Satisfaction

J'avoue ne pas être en manque question choses du sexe.
Je me suis mariée jeune et mes s sont déjà grands. Mon mari est cadre dans une banque parisienne. On dort ensemble et quand il s'occupe de moi, il est toujours bienvenu. Enfin de ce coté là, tout va bien...
Vu qu'il part le matin tôt et rentre toujours très tard, il m'arrive de m'offrir de temps à autre une petite frivolité au club de tennis ou au golf ; à Versailles les oisifs sportifs ne manquent pas.
Mais rien n'a encore frisé le Grand Amour dans ma bête vie de femme moderne libérée et sexuellement active.
J'ai bien eu quelques langueurs avec des amies mais sans extase. Probablement que ce n'est, fondamentalement, pas ma voie.
Alors si je vous dis que je ne suis pas en manque, c'est que j'ai un truc en plus.
Un truc que je ne vous ai pas dit. Un sacré truc et ce, depuis bien longtemps. Et puis je crois bien que je ne suis pas la seule.
Voilà, je n'ai compris que c'était important qu'assez tard dans ma vie. Au début, gamine, je croyais que c'était normal. D'ailleurs toutes les copines faisaient pareil.
C'était l'époque de l'éveil des sens : on se découvrait des sensations...
A la Pension des Oiseaux, le soir, il y avait deux sortes de filles, celles qui allaient rejoindre leur amie de coeur dans le lit et celles qui restaient seules. Moi, je n'avais pas de copine assez tendre pour oser lui laisser me toucher dedans et surtout la laisser m'embrasser sur la bouche avec la langue.
Moi je faisais partie de celles qui restaient seules dans leur lit avec elles-même.
Allongée sur le dos, les épaules à plat sur le drap, les yeux ouverts perdus dans le plafond, la nuque appuyée au creux de l'oreiller, je cambrais les reins en enfonçant mes fesses dans le matelas. Mon corps n'était porté que par ma tête et mes fesses. Mes jambes serrées ne cherchaient pas l'amant, au contraire. Mon sexe restait fermé. Ma main dessus le gardait au chaud, sans aucune équivoque, ni doigt baladeur.

Mes pensées allaient aux efforts de gymnastique de la matinée ou de la veille. Je serrais comme pour interdire toute
intrusion, toute pénétration. C'est le chaud de ma main qui me faisait bon sur le dessus. Mon émoi était simple et chaste. Et cela suffisait pour que je perde le fil et m'endorme.
Je savais que mon amie Aurore en faisait plus. je l'entendais qui se parlait. Elle se parlait doucement, comme on murmure à un des paroles apaisantes pour qu'il trouve le calme. Elle parlait longtemps. Mais je savais qu'elle aussi se cherchait en elle-même dans la nuit sa sérénité à elle.
Un soir nous avions partagé un lit chez une tante qui nous avait hébergées l'espace d'un weekend et je l'avais vue, blottie contre moi, se raconter des rêves en caressant son ventre et ses cuisses, absente.
Quand, plus grande, j'ai été fiancée, cette affaire d'autosatisfaction, curieusement, a cessé de me hanter. Je trouvais mon bonheur simplement le soir en m'endormant, dans des chaleurs de caresses partagées en pensée et cela me suffisait : je n'avais plus besoin de me toucher. Mon imagination suffisait.
C'est plus tard que c'est revenu, bien plus tard. J'étais mariée, avec mes mouflets et mon mari partait pour des colloques lointains. Alors ça me prenait sans que je comprenne pourquoi. C'était
comme qui dirait impromptu, fortuit... L'après-midi, pendant la sieste des gamins ou le soir sous la douche... ou même n'importe quand, n'importe où, quand je me retrouvais toute seule...
Il fallait aussi que je sois bien dans ma peau, sinon ça ne venait pas.
Je me disais, laisse aller, t'es bien, profite. En plus le cinéma que je me faisais dans ces moments là valait tous les oscars et les citations au festival de Cannes.
Finalement, si je regarde ma vie en arrière, il n'est plus jamais arrivé que ça s'arrête. Même quand j'étais très amoureuse, ces moments ont continué de me submerger sans crier gare. C'était une sorte de complément, une séquence que je menais moi-même avec le bon tempo sans être obligée de suivre un cavalier tyrannique ou fatigué.
Le plaisir qui arrive pile quand ça va bien, le bonheur quoi... En plus je me connaissais à fond et savais où, quand, comment.
Je me suis toujours dit que celles qui ne faisaient pas ça rataient le meilleur de leur vie.
Nous savons toutes comment mettre un homme en condition. Mais là, pour soi, c'est différent, c'est pas mécanique. Pour que ça vienne il y a juste quelques trucs favorables mais qui ne sont pas
automatiques. Moi j'essaye de me mettre toujours en situation : surtout quand je suis seule, sans risque d'être dérangée. Alors je pense que je suis bien, je mets ma main sur mon ventre, juste sur mon ventre et tout mon ventre se détend, s'ouvre, s'inonde de moi. Souvent rien ne se passe et je pense à autre chose : ce sera pour une autre fois. Mais quand ça vient, c'est un vrai orgasme qui me secoue fort et me calme pour longtemps. J'ai besoin de mettre la main quand le plaisir monte, pour accompagner en caresses. Et quand j'explose je glisse vite deux doigts dedans pour que mes contractions aient quelque chose à serrer sinon je ne suis pas bien.
Après je reste comme ça, avec le mouillé de moi contre moi, un mouillé doux et propre qui me fait chaud et que j'ai plaisir à ressentir. Je reste assise à lire ou je sors faire des courses en complicité avec ma culotte pour faire durer.
On dit des fois que ce truc rend sourd. Je veux bien le croire.
L'Amour c'est vraiment à deux que ça se fait. L'Amour c'est fait pour écouter, entendre, dire, faire comprendre et jouir du partage, de l'entente, de la réussite d'avoir fait ensemble. En plus l'Amour c'est surtout pour faire des bébés.
Encore que quand on voit les gars ou les filles qui
font ça entre eux, on pense qu'ils doivent bien trouver des satisfactions à deux qui ne sont pas dans l'idée de faire un .
C'est pareil même pire quand ton mari te fait minette ou qu'un amant audacieux te prend subrepticement par la voie détournée en fin d'après midi, quand il a épuisé son inspiration mais pas encore sa vigueur.
Pourtant c'est si bon, surtout minette...
Mais enfin tous ces trucs c'est à deux qu'on les pratique, même les pipes.
Là, ce dont je vous parle, c'est un machin de soi avec soi...
C'est pour ça que ça rend sourd : on n'écoute plus l'autre ! Il n'y a plus d'autre.
Mais c'est bien aussi, histoire de se remettre en phase avec soi-même, de temps en temps.
Et comme ça on peut signaler, l'air de rien, au prince charmant que l'on aimerait un peu de considération aussi pour la languette du devant.

Les contes de la main gauche : Satisfaction jpj, 1/2013

Comments:

No comments!

Please sign up or log in to post a comment!