Branle-Bas De Combat

Branle-bas de combat au commissariat, Fanny, Fanny V., une petite-fille de 9 ans vient de disparaître. Personne n’ose dire qu’elle a été enlevée, mais tout le monde y pense, à cet âge ce ne peut pas être une fugue.

Pas une minute à perdre, les premières heures sont capitales. La mobilisation est immédiate, générale, les chiens, un hélico, des renforts, la nuit tombe dans 2 heures, il faut la retrouver rapidement.
Le procureur, informé dans sa maison de campagne, donne son feu vert pour lancer le plan Alerte-Enlèvement. Toutes les radios, toutes les télévisions diffusent la photo de Fanny, et le message d’espoir des parents.

L’enquête est confiée à la Crim’, à la Commissaire Sarah Castaing qui, en dix ans de bons et loyaux services, a pu montrer à de nombreuses occasions, ses compétences, avec le tact, le professionnalisme et l’humanité qu’on lui connaît.
Ses supérieurs lui prédisent un brillant avenir au sein de la Police Nationale. Sortie en tête de sa promotion de l’école de Police de Saint-Cyr-au-Mont-d'Or, près de Lyon, la Crim’ avait tout fait pour s’attacher cet élément de valeur.
Sans le dire, ses patrons pensent aussi qu’une femme sera plus à même de parler à la famille, si le corps de Fanny est retrouvé.

Son instinct, un sixième sens, a déjà permis à Sarah de résoudre bon nombre d’affaires. Elle a constitué autour d’elle une petite équipe, une équipe de choc. Il faut de tout pour composer une bonne équipe, Sarah le sait.
La jeune Aïcha, une beurette fraîchement sortie de l’école, qui à plusieurs reprises a déjà fait preuve d’initiatives qui ont plu à Sarah, de plus c’est une sportive accomplie, toujours prête en cas de coups durs. Il y a aussi son adjoint, Jérôme, la quarantaine, plus taciturne, mais ne manquant pas de qualités. Il n’a pas son pareil pour jongler sur internet avec les fichiers les plus confidentiels. Le système Judex n’a aucun secret pour lui.
Sa confiance est sans bornes.

Elle sait pouvoir compter sur eux dans toutes les situations, et dieu sait que des situations tordues, ils en ont vécu ensemble.

Les télévisions et les radios, mises à contribution par le procureur pour diffuser le message faisant appel à d’éventuels témoins, devraient faire remonter les informations permettant de localiser Fanny et son agresseur. Jusqu’à présent, ce plan a toujours prouvé son efficacité, aucune fausse note.

Ce soir, Jérôme n’ira pas se coucher, il est au clavier, prêt à traiter la moindre information. Tout doit être vérifié, contrôlé, validé. Les équipes de police peuvent être sollicitées à toute heure, sur tout le territoire. La nuit sera longue.

Aussi étonnant que cela puisse paraître, le numéro de téléphone mis en place et largement diffusé, ne suscite pas les appels des rigolos qui habituellement encombrent la téléphonie sociale. Les appels sont ciblés, sérieux.

Le lendemain, à six heures du matin, Sarah qui n’est pas couchée depuis très longtemps, est tirée de son sommeil par un appel d’Aïcha, elle ne dort donc jamais. Un témoin vient de se manifester sur le numéro diffusé sur toutes les ondes, un homme, une fillette, une voiture, un numéro.

Les premières recherches de Jérôme permettent de localiser l’homme grâce à son véhicule. L’information est d’importance, elle justifie pleinement que l’on réveille la commissaire. L’adresse correspond à celle d’un homme fiché au FIGAIS, le fichier des délinquants sexuels. L’espoir renaît.

Sarah et Aïcha sautent dans leur voiture. Il faut agir, vite, dans quelques heures il sera peut-être trop tard. Il est peut-être déjà trop tard.
Jérôme qui a du mal à garder les yeux ouverts après cette nuit blanche, reste au bureau pour assurer la liaison avec les équipes d’intervention.

Le soleil vient à peine de se lever quand la voiture de Sarah arrive silencieusement devant la maison du suspect. Sans états d’âme, la porte est enfoncée.
Arme au poing, Sarah se précipite, mais l’homme est agile, il arrive à se sauver par la porte de derrière. C’est mal connaître Aïcha qui court le 100 m plus vite que n’importe qui. L’homme est rattrapé, une clé au bras l’immobilise, rapidement menotté en attendant les renforts

Sarah découvre Fanny ligotée sur un lit toute habillée, elle dort encore. Elle n’a pas l’air d’avoir été brutalisée, mais tremble de peur quand une main sur son épaule la réveille. Sarah la prend dans ses bras pour la rassurer :
- Fanny, tu es en sécurité maintenant. Le vilain monsieur ne pourra pas te faire de mal.

L’émotion est trop forte, Sarah a du mal à retenir ses larmes. La petite se blottit contre elle… Bercée par Sarah, un pâle sourire illumine son visage.

Fanny sèche ses pleurs, tandis que Sarah entend les sirènes des voitures qui arrivent pour embarquer leur colis resté sous la surveillance d’Aïcha.

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Par un heureux hasard, les journalistes sont prévenus rapidement. Fuites officielles de la hiérarchie en mal de publicité ? Va savoir.

A peine le fourgon emmenant le prisonnier avait-il quitté les lieux, qu’une nuée de photographes et de journaleux en tout genre se ruent sur Sarah, quand elle sort de la maison, tenant Fanny dans ses bras. Les flashs crépitent.

Aïcha avait pris soin de prévenir les parents de Fanny dès qu’elle a su que leur fille était saine et sauve. Il fallait éviter à tout prix qu’ils ne soient informés en allumant leur poste ce matin.

Aïcha s’entretient avec les parents de Fanny pour les rassurer. Tandis que les caméras de BFMTV et de TF1 se disputent le scoop du jour, pour être celui qui diffusera les premiers mots de la commissaire.

Tous les journaux télévisés ouvrent leur édition de midi sur le visage de l’héroïne du jour, celle qui a sauvé Fanny.
Interview de 30 secondes. Sarah, encore sous le choc, explique que grâce au plan Alerte-Enlèvement une information capitale est parvenue à leur PC durant la nuit.
Succès total, Fanny est en bonne santé. Sarah n’oublie pas de mentionner le courage de son équipière qui se tient à ce moment-là à ses côtés.
La caméra s’attarde longuement sur Fanny dont le visage plein de larmes devrait faire monter l’audience de quelques points. Hypocrisie des médias, ses yeux floutés n’empêchent pas de la reconnaître.

Toute la journée, ces images passent en boucle sur les chaînes d’information. Demain tout le monde aura oublié, une info chasse l’autre.

