Rivales 2 Hélène

II


C’est à peine croyable : une visite rapide dans chacune de nos deux agences bancaires me vaut subitement l’intérêt de deux jeunes filles pour lesquelles j’étais transparent jusque là, insensibles à mes « charmes ». En suis-je absolument dénué ? Plus incroyable encore, sous le prétexte d’obtenir ma préférence pour leur boutique, les deux amies viennent de se disputer et de se fâcher sérieusement. Chacune est disposée à livrer un combat acharné pour m’attirer sur son tableau de rendement, avec pour arme tout ce qu’une femme peut offrir à un homme désiré.

-« Je passerais bien du bon temps avec lui pour le décider. »

a déclaré la jolie brune. Donc je n’ai qu’une chose à faire, attendre que la belle Hélène entreprenne des travaux d’approche et me tombe dans les bras. Passer du bon temps avec cette accorte employée de banque n’est pas pour me déplaire, elle est prête à y mettre le prix ; je pourrai me montrer exigeant et éventuellement obtenir le maximum, la plier à tous mes désirs. Sa formule annonce de bons moments où je pourrai goûter pleinement les charmes alléchants de la mignonne. Elle sera accessible, complaisante, son corps bien roulé lui servira d’appât dans sa pêche au client, ses appas lui garantiront le succès dans sa tentative de séduction, croit-elle. Le fruit est mûr, gorgé de suc, je m’en délecterai.

Je ne vois dans la déclaration d’Hélène à Valérie, à mon sujet, aucune obligation d’établir une relation durable. J’ai bien compris qu’il s’agira avant tout d’une aventure passagère. Est-elle véritablement sincère en affichant pareil détachement ? Je ne serais qu’un instrument de sa promotion professionnelle ? J’en doute. D’abord parce que cela me semblerait une promotion acquise trop facilement. Par ailleurs, irait-elle jusqu’à se donner à moi pour le simple plaisir de vaincre son amie et de lui piquer un client ou un amant ? Le motif serait plus plausible, pourtant il me semble insuffisant.

Une jeune fille qui se respecte ne se jette pas au cou d’un homme pour ennuyer son amie. (Quand je dis au cou, je m’entends.) Si ? Elle le ferait ?... Je ne suis pas assez connaisseur en psychologie féminine pour en décider, mais je doute. Car je devine, au moins dans le cas présent, que derrière la fanfaronnade, se cachent des sentiments différents, des envies de me prendre à l’essai avant un engagement de plus longue durée. Après avoir entendu les propos échangés par les deux concurrentes, je me flatte d’être devenu « un bon parti ».

Abondance de biens ne nuit pas. En face de la détermination d’Hélène se dresse celle de la blonde Valérie. Pour moi cette dernière a marqué des points. Sa beauté ne le cède en rien à celle d’Hélène. Mais si je voulais m’engager sur le long terme j’apprécierais l’absence d’un amant chez Valérie. Hélène est empêtrée dans une relation adultère avec Arthur alors que Valérie proclame :
« Tandis que moi, je suis libre et je croquerais bien du Jean. »

Hélène feint-elle le mépris lorsqu’elle interroge Valérie :

« Tu coucherais avec ce paysan, toi la délicate ? » Est-ce pensé ou destiné à décourager sa rivale ?

Valérie ne manque pas de répartie :

« Il y a deux minutes tu ne le trouvais pas si paysan et tu allais jeter ton amant pour récupérer ses louis d’or. Tu vois, un bon paysan qui me fera du bien avec sa verge, sera préférable à… »

Valérie serait prête à une liaison véritable avec moi. Il s’agit entre elles de m’emporter au terme de la lutte engagée, pour l’une en cdd et pour l’autre en un possible cdi. Cette déclaration est plus alléchante, la délicate Valérie ne tiendrait pas compte de mes origines. Mais pourquoi a-t-il fallu qu’elle renifle mon argent avant de me témoigner de l’intérêt ? Cela constitue un sérieux frein à un éventuel accès d’enthousiasme. Quoi qu’il en soit je vais devoir faire face à des assauts dont je devrai tirer le meilleur parti. Je vais pouvoir comparer, tout connaître de l’une et de l’autre.
Qui sait à quoi cette aventure aboutira ? Est-ce que je pèche par optimisme ou est-ce que je suis mû par des envies de libertinage ? Est-ce que je souhaite faire une rencontre sincère ou est-ce que j’ai juste pour but de m’amuser de deux jeunes filles et de leur faire payer leur comportement passé ? Je vais faire confiance aux circonstances, à l’expérience à venir.

