Un Amour De Tante

Ingrid attrapa le reste de la pizza qui refroidissait dans l’assiette. Elle baissa l’intensité de l’halogène qui était près du canapé, plongeant ainsi le salon dans une semi-pénombre plus reposante et adéquate à une bonne soirée télé. Pour la centième fois, elle regardait avec plaisir la série des « Angélique ». Elle les connaissait par cœur mais ne s’en lassait pas. Elle replia ses jambes sous elle et pesta en faisant tomber un morceau de pizza sur la moquette. Il lui fallut faire un terrible effort de volonté pour quitter son regard de la télévision, cherchant des yeux le morceau rebelle qui avait échappé à sa vigilance. Trop tard. D’un bond souple, vif comme l’éclair, son chat ramassa le bout de pizza et fila avec en ronronnant de satisfaction.

— Sale petit voleur !


Un juron que son chat accueillit avec un petit miaulement approbateur. Il disparut avec son larcin. Déjà, elle l’avait oublié, mâchant distraitement son repas, les yeux rivés sur l’écran. Elle était fascinée. De l’amour, du romantisme, de l’émotion et un souffle épique, voilà tout ce qu’elle aimait. Sa sensibilité à fleur de peau vibrait à l’unisson, faisant battre son cœur au rythme des aventures de la belle et indomptable Angélique. Elle se sentit frustrée lors du générique de fin. Il lui faudrait attendre la semaine prochaine pour attendre la diffusion de la suite, « Angélique et le sultan », son aventure préférée. Avec dépit, elle se leva, s’étira en grognant avant d’éteindre son poste de télévision. Elle gagna sa chambre d’un pas nonchalant et, en passant devant l’armoire, s’immobilisa devant le grand miroir. Elle observa le reflet de sa silhouette. Grande et mince. Sa jeunesse lui conférait des lignes pures, des formes agréables et fermes, un corps voluptueux.

Sa silhouette élancée qui se mouvait avec un mélange d’innocence puérile et de sensualité provoquait le torticolis de tous les hommes qui croisaient son passage. Et son visage ovale, doux et in, aux lèvres pleines, son nez en trompette, et ses longs cheveux d’or qui cascadaient sur ses épaules, finissaient de désarçonner les hommes qui se retrouvaient bouche bée et stupide.

Ainsi, peu osaient l’approcher, s’imaginant certainement qu’une aussi délicieuse créature était déjà comblée d’amour et inaccessible, et ceux qui franchissaient le pas avaient une assurance et un ego si démesurés qu’ils en devenaient vite désintéressants.

En fait, tous se trompaient sur sa personne. Ingrid était d’une nature timide, sauvage, avec peu de caractère et de confiance en elle. Elle passait donc souvent ses soirées toute seule, recluse dans son grand appartement, entre ses livres, ses études, et ses films. Sauf le week-end où son fiancé revenait à l’appartement. Chauffeur-routier, il passait la semaine sur les routes, et avait au moins trois week-ends sur quatre pour honorer de sa présence leur immense quatre pièces en plein cœur de Grasse. Hélas, sa présence ne changeait pas grand chose. La routine n’était même pas brisée, voire plutôt perturbée, ce qui avait le don de l’agacer.

Trop fatigué de ses semaines de travail pour sortir, il s’enfermait entre son ordinateur et ses deux disques durs, sa Xbox et les rares films qu’il regardait alors avec elle, quand ce n’était pas des films d’horreur ! Se faire ensemble une séance home-cinéma était sans doute le seul loisir qu’ils partageaient. Sauf le lit, bien évidemment. C’était l’instant unique où ils retrouvaient une certaine complicité, dans une brève osmose de tendresse et de plaisirs, dans la retenue et la pudeur.

Ingrid attachait peu d’importance aux choses du sexe. Elle avait très peu d’expérience avec les hommes, peu encline à briser les tabous, guère curieuse de s’aventurer dans des terrains inconnus, et il faut dire aussi qu’aucun homme n’avait réussi à lui procurer un plaisir grandiose, celui qui égare et chavire, celui qui donne envie de s’épanouir et d’aller toujours plus loin. Le sexe, c’était bien mais sans plus, une pulsion naturelle à pratiquer en toute prudence deux ou trois fois par mois, et voilà…

C’est presque avec soulagement qu’elle le revoyait partir le lundi matin, contente de retrouver ses habitudes.
D’une certaine manière, cette vie tranquille était ne prendre aucun risque, et cela lui convenait parfaitement. Ses études terminées, elle aurait tout loisir pour se lancer dans la grande vie et affronter le monde dans sa triste réalité. Et je rencontrerai peut-être le vrai prince charmant, celui qui fera tomber toutes mes barrières se dit-elle.

Cette pensée amena un sourire sur ses lèvres et elle décida de se mettre au lit.

La lumière s’éteignit dans sa chambre vers une heure du matin.


Ingrid rejoignit la rue et se glissa dans sa petite Twingo. Elle prit la direction de Mougins, et s’arrêta en cours de route dans une supérette pour y acheter quelques bières. Elle devait se rendre chez sa tante qui venait de s’installer dans la région. Ingrid et Julie ne se ressemblaient en rien. Ingrid avait vingt-deux ans et Julie était proche de la quarantaine. Si Ingrid se sentait plus à l’aise seule chez elle, Julie ne perdait aucune occasion pour sortir régulièrement depuis son divorce.

Elle avait été mariée pendant neuf ans, la plus grosse erreur de sa vie comme elle se plaisait à répéter, et se faisait maintenant un devoir à rattr le temps perdu après tant d’années gaspillées avec un homme qui ne lui avait apporté que des soucis. Ingrid n’en savait pas davantage, leur amitié étant trop récente. Mais elle en apprendrait certainement plus. Julie était aussi extravertie et volubile qu’Ingrid était discrète et prudente. Mais sitôt qu’elles étaient ensemble, un charme opérait et une connivence sincère les animait. Ingrid sortait de sa réserve et se sentait libre et audacieuse, entraînée par l’entrain et la fougue de sa tante. Leurs conversations ne se tarissaient jamais et s’étiraient souvent très tard la nuit.

