Amour Perdu

Pourquoi suis-je si triste ? C’est une longue histoire … avez-vous déjà aimé ?
Comment pourriez-vous comprendre, sinon.
Je vais essayer de trouver les mots pour vous dire …

J’étais si jeune quand j’ai emménagé avec elle ! Plus jeune qu’elle … ça vous choque ? Notre couple et cette différence d’âge n’a pourtant rien d’extraordinaire, j’ai beaucoup d’amis dans ce cas.
On s’est rencontrés un jour d’été sur une station de service d’autoroute. On s’est plu tout de suite. On ne s’est plus quitté depuis.
Je relevais moi-même d’une forte déception.
Juste un mot. Il y avait des s … on ne s’entendait pas bien du tout. Je n’aimais pas la façon dont ils me traitaient, et sans doute ai-je eu tort de me fâcher contre eux, je n’aurais pas dû. Eux ou moi, la question ne se posait pas vraiment … et je me suis retrouvé seul, avec le sentiment d’avoir été trahi, abandonné.

Le jour même où on s’est rencontré, elle m’a emmené dans sa famille. Ils ont eu l’air étonnés de nous voir ensemble alors qu’on ne se connaissait que depuis si peu de temps, mais ils m’ont très bien accueilli malgré tout. Je peux comprendre leur étonnement, remarquez, elle est … comment dire … tactile ! très tactile. Dès que j’étais proche d’elle, elle posait sa main sur mon cou, dans mon dos.
Mais bien sûr, nous ne connaissions que depuis quelques heures et ils n’auraient pas compris une plus grande intimité et j’ai dormi sur le canapé du salon. J’ai bien vu dans ses yeux pourtant, dès ce premier soir, qu’elle m’aurait volontiers accepté dans sa chambre.

Nous sommes repartis ensemble le lendemain, et je me suis immédiatement installé chez elle : la maison est agréable, assez retirée de la route pour être calme, et il y a un jardin. Deux avantages à prendre en compte pour quelqu’un qui comme moi adore les siestes au calme et me promener au grand air.
N’allez pas imaginer je ne sais quelle histoire de folie amoureuse subite et débridée.

Non. Pendant quelques semaines, je peux même vous dire que notre relation est restée platonique.
Quelques baisers, c’est vrai, des gestes aussi, je le reconnais, je vous ai dit, c’est une tactile, elle aime les contacts, me toucher pour un oui pour un non, comme pour se rassurer.
Je pense que c’est même l’une des raisons pour lesquelles nous avons vécu ensemble tout de suite : me savoir près d’elle dans sa grande maison la rassurait. Je ne sais pas de quoi au juste elle avait peur, mais elle me répétait souvent au début, comme un refrain, « tu me protègeras, n’est-ce pas ? ». Je ne suis pourtant pas si impressionnant !

Au début, comme le premier jour dans sa famille, je dormais sur le canapé du salon. Un nuit, après quelques semaines de vie commune, parce qu’il y avait de l’orage, je me suis invité dans sa chambre. Je me suis couché à côté d’elle en prenant bien garde à ne pas la réveiller.
Elle était surprise de me trouver près d’elle le matin, mais ne s’en est pas fâchée, se moquant même un peu de moi en comprenant que c’était l’orage qui m’avait poussé à la rejoindre. Je partage son lit depuis cette nuit-là.

Les premiers temps nous menions une vie calme. Quelques sorties, le plus souvent au parc, où j’ai fait connaissance de quelques amis. Je partais parfois de mon côté pendant qu’elle discutait avec quelques anciennes connaissances, mais je voyais bien qu’elle n’aimait pas que je m’éloigne trop et je restais le plus souvent près d’elle, bien que leurs conversations ne m’intéressent pas et que je sois parfois mal à l’aise : vous savez comme je suis sensible aux parfums, aux odeurs, et j’étais gêné du parfum dont certaines de ses amies s’inondaient. Elle, ne se parfumait pas, et pourtant j’aurais pu la reconnaître les yeux fermés où qu’elle soit.

C’est d’ailleurs en raison de cette sensibilité que notre relation a changé.
A plusieurs reprises, alors qu’elle s’agitait sous les draps, j’avais quitté la chambre pour respecter son intimité malgré l’attrait qu’exerçait … son activité pour mes sens exacerbés.
Un soir cependant, peut-être parce qu’elle avait repoussé les draps à ses pieds, ce que j’ai pensé être une invitation, je n’ai pu résister à outrepasser ma réserve habituelle.
Pardonnez-moi les mots crus que je vais employer, mais je ne suis pas doué pour les périphrases : je lui ai donné de ma langue le plaisir qu’elle cherchait de sa main.
Elle ne m’avait pas repoussé, bien au contraire. C’est ce soir-là, que notre relation jusque-là platonique est devenue très charnelle.
Très souvent après cette nuit-là elle m’avait invité à lui prodiguer ce baiser intime, et si elle ne m’a jamais rendu une caresse de même sorte, ses mains pourvoyaient largement à mon plaisir.
Ce n’est que quelques semaines plus tard que pour la première fois elle m’a attiré sur elle, et que dès lors, ne se passait plus une seule semaine, sans que nous ne nous adonnions à des ébats effrénés qui nous apportaient à tous deux d’intenses sensations.
Parfois le soir, mais aussi à la pleine lumière de l’après-midi, elle se dévêtait et m’attirait vers elle d’une main experte, s’offrait à ma bouche sur le lit ou le canapé, quelquefois même à même la moquette, puis m’invitait à de longues étreintes frénétiques qui nous laissaient pantelants l’un et l’autre.

La vie était belle, intense, et cette vie est perdue à jamais. Voilà pourquoi vous me voyez si triste.

Que ce soit sa faute à elle ou la mienne, peu importe.
On pourrait lui reprocher d’avoir attiré ce grand blond dans son lit, c’est certain.
Mais était-ce une raison pour que je le morde sauvagement ?
Certainement pas. Me voilà seul et désespéré.
Je n’ai plus de nom, plus de collier, plus que les barreaux de cette cage où on m’a enfermé, juste un numéro tatoué sur ma peau.
Je n’ai plus pour vie que le souvenir d’elle. Qu’ai-je fait, qu’ai-je fait ?
Je n’ai même plus d’ongles pour gratter les barreaux de ma cage.

Aujourd’hui, je sais ce que veut dire « une vie de chien ».


Misa (un peu honteuse ? à peine) - 09/2013

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