Il me faut prendre du temps, ne rien presser, laisser évoluer les personnes au gré des circonstances. Mais Hélène ne tient pas le même raisonnement, pour elle il s’agit de ne pas perdre de temps. Aussi ne suis-je pas peu étonné de la trouver devant ma porte le lendemain de son accrochage avec Valérie Elle attend mon retour du travail car elle « prend à cœur de donner satisfaction habituellement à tous ses clients et à moi en particulier. »

-Voilà pourquoi je me permets de reprendre contact de façon informelle pour étudier minutieusement votre dossier. Si vous le permettez j’aimerais visiter votre habitation et votre terrain, jeter un œil sur votre projet, éventuellement sur des plans de la construction envisagée. L’évaluation de vos avoirs et propriétés permettrait en outre d’obtenir des prêts à la construction à des taux préférentiels.

-En réalité, je suis en pourparler avec le propriétaire du verger jouxtant ma propriété. Son terrain ici n’est pas assez large. Nous devrions procéder à un échange de terrains. Pardonnez-moi de vous épargner ces détails. Venez, je vous montre l’existant, vous comprendrez la nécessité des transformations prévues.


Hélène grimace dans la cuisine, trouve le séjour peu éclairé. A l’étage j’ouvre ma chambre. Son visage se détend.


-Ah ! On se sent mieux ici. Cette grande baie vitrée laisse entrer la lumière. C’est votre chambre ? Evidemment, je vois qu’elle est habitée.


-Excusez le désordre, c’est une chambre de garçon. Je n’attendais pas de visite.


-Une chambre de garçon ! On pourrait s’attendre à pire.
Vous savez il vous manque une petite ménagère. Mais vous êtes bel homme, vous n’aurez aucun mal à trouver l’oiseau rare.


-Dans l’état de cette maison, quelle jeune fille sensée voudrait de moi ?


-Oh ! Le pessimiste, le défaitiste. Pour le cas où vous n’auriez pas une noria de soupirantes, inscrivez-moi donc en tête de liste. Je serais heureuse d’être à vos côtés, de faire les poussières, de ranger votre linge, de préparer vos repas, de faire la vaisselle, de vous seconder et de vous soutenir dans la vie de tous les jours.


L’attaque est indirecte. Je lui fais face, j’interroge ses yeux. Elle rougit un peu, se jette à l’eau :


-Jean, ma présence est plus qu’une démarche commerciale. Laissons tomber cet aspect des choses. Je souhaite vous parler à cœur ouvert. Puis-je ?


-Je veux bien, mais cesse de me vouvoyer dans ce cas


-Avec plaisir, ce vouvoiement imposé à la banque ne sied pas ici, surtout pour la déclaration que je te dois. Ce n’est pas facile…Jean, je t’estime beaucoup


Hélène frappe doucement. Elle offre ses services par estime. Elle reste prudente, de peur vraisemblablement d’être déçue. Avancer trop vite pourrait aboutir à ramasser un râteau. Comme elle, je ne veux ni la brusquer ni la décourager. Nous sommes en bonne voie mais s’il ne faut rien précipiter, nous ne voulons pas perdre l’occasion possible de séduire. Nous marchons sur des œufs.


-Tu m’estimes ? Peux-tu me préciser ce qui me vaut ton estime ?


-Différentes qualités que j’apprécie. Tu es beau garçon, c’est important. Tu es aussi, de l’avis général, sérieux et travailleur. Tu es sportif et à l’occasion des matchs de foot j’ai découvert ta force physique, ta détermination et surtout ton fair-play. En toutes circonstances tu gardes la maîtrise de tes nerfs. De plus je vois que tu as des projets d’homme mûr. Tu as donc tout ce qu’il faut pour plaire à une jeune fille.



-Est-ce possible : sans le montrer tu m’as observé avec minutie ? Tu fais de moi un portrait flatteur.
Ne crains-tu pas que je te prenne au mot et que je ne t’embauche pour les tâches domestiques que tu as énumérées.