La Twingo s’immobilisa devant une petite villa de couleur saumon, en plein milieu d’un joli et coquet lotissement.

Julie ouvrit la porte. C’était une grande femme aux formes épanouies, avec de longues mèches rousses qui étaient aussi naturelles que toutes les taches de la même couleur qui parsemaient sa jolie peau mate.
Un large sourire illumina son visage à l’arrivée de son amie. Elle l’embrassa avec chaleur.

— Bonsoir, belle et jolie inconnue.
— Salut, jeune et heureuse divorcée.
— Jeune ? Merci, tu me flattes…


Elles se tenaient les mains, heureuses de se retrouver.

Puis Julie s’effaça pour la laisser entrer dans le vestibule. Et la dévora du regard alors qu’elle se dirigeait vers le salon. Julie ne se lassait pas de la contempler. Jeune, fraîche, naïve et pétillante, avec un corps de rêve, au sex-appeal incroyable, Ingrid avait tout pour elle. Sa robe d’été épousait ses lignes pures et graciles avec une insouciance qui la rendait encore plus désirable. Délicieuse femme- ! En s’installant sur le canapé, la robe remonta plus haut sur ses cuisses, dévoilant une peau parfaite et délicate. Julie s’efforça de détourner le regard.

— Repas chinois, ça te dit ?
— Parfait.


Elle disparut dans la cuisine. Elle haussa le ton pour demander :

— Tu as des nouvelles de tes parents ?


L’esprit d’Ingrid s’évada vers Paris où ses parents étaient partis vivre, un an plus tôt. Son père, cadre supérieur dans un hypermarché franchisé, avait été promu et par la même occasion, muté Porte de Vanves. Sa femme, expert-comptable, prévoyait de changer d’employeur pour cause d’opportunités réduites dans son cabinet à Nice, et l’avait donc suivi sans la moindre hésitation, trouvant à Paris des portes grandes ouvertes qui répondaient parfaitement à ses ambitions. Ingrid avait grandi ici, à Grasse, ses rares amis s’y trouvaient ainsi que tous ses repères. La peur de l’inconnu lui interdisait de quitter sa petite vie tranquille de provinciale. Par conséquent, elle n’avait pas voulu suivre ses parents, prétextant ses études à poursuivre et son attachement à ses origines, et ses parents avaient respecté sa décision. Ils lui avaient donc laissé l’appartement en toute confiance, connaissant le rythme pépère de leur fille, et même soulagés de savoir qu’un garçon vienne s’y installer de temps en temps pour rompre sa solitude.
L’idée de laisser seule une jeune et jolie femme était toujours source d’inquiétude pour des parents prévenants et, après avoir fait connaissance de son petit ami, Gilbert, un jeune homme bien sous tout rapport, poli, doux et rêveur, les avait quelque peu rassurés. Comme le retour de Julie.

Créatrice de mode, fantasque et hyper active, elle revenait de New York pour envisager d’ouvrir un magasin de mode à Antibes ou Cannes. Son retour au pays était donc un réel soulagement pour sa sœur qui, du coup, avait un proche de la famille à proximité pour veiller sur sa fille chérie. Les deux sœurs étaient à l’opposé sur bien des sujets, mais entretenaient toujours des rapports tendres et bienveillants.

— Oui, ils vont bien. La vie stressante de Paris semble leur convenir à merveille, ils semblent heureux comme ça !
— Tant mieux !
— Tu as besoin d’aide ?
— C’est pas de refus.


Ingrid la rejoignit dans la cuisine. Pendant que sa tante préparait le repas, Ingrid disposa assiettes et couverts sur des plateaux, installant le tout dans la salle à manger, sur une splendide table en verre fumé. Elles se mirent assez vite à table et dînèrent avec appétit. Le vin, après la bière, coula généreusement. Vers onze heures, elles étaient à moitié ivres, riant pour un rien, se moquant et critiquant le monde entier. Elles s’installèrent devant la télé. Ingrid se laissa tomber sur le canapé, tenant à peine sur ses jambes. Avant de la rejoindre, Julie posa ses mains sur sa taille, se déhanchant exagérément.

— On s’est empiffrée comme des cochonnes ! C’est pas comme ça que je vais perdre mes kilos !
— Arrête ! Tu es parfaite.


Son corps voluptueux impressionnait Ingrid. Elle avait beaucoup de charme. Il se dégageait d’elle une énergie sexuelle qui émanait comme de l’électricité, cette aura de sensualité qu’Ingrid n’avait jamais encore perçue sur aucun homme, et encore moins sur une femme… Avec une femme pareille, les hommes devaient perdre leurs moyens, se laisser étourdir et dominer. Julie était du genre à tenir les rênes et imposer sa volonté. Son âge jouait en sa faveur, de l’expérience qui ne s’interdisait aucun tabou et aucune perversion, que plus personne ne pouvait surprendre. Malgré ses rondeurs, son ventre était ferme et ses cuisses musclées. Les hommes devaient être fous de ses hanches généreuses et, surtout, de ses seins volumineux, lourds, qui devaient répondre aux fantasmes masculins les plus exigeants. À ces pensées impudiques, Ingrid se sentit embarrassée. Cela n’était pas dans ses habitudes, elle avait trop bu. Elle ne s’offusqua pas lorsque la conversation dérapa sur des sujets plus personnels, où Julie lui demanda comment elle avait connu Gilbert et ce qui lui plaisait chez lui. Quand Ingrid répondit un peu mièvrement, elle se fit insistante. Elle voulut savoir si elle l’aimait. Là, Ingrid pouffa.

