à se développer à force de faire un peu de natation et de jogging. Je plais bien aux filles, mais je passe comme j’ai dit précédemment, pour le bon gars qui se préserve pour la bonne personne. Je ne mentais pas totalement. Je ne mentais pas totalement, car cette personne, je la voulais de sexe masculin… manquait que le courage!

Après m’être habillé, je me dirige vers la cuisine, et je me prépare à déjeuner en faisant le moins de bruit possible. Mes parents, Mario et Linda, dorment encore, ne travaillant qu’un peu plus tard. Pendant que mes toasts grillent dans le toaster, je vais chercher L’Acadie Nouvelle, le journal quotidien de mon coin de pays, à la porte, et le dépose sur la table de la salle à manger. Je retourne vers mes rôties, et étend une portion de beurre d’arachides sur celles-ci. Je feuillette le journal tout en mangeant.

Après mon déjeuner, je vais brosser mes dents, je vais ensuite souhaiter bonne journée à mes parents qui sont en train de se lever. J’enfile mes souliers, et je sors de la maison pour commencer cette nouvelle année scolaire. Comme par les années passées, mes ais Océane et Martin, on se rejoint au Tim Hortons pour se chercher un café, avant de prendre l’autobus pour se rendre à l’École Secondaire Nepisiguit, l’école secondaire pour la région Chaleur. Comme à chaque année, en entrant dans l’école, c’est le brouhaha dans les couloirs. Les amis se retrouvent, les professeurs sa racontent leurs vacances, l’ambiance est relativement joyeuse.


Comme c’est la seule école secondaire francophone du coin, c’est elle qui accueille les plus jeunes joueurs du Titan d’Acadie-Bathurst, de la Ligue de Hockey Junior Majeur du Québec. Ils sont toujours populaires auprès de la gente féminine. D’ailleurs un de ceux-ci, Julien Roy rejoint mon amie Océane. C’est sans doute le seul joueur que je suis capable d’endurer. Généralement ils sont prétentieux, arrogants et immatures.

- Salut Océane, dit Julien.
- Salut Julien, je me suis ennuyé de toi! Le voyage pour la game à Charlottetown contre le Rocket a bien été?
- Oui, mais il aurait été encore mieux si tu avais été là!

Ils s’échangèrent un baiser sur ces paroles dignes d’un roman Harlequin. Martin et moi étant habitué à les voir se minauder, faisions souvent des blagues du style « je vais vomir… » en les voyant faire.

Ce fût aussi l’occasion pour moi de croiser mon grand frère Michaël, mon aîné de deux ans. Nous ne sous sommes pas vu depuis deux jours, ce dernier ayant dormi chez sa blonde Karine. On s’apprécie bien, on a toujours eu beaucoup eu beaucoup de plaisir ensemble. Nos disputes ne duraient jamais très longtemps.

Nous avons aussi un autre frère, Frédéric, 21 ans, et qui est gérant chez Sobeys, un supermarché dans notre ville. Il demeure en appartement à Bathurst. Les trois avons toujours un immense plaisir à se voir autour d’un feu de camp sur la plage, avec quelques bières et joints et des saucisses grillées sur le feu évidemment. Ce sont des moments précieux pour nous.

Mais je m’égare, revenons sous le toit de mon école. La première cloche retentit et notre quatuor se sépare, se dirigeant chacun vers leurs cours, Océane en anglais, Julien et Martin en mathématiques et moi, en chimie. On pourrait faire mieux comme premier cour… chimie. Je prends quand même place dans la salle de cours. Quelques secondes avant que la deuxième cloche annonçant le début des cours retentisse, un gars magnifique, plus beau que tous les gars que j’ai jamais vu a fait son entrée dans la salle.
Il s’est placé à côté de moi. Ma queue s’est éveillée en le voyant. Il était assez grand, bien découpé, des épaules larges, des pectoraux qui se voyaient très bien sous son chandail. Il avait de magnifiques yeux noirs et des cheveux rasés très courts de couleur noirs. Bref j’étais un petit peu en train de baver.

