Zoey. Ep.2 -- Regards Extérieurs.

Je m'assois sur le siège passager, anxieuse, il s'assoit aussi et claque sa portière, se tourne vers moi, et pose sa main sur ma cuisse. Il se veut rassurant. Il défait mon collier, auquel la laisse est encore attachée, et le range dans le vide-poches en face de moi. Le véhicule se met en marche, il regarde devant lui en s'exprimant.

« _ Je pense que tu es prête maintenant et que cela ne peut te faire du mal. J'apprécie beaucoup les personnes que nous allons voir, elles m'ont rendus quelques services, j'aimerais que tu les rencontre. »

Je ne demande pas si le trajet sera long, cela m'est égal, la seule chose que je veux, c'est n'être touchée par personne d'autres que lui. Je me sens mal, je sais presque ce qu'il va se passer, je fixe mes pieds, chaussés sur des talons de petite hauteur, noirs. Il se racle bruyamment la gorge.

« _ Zoey, si tu as quelque chose à dire, dis-le maintenant.

Je regarde à travers la vitre, la ville qui défile.

_ Ça va finir en partouze où je serais ligotée sur la table du salon?

Il me dévisage avec des yeux en soucoupes et éclate de rire en ramenant son regard sur la chaussée.

_ Ce n'est pas parce que je te trouve très excitante à quatre pattes, gueule béante de sperme et fesses rougies que je n'ai pas un minimum de civilité !

Mes joues virent au rouge cramoisie, l'évocation de la scène d'hier soir réveille une part de moi qui ne trouvait pas ça répugnant du tout. Il frotte sa main sur ma hanche -qu'il écarte en souriant, avant de la reposer sur le volant.

_ Nous allons prendre l’apéritif et déjeuner, puis repartir. Peut-être te tâteront-ils à l'entrée pour te dire bonjour. Peut-être voudront-ils faire un peu connaissance, mais sinon tu resteras avec les autres joujoux, j'ignore qui il y aura ni si tu auras des semblables avec toi, mais c'est très probable. Tu pourras sûrement jouer un peu avec. Tu verras.

Mais aucuns de mes amis ne te sautera, si c'est ce qui t'inquiètes, ma chienne ! »

Je me tais, honteuse, mais tout-à-coup plus enthousiaste. S'il existe d'autres femmes soumises comme moi, je veux l'être plus qu'elles Je veux que Monsieur Marc soit fier de sa catin à temps plein. Il rentre dans un lotissement et se gare sur un parking, mon cœur bat la chamade, j'ai juste le trac, au fond.

L'endroit est désert, il rattache mon collier de cuir noir, sans la laisse. Il me serre contre lui, une main sur ma hanche et pose un baiser sur mon front, puis me repousse. Je le suis légèrement en retrait, il sonne à une porte. Des éclats de voix retentissent. Ma gorge est nouée. Une femme de taille moyenne, à la tignasse d'un brun mat nouée sous une énorme pince à l'arrière de son crâne, assez ronde, la peau couleur pêche, nous ouvre. Elle pourrait être tout-à-fait n'importe qui, mais l'aura qu'elle dégage lorsque ses yeux se posent sur moi ne me trompe pas. Elle fait la bise à mon Maître, et caresse ma joue de ses doigts épais et vernis, me sourit. Nous rentrons.

L'entrée ouvre sur un petit corridor, et la seconde porte, la première étant les toilettes, débouche sur un vaste salon au carrelage gris. Tout à ma gauche un bar, une cuisine, tout à ma droite un petit canapé, une table basse et un sofa, un téléviseur d'un autre temps mais très élégant. Face à moi est dressée une grande table ronde, et une baie vitrée qui donne sur un petit jardin très simple diffuse une belle lumière malgré le temps fade.
Et au milieu de cela un petit monde, qui tourne sa tête à l'unisson vers les nouveaux arrivants. Ils sont deux autres Dominants autour de la grande table. Un homme, aux cheveux courts, dans un costard, d'un physique très quelconque. Une autre femme, d'un air très froid, blonde, les cheveux au carré, les yeux d'un vert-bleu flou, une poitrine pas très opulente. Elle semble être la plus âgée du groupe.
Plus bas, se meuvent aussi deux individus des deux sexes.
Un jeune homme à la peau mate claire, aux cheveux d'un blond foncé, sûrement originaire des Îles referme prestement la braguette de son short, il venait d'exhiber son engin à la blonde glaciale. Ce qui fît pouffer de rire nôtre hôte légèrement enveloppée. Et sur le canapé en tissu mauve, une jeune femme rousse est sagement assise, un chat siamois sur ses genoux.

La blonde prend la parole, d'une voix enthousiaste :

« _ Nous t'attendions pour l'apéro ! »

Elle ne m'adresse pas la parole. Après embrassades, durant lesquelles je reste en retrait, rendant le sourire que me tend l'homme, ils se dirigent vers le canapé, un verre à la main, et pose un bol d'amuse-gueules sur la table basse. D'un geste de la main, l'homme fait dégager la rouquine avec son chat, elle s'en va s'agenouiller à côté de la télévision. L'autre soumis s'assoit à la table ronde, entreprenant nettoyer les cendres qu'a laissées celle qui m'inspire le moins confiance, après sa cigarette. Mon Maître ne me regarde déjà plus, je me sens déjà de trop, je rejoins la table ronde.