— Il est gentil.
— Gentil ? C’est tout ? Tu es avec lui parce qu’il est tout simplement gentil ?
— Oui, et doux, attentionné, avec d’autres qualités sans doute. Je suis bien avec lui. Mais c’est trop tôt pour parler d’amour.
— C’est déjà bien de le reconnaître. Et au lit, il est bon au moins, ou gentil tout simplement ?


Ingrid sentit la crise de fou rire monter. Une idée saugrenue lui traversait l’esprit et elle n’arrivait pas à s’en défaire. Julie sentit son hilarité et s’empressa de demander :

— Quoi ? Vas-y, parle.
— C’est que… Voilà, je n’ai jamais attaché d’importance à la taille du sexe de l’homme, car pour moi c’est futile et insignifiant tout ça, mais Gilbert a un tout petit… un tout petit pénis !


Elles éclatèrent de rire en même temps. Une lueur d’intérêt s’alluma dans les yeux de Julie. Elle simula une petite taille en joignant ses deux doigts à quelques centimètres l’un de l’autre.

— Petit comme ça ?
— Presque.
— Non, c’est pas vrai ? Il ne te donne pas de plaisir, alors ?


Ingrid se sentit devenir rouge comme une écrevisse. Elle était partagée entre le rire et la honte.

— C’est moyen. Mais cela n’a rien avoir avec la taille de son engin. Enfin, je pense… Les autres hommes que j’ai connus avant étaient mieux lotis dans ce domaine mais ne savaient pas mieux s’en servir… Bref, cela n’a jamais été…
— L’apothéose. Le grand frisson.
— Tu as deviné. Je suis une incorrigible romantique, et je crois que je n’ai jamais rencontré le bon, le vrai, le Prince Charmant qui m’emportera vers le septième ciel. Je suis ce genre de fille qui doit être follement amoureuse pour atteindre le nirvana. — C’est ce que tu crois. Peut-être que tu n’auras jamais le déclic avec aucun homme.


Un air gourmand passa sur le visage de Julie. Intriguée, Ingrid questionna :

— Comment ça ? Tu veux dire que je ne rencontrerai jamais l’homme de ma vie ?
— Il n’existe peut-être pas. Tu es sans doute lesbienne et tu l’ignores.


Ingrid roula des yeux effarés. Puis elle éclata de rire.

— Tu me taquines, là ! Moi, une lesbienne ? Ridicule !
— Qui sait ? Moi aussi, j’ai connu ça, le manque d’alchimie et la magie qui n’opérait jamais avec mon mari.
— Et c’est pour cela que tu l’as quitté ? Pour une simple histoire de cul ? Tu as rencontré un autre homme qui t’a fait grimper aux rideaux, c’est ça, hein ?


Le visage de Julie devint grave.

— Je l’ai quitté, oui, mais pas pour un autre homme. Pour une femme. Et une femme qui me faisait grimper aux rideaux comme aucun homme ne l’avait jamais fait.


Ingrid resta sans voix. Un silence pesant s’installa plus longuement que prévu. Elle réussit enfin à croasser :

— Ah… Je ne savais pas. Et tu es… tu es toujours avec elle ?
— Non. Notre rupture s’est mal passée, cela m’a beaucoup fragilisée et meurtrie… C’est l’une des raisons qui m’a poussée à rentrer au pays.


Ingrid se sentait horriblement embarrassée. Elle ne savait plus quoi dire.

— Désolée, je ne savais pas… Et maman est au courant que tu… enfin, que tu aimes les femmes maintenant ?
— Tu plaisantes j’espère ? J’adore ma sœur mais elle est tellement rigide et austère qu’elle ne me le pardonnerait pas… D’ailleurs, je compte sur ta plus grande discrétion…
— Évidemment ! Croix de bois, croix de fer, si je mens je vais en enfer !


Sa spontanéité naturelle enchanta Julie qui se détendit et éclata de rire.

— Je t’adore, Ingrid ! Ta jeunesse et ta joie de vivre sont un véritable bain de jouvence ! Tu me rappelles tant Susan…


La mélancolie la gagna de nouveau.

— Susan ?
— Oui, mon amante américaine. Elle avait ton âge… Aussi jeune, belle, et si pétillante… Mais beaucoup moins innocente que toi.
— Ah ?
— Elle était très gourmande des plaisirs de la vie. Et surtout du sexe dans tous ses excès. C’est elle qui m’a tout appris. Et m’a fait découvrir tant de choses différentes… En outre, le libertinage.
— Le libertinage ?
— Oui. L’amour libre dans toute sa splendeur. Sans contrainte et sans complication. Sans artifice. Depuis notre rupture, je ne prends que le meilleur, c’est à dire le plaisir à l’état brut, comme bon il me semble et avec la partenaire qui me plaît, ce qui reste en totale osmose avec mon caractère indépendant.


Ingrid était terriblement embarrassée. Les confidences intimes de sa tante la faisaient rougir. Celle-ci continua :