Madame P., la professeur de chimie, nous a préparé une partie de plaisir pour ce premier cours, un travail d’équipe pour émettre des hypothèses sur un problème, avec les connaissances que l’on a déjà. Immédiatement, mon voisin de table, le gars pétard que j’ai jamais vu auparavant m’a demandé de travailler avec lui.

- Ça te tentes-tu de travailler avec moi? Je suis nouveau ici et je ne connais pas réellement de monde.
- Oui ça me ferait plaisir. (Tu parles si ça me fait plaisir)
- Merci, me dit-il avec un sourire enjôleur.
- Au fait mon nom c’est Daniel S-G.
- Moi c’est Antoine L., mais il me semble que j’ai déjà vu ton nom auparavant.
- Je ne sais pas… tu dois te tromper!

En peu de temps nous avions complétés le travail de Madame P.. Nous avons donc discuté quelque peu en écrivant notre travail.

- Tu sais tout à l’heure quand tu m’as dit que tu croyais avoir déjà vu mon nom quelque part, bien… je crois que tu n’avais pas tort.
- Ok, raconte…
- Tu l’as sûrement vu dans le journal, ou entendu à la TV ou à la radio… Le Titan m’a repêché cet été en première ronde.
- No way! Tu joues pour le Titan… well…
- Tu n’aimes pas le hockey?
- Ce n’est pas tant le hockey que je n’aime pas… mais les joueurs qui sont souvent des têtes enflées… donc je ne suis pas trop le hockey, c’est pour ça que je ne m’en rappelais pas. Je m’excuse de ça là.
- Ben non! C’est correct dude! Ça fait tellement changement de ne pas me faire parler de hockey, de me faire parler de la dernière game.
- Tant qu’à ça!
- Tu n’as pas idée de comment ça devient redondant. Et là je ne te parle pas des filles qui nous tournent toujours autour… les estis de plotes à puck là... sont connes! Si elles avaient de l’allure au moins! C’est chiant de se faire achaler par des filles de même.
- Me semble… tu dois en profiter là, tu n’es sûrement pas fait en bois.
- Wow là! Non! Je te jure que je vaux mieux que ça, j’irai pas me tremper là certain!
- Ok, désolé si je t’ai insulté, mais c’est l’habitude. Les joueurs du Titan nous ont habitués à autre chose par le passé disons.
- Correct, y a pas de quoi, je te pardonne!

On a remis notre travail à Madame P. et au son de la cloche on est sorti pour la pause avant le deuxième cours. Avant de sortir je lui ai serré la main en lui disant à la prochaine. Je suis sorti de la classe un peu troublé. Daniel avait tout du gars de mes rêves, beau, sexy et sympathique. Son seul défaut, il joue au hockey.

À la pause, je me faisais discret, à la surprise d’Océane, Martin et Julien. Mais ils n’avaient pas l’air de s’en faire outre mesure. Ils ont dû croire à de la fatigue. Fort heureusement, ils ne m’ont pas questionné je me voyais mal en train de leur expliquer mon émoi du moment. Le reste de la journée se déroule assez bien, jusqu’au 4è et dernier cours, éducation physique. En entrant dans le vestiaire, je vois Daniel en discussion avec un autre joueur du Titan. Daniel interrompt sa discussion pour me serrer la main et me jaser un peu et me remercier de l’avoir aidé en chimie. Tout en jasant on s’est dirigé vers le gymnase. Pour ce premier cours, le professeur n’a fait qu’expliquer ce que nous allons faire durant cette année. Donc pas de sports, ni de douches cette semaine. En y pensant bien, c’est un soulagement. Cela aurait pu être gênant de voir Daniel nu sous la douche.