Nous n’en sommes pas encore là. Au retour Quai des Orfèvres, Sarah et son équipe sont fêtés comme il se doit. Les bouteilles interdites dans les bureaux sortent de leur cachette, même le grand chef a fait le déplacement pour la féliciter. Un bel avenir s’ouvre devant elle.

Dans l’après-midi, le même grand chef la convoque dans son bureau. Intriguée, Sarah apprend que la perquisition de ce matin a permis la découverte de coupures de presse anciennes, faisant référence à une affaire vieille de 22 ans.
Le de Camille, une jeune fille de 16 ans, dont l’auteur n’a jamais été découvert. Elle est connue des médias sous le terme de la Joggeuse d’Avignon, ayant disparu alors qu’elle était partie faire du sport un matin.

Sarah connaît bien ce dossier, elle habitait la région à l’époque. L’affaire est complexe, elle sait que tout a déjà été fait, mais elle aime les challenges, les énigmes, c’est dans ses gènes, elle veut savoir.
La justice compte sur elle. Sur injonction du Procureur, après un coup de fil de la Chancellerie, le juge d’instruction doit rouvrir ce dossier clos beaucoup trop tôt.

La mission est claire. Sarah prendra le train demain matin avec ses fidèles équipiers. Ils devront découvrir sur place si un lien existe entre le de Camille et l’enlèvement de Fanny, dont l’agresseur a séjourné un temps dans la région.
Ils ont carte blanche pour mener à bien de nouvelles investigations, et résoudre ce cold case qui régulièrement attire l’attention des médias.
Cela n’a que trop duré. Elle doit découvrir ce criminel laissé trop longtemps dans la nature.

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Sarah est flic, elle n’en est pas moins femme. Depuis sa sortie de l’école de Police, elle a multiplié les aventures, les coups d’un soir, sans jamais s’attacher, elle tient trop à sa liberté. Jusqu’à ce qu’elle rencontre Nicolas, par hasard. Le hasard est grand, il fait bien les choses.

Hasard ou destin, leur amour est sincère, partagé. Ils vivent ensemble depuis trois ans, aux dernières vacances, ils ont décidé de vieillir ensemble.
Fiancés officiellement lors d’une soirée avec tous leurs amis, le mariage est prévu au printemps, avec le projet secret de fonder une famille.

Nicolas est cadre dans l’entreprise Duchemin et fils qui cherche à s’étendre à l’international. Il a rencontré lors du pot de fin d’année, la fille du patron, Eugénie Duchemin, petite fille du fondateur de l’entreprise.
Eugénie lui a fait les yeux doux. Son père ne serait pas opposé à l’union de sa fille avec ce cadre promis à lui succéder un jour. Mais Nicolas l’a à peine regardée, il n’a d’yeux que pour Sarah, sa commissaire de police. Surpris qu’elle ait choisi cette voie, pas banal pour une femme.

Au lit, ils se sont accordés dès la première nuit, et depuis ils savent toujours répondre aux envies de l’autre, sans avoir à dire le moindre mot. Cette complicité scelle leur amour. Comme beaucoup de couples, ils ont découvert ensemble des petits jeux érotiques. Il leur arrive même parfois d’utiliser des menottes, des vrais.

Ce soir, Nicolas est heureux en regardant la télévision. Sarah, sa Sarah, est la vedette du jour.

En rentrant, elle lui annonce qu’elle doit partir en mission le lendemain, son enquête l’envoie loin de Paris. Le lot de tous les flics, quand faut y aller, faut y aller. Nicolas sait que son métier l’exige, il l’accepte

Sarah ne sait pas combien de temps durera son enquête, un jour, un mois. Elle s’accrochera tant que le coupable ne sera pas sous les verrous.

Comme à chaque départ, ils veulent profiter au maximum de leur soirée :
- Tu ne vas pas t’ennuyer sans moi ?
- Si bien sûr. Mais j’ai de quoi faire, j’irais à la mairie pour publier les bans, et je testerais quelques traiteurs pour notre réception.
- Ben voyons, toi aussi tu vas en profiter alors. Dit-elle en lui souriant.
- Quand tu reviendras tout sera prêt, tu n’auras plus qu’à dire « oui ».
- Tu es un amour, que ferais-je sans toi.
- Tu connais encore beaucoup de monde là-bas ?
- Oui, des amies d’enfance, je serais contente de savoir ce qu’elles sont devenues. Je n’ai plus revu personne depuis que nous avons déménagé pour Paris. Et puis, je serais heureuse de pouvoir porter des fleurs sur la tombe des parents, je n’y suis pas retournée depuis leur décès. Dire que ma sœur Rachel habite là-bas et que nous ne sommes jamais allés la voir, jamais le temps.
- T’as jamais le temps pour rien ma chérie, toujours à courir.
- Sauf pour toi mon amour,
- Ouais ! J’aimerais bien.
- Mon pauvre chéri, qui se sent seul quand je ne suis pas là. Viens, je suis là ce soir. Dit-elle en le taquinant.

Du canapé au lit, les quelques mètres sont vite franchis.
Nus sur leur lit, ils s’embrassent, se caressent. Comme dans tout ce qu’elle entreprend, Sarah est une passionnée, en amour aussi, elle se livre totalement, sans aucune fausse pudeur. C’est une amoureuse née. Elle aime l’amour. Elle aime le sexe, elle aime avoir la queue de Nicolas dans sa bouche, elle aime le sucer, le sentir grossir entre ses lèvres. Elle aime les mains de Nicolas, ses caresses, elle aime quand il la prend violemment, qu’il lui tire des râles, qu’il la fasse jouir.

Cette nuit, pour la première fois, elle accepte qu’il la sodomise. Non pas qu’elle était contre avant, bien au contraire, mais jusque-là Nicolas ne le lui avait jamais demandé. Cette fois non plus il n’a pas demandé. Après une fellation faite avec conviction, Nicolas lui a rempli la bouche. Ça, elle aime, il lui semble que c’est le don le plus total entre eux. Après avoir avalé, dégluti, ils se sont embrassés, il l’a retournée. Elle s’est laissé faire, prise en levrette elle aime bien aussi, ça fait un peu salope, son imaginaire. Après quelques va-et-vient dans sa chatte, il a posé son gland contre son petit trou, instinctivement elle s’est cambrée pour l’inviter, lui faire comprendre, il a vite compris. Il s’est enfoncé en elle avec précaution pour ne pas lui faire mal, elle a aimé sa délicatesse. Ils ont joui ensemble comme toujours, et se sont écroulés sur leur lit, repus, le sourire aux lèvres.

