Rose 10

Rose 10


C’est fait, la lettre originale est déposée à la bonne adresse. J’ai fait cinq copies. Au retour, j’en ai glissé un exemplaire dans la boîte aux lettres de Sylvie pour ne pas m’attarder, mais j’ai sonné à sa porte. J’ai hâte de retrouver Rose, de voir si elle n’a pas profité de mon absence pour se sauver. Je suis soulagé : elle vient m’ouvrir la porte. Elle est rouge de visage, la transpiration dépose de fines gouttelettes sur son front : les effets de la pilule sans doute.

Mon mariage vit dangereusement. Pour le sauver je prends des risques. Je rédige les adresses des autres destinataires, et je vais poster l’ensemble à la boîte aux lettres du quartier. La nuit va tomber : au passage près de la cabine téléphonique, je remarque la silhouette d’un individu qui semble faire le guet. Je rentre chez moi.

- Rose, il va faire nuit. Allons respirer l’air du soir. Enfile des habits et allons faire quelques pas ensemble.

Nous sortons, main dans la main. La sentinelle est toujours dans la cabine et fait semblant d’être en conversation. Nous nous arrêtons à sa hauteur et je demande à Rose de l’observer. L’homme quitte la cabine, comme pour nous laisser la place et dit bonsoir. Rose bien clairement dit « Bonsoir, Maurice », sa voix n’a pas tremblé.

- Les vautours guettent déjà leur proie. Il y a intérêt à prendre les devants. Il serait étonnant qu’on retrouve Maurice en planque demain, si le responsable réagit à notre courrier

-Je ne voulais pas t’alarmer. Ce type est venu sonner à la porte juste après ton départ, il a insisté pour que j’ouvre. Je lui ai dit que tu allais revenir. Il m’a annoncé qu’il reviendrait et qu’il savait comment me décider à lui ouvrir. Je suppose qu’il a soit rencontré Gilles aujourd’hui soit reçu un coup de fil, un e-mail ou un sms.

- Ses menaces n’étaient pas des paroles en l’air. Ferme donc bien la maison, ne sors pas seule.

Le problème sera vite réglé, je te le promets. Ne tremble pas. Faisons encore quelques pas. Je dois mettre Sylvie en garde. Ne crains rien, elle ne te mordra pas. Si elle divorce, elle pourra te remercier de lui avoir ouvert les yeux.

Nous sonnons. Sylvie se montre à la fenêtre de l’étage. En quelques mots nous lui signalons la présence de l’ami Maurice. Elle me remercie pour les copies. Oui, elle a bien déposé Gilles chez ses parents et leur a fait part de son intention de divorcer. Elle a déjà pris rendez-vous chez un avocat. Elle présente des regrets à Rose dont elle n’aurait pas dû griffer le visage, mais la colère est mauvaise conseillère. À la sortie de l’impasse nous retombons sur le dénommé Maurice. Il hâte le pas.

Rose m’empoigne le bras et se blottit contre moi. Je lance :

- À demain, Maurice, au commissariat.

Il n’aurait pas entendu ? Pourtant ma voix porte. Ça lui donne des ailes.

- Mon Paul, comme je t’aime.

Je vais boire une bière à la cuisine. Rose m’accompagne ; elle prend la poubelle, le ramassage se fait demain. Je lui enlève la poubelle des mains : .

- Donne, je vais la mettre sur le trottoir.

Elle ne lâche pas le sac noir. J’insiste, c’est mon travail et il convient de la protéger des maîtres chanteurs.

- Je préfère la sortir, avec ces rôdeurs, on n’est jamais sûrs. Laisse-moi faire, ma chère.

Elle finit par abandonner le sac, mais serre le ruban de fermeture. J’allume les lampes du jardin. La porte de la terrasse est poussée mais non verrouillée malgré mes recommandations, au grand étonnement de Rose.

- Veux-tu que je t’accompagne, chéri ?

Ce « chéri », c’est un signal d’alarme, il sonne faux. Je pose le sac sur la table de jardin de la terrasse, je délie le ruban, écarte les bords du sac devant Rose, interdite sur le seuil. Et là, au-dessus des déchets, même pas cachés, jetés à la va-vite, je vois deux préservatifs bien chargés.
Je les sors, les lève à la lumière et demande :

- Lequel s’appelle Alain, lequel se nomme Karim ?