— Elle m’a dévoilé un univers que j’ignorais et elle a tout chamboulé, mes repères, mes convictions… Cela a été au début extrêmement déstabilisant. Mais j’ai fini par réellement adorer cela, je lui ai tout donné, tout cédé, et je ne comprends toujours pas son envie de mettre brusquement un terme à notre liaison. Elle m’a brisé le cœur et l’échangisme me permet maintenant de m’enivrer de sexe sans jamais m’attacher. Avec des femmes exclusivement, bien évidemment…
— Mais… Tu crois que tu es réellement lesbienne ou que tu vas revenir aux hommes ?
— Les hommes ? plus jamais ! J’ai goûté au fruit défendu et je m’en suis délectée… Je te le répète, je compte bien renouveler l’expérience et rattr le temps perdu, crois-moi ! Même si je dois pour cela aller en enfer !
— Tu n’iras pas en enfer pour ça, quand même ! Et, après tout, après ce que tu as vécu et souffert, tu as raison d’en profiter.
— J’ai raison ? Ces mots sonnent étrangement dans ta jolie petite bouche… Tu as toujours été prude et un peu vieux-jeu… Comme ta mère.
— Oh ? Pas autant, j’espère !
— Non, je te taquine… Mais je suis tout de même certaine que l’idée de coucher avec une autre femme ne t’a jamais effleuré l’esprit.
— Et tu as bien raison… les femmes, c’est vraiment pas mon truc. Tiens, moi qui me plains d’avoir un amant avec un tout petit sexe, comment je ferais avec une femme qui n’en a pas du tout ? L’horreur ! Je serais trop frustrée.
— Pas du tout, bien au contraire… Les femmes savent se donner du plaisir de toutes les façons imaginables. Elles peuvent user de variantes et de fantaisies que tes rêves les plus fous n’ont jamais osés soupçonner. Attends, je reviens…


Vive comme l’éclair, elle se dressa d’un bond et disparut dans sa chambre. Ingrid était de plus en plus gênée. Sa tante une lesbienne ? Jamais elle ne l’aurait imaginé. Maintenant, certains gestes qu’elle avait eus envers elle prenaient toute leur signification. De manière anodine d’abord, sa façon de la complimenter sur son physique, la serrer dans ses bras, se faire caressante et attentionnée… Cela voulait-il dire qu’elle la draguait ? Non, c’était absurde, elle divaguait… Elles étaient de la même famille, sa tante l’avait vue grandir, lui donnant le biberon, la prenant dans ses bras pour lui raconter des histoires, et son récent coming-out ne changeait en rien leurs relations. Tous ses gestes tendres n’avaient aucune ambiguïté.

Mais ne lui avait-elle pas avoué que sa maîtresse américaine avait son âge ? Ce qui pouvait dire que Julie entretenait pour elle une attirance secrète et interdite et que, plus elle y luttait, et plus ses pulsions gagnaient en intensité. À cette idée, une bouffée de chaleur monta en elle. Autant les avances d’un homme l’agaçaient prodigieusement, autant les attentions d’une femme envers elle avaient quelque chose de nouveau, de flatteur, de troublant presque… Tout cela était intensément bouleversant. Plaire à une femme et de surcroît à un membre de sa famille ! L’interdit était étrangement stimulant !

Ses yeux s’écarquillèrent de surprise lorsque Julie revint avec un gadget inconnu et monstrueux, d’une taille impressionnante. Sa tante le brandit avec fierté, comme un trophée.

— Tiens, voilà un gode ceinture. Plus besoin d’homme pour prendre du plaisir. Avec ça, les effets sont garantis, il y en a pour tous les goûts et toutes les tailles. Pas de panne, pas d’éjaculation précoce, c’est du plaisir non-stop pour de longues heures et de longues nuits. Aucune déception et aucune frustration possibles. Les hommes peuvent se rhabiller avec leur engin ridicule dont ils ne savent même pas se servir !


Ingrid tenta de contrôler les tremblements nerveux qui l’agitaient de la tête aux pieds. Des images impudiques passaient devant ses yeux. Julie avec une autre femme – sa jeune amante américaine – tenant son faux sexe comme une arme redoutable pour le pointer vers les cuisses de cette autre femme. Julie se met à genoux, écarte les jambes de sa partenaire en les relevant et plonge son gadget monstrueux dans le sexe féminin, entièrement rasé, ouvert et brillant de sa liqueur intime, accueillant goulûment la pénétration alors que le va-et-vient prend un rythme de plus en plus soutenu. Et la pénétration s’éternise, dure une éternité, faisant hurler la femme de plaisir qui n’en peut plus d’être terrassée par des orgasmes successifs.

Et cette femme, brusquement, ce n’était plus Susan, mais elle, Ingrid ! Une Ingrid méconnaissable et survoltée alors que son corps exigeait toujours plus de plaisirs ! La pensée était si vive qu’elle en ressentit les sensations. Désorientée, sa poitrine se dressa et elle se mordit les lèvres pour ne pas gémir de plaisir. Elle détourna vite les yeux, rouge comme une pivoine, honteuse et perdue. Julie afficha un sourire satisfait avant de repartir avec son gadget. Elle revint les mains vides, riant pour un rien et prenant un malin plaisir à taquiner Ingrid.

— Tu ne savais pas que les femmes utilisaient des sextoys pour se donner encore plus de plaisir ?
— Si, si, bien sûr…
— Tu mens. Tu es tellement naïve et innocente. Ta fraîcheur et ton insouciance feraient des malheurs si je te présentais à quelques-unes de mes amies New-Yorkaises. Elles donneraient leur âme au diable pour t’initier à leurs jeux érotiques. Il n’y a pas plus excitant que pervertir une hétérosexuelle convaincue, de surcroît si jeune et inexpérimentée.
— Arrête de me prendre pour une écervelée qui ne connaît rien à la vie.


Ingrid n’aimait pas la tournure que prenait cette conversation. Elle passait pour une idiote, une vierge effarouchée, et même si cela était en partie vrai, elle se vexait qu’une autre personne vienne le lui rappeler. Julie ne lâcha pas le morceau, la titillant là où cela fait mal.

— Je suis certaine que si une de mes amies te draguait ouvertement, tu serais morte de honte et empotée. Tu fuirais ventre à terre au lieu de l’affronter ou la provoquer, car tu es bien trop coincée pour faire preuve d’audace ou de témérité.
— N’importe quoi ! Personne ne m’a jamais fait peur, et encore moins une femme qui voudrait m’entraîner dans son lit. Au contraire, cela m’amuserait de l’allumer, de jouer avec elle… Ce serait trop drôle de l’aguicher pour la laisser ensuite sur sa faim !