Sarah sent le sperme de son fiancé couler le long de ses cuisses, cette sensation lui plaît, toujours son imaginaire. Elle s’étire, se love contre lui. Elle apprécie ce moment de plénitude, avant d’aller sous la douche, avant de s’endormir.
Sous l’eau, il la prend de façon plus traditionnelle. Des images se bousculent dans sa tête, en sentant sa bite coulisser dans sa chatte, cogner au plus profond de son intimité. Elle veut donner le maximum de plaisir à son chéri, elle est amoureuse.

Sarah et Nicolas se sont endormis rapidement, dans les bras l’un de l’autre. La nuit a été courte.

Quand Nicolas se réveille la place est vide à côté de lui, l’odeur du café arrive jusque dans la chambre.

A moitié réveillé, il rejoint Sarah dans la cuisine. Elle est habillée, elle est prête. Il n’est que 7 heures, mais ce n’est plus l’amoureuse de la veille, c’est la flic qui part au combat.

Nicolas aurait bien voulu plus qu’un simple bisou avant qu’elle ne parte, mais pas le temps, le devoir l’appelle.

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Trois heures de train pour Avignon. Le service avait bien fait les choses, voyage en première pour toute l’équipe, Sarah va pouvoir se reposer. Elle commence par relire les dossiers, puis somnole pour retrouver des forces.

Le de la Joggeuse, Sarah n’a pas oublié.

Cela fait plus de 18 ans qu’elle a quitté Avignon, lorsque son père a été muté en Région Parisienne. A la mort de ses parents il y a quelques années, sa sœur est revenue s’installer dans la maison familiale.
D’ailleurs, c’est chez elle que Sarah va loger, préférant se retrouver en famille, plutôt que dans un hôtel minable.

Toute sa jeunesse, Sarah se rappelle avec émotion ses jeux d’s, ses amies de collège, que sont-elles devenues ? Mariées, installées, les reconnaîtra-t-elle ? Elle se jure bien d’essayer d’en revoir si elles sont toujours dans la région. Elle repense aussi à ses petits amis quand elle était ado.

Elle se souvient de son premier baiser, c’était avec Tony un garçon de son âge, dans le jardin derrière leur maison. Elle avait un peu honte, mais très excitée qu’un garçon s’intéresse à elle. Ils avaient recommencé plusieurs fois. Il lui pelotait souvent les seins en la coinçant contre un arbre, c’était agréable, mais elle refusait catégoriquement qu’il passe ses mains sous sa robe. Elle n’était pas prête, « Nous étions encore des s » se dit-elle avec nostalgie.

Sarah était sage, comme on disait à l’époque. Ce qui ne l’empêchait pas de se caresser régulièrement dans son lit le soir en cherchant le sommeil, imaginant Tony ou un de ses chanteurs préférés nus à côté d’elle, le sexe bien raide, comme ceux aperçus sur les revues que tout le monde se passait au collège.
Tony était donc comme sur ces photos. Elle avait senti sa queue quand en l’embrassant il se collait à elle. Ça l’avait effrayée et excitée.

Tony s’était vite lassé de cette fille, trop prude. C’était un tombeur, il cherchait des filles, n’importe laquelle.
Il s’était alors tourné vers Sylvie, une amie qui n’avait pas froid aux yeux. Elle avait couché avec lui le premier soir, et n’en était pas à son coup d’essai.

C’est vrai qu’il était beau et avait du charme, en plus il savait y faire, à ce qu’on disait dans la cour du collège. Tony multipliait les conquêtes, sous les yeux amoureux de Sarah qui n’osait pas franchir le pas. Elle n’a jamais voulu s’avouer être amoureuse de lui, ni avoir envie qu’il soit son premier.
Il parait même que Tony a eu des relations avec Camille, la Joggeuse d’Avignon, dont le corps sans vie avait été retrouvé par un promeneur un matin en forêt. Mais elle n’est plus là pour le dire.

Tony avait été interrogé comme tous les jeunes du quartier, comme Sarah, comme tous leurs amis, mais jamais l’enquête n’avait abouti. Tous les détraqués sexuels connus avaient été mis en garde à vue sans aucun résultat. Le mystère restait entier. Sarah arrivait pour le résoudre, elle comptait bien y arriver.

A elle, de faire toute la lumière et pouvoir apporter un peu de sérénité aux parents de Camille. Elle, enfin la police, la société, leur devait au moins ça, au moins connaître la vérité sur la mort de leur fille.

Le train va arriver en gare d’Avignon dans quelques minutes. Le téléphone de Sarah vibre, c’est Nicolas qui veut lui faire un petit bonjour, il se sent déjà seul. Mais Sarah n’est pas d’humeur, elle a tellement de choses à penser.
- Merci mon chéri, à plus tard, je n’ai pas le temps. Le train va arriver.
- ..
- Oui moi aussi. Je t’embrasse.

Un policier les attend à la gare avec une voiture de service. Direction le commissariat pour faire connaissance avec les équipes locales pas très heureuses de ce renfort dont elles se seraient bien passées. Encore une planquée, une vedette du petit écran qui vient leur expliquer leur métier.

Enfin, un bureau a été prévu pour l’équipe, surtout pour Jérôme qui à peine arrivé, déploie ses ordinateurs. Il doit assurer, comme à son habitude, le lien avec les équipes sur le terrain, et consultera les données indispensables dans ce genre d’enquête. Ni Aïcha, ni Sarah n’avaient envie de moisir dans ce bureau.

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Au milieu de la dizaine de cartons remontés des archives, Sarah ne sait pas par quel bout commencer. Les PV des enquêteurs de l’époque, les expertises, les témoignages.

Tandis qu’Aïcha se plonge dans les premiers dossiers, Sarah décide d’aller rencontrer la famille de Camille, étonnée que la police s’intéresse encore à leur affaire.
Elle leur explique sa démarche. Le contact est assez froid, les parents ne se font guère d’illusions, ils ont tellement été ballottés par de belles paroles durant toutes ces années.

En rentrant, Sarah traîne un peu en ville, retrouvant les lieux de sa jeunesse, tout a tellement changé. Perdue dans ses pensées, elle entend son nom, quelqu’un l’appelle la ramenant à la réalité. Elle ne reconnaît pas de suite son ami Tony, c’est devenu un homme. Après quelques mots, elle est obligée de rejoindre son équipe. Cette rencontre la renvoie plus de 20 ans en arrière. Sans savoir pourquoi, elle est troublée.

Arrivée au commissariat, Jérôme l’attend pour faire un point rapide. Il faut faire un plan d’action, se coordonner. C’est le moment choisi par Nicolas pour rappeler sa fiancée :
- Oui, quoi ? Dit-elle un peu énervé
- …
- Excuse-moi mon chéri, je suis submergée… Oui, oui ça va… non je ne sais pas encore combien de temps… oui c’est ça, moi aussi, moi aussi.