Durant les jours suivants, Daniel et moi sommes devenus amis. C’était déjà énorme pour mon petit cœur. Il s’est facilement intégré à mon groupe d’ami, et le fait que le chum d’Océane soit aussi un joueur du Titan n’y est sûrement pas étranger. Mais de plus en plus j’étais amoureux. C’était comme un poignard qui creuse une plaie de le savoir si près de moi, mais aussi loin en même temps, si inaccessible. Je découvrais peu à peu qu’à seize ans, qu’un coup de foudre et l’amour peuvent être douloureux et dur à porter. Mais par-dessus tout, je commençais à découvrir que porter le poids de mon homosexualité était très lourd à porter. Que la douleur de ces deux choses mise ensembles ne pouvait être que dommageable pour moi. Je ressentais beaucoup de peine et de colère.

Depuis deux semaines que j’avais rencontré Daniel et que mon cœur était déchiré et que mon âme se sentait perdue. J’y pense constamment. Pour me libérer de ce poids, ou du moins en partie, j’ai décidé d’en parler avec mes deux meilleurs amis, et de leur dire que je suis gay. Mais j’ai tout de même décidé de garder le silence pour mes sentiments envers Daniel.

- Ben Antoine, moi de mon bord ça ne change rien du tout, ce n’est pas réellement de mes affaires ce que tu aimes faire dans ton lit, me dit Martin.
- Même affaire pour moi, me dit Océane.
- Merci, vous ne pouvez pas savoir à quel point je suis heureux d’entendre ça. Merci du fond du coeur.
Mais bien entendu, tout ne pouvait être parfait. Julien, a été mis au courant par sa blonde. Il n’a pas été très tendre à mon égard. Il était furieux.

- Je veux rien savoir d’une petite crisse de tapette dans mon entourage!
- Je te signale que c’est mon friend pis que ça ne te regarde pas avec qui il couche!
- Si ça me regarde! C’est ma réputation qui est en eu, comprends moé donc! C’est quoi les gars de l’équipe vont dire là, que je couche avec? Va falloir que tu fasses de quoi! Il n’est pas question qu’un fif se tienne avec nous autres!
- Ha ben tabarnak! Tu veux que je fasse de quoi, ben je te câlisse là! Je ne veux tellement pus rien savoir de toé! Tu es immature, stupide, pas ouvert d’esprit. Je ne veux rien savoir d’un déchet humain… Retourne donc jouer avec tes ti-camions chez ta môman à Shédiac!
- Tu vas le regretter ma p’tite sacrament! Tu vas souffrir! Dit-il en claquant la porte.

Ainsi, Océane a laissé Julien, préférant mon amitié à l’amour de Julien. C’est à ce moment là que je me suis rendu compte que mes amis étaient beaucoup plus précieux que je le croyais. Cet événement nous a soudé très solidement tous les trois. Mais cela ne devait pas en rester là. Deux jours plus tard, lors du cours de chimie, en entrant je suis allé pour saluer Daniel, mais il m’a royalement retourné de bord et envoyer chier.

- Si tu penses que je vais parler à un mangeur de batte là!
- Quoi?
- Fais pas l’innocent, Julien nous a tout raconté!

Ainsi donc, l’ de chienne avait commencé à propager la nouvelle me concernant dans toute l’école. C’est ainsi qu’il avait décidé de s’attaquer à Océane, en passant par moi. Le coup au cœur que j’ai ressenti lors des insultes proférées par Daniel, était tel si on me l’avait arraché à froid. J’étais dans un état tel que je suis sorti du cours, suis allé récupérer mon manteau au vestiaire, et je me suis enfuit chez moi. Comme mes parents travaillaient, j’étais seul à la maison. Je suis resté longtemps dans le silence. Je pouvais vivre ma peine et ma honte seul et dans la tranquillité. D’un coup, je perdais ma nouvelle amitié et j’éliminais les chances, presque inexistantes, de développer autre chose que l’amitié entre Daniel et moi. Ma peine était profonde. Je voulais seulement mourir.

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