Ingrid ne se reconnaissait plus. Elle ne serait jamais cru capable d’avoir de tels propos, mais Julie avait eu le don de l’agacer et la blesser dans son orgueil. Elle ne cessait de l’observer avec ironie, avec un sourire à la fois moqueur et vorace. Elle se régalait de la provoquer et Ingrid partait au quart de tour, trop ivre pour y détecter la moindre malice. Julie avança sournoisement un autre pion sur l’échiquier.

— Et tu ferais quoi pour l’aguicher ?


Ingrid ouvrit la bouche mais aucun son n’en sortit. Son esprit embrumé ne trouvait aucune solution, et c’est sans réfléchir qu’elle balança brusquement :

— Je lui ferai un strip-tease. C’est ça, une danse lascive qui lui laisserait la langue pendante et la bave tout autour !


Julie s’esclaffa avec méchanceté :

— Je voudrai bien voir ça !


Piquée au vif, Ingrid se dressa d’un bond, si prestement que la tête lui tourna. Elle retrouva son équilibre, et commença d’une main tremblante à se déshabiller, se déhanchant en même temps au rythme d’une danse fictive. Ses gestes étaient mal assurés, ses mouvements maladroits, son sourire emprunté alors qu’elle tentait d’afficher une sensualité e, mais sa beauté et sa fraîcheur rayonnaient d’une telle énergie que Julie en eut vite la gorge sèche.

Son regard restait figé sur ce jeune corps parfait qui se mouvait devant ses yeux comme une délicieuse offrande, et elle en avait des picotements au creux des mains. Elle résista à la tentation. Ingrid était la jeune femme la plus désirable, si fragile et troublante dans ses sous-vêtements qui la rendaient terriblement sexy. Depuis son retour, Julie devait reconnaître qu’elle pensait souvent à Ingrid avec plaisir, nouant le désir de la revoir, de goûter sa présence féminine, sa timidité et sa fragilité qui lui donnaient envie de la protéger, la réconforter. La jeune femme apportait quelque chose de frais et de spontané dans la maison, une forme de pureté à laquelle elle ne se serait jamais crue sensible.

Elle était agréable, vivifiante et pétillante malgré sa réserve, et elle gardait de toutes leurs soirées une nostalgie éthérée. Souvent, la nuit, ses sentiments prenaient d’autres tournures beaucoup moins innocentes, l’envie de corrompre cette délicieuse ingénue, de l’initier à toutes formes de perversions qui la ferait devenir une authentique lesbienne totalement libérée de ses inhibitions. Il lui arrivait souvent de fantasmer sur elle, atteignant des orgasmes aussi rapides qu’intenses qu’elle en restait ensuite désorientée, malade de honte et de remords. Un mal délicieux qui l’obsédait.

Julie secoua la tête pour chasser ces pensées impures, elle ne voulait plus y songer. Ingrid venait de tituber, et Julie l’accueillit aussitôt dans ses bras. Prévenante, elle l’étendit sur le canapé, la positionnant confortablement sur le dos, et Ingrid s’abandonna avec un râle éperdu. Elle était divinement affolante ainsi étendue, comme offerte, juste vêtue de dessous affriolants qui la rendait encore plus désirable. Julie n’y tint pas, lui caressa les épaules, le ventre, avec une douceur infinie. La caresse prit Ingrid par surprise qui se tendit comme un arc.

— Chut, détends-toi, lui susurra Julie au creux de l’oreille.


Sa voix était apaisante. Elle lui sourit, lui promit que tout allait bien. Ingrid se laissa bercer, se détendit. Bientôt, une chaleur intense envahit son corps alors que des doigts légers dessinaient des courbes autour de son nombril, remontant vers le haut, glissant entre ses deux seins pour escalader doucement celui de gauche.

Julie trouvait qu’elle avait une poitrine splendide et le lui dit d’une voix rauque. Elle posa sa main à plat sur le sein d’une façon plus appuyée, s’arrangeant pour frôler la peau nue près de la bretelle. La caresse était réellement déplacée, et Ingrid ressentit un long frisson inconnu, si différent. Cela n’était pas désagréable, bien au contraire. Elle sentit un souffle chaud vers son cou, et le baiser qui s’ensuivit la sortit brutalement de sa torpeur. Julie allait trop loin. En reprenant ses esprits, Ingrid ressentit un malaise. Elle avait hâte de quitter cette maison et une tante qui se faisait trop pressante. Elle balbutia des excuses, mit sa robe en vitesse et sortit précipitamment. Julie la rattrapa alors qu’elle regagnait sa voiture.

— Reste, ne fais pas l’idiote. Tu n’es pas en état de conduire.


Ingrid secoua la tête, dans l’incapacité de parler. Elle était encore bouleversée, en état de choc. Julie insista pour qu’elle ne prenne pas le volant et qu’elle dorme dans la chambre d’amis mais elle refusa catégoriquement. La fraîcheur de la nuit lui avait remis les idées en place et, sans un regard en arrière, elle démarra et s’éloigna à vitesse réduite.


Ingrid déverrouilla la porte de l’appartement et entra. Elle déposa ses affaires sur un des sofas. La journée à l’université avait été longue et fastidieuse, courant d’une salle de cours à une autre pour finalement s’enfermer trois longues heures à la bibliothèque afin de prendre des notes en vue de son mémoire de fin d’année.

Elle n’aspirait plus qu’à une soirée bien calme devant la télé avec un plateau repas. Une rediffusion d’un film avec Sandra Bullock, une comédie sentimentale comme elle les adorait, serait le programme idéal. Elle aimait au fond gérer sa vie comme elle l’entendait, sans contrainte, sans risque, un cocon douillet dans lequel elle se complaisait. De plus, grâce à ses parents qui la protégeaient de tout besoin financier, elle pouvait s’assumer sans difficultés. Le week-end vint plus vite que prévu, avec la présence d’un Gilbert plus fade et ennuyeux que jamais.