Et elle raccroche nerveusement.

Durant toute la semaine, les dossiers s’accumulent, les interrogatoires sont lus et relus, les expertises analysées, quelques notes de synthèse des enquêteurs n’aboutissent qu’à des impasses.
Le travail ne manque pas. Sarah n’a même pas vu passer le dimanche, pas de repos possible. Elle aurait voulu rappeler Nicolas, entendre sa voix si rassurante, passer un peu de temps avec lui, lui expliquer, l’entendre dire qu’il l’aime. Mais jamais le temps. C’est lui qui a rappelé, bien sûr au mauvais moment, comme toujours. Sarah n’a pas été très gentille avec lui, elle s’en veut, elle se jure de le rappeler… plus tard. Mais quand ?

Jérôme a retrouvé plusieurs témoins de l’époque, enfin ceux encore vivants, ceux habitant toujours la région. Il les a confrontés aux fichiers de police mis en place depuis les faits, on ne sait jamais, avec un peu de chance.

Une urgence pour Sarah, faire parler les indices. Elle a retrouvé dans une armoire du tribunal un sac poubelle contenant les vêtements portés par Camille quand elle a été découverte. Enfin son chemisier, ses chaussures et une chaussette. Personne ne peut dire ce que sont devenus ses sous-vêtements ni son pantalon, encore moins la seconde chaussette. Ça fait tellement longtemps, parfois il faut faire de la place dans les armoires.

En faisant bien attention à ne pas les polluer, Sarah envoie au laboratoire de la police scientifique les vêtements de Camille. Bien sûr les empreintes ADN ont déjà été prélevées, mais la technique a évolué en 20 ans, on peut aujourd’hui trouver des microtraces tout aussi intéressantes. Il est même possible d’établir un portrait-robot génétique, connaitre l’âge, le sexe, la couleur des yeux et des cheveux, et surtout la race, mais ça personne ne le dit, ce n’est pas politiquement correct. De nombreuses affaires sont maintenant résolues grâce ces nouvelles techniques, alors pourquoi pas pour Camille

Dans un carton, Sarah retrouve la liste des prélèvements effectués à l’époque parmi la population masculine, les empreintes sont toujours stockées dans le FNAEG, le fichier des empreintes génétiques. La comparaison pourra se faire. Avec un peu de chance une empreinte matchera, et là bingo… enfin rien n’est moins sûr. L’agresseur est peut-être juste passé ce jour-là, être loin maintenant.

Les journaux locaux, à l’affût des moindres ragots pour alimenter leur feuille de chou, sont intéressés par la reprise de l’enquête par la policière que tout le monde a vu à la télé. D’autant plus que, ça se sait maintenant, elle est originaire du pays.
Sarah est sollicitée pour une interview qu’elle accorde de mauvaise grâce. Elle en profite pour lancer un appel à témoin, on ne sait jamais, il ne faut rien négliger.

Malgré ses réticences de voir débarquer des parisiens, la police locale s’est mise à la disposition de Sarah. Deux inspecteurs font le tour des témoins de l’époque. Il est essentiel de confronter tous les témoignages, on ne sait jamais parfois un élément n’a pas été dit la première fois et revient au détour d’une phrase. Avec un peu de chance, le détail le plus insignifiant peut-être le chaînon manquant, l’élément indispensable.

Sarah y croit, comme elle croit à sa bonne étoile. Avec Aïcha, elle part faire le tour de la ville, pour essayer de retrouver l’ambiance d’il y a 22 ans.
Elle a une intuition, son fameux flair. Direction le lieu où le corps de Camille a été découvert, à dix kilomètres de là. Dans la voiture, elle est dérangée dans ses réflexions par la sonnerie de son téléphone. Un coup d’œil rapide, c’est encore Nicolas. Elle n’a pas la force de lui parler, elle coupe sans décrocher, elle lira son message plus tard, s’il en laisse un.

La chance n’est pas encore au rendez-vous. La journée a été décevante, rien de neuf, rien d’important. Enfin il faut refermer toutes les portes, ne laisser aucun doute, pour se focaliser sur l’essentiel. Mais, c’est quoi l’essentiel ?

Le soir, Sarah rentre de plus en plus tard chez sa sœur qui a compris qu’il était inutile de l’attendre pour dîner. Mais aujourd’hui, Sarah est fatiguée, elle a besoin de l’épaule accueillante de Rachel. Devant un verre d’alcool fort, elles discutent de leurs boulots, de leurs parents, de leurs souvenirs communs quand elles vivaient ici. Sarah évoque sa rencontre avec Tony :
- Comme il a changé. C’est un homme maintenant.
- Toi aussi tu as changé, on a tous 20 ans de plus.

Rachel a une vie sentimentale tumultueuse, son dernier petit copain est parti il y a 2 mois. Elle pousse sa sœur à lui faire des confidences. Après avoir énuméré les quelques liaisons qu’elle a pu avoir, Sarah parle de Nicolas, du soutien qu’il lui apporte, de leur prochain mariage. La date n’est pas encore fixée, certainement fin juin :
- Nicolas doit passer à la mairie pour arrêter la date.
- Heureusement qu’il est là, tu as tiré le bon numéro.
- Oui, il s’occupe de tout. Il a déjà prévu notre voyage de noces aux Seychelles en septembre. J’espère que je pourrais me libérer.
- Eh ! tu as intérêt, sinon je te remplacerais, lui dit sa sœur en riant.
- Ben voyons ! … Pas touche, il est à moi.
- Garde le bien. Tu n’en trouveras pas deux comme lui.

---oOo---

Déjà deux semaines, le weekend approche. Nicolas l’appelle le jeudi soir au téléphone, elle est encore dans son bureau avec Jérôme, en train d’essayer de reconsti un dossier qui manifestement est tombé un jour par terre et a été remis en vrac dans son carton :
- Ma chérie…
- Quoi encore ?

Dérangé dans son travail, Sarah répond d’un ton sec, Nicolas a l’habitude :
- Je te dérange ?
- Non, non, mais fait vite.
- Tu n’as pas lu mes messages ? Je t’en ai laissé plusieurs.
- Oui, bon, je suis débordée. T’appelles pour quoi ?
- J’ai reçu ce matin les papiers de la mairie, pour publier les bans, il reste juste deux samedis disponibles fin juin, nous devons choisir.
- Quoi ? C’est pas déjà fait ?
- Eh ! Je n’ai pas que ça à faire. Occupe t’en si tu es si pressée.