Le jeune homme me sourit et pose ses lèvres sur ma joue, me chuchotant un bonjour. Il a l'air heureux, comme je le suis avec « Lui ». Cela me rassure. Il me dit qu'il me trouve jolie, me demande mon nom. Il s'appelle Emmanuel. Il m'explique que la femme qui m'a accueillie est sa maîtresse, que l'homme banal est celui de la rouquine et la blonde, elle, n'a pas la chance d'avoir une vraie relation actuellement, elle enchaîne les coups d'un soir mais se sent inférieure aux autres. Il semble beaucoup l'apprécier, j'ai l'impression qu'il ne décrit pas vraiment la femme dure et sèche que j'observe.

« _ Ce qu'il est bavard celui-là ! Zoey ! Vient par ici ma jolie, s'il te plaît. »

La maîtresse d'Emmanuel m'appelle. Elle fait glisser un petit pouf pour que je m'assoie dans leur cercle. Ils me dévisagent tous, sauf la blonde qui ne me lance que d'arrogants regards à la dérobée.
Je sens l'interrogatoire venir.

« _ Alors Zoey ? Tu es mieux placée que Marc pour nous parler de toi, n'est-ce pas ?, m'encourage l'homme. Ma gorge est serrée, j'acquiesce de la tête.
Quel âge as-tu, dit-moi ?

_ 21.

_ 21 ?

_ J'ai 21 ans, Monsieur.

Il esquisse un sourire, la blonde ricane. La femme à la peau couleur pêche caresse ma joue.

_ Tu es très belle. Marc est ton premier ?, me demande-t-elle.

_ Plus ou moins.

_ Répond clairement.

La voix de mon maître me reprend sèchement.

_ J'ai couché avec un pote « autoritaire », j'en voulais encore mais il était maqué, il m'a refilé un site où j'ai fait connaissance avec Marc. C'est tout.

Ils hochent la tête d'un air entendu, Marc reste stoïque. La femme chic prend à son tour la parole.

_ Tu n'aimes que les hommes ?

Mon sang se glace, sa voix est douce, mais son visage si fermé, je ne sais pas à quel sens prendre sa question. Elle sonne comme une avance, mes yeux cherchent désespérément secours vers mon compagnon, qui ne change pas d'expression.

_ Non, je suis bisexuelle. »

La femme étrange serre ses paumes entre elles, l'air pensive. Je frissonne. Son attitude me répugne. Heureusement, son amie brune me sauve en me proposant de grignoter dans leur bol. Je me sers timidement, très peu, deux petits bretzels salés. Je baisse les yeux, interceptant un sourire affectueux de mon homme préféré, je me ragaillardis et redresse les épaules. Les autres convives me laissent sortir de table.
Je rejoins la rouquine, qui suit du regard mon déplacement vers elle sans laisser passer un signe d'émotion, je m'accroupis et caresse la tête de son gros chat au pelage sable et noir. Elle fait si jeune, si.. déconnectée du monde réel, quand je la vois ainsi. Je remarque tout à coup que je suis la seule à part ce chat à porter un collier. Comme si mon maître avait craint que je me fasse passer pour une Dominante sans cela.
La rousse pose sa main sur la mienne, entremêle ses doigts dans les miens et la douce fourrure du chat. Son regard a changé, j'ai attisé son intérêt. Elle ouvre la bouche.

« _ Il s’appelle Ryo. C'est celui de Madame, notre hôte. »

Mais son timbre vibre comme si elle m'annonçait qu'elle avait envie de moi. Je me penche un peu plus, elle passe sa main sur mon oreille, caresse une mèche échappée de ma couette et tire mon visage vers le sien, ses yeux sont ensorcelants. Elle me scrute, j'aperçois dans son cou une marque rouge, je frémis et songe qu'elle et son « possesseur » ont peut-être des pratiques plus douloureuses que celles que j'expérimente depuis 3 semaines. Elle s'apprête à m'embrasser quand une voix masculine brute tonne.

« _ LEA ! Salope incorrigible, vire tes sales pattes de Zoey ! »

Immédiatement la rousse détale à 5 mètres de moi, le chat serré contre sa poitrine, ses pupilles se sont à nouveau assombries, elle feule comme une bête, je tremble, sur le canapé les mines sont noires et furieuses, je ne comprends rien, me relève. Marc se relève et coure presque jusqu'à moi, me serre contre lui. L'atmosphère de la pièce est électrique. L'autre homme est posté devant ma camarade.

« _ Je m'excuse. Cela n'aurait pas dû arriver.

Il pointe mon maître du doigt.
_ Tu m'as dit qu'elle était coincée et ne se laisserait pas faire !

La rousse est debout aussi, elle gémit presque :
_ Ce n'est la faute à personne, Ça n'a jamais été la faute de qui que ce soit... Nous rentrons. Au revoir, bon appétit.

Léa entraîne son homme par le poignet et quitte la pièce. Celui-ci à l'air sonné et honteux.

La scène est finie. Chacun a repris son visage impassible. L'hôte nous invite à table, en nous servant une plaisanterie de bas étage qui la fait rire. Emmanuel prend sa place à table aussi, m'invite à s'asseoir à côté, j'hésite, l'appétit coupé, mais m'exécute par politesse.

Le repas se déroule vite et calmement, je suis distraitement les conversations sans y participer, taquine du genou mon voisin de tablée qui en profite pour glisser sa main sur ma cuisse durant le dessert. Je pouffe de rire, refuse un café. Un quart d'heure passe encore, il va être quatorze heures. Marc discute avec la blonde pendant qu'Emmanuel nourrit le siamois et le câline, sa maîtresse plongée dans l'écran de son smartphone. Puis Maître me fait signe que nous partons. Nous faisons la bise, et quittons l’habitation pour rejoindre la voiture.

« _ On rentre ma belle, je t'expliquerais à l'appart'. »

Je me tiens droite et regarde au loin tandis que le véhicule démarre, perdue dans mes pensées.






(source de l'illustration : http://amro0.deviantart.com/)

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