Le samedi soir, ils firent l’amour, d’abord sans passion, comme un besoin hygiénique pour assouvir quelques instincts naturels et pour garder quelques liens affectifs. Alors que le désir avait du mal à venir, des images de Julie et ses ébats avec son amie Susan envahirent sa tête et enflammèrent vite son corps.

Alors que le sexe de son ami n’allait pas au fond d’elle, la laissant sur sa faim, elle se sentait animée d’une ardeur dévorante, un besoin incontrôlable d’aller au bout de ses envies. D’assouvir ses fantasmes. Pourtant, il y a des désirs qu’on ne peut pas satisfaire, des expériences qu’on doit ignorer, et la raison fît retomber son excitation aussi vite qu’elle s’était allumée. La tentation d’y céder l’obséda le lendemain.

Seule entorse à ses habitudes, le repas dominical chez ses futurs beaux-parents, ce qui s’avérait alors la corvée la plus ennuyeuse de toute sa vie. D’autant plus qu’elle ne faisait que fantasmer sur Julie et l’utilisation de son gadget, et elle se montra encore plus absente. Il lui fallait penser à autre chose pour reprendre ses esprits. Mais cela n’était pas facile alors qu’une petite voix intérieure lui disait qu’elle était troublée par cette femme, et que sa morale refusait de l’admettre.

Quand elle se demandait si elle était lesbienne, elle s’efforçait aussitôt de chasser cette pensée ridicule, comme prise en faute. Mais il n’y avait pas que cela. La présence de Julie lui manquait. Son dynamisme, sa vivacité, son humour. Elle lui apportait un vent de liberté. De l’assurance et de la chaleur. Julie lui prodiguait un véritable réconfort, de l’audace, la sensation d’être belle et désirable, et l’envie de se laisser prendre en main et se laissait guider la tenaillait comme une faim dévorante. Sa tante la recevait toujours à bras ouvert, se montrait attentionnée, lui offrant un soutien bienfaiteur. Ingrid se sentait alors réellement importante. Sa présence lui était donc aussi précieuse que bénéfique.

À l’idée de la perdre, un sentiment de tristesse la submergea. Elle comprit qu’il lui faudrait vaincre sa timidité, ses inhibitions, et qu’il était parfois impératif de forcer son caractère. Demain, elle lui téléphonerait. Mais Julie ne prendrait-elle pas cela pour autre chose qu’une simple relation familiale ? Indécise, elle attrapa la télécommande et mit la télé pour créer une présence. Le type de présence impersonnelle qui meublait le silence sans pour autant se montrer envahissante, lui donnant l’impression de ne pas être si seule. Sans même regarder ce que diffusait la chaîne, elle se rendit dans la cuisine pour rassembler sur un plateau de quoi grignoter. Cette nuit encore, elle retarderait au maximum le moment de se coucher. Elle en avait marre des nuits blanches et agitées, se tournant dans tous les sens dans son lit sans trouver le sommeil.

Absorbée dans la contemplation passive du tube cathodique, elle sursauta quand la sonnette retentit brutalement. Il était presque vingt-et-une heures. Qui donc pouvait lui rendre visite à cette heure-ci ? Elle se leva précipitamment et sa tête se mit à tourner. Elle se tint aux murs, le temps que son trouble se dissipe. Son cœur battait la chamade. Cette visite tardive et imprévisible venait rompre ses habitudes et cela l’emplissait d’une panique irraisonnée. Finalement, elle réussit à atteindre la porte.

— Qui est là ? demanda-t-elle en haussant le ton.
— C’est Julie.


Ingrid la laissa entrer. Aussitôt, Julie se montra légère et réconfortante, jouant habilement de son humour pour détendre l’atmosphère. L’incident de l’autre jour fut vite oublié. Ingrid accepta les cocktails alcoolisés que Julie lui prépara, se débrouillant avec ce qu’elle trouvait dans sa cuisine, innovant des mélanges explosifs. De fous rires en cocktails, la soirée s’annonçait drôle et chaleureuse. Un peu grisée, Ingrid la laissa jeter un coup d’œil dans ses armoires, la laissant faire le tri de ce qu’il fallait garder et se débarrasser.

— Tu ne peux pas être aussi bien foutue et mettre des vieilleries pareilles ! dit-elle en jetant des habits au sol d’un air dégoûté.


Elle choisit avec une grande attention parmi sa garde-robe ce qu’elle devait mettre en priorité selon les occasions, lui donnant des conseils avisés. Elle se sentait le devoir de s’occuper d’elle, s’activant comme une abeille débordée, courant d’une armoire à l’autre, la motivant pour qu’elle essaie tous ses habits. De mauvaise grâce, Ingrid faisait des essais, embarrassée lorsque sa tante insistait pour qu’elle enfile les robes les plus légères, les tenues les plus moulantes. La robe d’été qu’elle lui choisit l’embarrassa. Elle avait l’impression d’être nue là-dedans. Au contraire, Julie la trouva craquante. Elle posa sa main sur son épaule nue.

— Tu as une peau exquise, Ingrid. Il faut la mettre en valeur.


Ingrid dissimula son sourire gêné en baissant la tête. La couleur de la robe donnait à sa peau un teint hâlé et resplendissant. Du bout des doigts, Julie lui effleurait maintenant la joue.

Ingrid se mit à avoir des frissons et, les jambes tremblantes, s’assit sur le rebord de son lit. Julie s’installa à ses côtés, soupirant d’aise.

— Si on passait aux choses sérieuses ?
— Désolée, mais toute bonne chose a une fin. Il est bientôt minuit. Il est temps de se coucher.
— Ah ? Toutes les deux, dans ta chambre ?