Sarah se rend compte de son énervement :
- Excuse-moi mon chéri, je suis à cran en ce moment, cette enquête nous rend tous nerveux.
- Ça n’avance pas ?
- Difficilement. Alors quoi la mairie ? Choisi le jour que tu veux.
- D’accord, j’ai rendez-vous lundi prochain.
- Bon, ben c’est parfait. Fais au mieux, tu me diras, je te fais confiance. Au revoir, je dois y aller.
- Non attend, y a un problème.
- Quoi encore ?
- Nous devons signer les papiers tous les deux, il me faut ta signature.
- Zut !
- Il y a une solution. Je pourrais venir te voir ce week-end, nous pourrions tranquillement décider ensemble…. Je peux être là samedi matin, je repartirais dimanche soir.
- Ça va te faire une sacrée route, et tu sais vu le boulot ici, je bosse aussi le dimanche.
- Je te laisserais travailler. Mais on pourra au moins manger ensemble, et passer une nuit ensemble, j’ai envie de toi, tu me manques.
- Moi aussi tu me manques… bon d’accord, à samedi.
- Je t’embrasse ma chérie.

Mais Sarah a déjà raccroché.

---oOo---

Le lendemain, Sarah a rendez-vous avec la Juge d’Instruction, une jeune femme nommée il y a un an. Que connaît-elle de ce dossier ?
Elle fait pourtant bonne impression à Sarah, « Vous avez carte blanche, allez-y, et si vous avez besoin de moi, n’hésitez pas ». Elle aussi aimerait voir cette affaire aboutir, rapidement, pas question de laisser un dossier de 20 ans prendre le pas sur la pile qui augmente tous les jours.

Sarah allait prendre congé, lorsque la porte s’ouvre sur le Procureur, un homme sûr de lui, il va toujours à l’essentiel, pas d’état d’âme déplacé. Sans même lui dire bonjour, il clame trop fort :
- Une semaine, je vous donne une semaine, pas un jour de plus. Après je clos le dossier. Je n’ai pas que ça à faire.

Et il repart, comme il était arrivé, en coup de vent.

La juge tout aussi secouée que Sarah, la raccompagne :
- Vous avez entendu le Procureur. Faites le maximum, dans une semaine je ne pourrais plus rien faire.

Sarah est consternée, elle retrouve Aïcha devant le Palais de Justice. Pour se remettre, elles décident de s’octroyer une petite pause. Déjeuner rapide à midi.

En sortant du restaurant, elles tombent nez à nez avec Tony. Ils sont pressés, Aïcha va chercher la voiture tandis que Sarah discute quelques minutes avec son ami :
- Je dois y aller, excuse-moi, contente de t’avoir revu.
- Passe me voir un soir chez moi, prendre un verre. On aura plus de temps.
- Je ne te promets rien, on finit toujours tard. Mais d’accord, si je peux.

Sarah ne voit pas le temps passer. La journée est éprouvante. A 20 heures, tous les policiers sont partis, ils ont une famille. Il ne reste plus que Sarah et ses équipiers. Celle-ci leur conseille d’aller se reposer, la journée du lendemain risque aussi d’être très longue.
Aïcha et Jérôme décident d’aller dîner ensemble, en partant Aïcha se permet :
- Toi aussi tu devrais te reposer. On reprendra demain, tous ensemble.

Sarah est nerveuse, elle veut comprendre, mais devant la pile de dossiers, d’un coup la fatigue lui dicte de ne pas insister. En rangeant ses affaires, elle se souvient de l’invitation de Tony, « pourquoi pas » se dit-elle, elle n’a pas envie de dîner seule, et évoquer le passé, leur jeunesse, lui changera les idées.

Sur la route, elle passe rapidement au traiteur asiatique du coin et débarque chez Tony heureux de revoir son amie.

Le repas est convivial, Tony a sorti une bonne bouteille. Ils discutent de tout et de rien, du passé. Ils se rappellent des amis d’alors, qu’est devenu untel ou untel ?

Sarah, policière qui l’aurait cru. Elle raconte son installation à Paris quand elle a quitté la région, comment elle est entrée dans la police, un peu par hasard suite à une conférence au lycée, elle passe le concours, elle réussit et tout s’enchaîne. Mais elle aime son métier, c’est sa vie… Tony est un manuel, il a arrêté assez tôt les études. Il travaille dans un garage à la sortie de la ville, il est devenu associé il y a deux ans.

Tony toujours célibataire toujours dragueur. Il papillonne, multiplie les conquêtes. Sarah, de son côté, n’évoque pas son prochain mariage. Nicolas est loin ce soir.

Inévitablement, à force de souvenirs, ils se rappellent leur premier baiser dans la forêt, les moments passés derrière la maison en espérant que ses parents ne les voient pas.
Sarah se souvient de tout, Tony aussi :
- Nous étions insouciants.
- Tu étais sage, trop sage pour moi.
- Oui très sage, toi par contre… Je savais que tu sortais avec Sylvie et aussi avec Marie-Claire. Et quand je dis sortir. Dit Sarah avec un sourire complice.
- C’est vrai, elles n’étaient pas farouches. J’en ai profité, surtout Sylvie, une marie couche toi là. Ça ne l’a pas empêché de se marier, elle a deux s.
- Tu sais, j’étais jalouse.
- Pourtant, si tu avais voulu.
- Voilà, si j’avais voulu. Mais j’étais trop jeune.
- Elles avaient le même âge que toi.
- Peut-être mon éducation, j’avais peur. Nous étions encore des s.
- C’est le passé, dit-il en haussant les épaules.

La bouteille devant eux est vide. Sarah devrait rentrer, elle doit se reposer, la journée sera difficile demain. Mais elle se sent bien avec son ami, elle retarde encore un peu le moment du départ :
- Tu es bien installé, tu me fais visiter ta maison ?

Tony lui sert de guide, le salon, la cuisine, une cave au sous-sol et à l’étage son bureau qui sert de chambre d’amis et sa chambre, une grande pièce avec dressing et salle de bain. La décoration est simple, intérieur de célibataire.

Sarah entre dans la chambre, en fait le tour, se plante devant la gravure d’une femme nue, la reproduction d’un tableau célèbre, et se retourne vers Tony :
- C’est ton antre ?
- Comme tu vois.
- Alors, c’est là que tu amènes tes conquêtes ? dit-elle en le fixant dans les yeux.

Et sans lui laisser le temps de réagir, elle s’assied sur le bord du lit en souriant. Soutenant son regard, lentement elle déboutonne son chemiser :
- Nous ne sommes plus des s maintenant. Nous savons ce que nous voulons.