-Chiche, prends-moi à l’essai. Mais n’as-tu pas mieux à m’offrir en plus de ces travaux ? Est-ce que tu n’as besoin que d’une femme de ménage ? Regarde-moi : est-ce que je te déplais ?


-Viens près de la fenêtre, je veux à mon tour t’examiner de près. J’aurais dû commencer par là. Je suis bien maladroit en présence d’une jeune fille qui me trouble autant. C’est faute d’habitude. Tu es en effet très belle. Je suis impardonnable de m’être laissé aller au fil de la conversation. Vraiment tu mérites mieux qu’un lourdaud de mon espèce incapable de prononcer le compliment qui lui brûle les lèvres et que tu es en droit d’attendre


-Mais non ! Quel plus beau compliment voudrais-tu me faire ? Tu me regardes avec attention et bienveillance. Je me sens si bien près de toi. Oh ! Je sais, en général ce sont les garçons qui déclarent leur flamme. Mais cela fait si longtemps que j’attends pour te le dire. Je le déclare volontiers, avec une immense joie : Cher Jean, moi, Hélène, je suis folle amoureuse de toi. Vois comme ma voix tremble, j’en pleure.


Je ne veux pas me tromper, avoir mal entendu ou mal compris cet aveu prononcé avec un crapaud dans la gorge. Elle me fixe, attend une réaction. Elle espérait des sauts de joie. Je manque de spontanéité. Par malice j’en redemande. Ca fait plaisir d’entendre et de réentendre ces mots. Elle est confuse et rougit en prononçant pour la deuxième fois son aveu :


-Jean, je t’aime.


Il y a dans ses yeux une telle attente. Je ne peux pas faire autrement, je m’approche d’elle, je tends mes bras. Hélène se blottit contre moi, dans son visage illuminé ses yeux brouillés de larmes tentent de lire ce que signifient ces bras tendus. Je me baisse, je dépose un bisou sur le front entre deux accroche- cœur. Sa déception est immédiate, mais elle ne se laisse pas abattre, elle ne se contente pas de ce signe d’amitié, respire un gros coup et ferme ses bras autour de mon cou, me tend ses lèvres et ferme ses paupières dans l’attente d’un vrai baiser. Quelle contenance prendre ? C’est ma première véritable déclaration d’amour. Elle vient de produire un gros effort, mérite un meilleur accueil. Avant de céder à la tentation, je cherche une échappatoire :


-Est-ce possible ? Tu m’aimes ! Mais comme ça…tout à coup… J’ai chaud. Tu… Ouf ! Toi, Hélène, la belle Hélène, amoureuse de moi ? Oh ! Ce n’est pas possible… Tu te moques de moi, tu me fais marcher. C’est incroyable, tu plaisantes ? Je n’ai vu aucun signe avant-coureur. Ne sois pas cruelle, ne joue pas avec mon cœur. Ne te laisse pas emporter par ton enthousiasme soudain au risque de le regretter bientôt.

-Je ne crois pas. Dans mon cœur brûle une petite flamme. Elle est petite mais aucun vent ne l’a éteinte, elle a la vie dure, crois-moi. Non, je ne plaisante pas et j’ai plaisir à m’entendre dire encore : Jean, je t’aime, Jean, je t’aime. Dis un mot et je serai tienne.


J’ai entendu les accusations de Valérie reprochant à Hélène une liaison avec son patron, Arthur, le chef d’agence. La jeune femme n’est pas vraiment libre. Serait-elle prête à perdre son emploi ? Arthur supporterait-il de la voir dans les bras d’un autre homme ? N’exigerait-il plus d’elle les gâteries servies depuis des mois ? Je ne pourrais pas partager Hélène avec lui, coucher le soir avec une femme qui aurait sucé pendant la journée les attributs de son employeur. Donc je voudrais du temps pour réfléchir et je freine les élans de la brave fille :


-Cette demeure n’est pas digne de toi. Je suis flatté et très ému par tes paroles. Peut-être es-tu celle que j’appelle de mes vœux. Je te demande de ne pas aller trop vite. N’aurais-tu pas d’autre engagement, es-tu libre de donner ton cœur ?


-Bien sûr. Je suis célibataire… mais est-ce que quelqu’un t’aurait dit le contraire ? Tu sais, il y a des mauvaises langues qui racontent n’importe quoi. J’ai eu une aventure, mais je te jure que cette aventure est finie. Oui, aujourd’hui, je suis libre et prête à te le prouver sur le champ
Veux-tu une preuve ? Approche.