Tout semblait réglé. Or ce matin on sonne à la porte et je me retrouve face à l’acheteur qui a signé, il y a 6 jours, le compromis de vente de ma maison. Est-il si pressé de prendre possession des lieux ? Son air embarrassé m’intrigue. Nous prenons place, il tousse pour dégager sa voix et se jette à l’eau pour m’apprendre qu’il n’a pas obtenu le prêt relais nécessaire à l’achat de ma maison et qu’à regret il se trouve dans l’obligation de renoncer à son projet. Nous sommes dans les temps, le délais de rétractation est respecté et malgré ma déception, je ne peux que m’incliner devant la décision de ce retraité. Il répète combien la disposition de mon plain-pied lui plaisait, et je me sens obligé de le consoler.

Voilà qui remet en cause toute ma situation. Un autre acheteur pourrait se présenter et je peux compter sur mon agence immobilière pour m’en présenter. Mais entre le moment où j’ai décidé de vendre et ce jour, je me suis souvent interrogé sur le bien fondé de ma décision. Quand j’ai confié la vente à cette agence, je sortais d’une rude épreuve. Je me retrouvais seul dans cette maison spacieuse, seul avec des souvenirs douloureux. Rose venait de me quitter, dans des circonstances lamentables dont les murs me semblaient avoir gardé la mémoire. En mettant en vente, avant même de connaître la décision d’un tribunal, j’avais voulu me séparer définitivement de tout ce qui m’avait déchiré le cœur.

Après des débuts heureux, j’avais eu à traiter cette situation inattendue, inimaginable de l’irruption dans notre couple de Gilles, le moniteur de l’atelier d’artisanat. Surpris, ulcéré, j’avais paré au plus pressé. Avais-je bien géré les événements ? L’issue catastrophique de l’histoire m’avait plongé dans le doute. J’avais sacrifié au désir de maintenir mon couple certains de mes principes, notamment celui qui voulait que le mariage fût une union librement consentie de deux parties.
À partir du moment où Rose marquait une préférence pour un autre homme, j’aurais dû peut-être lui accorder immédiatement la liberté de me quitter, sans essayer par vanité de lui prouver qu’elle se trompait.

Combien de fois me suis-je demandé s’il n’aurait pas été plus judicieux de fermer les yeux dès le début. Si Gilles avait concrétisé lors de son premier cours à domicile, il se serait immédiatement lassé ou n’aurait pas tardé à le faire puisque son plan prévoyait une certaine Sophie. Rose abandonnée, renseignée par un mot de Gilles semblable à la lettre qu’il lui avait finalement laissée, aurait pu méditer sur l’événement, humiliée certes, mais sans témoins. Gilles l’aurait-il livrée à Alain Karim ou Maurice ?

La leçon reçue de Gilles aurait pu être source de force pour résister à leur cour. Peut-être. À moins qu’elle ne l’ait livrée aux prédateurs. Et j’aurais encore dû fermer les yeux. Mais au moins eût-elle eu l’occasion de constater par elle-même ce que ces gens attendaient d’elle.

Comme tout devait se dérouler loin de mes yeux, je n’aurais pas eu ce rôle de paratonnerre sur lequel Rose avait envoyé sa colère. En m’interposant, j’avais attiré la foudre sur moi. Je l’aimais, je souhaitais vivre avec elle, j’avais voulu la protéger malgré elle. Avec un peu de patience, j’aurais laissé à Rose le temps de faire quelques expériences, d’en tirer les conclusions pour son avenir. Et Rose, passé ce temps de découvertes, formée par quelques escapades hasardeuses, se serait raccrochée à ce qui lui aurait semblé solide. A cette hypothèse on peut opposer qu’elle aurait tout aussi bien pu prendre goût au jeu, multiplier les aventures de façon de plus en plus provocante pour découvrir à quel point j’étais aveugle. Certains souhaitent voir leur femme jouir entre les bras d’un ou de plusieurs amants, grand bien leur fasse. Il est possible que le bonheur de leur vie soit lié à l’assouvissement des désirs de leurs épouses. Cette forme de bonheur leur convient ; j’envie cette façon d’aborder la vie de couple : les cocus heureux ne divorcent pas.