Le chemiser tombe sur le lit. Elle passe ses mains derrière le dos pour dégrafer son soutien-gorge qu’elle enlève sans quitter Tony des yeux. Seins nus face à lui, elle lui tend la main :
- Viens.

Il ne se fait pas prier. Assis à côté d’elle, il prend Sarah dans ses bras et pose ses lèvres sur les siennes. Elle frémit, le moment qu’elle attendait, qu’elle redoutait. Un baiser long, profond les uni.

Elle se laisse aller quand il la fait s’allonger. Leur bouche se colle à nouveau, une main sur ses seins.
Sarah ferme les yeux. Elle est adolescente… elle ose enfin. Elle veut lui faire oublier Sylvie.

Lui s’est déshabillé. En caleçon, il fait glisser sa jupe découvrant une petite culotte en dentelle.

Sarah ne pense plus à rien, elle s’abandonne aux mains de Tony qui la caressent. Elle n’entend pas la sonnerie de son téléphone qu’elle a posé sur la table du salon, ni quelques secondes après le bip annonçant l’arrivée d’un SMS.

Tony détaille Sarah en faisant glisser sa culotte, elle écarte ses jambes pour mieux se montrer. Il se love contre elle, lui embrasse les seins, suce les bouts tandis qu’il frotte sa queue contre sa cuisse. Sarah voit son rêve se réaliser. Sa bouche descend le long du corps de Tony, petites bises sur son torse, son ventre, son pubis. Elle saisit sa queue, lèche le gland et l’enfourne dans sa bouche, s’appliquant pour la fellation dont elle avait si souvent rêvé, seule dans son lit.

Nouvelle sonnerie en bas, au salon. Mais Sarah est trop occupée pour l’entendre. Quand Tony la pénètre, elle le regarde droit dans les yeux, elle veut voir sa jouissance, elle veut lui montrer combien il la fait jouir. Quand l’orgasme fait vibrer tout son corps, instinctivement elle ferme les yeux. Son cri couvre la sonnerie du téléphone, qui résonne pour la troisième fois.

Se caressant tendrement, après être passés ensemble sous la douche où elle a accepté qu’il lui remplisse la bouche, ils s’endorment nus, l’un contre l’autre.

Ce que Sarah ne sait pas, c’est qu’Aïcha cherche à la joindre depuis le début de la soirée. Elle a reçu un rapport du labo de la police scientifique. L’empreinte génétique relevée sur le chemisier de Camille assassinée il y a 22 ans, est celui de Tony, son amant depuis quelques heures. Il devient le principal suspect, pour ne pas dire le coupable.
Il est prévu d’aller l’arrêter chez lui le lendemain matin au petit jour. Aïcha lui demande d’être au commissariat à 5 heures 30.

---oOo---

Au petit matin, Sarah entend son téléphone sonner, quelle heure peut-il être ? Six heures, à cette heure c’est le boulot, Nicolas n‘est jamais aussi matinal. Elle va pour se lever, mais Tony la retient, l’embrasse. Elle se laisse aller dans ses bras. Laisse les mains de Tony prendre possession de son corps. Fermant les yeux, elle se laisse emporter par le plaisir qui la gagne.

Un bruit sourd les fait sursauter. La porte est enfoncée à coups de bélier. Des policiers arme aux poings font irruption dans la maison.
Qui est le plus surpris ? Sarah de voir ses collègues débouler dans la chambre, ou les policiers de découvrir leur chef, nue dans le lit du suspect numéro un.
Elle a juste le temps de remonter le drap pour cacher sa poitrine. Tony est empoigné brutalement, menotté sous ses yeux incrédules.

Les policiers l’emmènent. Sarah se rhabille rapidement, seule Aïcha est restée dans la chambre pour lui donner les explications qu’elle attend.

Les policiers fouillent la maison de fond en comble à la recherche du moindre indice, tandis que Sarah rentre chez sa sœur, la mine défaite. Sa nuit d’amour se lit sur son visage.
Rachel l’accueille en buvant son café.
- C’est à cette heure que tu rentres ?
- Eh ! Tu me surveilles maintenant.
- C’est ta vie… tu veux un café.

A ce moment-là, apparaît Nicolas dans l’encadrement de la porte. Sarah blêmit.
- Bonjour Sarah. Tu te souviens de moi ? Je t’avais dit que je venais ce matin. Où étais-tu ?

Sarah se trouble :
- En … En planque toute la nuit… Excuse-moi mon chéri, j’ai complètement oublié de te prévenir. Je suis fatiguée.
- Moi aussi je suis fatigué. J’ai roulé toute la nuit pour être là à ton réveil. Je suis fatigué et déçu.

Nicolas prend son sac qu’il n’a pas encore défait, enfile sa veste et se dirige vers la porte :
- Tu me feras signe quand tu te souviendras que j’existe... Repose-toi, tu as l’air d’en avoir besoin. Salut.
- Mon chéri attend… Ne t’en vas pas… Je ne devais pas signer des papiers pour la mairie ?
- Nous verrons plus tard. Quand tu rentreras à Paris… Si ça t’intéresse encore.

Sarah est accablée, « Tu ne m’embrasses pas ? » … Mais Nicolas est déjà dans sa voiture, il démarre direction Paris.

Rachel s’approche de sa sœur :
- Bravo, tu en fais de belle. Il est arrivé, il y a au moins deux heures, il t’attendait. Bel accueil, vraiment.
- Le boulot, je suis crevée, tu ne peux pas comprendre.
- Pas à moi, ton boulot a bon dos. Si Nicolas te croit, tant mieux pour toi, tant pis pour lui. Je ne suis pas aussi naïve, alors ta planque cette nuit, c’était qui ? Tony ?
- Si tu le sais, pourquoi le demander.
- Tu n’as pas pu t’en empêcher. Tu vas te marier. Pauvre Nicolas, cocu avant son mariage.
- Mais non voyons, ça n’a rien à voir avec lui. Il le fallait.
- Comment ça il le fallait ? T’avais le feu au cul hier soir ?
- Tony, une histoire inachevée, il le fallait pour mettre un point final.
- Tu te moques de moi. Il n’y a jamais rien eu entre vous, juste un petit flirt à 16 ans, quelques baisers. Mais tu étais jalouse de Sylvie, elle couchait avec lui, tu le savais. A l’époque tu ne voulais pas, tu t’es rattrapée, pour montrer que tu es la plus forte. Lamentable.
- Peut-être, mais il le fallait.
- Et Nicolas ? Tu l’as oublié ? Je te rappelle que tu vas te marier, enfin aux dernières nouvelles.
- Ça n’a rien à voir. Il comprendra.
- Parce que tu vas lui dire ?
- Je devrais, mais non, j’espère qu’il ne le saura jamais.
- C’est ça ton d’honnêteté.
- Pourquoi le faire souffrir. Je compte sur ta discrétion.
- Bien sûr, tu me prends pour qui. Mais quant à la Mairie, le maire te demandera « Mademoiselle Sarah Castaing voulez-vous prendre pour époux monsieur Nicolas Robic ici présent » et que tu lui répondras « oui », sous les flashes de toute la famille. Nous saurons toutes les deux qu’il est cocu, que tu l’as trahi. Bon début dans la vie.
- Non, tu noircis tout. Je ne l’ai pas trompé.
- Comment appelles-tu ça alors ? Tu te dédouanes bien vite. Le pauvre, si chaque fois que tu rencontres un de tes ex, tu couches avec, il va avoir de sacrées paires de cornes… Enfin ce n’est pas mon problème.
- …

