Les Chaleurs De Sophie

Je la savais espiègle, ma nièce. En tous cas je l'avais toujours vue petite fille curieuse et aventureuse. Très différente en tous cas de ses cousines de Fleurville, Camille et Madeleine.

Voilà quelques années déjà qu’elle laissait pousser ses cheveux et avait quitté ce casque blond de garçon qu’elle affectionnait, autrefois, gamine.
Cheveux blonds longs très clairs, très fins, maintenant en tresses. Visage encore in bien qu'elle eût largement dépassé fin d'adolescence. Sans doute était-ce dû à sa silhouette élancée et menue, à la modestie de ses seins et à ses hanches androgynes.

En fait non, ce qui faisait surtout sa jeunesse, c'était le regard vif et coquin qu'elle portait sur toute chose, sur le monde, toujours prête à inventer de nouvelles bêtises.

J'étais venu passer quelques jours au château rejoindre mon fils Paul en vacances chez les Fleurville avec ses cousines.
Pour l'heure, tous étaient partis au lac trouver un peu de fraîcheur.
Moi j'étais resté sous les frondaisons pour une petite sieste.
Sophie avait décidé qu'il lui fallait répéter la pièce de piano qu'elle devait jouer au soir dans le grand salon devant toute la famille réunie.

Hasard, coïncidence ? Qui aurait pensé que c'était voulu que nous soyons restés seuls au château en cette sunny afternoon ?

En tous cas pas moi, qui somnolais indifférent sous l'ombre des grands aulnes à peine perturbé des trilles qu'elle expérimentait dans le morceau de piano, au loin dans le salon. Je voyais bien qu'elle jouait avec les touches pour donner du relief à la mélodie classique imposée.

J'aimais assez cette attitude de révolte vs la composition en faisant suivre certaines notes d’un demi-ton battant. C'était enlevé, c'était vif, c'était bien et je n'étais plus du tout endormi mais au contraire attentif à l'art d'interprète de ma jeune nièce de Réan.

Le livre de Pierre Choderlos gisait sur mes genoux, ouvert à la page où Cécile défaille, facile, fille trop facile.

Et je m’y étais endormi ... fat hombre, dirait Misa, incapable de concentration…

Le piano s'est tu et moi je me suis approché des porte-fenêtres ouvertes sur la terrasse, comme chat indiscret animé de curiosité.

La fille avait quitté le tabouret derrière son clavier et était maintenant assise sur le sofa, face à moi, dans la lumière du soleil d'après midi qui baignait la terrasse.

Regard presque inexpressif bouche ouverte, bée.
Sur ce canapé dans ce boudoir après-midi d'été chaude écrasée de silence. Par la fenêtre, la campagne verte herbes hautes grillées le chemin empierré et au loin le bosquet et l’étang où tous étaient partis se baigner, trouver un peu de fraîcheur.

Elle, elle s’attardait … ici

On aurait dit qu'elle était ailleurs, assise sur ce sofa, jambes relevées, sa robe de percale blanc aux genoux drapée, les mains serrées dessus. Ses ballerines rangées parallèles sur le plancher et ses deux pieds crispés de dix orteils sur l'étoffe au bord du canapé.

Les deux tresses tombaient sur son épaule gauche. L'une plus bas que l'autre, jusqu'au pointu de son sein. Un sein qui pommelait le coton tendu de sa robe d'été. Col haut et chaînette d'or avec croix en pendentif. Clair, brillant doré. Et manches courtes de fille de soleil.

Ses yeux ne regardaient rien et sa frimousse restait inexpressive. Elle attendait. Elle attendait un destin ignoré d'elle, un destin de grandes personnes que les petites filles ne connaissent pas, n'imaginent même pas, tant elles sont innocentes.

Moi je comprenais tout et j'étais en concordance de vue de cette sainte-nitouche qui s'ouvrait première fois languissante aux jeux des grands. Jeux rêvés au détour de livres volés à la bibliothèque du château étagères poussiéreuses, volés aux adultes. Nuits de lecture au creux du lit douillet sur l'oreiller, chandelle vacillante sur la table de nuit, recroquevillée main entre les cuisses encroquemitouflée de chaude tendresse humide.