J’avais fini par perdre ce à quoi je tenais le plus au monde, l’amour de Rose. Elle s’était vengée des obstacles que j’avais dressés sur le chemin de son émancipation. Parce que je l’aimais, par maladresse, j’avais donné trop d’importance à Gilles et, dans son désarroi, elle m’avait considéré comme le responsable de la déroute de son idylle. Enfin, pendant que j’essayais de déblayer la route, par vengeance, elle avait accueilli Alain et Karim, s’était livrée à eux pendant ma courte absence avant d’accorder à Maurice l’occasion de la venger. Mon retour avait empêché le troisième larron de la posséder à son tour : voilà pourquoi il rôdait comme une âme en peine dans notre quartier. Espérait-il que j’allais encore m’absenter ?

Après la sinistre découverte des preuves de la dernière et double infidélité de Rose, sans un mot, j’allai déposer le sac poubelle sur le trottoir. Les deux compères avaient eu la délicatesse d’utiliser des préservatifs mais avaient rendu visible leur rapport sexuel avec Rose et le peu de foi à accorder à ses serments. Une ombre avançait sur le trottoir, marqua un temps d’hésitation et s’apprêtait à faire demi-tour. Bien que ne l’ayant pas vraiment reconnu, j’appelai :

- Maurice, voudriez-vous venir : j’ai à vous parler. Venez, s’il vous plaît.

Il vint à moi et je l’emmenai par le jardin jusqu’à la porte de la cuisine. Rose avait disparu pour fuir les reproches. Au salon, accompagné de ce quasi inconnu, j’entendis des bruits dans ma chambre à coucher. Le grand Maurice, pas très à l’aise, prit place en face de mon fauteuil pendant que je sortais des verres à eau-de-vie et une bouteille de mirabelle. Nous avons trinqué à notre santé avant d’entamer la conversation

-Je suppose, mon cher, que vous connaissez ma femme, Rose ?

- Effectivement, je l’ai rencontrée à l’atelier d’artisanat où j’enseigne.

- Vous avez une spécialité ?

- Le travail de l’étain.

- Ah ! Voilà une activité qui pourrait m’intéresser. J’ai eu l’occasion de découvrir de jolies réalisations lors de votre opération portes ouvertes.

-Je vous donnerai volontiers des conseils si vous nous rejoignez.

- Pensez-vous que mon épouse pourrait également ?

- Beaucoup de femmes sont tentées et réussissent parfaitement dans cet art. Donc Rose pourrait fort bien se distinguer et trouver des satisfactions, d’autant plus qu’elle fait preuve de dons certains pour les travaux manuels.

-Vous devriez la persuader de se livrer à ce type de travail.
-Ce serait avec grand plaisir que je la formerais.

Voilà, il est détendu maintenant et déjà en train de rêver à tout le profit qu’il pourrait tirer de cette situation provoquée par le mari cocu qui lui fait si gentiment espérer des lendemains joyeux et animés.

- Permettez-moi quelques questions plus personnelles. Quel est votre âge ?

- Vingt cinq ans, chaudronnier soudeur à l’usine, célibataire.
- Je comprends pourquoi vous travaillez l’étain. Mais encore célibataire, je suis étonné. Peut-être fiancé ? Même pas ?

- Depuis un certain temps, je suis amoureux d’une jeune femme, hélas je n’ai pas encore osé lui déclarer mes sentiments.

- Un grand gaillard timide ? Et où habitez-vous ?

- Chez mes parents. Ils possèdent une maison rue du maréchal Juin. Ils occupent le rez-de-chaussée et je loge à l’étage où j’ai installé une cuisine indépendante, une salle de bain, un salon et une chambre à coucher. Je pourrais en cas de besoin aménager deux chambres dans les combles.

- En somme vous êtes un beau parti. Si vous êtes célibataire c’est pour profiter pleinement des années de jeunesse ! La fréquentation des jeunes femmes à l’atelier ne provoque-t-elle pas parfois des émois imprévus ? N’est-ce pas difficile à gérer ?

- Hélas, la plupart sont déjà mariées.

- Est-ce encore un obstacle de nos jours ?

- Pas absolument.

- Si l’une d’elle s’éprenait de vous et si elle vous plaisait, vous sentiriez-vous de repousser ses avances ?

- Bien sûr que non, puisqu’elles sont toutes adultes.