Sarah n’a pas de temps à perdre. Son enquête avant tout. Le temps de se changer, elle retourne au commissariat.
Grosses effervescences. Tony est placé en garde à vue, il va être inculpé pour et présenté à un juge d’instruction. Sarah ne peut pas croire à la culpabilité de son ami, surtout après la nuit qu’elle vient de passer avec lui.

Elle est convoquée par le commissaire principal.

Sa hiérarchie a été alertée, la faute professionnelle est flagrante. Sur décision du Procureur, Sarah est relevée de ses fonctions avec ordre de rentrer immédiatement à Paris. La poursuite de l’enquête est confiée à l’équipe locale, d’ailleurs ils n’ont pas eu besoin d’elle pour arrêter l’assassin de la Joggeuse d’Avignon.
Sarah se sent humiliée. Elle redoute surtout le regard de Jérôme et d’Aïcha, elle vient de perdre leur confiance.

Rendez-vous lundi matin à Paris avec la police des polices, les bœufs carottes dans le jardon de la police.

Sarah n’a d’autre choix que de rentrer chez sa sœur préparer sa valise. Il va falloir à nouveau l’affronter, elle ne s’en sent pas la force.

Assises l’une en face de l’autre, elles déjeunent en silence devant la télévision qui diffuse ses inepties habituelles.
Ouverture du Journal télévisé, elles lèvent la tête en entendant le présentateur :

« Ce matin, au petit jour, Tony L. a été arrêté pour le de Camille, la Joggeuse d’Avignon. Il a été mis en examen par le juge d’Instruction chargé de l’enquête ».

Le journaliste continue : « Coup de théâtre, tout le monde se souvient des liens étroits qui unissent la commissaire Sarah Castaing avec Tony. Elle a été surprise ce matin dans le lit du principal suspect, par les policiers venus l’appréhender.

Les yeux fixés sur l’écran, Sarah n’en croit pas ses oreilles. Le journaliste poursuit, un petit sourire en coin, content de son effet :
« La commissaire Sarah Castaing a été relevée immédiatement de ses fonctions. Des sanctions disciplinaires ont été demandées par le parquet. La police des polices doit l’entendre à son retour dans la capitale. Il lui est reproché d’avoir couvert les agissements de Tony. Elle serait, si cela s’avérait exact, accusé de complicité ».

Sarah est consternée.
Sa première pensée va vers Nicolas, il a ment entendu la nouvelle, reprise par toutes les radios, impossible de lui cacher la vérité. Comment va-t-il réagir ?

Laissant sa sœur, elle va dans sa chambre pour lui parler sans témoins. Son téléphone est sur répondeur, il doit encore être en voiture. Elle hésite et d’une voix étranglée « Appelle-moi vite mon amour, Il faut que je te parle ».

Elle attend. Sans réponse, elle envoie un SMS :
« Mon chéri. Ce n’est pas ce que tu crois. Appelle-moi vite, je t’aime »

En revenant, sa sœur ne lui dit rien, mais son regard est lourd de reproche.
Sarah se recroqueville dans le fauteuil, en proie à une grande agitation, tout se bouscule dans sa tête.
Un message arrive, elle n’ose regarder son téléphone, un coup d’œil c’est bien Nicolas.
Anéantie, elle le laisse tomber à ses pieds. Sa sœur s’approche, le ramasse et lit le message que Nicolas vient d’envoyer :
« On s’est tout dit. C’était ça ta planque la nuit dernière. Merci pour ta confiance, tu t’es bien foutue de moi ».
Un autre message arrive « Adieu ».

- Eh bien ! Perdre le même jour son boulot et son fiancé, faut que tu l’aies dans la peau le beau Tony.
- Mais non, tu n’as rien compris, je ne l’aime pas. C’était juste pour finir cette histoire vieille de 20 ans.
- Va expliquer ça à Nicolas. Bonne chance !

---oOo---

Le lendemain, Sarah rentre à Paris. Dans le train, elle a du mal à mettre ses idées en place, tout est allé si vite. L’enquête, sa nuit avec Tony, son arrestation, le départ de Nicolas, que va-t-elle devenir ?

Leur appartement est vide. La penderie, les portes grandes ouvertes, vide. Les tiroirs de la commode vides. Nicolas a emmené toutes ses affaires. Les larmes lui montent aux yeux.

Sur la table du salon, une enveloppe. Les papiers de la mairie portant la seule signature de Nicolas, déchirés en quatre, et les billets de leur voyage aux Seychelles, la réservation de la suite nuptiale.
Un simple mot : « Cadeau. Profites-en avec ton amant »

Sarah s’écroule « Non mon chéri ! ».

Lorsqu’elle se présente à son bureau Quai des Orfèvres, au second étage, à la Crim’, Sarah a les yeux rouges de n’avoir pas dormi.

Ses collègues lui tournent le dos, pas un n’a un simple geste d’amitié.

---oOo---

Malgré les appels de Rachel pour expliquer l’attitude de sa sœur, Nicolas ne pouvait pardonner à Sarah sa conduite, sa trahison, mais surtout son mensonge lorsqu’elle est rentrée de sa nuit d’amour avec Tony.

Sarah espérait toujours recevoir des nouvelles de Nicolas, avec le temps il devait avoir réfléchi, avoir pardonné, avoir oublié. Après quelques SMS, car il ne décrochait jamais quand elle appelait, elle s’est lassée de ne pas recevoir de réponse.

L’appartement qu’elle occupait était le sien. Où logeait-il ? A l’hôtel ? Chez un ami ? Il allait sûrement lui donner signe de vie.