Le visage de Julie était grave alors qu’elle la dévisageait avec insistance. Ingrid n’osait pas la regarder en face.

— Ne dis pas n’importe quoi.
— Pourquoi ? On pourrait passer la nuit toutes des deux à se faire l’amour comme jamais on ne l’aurait fait, non ? Ce serait dommage que je rentre chez moi et qu’on dorme chacune de notre côté alors qu’on en meurt d’envie toutes les deux.


La voix d’Ingrid se mit à trembler.

— Tu sais bien que c’est impossible. Je t’aime comme une tante, comme une mère presque, ne viens pas tout gâcher.


Julie se rapprocha d’elle en la dévorant des yeux.

— Une tante qui t’embrasserait comme ça alors…


Ingrid ne répondit pas, trop tétanisée pour réagir, le cœur battant. Ses yeux étaient grand ouverts mais aveugles lorsque Julie s’approcha si près que son parfum la submergea comme une enivrante caresse, juste avant que ses lèvres ne se posent sur les siennes. Interdite, Ingrid ne réagit pas et le contact fut si fugace qu'elle se demanda s’il avait été réel. Un simple effleurement, un contact doux, bref et capiteux,une brise parfumée terriblement délicieuse... Ingrid restait toujours muette et immobile, la gorge sèche. Julie, profitant de son désarroi, s'était encore rapprochée, presque collée à elle, un sourire tendre sur les lèvres.

— J’en avais terriblement envie, s’excusa-t-elle d'une voix rauque.


Ingrid ne répondit rien, toujours silencieuse. Le feu aux joues, elle luttait contre cette insidieuse bouffée de chaleur qui l'envahissait. Un trouble nouveau, inconnu, si déstabilisant... Sa tante prit son silence pour un consentement tacite et se pencha à nouveau pour un baiser plus appuyé. Ses lèvres se posèrent sur les siennes, ne cherchant toujours pas à forcer la barrière de ses lèvres closes, restant juste en contact en attendant que sa jeune nièce cède et réponde à l'invitation. Ingrid, comme envoûtée, se sentit perdre le contrôle. Elle ferma les yeux, le souffle rapide, et entrouvrit un instant ses lèvres. Julie s'empressa alors d'y glisser sa langue pour chercher la sienne, s'y enroulant comme une anguille à la fois experte et gourmande. Aussitôt, leurs langues jouèrent un ballet effréné, dirigé par une Julie entreprenante et audacieuse, menant la danse, exigeant de sa jeune nièce plus de chaleur et de passion. D'abord timide, Ingrid se prit vite au jeu, terriblement émoustillée par ce duel buccal où la tension érotique ne faisait que monter. Le baiser s’éternisa. Ingrid ressentait des frissons de la tête aux pieds qui la faisait bondir comme une jument en rut, et sa langue continuait de se mêler au jeu ardent sans qu’elle puisse y mettre fin. Elles se mêlaient leur souffle et leur salive. Un nectar grisant, le plus sournois des aphrodisiaques.... C’était son premier baiser de femme à femme.

Terriblement sensuel et excitant. Un fruit défendu qu'elle partageait avec sa propre tante, lesbos et e,un mal absolu. Aussi, hors d'haleine,il lui fallut un terrible effort de volonté pour se soustraire à ce baiser diabolique qui l'emportait vers le gouffre du plus horrible des pêchés. Le baiser interrompu, elle retrouva ses esprits. De ses yeux implorants, elle la supplia de cesser là ce jeu dangereux, mais Julie était trop excitée pour faire marche arrière. Elle la poussa au fond du lit, la coinçant contre le mur. Ses mains descendirent dans l’échancrure de sa robe et elle prit possession de ses seins aux bouts tendus.

Ingrid gémit. Et ne cessa de râler lorsque les baisers avides picorèrent ses seins, avant de remonter le long du cou, cherchant sa bouche. Puis Julie s’accroupit entre ses jambes écartées, caressant l’intérieur de ses cuisses tout en fixant le renflement sensuel qu’elle percevait sous la culotte, la retroussant jusqu’au nombril. N’y tenant plus, elle saisit alors l’élastique aux hanches et commença à tirer le slip vers le bas. Ingrid serra ses jambes pour ne pas lui faciliter la tâche, articulant des gémissements de protestation.

— Non ! Julie, on ne doit pas…


En vain. Julie étouffa ses plaintes en lui insérant la culotte dans la bouche, prenant en même temps possession de son sexe d’une main active, le caressant sur toute la longueur. La caresse prit Ingrid par surprise, et la sensation en fut si vive et délicieuse qu’elle se fit tout molle, brisant net ses hésitations. Son cœur battait très fort et elle se sentait toute mouillée d’excitation. Aussi, c’est sans difficulté que Julie la posséda de ses trois doigts, la masturbant sans relâche.

Ingrid ne pouvait que répondre de tout son corps consentant à cette caresse divine, et elle s’offrait entièrement à cette femme. Celle-ci enfonça alors un autre doigt en elle, la délivrant de cette frustration accumulée, attisant son désir de plusieurs degrés en se mettant à sucer ses deux tétons dressés par l’envie. Ingrid étouffa ses plaintes, honteuse d’être déjà au bord de l’orgasme. Elle se mordit les lèvres pour retenir un cri de frustration lorsque Julie cessa sa caresse.

Son regard était embué de désir lorsqu’elle la dévisagea, sans comprendre. Julie se mit à genoux et ôta ses vêtements. À son tour, Ingrid se redressa et finit de se dévêtir. Un instant, elles restèrent face à face, immobiles, comme interdites, le souffle court en se dévorant des yeux. Puis elles s’enlacèrent. Julie se coucha sur elle, se coulant et se déhanchant sur tout son corps d’un mouvement lent et sensuel. Leurs seins se frottaient, et les mains d’Ingrid descendaient le long du dos de sa partenaire jusqu’à ses fesses et remontaient frénétiquement. Elle se cambra brutalement, poussant un cri de surprise alors que Julie pressait ses seins, lourds et agressifs, sur toute la longueur de son vagin lubrifié, titillant le clitoris d’une façon agaçante, appuyant les tétons dressés comme des crayons au plus profond de son puits d’amour.