- Souhaitez-vous vous établir ou continuer à butiner les fleurs des autres ?
-Si l’occasion se présente, je me fixerai.

- Si vous y êtes résolu, cela ne devrait pas tarder.

Les bruits dans la chambre ont cessé et j’ai aperçu dans l’ouverture de la porte une ombre : Rose doit prêter une oreille attentive à notre conversation.

- Voulez-vous me permettre d’aller chercher mon épouse pour qu’elle prenne part à notre entretien ? Prenez encore un petit verre en attendant.

Rose remplit une valise, y entasse sa lingerie. Près du lit une deuxième semble déjà remplie tant ses flancs sont bombés. Je constate qu’elle a décidé de quitter notre foyer. Je la regarde, elle me regarde :

- Je suis désolée, mais je n’ai pas pu résister à l’envie de te faire payer ces deux jours, les lettres de dénonciation et j’ai ouvert la porte à Karim et Alain pour les délivrer de leur obsession. Je regrette d’avoir tout cassé. Je me suis emportée, il ne me reste plus qu’à te quitter. Mais, malgré les apparences, c’est toi que j’aime.

Cherchez la cohérence ! Elle attend. Espère-t-elle que je vais protester, lui demander de ne pas partir ? Mon cœur est brisé, je ne sais plus que faire ou que dire. J’étouffe mes émotions sous les questions pratiques :

-Où pars-tu ? Vas-tu chez tes parents ? Quand veux-tu me quitter ?

- Je t’ai fait trop de mal. Je vais partir dès que j’aurai bouclé cette valise. Si tu veux tu feras des cartons avec mes autres affaires et je passerai les prendre quand j’aurai trouvé un endroit où loger. Tu veux ?

— Ça ne presse pas à ce point. Enfin fais comme tu veux. Je te regretterai. Je voulais te présenter un visiteur qui attend au salon. Peux-tu le recevoir etme faire ce dernier plaisir ? Jouer à l’hôtesse une dernière fois ?

Rose me suit, feint la surprise à la vue Maurice

- Bonsoir Maurice, c’est vous notre visiteur du soir ?

— Bonsoir, Rose, votre mari m’a invité à venir boire un verre et à discuter.

Un silence suit ce court échange. Je prends les choses en main.

- Voilà, ma chère Rose, tu m’as dit pendant notre petite promenade que tu n’avais pas eu le temps de recevoir notre ami Maurice durant mon absence car tu étais déjà très occupée avec deux autres visiteurs pressés. J’ai voulu réparer cette impossibilité regrettable et j’ai profité de son passage devant notre porte pour le faire entrer.

- Je vous remercie pour votre accueil, Paul.

- Tu as bien fait. Nous allons entendre ce que Maurice avait à me dire.

Aie, c’est embêtant. Il faut que je sorte. Qu’inventer pour les laisser seuls ?

- Excusez-moi, je reviens dans un instant.

Comment ce timide oserait-il répéter devant moi ce qu’il a dit plus tôt ? Laissons-lui une chance. Sinon je vais encore devoir forcer le destin. Je ne peux pas lui dire:

- Je vous offre ma femme, prenez la et emmenez la chez vous.


Puisque Rose me quitte, mieux vaut lui trouver une solution acceptable. Ce célibataire qui a de quoi l’héberger, prêt à se fixer et qui souhaitait la connaître au sens biblique du mot serait la solution idéale. Au retour, je m’arrête à la cuisine et j’appelle Rose :

- Alors, que dit-il ?

- Rien. Je ne reconnais pas le gars qui était à la porte et qui voulait absolument entrer. C’est un timide hors normes.

- Écoute-moi : ce type est amoureux de toi, sérieusement amoureux : c’est ce qui le perd. Par ailleurs il pourrait te recevoir chez lui ce soir, si tu le lui demandais.

-Mais comment veux-tu que je lui demande ça ?

— À ta place, je sauterais sur l’occasion. Je suppose que cela ne t’enchante pas de retourner chez papa maman, je ne te connais pas d’autre lieu d’accueil. L’expérience malheureuse que nous venons de vivre pourrait tourner à ton avantage avec ce compagnon.

- Oui, mais je ne l’aime pas !

- Aimais-tu Alain ou Karim ? Ils n’ont pas passé la soirée à attendre. Ils ont fait leur petite affaire avec toi. Leur coup tiré, tu ne les verras plus que le jour où ils auront un creux dans leur emploi du temps, l’envie de coucher et de se vider les testicules.