Elle avait compris qu'opportunité était, ce jour, dans la chaleur de l’été. Elle ne voulait pas, elle n'avait pas décidé, non ... juste elle comprenait que le moment était venu et son ventre aussi l'avait compris qui ouvrait doucement ses intimités et relâchait des humeurs nouvelles jusqu'en haut de ses cuisses.

Elle n'était pas en désir en demande comme une grande, non, elle était seulement en réceptivité. Elle était ailleurs et ce qui allait lui arriver, elle le savait mais se sentait seulement juste en consentance. Pure consentance pas vraiment voulue. En passivité, elle l'acceptait, comme destin, comme nécessité de passage à l'âge adulte.

Ses yeux étaient éteints et moi j’observais, entomologiste attentif, sa transe. Et je me sentais en devoir.
Instant initiatique, je me devais d'en faire moment inoubliable et cherchais le geste qui en ferait une sorte d'éternité. Pas facile, vous savez d'être mentor. N'est pas René Angélil qui veut.

Le tableau dans le soleil d'après-midi valait ces moments saisis,
peintures huiles de filles alanguies en nature luxuriante, Louvres collections XVIIIème.

Sa posture était indécente mais, normal, elle ne se savait pas observée. Sa tête posée sur ses deux mains, elles-même posées sur ses genoux serrés. Assise au bord du canapé, les ballerines au sol, ses pieds encadrant la culotte.

La culotte était tendue sur son embryon de toison. Cuisses hautes et jupe pendante de part et d'autre de ses jambes relevées. Figure absente aux yeux perdus dans le lointain.

Pas un mot. Il ne fallait pas un mot, pas parler.

Je suis venu, me suis assis auprès d'elle. Mon bras la prit aux épaules en la serrant contre moi, ses hanches collées aux miennes. Ma main est venue sur le tissu fin gonflé humide. Légèrement. Mes doigts ont parcouru, par dessus l'étoffe légère, la fine vallée de sa fente et les deux gonflés charnus qui la bordaient. A peine velus.


Elle, restait impassible. Comme si la caresse ne l'émouvait pas. Comme si elle ne savait pas que c'était bon et qu'elle aurait dû s'en réjouir.
Est-ce cela l'innocence ? Ou bien sorte de latence aux plaisirs du sexe. Retard à l'allumage. Besoin d'initiation avant naturelle jouissance. La culture est-elle un précurseur obligatoire ?
Ça je peux comprendre, ce fut pareil pour moi, en son temps ... lointain.

La gamine était inerte indifférente et je pensais, elle est trop jeune et mon rôle est ingrat, oncle ueux en devoir d'éveiller une trop jeune pour s'allumer spontanément aux pulsions de sexe.

Pourtant son petit corps se collait chaud à ma hanche et je sentais bien qu'elle s'y sentait bien. Elle a brusquement attrapé ma taille de son bras et, réponse à mes trois doigts sur son gousset, m'a serré contre elle, bassins fort accolés.

Ma main sur ses cuisses, légère, large, empaumante de ses douces chaleurs, s'est lentement refermée sur le tissu moite nid de ses intimités.

Gamine blonde, sa toison était fine et n'avait pas prétention à cacher le creux d'elle.
La culotte était lâche de ses ourlets. Ma main a écarté le fond de coton et mes doigts, imprégnés du jus d'elle, ont descendu le court périnée pour découvrir la porte étroite plissée. La parcourir, en avant en arrière, inspecter du charnu le sphincter palpitant, oser un léger pousser introspectif, caresser comme effleurement la fine crête en avant.

Son regard restait figé sur horizon lointain et rien sur son visage ne permettait de penser qu'elle trouvait à cette caresse un quelconque intérêt.
J'étais presque dépité.

Mais alors que j'allais renoncer, pensant qu'elle était, ta trop jeune, fruit insuffisamment mature, alors un geste qu'elle a fait m'a brusquement rassuré.

Mais j'avoue qu'un baiser m'eût mieux convenu. M'aurait paru plus approprié.

Non, ce geste qu'elle fit, ce ne fut pas un baiser de lèvres juvéniles amoureuses.
Non. Ce geste qui a tout changé, qui m’a conforté, c’est sa main à ma nuque, autoritaire impérieuse, pour l'attirer pour l'abaisser pour la mener, l'amener au sanctuaire de ses voluptés.
J'étais tombé à genoux sur le tapis turc tarabiscoté, lèvres posées presqu'en retenue sur la légère ombre blonde au creux de ma paume ouverte.