Elle me tend les bras, lève la tête, tend sa bouche, entrouvre ses lèvres, garde bien ouverts ses yeux brillants de joie et d’attente. Je m’avance, nos bras se referment, nos bouches se trouvent pour un baiser de feu, vertigineux, un baiser de feu. Ce n’est pas un baiser hésitant de pucelle, c’est un baiser de femme. Qui lui reprocherait d’avoir un passé, un vécu à vingt trois ans. Je serais bien mal placé pour le faire. A mon tour je démontre que je ne suis pas puceau.


Ce n’est pas le moment de démêler si Hélène est sincère ou intéressée, si elle m’aime ou si elle feint. Carpe diem, profitons du présent. Le bouche à bouche me bouleverse, elle prend le dessus. Au plus chaud de la lutte de nos langues soudain je pense à cette bouche refermée sur le poireau d’Arthur, à ce palais arrosé de son sperme il y a peu de temps. Elle est venue du bureau chez moi après avoir avalé le foutre patronal. A-t-elle tout ingurgité ou suis-je en train de li nettoyer les amygdales ?


-Pourquoi t’arrêtes-tu ? Ai-je mauvaise haleine ? interroge Hélène décontenancée.


-Non, mais ne brûlons-nous pas les étapes ?


-Aurais-tu peur de connaître une femme à ton âge ? Ne serais-tu pas libre ? Décontracte-toi, je ne suis pas une violeuse d’homme. Imagine que nous essayons de vivre ensemble. Je m’allongerais là, sur ton lit, comme ça.


Elle se hisse sur le lit, prend appui sur ses talons pour remonter vers le chevet, expose la chair rose de ses cuisses rondes légèrement grassouillettes et le blanc de sa culotte, à plusieurs reprises, en se poussant. Le spectacle m’émeut. Puis elle me fait signe d’aller m’allonger de l’autre côté du lit.


-Viens à côté de moi et donne-moi ta main. Ferme les yeux et écoute : Jean, je t’aime. Qu’est-ce que ça te fait ? Peur ou plaisir ? Sois sincère. Tu as un bon matelas. Qu’est-ce que je me sens bien près de toi, contre toi. Et toi ?


-C’est si nouveau pour moi d’être ainsi allongé paisiblement à côté d’une jeune créature pleine de charme qui dit m’aimer. C’est vrai, moi aussi je me sens bien. N’est-ce pas trop beau ?


-Rien n’est trop beau pour les gens qui s’aiment.


Elle se tourne sur son flanc gauche et soulève son torse pour mieux m’observer. Du dos de sa main droite elle effleure ma joue. Elle me sourit puis dépose sur mon front un timide bisou, à l’image du mien il y a quelques minutes. Immobile elle plonge ses yeux dans les miens et attend mon sourire. C’est une enjôleuse, elle sait avancer prudemment après l’échec du bouche à bouche prématuré. Sa main repose maintenant sur ma poitrine, ses doigts jouent entre les boutons de ma chemise, touchent mes poils, en caressent les racines, et son regard étudie les frissons qui parcourent ma peau. C’est bon, j’aime, je peux sourire. Un bouton saute, puis deux, trois, la paume de la main voyage sur mes côtes, sur mon sternum, agace les pointes de mes tétins, jette le trouble dans mes sens. Je suis bien, si bien. Je ferme les paupières, j’attends, osera-t-elle ? Elle ose, sa bouche se colle à mes lèvres pour un baiser encore plus chaud, sa main dénude mon corps, ses lèvres chaudes mouillent ma peau, ici, là, ailleurs, partout. Hélène attaque ma ceinture, baisse le zip ; elle passe ses phalanges sous mon slip et constate que je ne suis pas indifférent à ses soins. Mon sexe en érection reçoit un premier attouchement. Elle l’a cherché. Je ne réponds plus de la suite. Que sa volonté soit faite ! Je lui ai laissé l’initiative, elle ne devra pas se plaindre.


-Faut-il que je quitte mes vêtements toute seule ? Jean ne fais pas le matou paresseux ou je vais croire que je ne te plais pas.


-Il est si bon de se laisser faire… hum ! Tu vas l’éprouver à ton tour. Par où commencer ? Ta blouse, oui.

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