Au courrier, elle reçut enfin une lettre de Nicolas, il préférait écrire, plus facile que de parler. Fébrilement Sarah ouvrit l’enveloppe, mais déchanta rapidement.
Le ton était sec, administratif « Mademoiselle, veuillez libérer au plus vite le logement que vous occupez, son propriétaire désirant le récupérer pour son usage personnel.
Bien à vous
Nicolas Robic »

Sarah se sentit humiliée, c’était plus qu’une gifle que lui assénait Nicolas.

Elle comprit que cet ultimatum était la fin de leur amour. Mais avant, elle voulait lui dire, lui expliquer, elle espérait toujours qu’il la comprendrait. Elle essayait de se persuader qu’un espoir excitait encore. Elle lui envoya un SMS gentil, tendre, lui demandant de passer la voir.
Ce qu’il fit dès le lendemain dans la soirée.

En revoyant Nicolas, son cœur se mis à battre très fort, elle avait envie de lui sauter au cou, de l’embrasser, de lui demander pardon. Son regard froid la paralysa.

Elle essaya de lui expliquer, comme elle l’avait fait avec sa sœur, « il le fallait… Juste une vieille histoire inachevée … il n’y a aucun sentiment entre nous… je ne pouvais rien te dire… ». Mais comme sa sœur l’avait prédit, Nicolas n’est pas prêt à accepter ses explications, « C’est trop tard… Je ne pourrais plus jamais te faire confiance... Tu as brisé notre complicité ».

Elle l’a trahi, il se pose trop de questions :
- Tu as dû passer toutes tes nuits avec ce type. Chaque fois que je te téléphonais, j’avais l’impression de te déranger, tu étais avec lui ?
- Mais non, mon chéri, c’était la première fois, la seule fois.
- Tu te moques de moi ? Tu aurais choisi le jour où je viens te voir, pour me tromper ? Pourquoi ? Pour me faire comprendre que tu ne voulais plus de moi ?
- Non, que vas-tu chercher. C’est le hasard, ça n’a rien à voir avec toi.
- Alors ?

Sarah se trouble, elle bafouille :
- Je … je ne savais plus quel jour on était… j’ai oublié que tu venais le lendemain.
- C’est bien ça, tu m’avais oublié. Tu avais oublié qu’on devait se marier.
- Non ! Et puis…
- Et puis quoi ?

Sarah baisse la tête :
- Je croyais que tu devais arriver dans la matinée.
- Donc, si je comprends bien. Si Tony n’avait pas été arrêté, je n’aurais jamais rien su. J’arrivais dans la matinée, tu m’aurais accueilli en me souriant, tu m’aurais embrassé, comme Juda. Le soir nous aurions dîné dans un petit restaurant en amoureux, nous aurions fait l’amour toute la nuit. Tu passais d’un lit à l’autre, sans aucun remords. Et la semaine suivante, tu retrouvais Tony.
- Non voyons !
- Tu as tué l’amour que j’avais pour toi.
- Je regrette mon chéri… Mais on ne peut pas revenir en arrière.
- Moi, je peux.

A bout d’argument, elle a cette parole maladroite :
- Mon chéri… Depuis, j’ai compris combien je t’aime.
- Moi, pour savoir combien je t’aime, je n’ai pas eu besoin de baiser avec une autre… ni de te mentir.
- …

Sarah compris que c’était fini, qu’il n’y avait plus d’espoir. Nicolas prit quelques affaires et dit en partant « Dès que tu auras vidé les lieux, préviens-moi et laisse les clés à la gardienne ».

Restée seule, Sarah n’avait plus la force de pleurer. C’est vrai, avec tout son travail, elle avait oublié qu’il devait venir la voir. Pour elle, ce n’était qu’une parenthèse sans conséquence. Avec un peu d’honnêteté, elle osa s’avouer à elle-même, que Nicolas n’avait malheureusement pas tout à fait tort.
Comme il lui avait dit, si… Sans aucun remords d’avoir fait l’amour avec Tony. Elle aurait vraiment été heureuse de le voir, heureuse de se blottir dans ses bras, de l’embrasser, heureuse de passer une nuit avec lui, de baiser avec lui, elle en avait envie. Mais peut-être, enfin sûrement, elle aurait retrouvé Tony la semaine suivante. Pourtant, c’était Nicolas son amour, celui avec qui elle voulait fonder une famille.
Cette prise de conscience la bouleversa.

Quelques jours plus tard, elle libéra l’appartement, laissa les clés chez la gardienne et envoya un SMS à Nicolas.
Il ne lui répondit pas.

---oOo---

Apprenant la décision de Nicolas, mademoiselle Eugénie Duchemin héritière de l’entreprise Duchemin et fils pensait avoir toutes ses chances. C’était mal connaître Nicolas. Il a quitté l’entreprise pour partir sur un chantier à l’étranger, espérant oublier Sarah qu’il aimait toujours malgré sa trahison.

L’enquête interne menée par la police des polices conclu à la faute grave. La commissaire Sarah Castaing est obligée de démissionner afin de ne pas être mise à pied et jeter l’opprobre sur tout son service.

La lieutenant Aïcha est mutée au RAID heureux de récupérer un élément de cette valeur. Tandis que Jérôme est appelé au ministère de l’intérieur, il fera merveille devant son ordinateur.

En prison, Tony ne reçoit aucune visite. Même pas Sarah qui n’éprouve aucun sentiment pour lui, seule la nostalgie de sa jeunesse l’avait poussée à commettre cette folie. Leur nuit devait marquer le point final d’une aventure qui n’avait jamais vraiment commencé, « Si personne n’avait rien su ».

En attendant son jugement, Tony a été mis à l’isolement … Il ne pouvait se rendre aux douches ou à la promenade sans se faire tabasser ou violer par les autres détenus. Les pointeurs ne sont pas bien vus en milieu carcéral.

Deux années après, l’enquête touche à sa fin. Mis en examen pour viol et homicide volontaire, Tony clame toujours son innocence, malgré les preuves qui s’accumulent. Le Juge d’instruction a renvoyé son dossier devant la cour d’assises du Vaucluse. Le procès doit avoir lieu dans trois mois.
Coupable ou innocent ? Tony risque 30 ans d’incarcération.

Sarah a peur pour son ami d’enfance. Elle ne peut toujours pas croire en sa culpabilité.

Après avoir quitté la Police, Sarah a rapidement trouvé une place comme responsable sécurité d’une grosse entreprise. Ce n’est pas l’avenir qu’elle espérait, mais faut bien vivre. Elle revoit souvent sa sœur Rachel. Avec elle, elle peut encore s’épancher sur ce qu’elle a perdu, sur son bonheur passé.
Sarah vit seule. Tous les jours, elle pense à Nicolas avec tristesse « Où est-il maintenant ? », « Me pardonnera-t-il un jour ? ».
Elle regrette, mais que regrette-t-elle exactement ?

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