La Pension De Mary - 01

Chapitre 1: Des yeux tristes



J’ouvre la porte silencieusement avec mon passe.
La pièce est plongée dans le noir.
L’homme dort.
Je souris.
Il est une heure treize du matin sur le radio réveil posé sur la table de chevet. Les chiffres digitaux rouges illuminent faiblement le lit.
Le drap est rejeté en arrière, il dort sur le dos. C’est parfait pour moi, c’est toujours plus compliqué lorsqu’ils dorment sur le ventre.
Je m’approche en silence, j’ai les pieds nus. Je connais la pièce par cœur, je nettoie chacune des vingt chambres de mon petit hôtel quand Anita ne peut pas le faire, je pourrais m’y déplacer les yeux fermés. Je dois juste faire attention à ce que sa valise ou ses chaussures ne traînent pas sur le chemin qui me mène au lit.
Il fait bon, cette nuit.
Je laisse ma nuisette tomber au sol et glisse ma main sur son sexe endormi.

***

Je l’ai repéré tout de suite, lorsqu’il a loué sa chambre au Mont-de-Vénus. Un grand brun, les yeux tristes, gentil et poli. La trentaine. Ténébreux. Pas un VRP, plutôt un homme encore mal dégrossi, peu habitué à voyager, qui est venu s’échouer on ne sait comment dans notre petit village au bord de la mer bretonne. Il était trempé, il avait marché pour venir jusqu’ici, le GPS l’avait fait se garer à dix minutes, cela avait suffit.
Séduisant, mais emprunt d’une mélancolie douloureuse à contempler.
Je lui avais fait « le » sourire, celui qui dit « c’est quand vous voulez », il n’avait pas relevé. Peut-être parce que je suis trop jeune, je sais que l’on me prend souvent pour la fille du patron, avant qu’on ne comprenne que le patron, c’est moi. Ou peut-être que je dégage trop d’autorité, justement, j’ai tendance à être sur la défensive, je SUIS trop jeune, d’une certaine manière. Bon, il faut aussi avouer que dans mon tailleur strict de Mary-hôtesse-gouvernante-madame-je-fais-tout-même-le-ménage-s’il-le-faut de ma petite pension, je n’ai pas toujours l’air commode.

Il faut que l’hôtel – plus une maison d’hôtes qu’un hôtel en vérité, mais bon, statutairement, c’est la dénomination officielle du Mont-de-Vénus – tourne, et je n’ai pas le temps pour batifoler la journée.
Je n’ai que trois chambres de prises, aujourd’hui. J’ai… visité… celle du jeune couple en voyage de noces hier. Je leur laisse le temps de se remettre – ils ne sont pas partis ce matin, mais n’ont pas fait allusion à ce qui s’est passé… peut-être n’osent-ils pas ?
C’est donc lui que j’ai choisi.
Car si je ne batifole pas de jour, la nuit, c’est une autre histoire.

***

Le sexe est épais entre mes doigts. Il a enflé immédiatement, le client doit être au bord de l’éveil. Je le caresse lentement, avec douceur, j’ai le temps, je tâte avec candeur le bout du gland, en trace les contours avec mes ongles – je les porte longs et vernis, les hommes aiment mes mains, quoiqu’elles fassent – et laisse l’excitation me gagner, je suis le cheminement de la chaleur qui inonde peu-à-peu mon ventre, mon hymen, cette lame fine qui oscille entre plaisir et douleur, entre langueur et impatience.
- Mmm.
Mon sourire s’élargit. Je me penche et frotte le sexe avec mon petit nez retroussé, avec mes longs cheveux blonds qui tombent en cascade sur mes épaules, avec ma bouche maquillée d’un rouge outrancier pour que, s’il ne s’éveille pas, il se rende compte que ce rêve n’en était pas un. Sa queue bat contre mon visage, drue, solide, alerte. Je tends l’oreille, je le regarde de côté, pour voir s’il va protester, se réveiller, me demander de sortir, hors de lui, comme ça arrive parfois (mais pas souvent). Il soupire. J’aime les hommes qui ont un sommeil de plomb.
Je réponds à l’avidité nouvelle du sexe dressé en le flattant de la langue. La saveur épicée est très marquée, il n’a pas pris de douche ce soir, je suis heureuse : rien de plus tarte qu’une bite qui sent le savon, ça n’a pas de goût, pas d’intérêt, j’aime goûter leur virilité, sentir leurs fragrances musquées, elles m’excitent.