- Ils pourront toujours courir !

— Enfin, fais ce qui te plaît. Ce n’est pas l’affaire d’un mari qu’on quitte. Je vous laisse quelques minutes.

Surprise quand je reviens : deux valises sont près de la porte, Maurice est agité, tient la main de Rose, son visage est radieux :

- Paul, Rose m’a dit qu’elle vous quittait et a accepté mon hospitalité. Je vais prendre soin d’elle, je vous le promets. Si vous divorcez, je m’engage à la soutenir et à l’épouser si elle veut de moi.

Rose a l’air satisfait. Comment s’y est-elle prise ? Dans son dernier sourire, je lis un signe de reconnaissance. La larme qui coule sur sa joue lorsqu’elle m’embrasse avant de franchir le seuil m’émeut et j’écourte les adieux pour cacher les larmes qui m’échappent.

-Bonne chance à vous deux.

Elle est partie, maintenant je peux pleurer : ça ne fera de mal à personne. Je la revois en robe de mariée, les yeux plantés dans les miens, promettant fidélité et assistance avec une telle ferveur. On s’engage à vie, c’est exaltant mais un beau jour on se rend compte que des tentations font dér, que la promesse sincère devient un poids. Ensuite je l’entends réclamer à Gilles de lui faire un ; et ce dernier « Paul je t’aime » pendant notre dernière promenade.

Assommé par tant d’émotions je m’endors. Au réveil, j’ai cherché Rose, j’ai visité chaque pièce : ce n’était pas un mauvais rêve, j’étais seul. Rose était absente. Chaque chambre, la cuisine, chaque meuble, chaque siège, chaque ustensile, le lave linge, le panier à linge, la coiffeuse, le lit, ce maudit matelas et les pétales de pivoines fanés, le silence de la salle de bain, le silence de toute la maison : tout me criait que j’étais seul, seul. Plus de chants joyeux, plus de cris de joie, plus d’appels pour un oui ou pour un non : le vide, la solitude. Plus de taquineries, plus de disputes futiles, plus de marques de tendresse, plus de je t’aime.

Ce jour là je décidai qu’il me serait impossible de vivre dans cette maison trop chargée en souvenirs, hantée par le fantôme de mon amour. Le temps de tout remettre en ordre et j’appellerais une agence immobilière.

Il y eut les démarches pour notre divorce, quelques contacts rapides avec Sylvie pour le sien, la recherche d’un avocat, le montage d’un dossier pour faute avec tout ce que cela comporte de pénible. C’est avec joie que je retrouvais mon travail à la fin de mes congés payés pour enfin échapper à la sinistrose. Rose et moi ne correspondions que par nos avocats, je ne savais pas si elle demeurait chez Maurice. Ses parents devaient m’imaginer en diable et me laissaient sans nouvelles.

Jamais un membre de ma famille personne n’avait divorcé, j’étais le vilain petit canard. L’atmosphère était étouffante. Et, pour ne rien arranger, l’agence immobilière déploya un zèle extraordinaire pour dénicher l’oiseau rare qui achèterait ma maison au prix vendeur demandé. Comme mon salaire me permettait de rembourser régulièrement mes emprunts, je refusais de céder aux sollicitation du responsable d’agence prêt à vendre à n’importe quel prix pour toucher sa commission. Les candidats défilaient à un rythme incroyable, acheteurs potentiels ou simples curieux. Un couple de retraités se présenta, vint et revint en visite, tenta de faire baisser le prix et finalement signa le compromis de vente à mon grand soulagement. L’illusion ne dura que six jours.

Pendant ce temps le juge aux affaires familiales avait conclu de notre entrevue que nous ne souhaitions pas de conciliation. Ce samedi après-midi, il pleuvait, c’était l’hiver, j’avais organisé mes travaux ménagers pour la semaine et, assis devant la télévision, je repassai mon linge. Cette année, pour la première fois je ne dresserais pas de sapin de noël, je n’inviterais personne et personne ne m’inviterait. Je vivais en reclus. Un premier coup de sonnette me tira de mes rêves éveillés. J’ouvris ma porte à Maurice. Allait-il enfin me donner des nouvelles de Rose ?

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