C’était délicieux et insoutenable. Ingrid était sa chose, elle voulait qu’elle la possède et Julie répondit à ses attentes en enfonçant la tête entre ses jambes, stimulant son clitoris de la bouche, glissant dans la vallée ruisselante de toute la longueur de sa langue. Ingrid n’en pouvait plus. Elle se tordait en tout sens, haletante et tremblante.

Julie finit par lui arracher un orgasme si violent qu’elle faillit perdre connaissance, hurlant sa libération et agitant sa croupe sur sa bouche qui se fit plus active. Elle se sentait à peine apaisée, encore tiraillée par la faim. Le désir la rendait gourmande. Un désir qui atteignit son paroxysme lorsque Julie se leva, sortant un objet de son sac à main. C’était un gode ceinture qu’elle enfila avec autant de rapidité que de dextérité. À genoux sur le lit, elle le brandit comme un trophée, le dévoilant sous le regard trouble d’Ingrid qui n’arrivait pas à s’en détacher, comme fascinée.

— Prends-le dans ta bouche, lui ordonna Julie.


Étrangement, Ingrid ne se fit pas prier. Elle n’avait jamais vu un sexe – même s’il était factice – aussi gros, long et d’une impudeur déroutante. Docile et obéissante, c’est le souffle court qu’elle le saisit entre ses lèvres, jouant de sa langue sur toute la longueur, le léchant avec passion, l’idolâtrant comme une œuvre d’art qui, summum de l’érotisme, allait la pénétrer de toute sa divinité. Elle en frémissait d’impatience, prête à relever tous les défis inimaginables.

Aussi, elle se laissa guider alors que Julie la retourna. Celle-ci mit les mains sur ses hanches puis releva ses fesses, positionnant la croupe de sa jeune partenaire pour qu’elle soit totalement offerte. Ses doigts entamèrent un délicieux massage sur la raie des fesses, du sphincter au vagin, puis elle humidifia avec sa bouche toute cette anatomie pendant une trop courte minute. Ingrid sentit soudain le bout du gode se présenter face à son orifice, vaginal d’abord, et elle en gémit de surprise. Les mains de Julie agrippèrent ses épaules et, d’un seul coup de rein, elle la pénétra vigoureusement.

Ingrid laissa échapper un cri. N’y tenant pas compte, Julie investit sa vallée intime jusqu’à la garde du gode. Ingrid hurla, ses mains tordaient les draps, elle remuait de la croupe, accentuant les coups de boutoir qui la défonçaient.

L’orgasme explosa en un plaisir indicible. Il fut si intense et bouleversant qu’elle ne réalisa pas tout de suite que le gode s’était retiré pour que le bout du gland effectue de lents mouvements de va-et-vient à l’entrée de son autre orifice, au bord de l’anus. Peu à peu, les déhanchements prenaient plus d’amplitude et, brusquement, de nouveau, les coups de boutoir qui s’amplifiaient provoquaient de nouveaux hurlements de plaisir. Hors d’elle, Ingrid trouvait la souplesse pour se redresser, cherchant la bouche de son amante,

Comme pour l’encourager à poursuivre, avant de retomber à quatre pattes, éblouie et anéantie par tout ce qui lui arrivait. Combien de fois Ingrid atteignit-elle l’orgasme pendant les minutes qui suivirent ? Elle était incapable de le dire mais, ce qu’elle savait, c’est qu’elle n’avait jamais connu un tel plaisir.

Et cela n’était pas fini… Alternant les pénétrations, Julie la retournait à sa guise, sur le dos ensuite, lui faisant l’amour avec un mélange de fureur et de tendresse. Au bout d’une heure de ce traitement, elle l’acheva tendrement, l’emmenant vers une ultime jouissance en lui susurrant des mots doux à l’oreille. Enfin, elle se retira, contemplant sa victime, vaincue et heureuse de son état, le corps ruisselant de sueur, baisée comme elle ne l’avait jamais été.

Reconnaissante et amoureuse, Ingrid se coula sur elle, parcourant son corps de la langue et, encastrées l’une dans l’autre, sexe contre sexe, mêlant clitoris et poils, elles trouvèrent un plaisir immense dans ce frottement voluptueux, frustrant par instant, mais si divin dans toutes ces sensations diffuses que cela leur procurait.

L’excitation finit par être si vive que, tremblantes et gémissantes, elles explosèrent de plaisir en même temps. Ingrid était ébahie d’avoir atteint un autre orgasme. Éperdue d’amour, ses deux bras enlacèrent sa partenaire. Elles s’embrassèrent longuement, avec une tendresse infinie.

Ingrid ne s’en lassait pas. Son regard semblait perdu et un feulement ininterrompu de panthère s’échappait de sa gorge. Elle ne cessait de l’observer, croisant son regard, cherchant à comprendre ce qui lui arrivait. Soumise. Comblée. Elle était sienne. Pour toujours.


Ingrid et Julie continuèrent de se fréquenter, s’accrochant à leur amour, se perdant dans une relation charnelle si intense qu’elle les protégea un moment du reste du monde. Puis, lassée de vivre son homosexualité en cachette, de se battre contre les idées reçues, Ingrid finit par mettre les choses au clair en prévenant ses parents qui, accusant difficilement le coup, ne pardonnèrent jamais leurs choix. Aucune réconciliation n’était possible. Peu importe. Ingrid assuma son homosexualité. Puis son goût pour l’échangisme. Elle voulait tout partager avec son amante. Sans aucune limite…

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