Je m’agenouille près du lit en le prenant complètement en bouche. Mes doigts ne s’étaient pas trompés : le membre est massif, le gland énorme, mes mâchoires me font mal lorsque je le gobe. J’essaye de rester douce. Je revois ses yeux tristes, son air perdu. Je me demande quelle est son histoire ?
Une de mes mains descend entre mes cuisses, glisse silencieusement sous ma culotte et se love amoureusement au cœur du doux sillon, je me connais, je sais m’y prendre pour monter en gamme, trouver mon bonheur au milieu de cette chambre endormie.
La queue enduite de salive glisse mieux dans ma petite bouche, j’imprime ma cadence suave, le vit bat contre ma langue, s’immisce jusque dans ma gorge, je pompe en tâchant de dompter mon ventre qui hurle à la lune, en tâchant de rester discrète, je ne veux pas qu’il s’éveille, ou pas tout de suite, je préfère qu’il soit prêt à dégorger au moment où il reprend conscience, c’est ainsi que je peux espérer le chevaucher, et prendre mon plaisir au milieu du sien. Les hommes sont moins rétifs quand leur sexe leur sert de cerveau.
- Mmm.
Il se tend sur ma langue. Est-ce qu’il se réveille ? Peut-être. Parfois, ils font semblant de continuer à dormir, de peur que je ne me sauve au moindre souffle. Ils comprennent bien vite qu’ils n’ont rien à craindre de ce côté-là, que je reste jusqu’à leur apothéose, ou mieux, jusqu’à la mienne.
Je me soulève légèrement pour envelopper son sexe luisant de salive épaisse entre mes seins.
- Mmm ?
Je souris en coin. Mes seins sont suffisamment amples et fermes pour contenter un homme et rendre jalouse une femme. Mes mamelons rosés pointent à la moindre caresse, et sont eux-mêmes deux petites cimes sur mes monts à la peau pâle et dorée à la fois. Il les regardera mieux demain, lorsqu’il viendra régler la note de sa chambre, j’en suis sûre, et ses yeux tristes ne le seront plus.
- Mmmumf…
Ma langue entre à nouveau en action, délibérément lente. Plus je le maintiendrai dans ce demi-sommeil, plus je pourrai profiter à mon rythme de ces sensations nocturnes.

J’ai du mal à tenir mes seins d’une seule main, je les soulève par-dessous, les cale avec mon bras et ma main, je tire la langue pour continuer à flatter le méat, à garder cette érection pure qui me rend toute chose, tandis que mes doigts deviennent plus gourmands au fond de ma culotte fine, plus coquins, ils se faufilent dans la fente qui perle son désir, je frissonne de soulagement, mon ventre proteste, il veut plus, j’hésite à le lui donner.
Je gobe la queue avec moins de précaution, l’homme remue, au bord du rêve, au bord de l’éveil, je me réfrène à temps, avant qu’il ne reprenne conscience et relâche la pression autour du manche tendu qui vibre de mes attentions.
Ma main ne suffit plus à me contenter, mes doigts son trop fins, les ongles m’irritent les lèvres intimes, je me décide finalement pour le grand saut.
Je me relève sans bruit, en gardant juste le bout de son sexe entre mes doigts. Il grogne.
Ma culotte tombe au sol. Je la laisserai là, si j’ose. Il la ramassera. La sentira. La gardera sur lui, pour se souvenir. C’est ma pantoufle de vair, il est mon prince d’une nuit. Le radio réveil annonce 1h38 de sa lueur rougeâtre. Mon carrosse est redevenue citrouille il y a bien longtemps.
Je monte sur le lit. Enjambe l’objet du désir. Le fait pénétrer dans ma boîte-à-secrets aux poils ras. Centimètre par centimètre, nos chairs se mêlent. Je gémis. Il soupire.
Je descends jusqu’à sentir son pubis contre mes lèvres douces, puis je remonte tout aussi précautionneusement. La tension dans mon corps reflue en vagues exquises, je me contracte autour de son sexe, je pose les mains sur sa poitrine et accélère la cadence sans le brusquer.
- Mmmf…
Ses soupirs deviennent plus aigus, mes halètements plus clairs, je ne peux plus me retenir, je le sens, tout au fond de moi, je veux qu’il me remplisse, je m’allonge sur lui, il sent le bois l’hiver, la transpiration, le sel, et je remue en un dandinement harmonieux, la mélodie de mon impudeur emplit bientôt la nuit, je chuchote ma jouissance et me tord sur la queue gonflée, en tremblant de tout mon corps.

Je ne bouge plus.
Il respire difficilement. Moi aussi.
Comment ne s’est-il pas réveillé ? J’ai perdu pied, je suis plus discrète, d’habitude…
Je lutte contre mon envie de rester là, sur lui, son vit calé au fond de mon minou gourmand.
Je me redresse, retourne sur le côté du lit, et le reprends dans ma bouche _ je goute ma cyprine, ce n’est pas la première fois - en le branlant sans hâte. Sa respiration devient erratique, il se tend, se cabre, son sexe se gonfle et explose soudain, inonde ma gorge de sperme amer, que je bois à mesure qu’il se déverse, sans rechigner, je veux le vider de sa tristesse infinie, à mon petit niveau.
- Mmmf…
Le flot semble ne jamais devoir s’arrêter, les spasmes lents et profonds se succèdent sans discontinuer, le liquide déborde de mes lèvres, coule sur mon menton, je hoquète un peu, mais réussit à le conserver sur ma langue jusqu’à ce qu’il se calme enfin.
J’avale une dernière gorgée en grimaçant, et lèche longuement la queue, dans le vain espoir qu’elle ne dégonfle pas, qu’elle reste drue, alerte, prête à recommencer. Je souris bientôt de la voir si petite au creux de ma main, y dépose un dernier baiser.
Je me relève en silence, récupère ma nuisette et me dirige vers la porte.
- Merci…
Il a chuchoté.
Le coquin, il ne dormait pas.
Je souris en ouvrant la porte et je m’éclipse sans bruit.

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