Avant même d’effleurer le papillon de ma langue, j’ai donné à mes doigts une longue giclée de salive claire. Les trois sont redescendus, glissant sur la fine crête du périnée, le plus grand badigeonnant le soleil plissé pour mieux pénétrer au fond de son être.
Passé l'étroit, le tendre faisait caverne et m'a accueilli de mille replis chauds et vivants.

Elle cambrait son bassin vers ma main et son profond faisait comme écrin à mon majeur longuement planté en son fion.

Elle avait relâché ses genoux et ses cuisses s'étaient ouvertes, tombées reposant écartelées sur le tissu ouvragé du dessus de lit soyeux tandis qu’elle s’était renversée sur le dos, couchée sur le canapé.
Ses doigts étaient enfouis dans ma chevelure et me guidaient, aiguille de phonogramme sur le sillon de ses plaisirs.

Mon introspection montait haut en elle. Elle avait la tête rejetée en arrière, bouche ouverte, figée de stupéfaction. Ses intestins faisaient caverne agitée de douces pulsions autour de mon doigt profondément serré.

Mon esprit était en elle, dans son fondement.

Son pubis tout doux était un vrai bonheur et tout en gardant ma préhension en ses profondeurs, j'ai mangé de bon coeur sa petite languette et son pli poisseux.
Les longues crispations qui en ont été conséquence au creux d'elle furent comme récompense de mes efforts, de notre plaisir.

Sophie Fichini, tu ne seras probablement jamais Petite Fille Modèle comme tous ici auraient aimé que tu devinsses.
Mais tu es de ces filles qui feront le Siècle, qui écriront l'Histoire. Tu seras Marie Curie, Simone de Beauvoir, Coco Chanel.
Sophie, tu es l'Aventurière la Découvreuse.

Sophie apaisée s'est lentement dégagée, s’est ébrouée et m'a souri. Elle a levé en l'air ses longues jambes et a fait glisser à ses chevilles l'ample culotte. Elle a libéré ses pieds et s'est levée. Culotte en boule dans sa main droite, elle a enfilé les ballerines de peau noire, un peu penchée en avant et d'un geste gracieux a passé la boule de tissu léger entre ses cuisses pour délicatement tout effacer des traces de ses émois.
Elle a porté le chiffon à son nez, petit nez mutin relevé en trompette, et, après l’avoir longuement humé, elle l’a glissé dans la poche gauche de mon pantalon noir, ample pantalon milieu XVIIIème. Avec un sourire de satisfaction. Sourire de femme.

J’étais stupéfait qu’elle eût ainsi en quelques instants connu la jouissance et si vite tourné casaque. Métamorphose de chrysalide, de nymphe.

A peine eût-elle fait disparaitre sa culotte dans ma poche que la horde des cousins cousines débarqua. Frais fringants de leur après-midi au lac.
Bêtement quelconques, ordinairement quelconques.

Madeleine, Paul mon fils et Camille, complices, riaient en chahutant, apparemment indifférents à Sophie de Réan. Chipies, les petites filles soi-disant modèles. Elles jouent, elles dansent, elles parlent chuchotis à l’oreille l’une de l’autre et aussi à celle de Paul. Elles font messes basses et complicités sournoises.

Moi, j'observe le jeu des deux filles qui jouent à moquer leur cousine en secrets non partagés. Que s'est-il passé au lac cet après-midi ? Entre filles et peut-être avec le garçon aussi, Paul mon fils...

Comment peuvent-elles penser, ces deux petites cruches, avoir vécu plus troublante aventure que celle que vivait leur grande cousine. Grande cousine dont j’avais, dans la poche, trophée tout humide, comme mémoire olfactive de ces instants magiques.

J'eus tôt fait de recueillir les confidences de Madame de Fleurville et su que les jeunes gens avaient plongé dans les eaux sombres de l'étang en simples dentelles et que celles-ci étaient maintenant toutes mouillées dans le panier d'osier vide du goûter. À vrai dire les deux bécasses étaient présentement toutes nues sous leur légère robe d'été.

Nous riions, elle et moi de voir le trouble des donzelles. Moi surtout qui savais que la troisième était à l'unisson.
Par mon œuvre.

Je me sentais Valmont et mais hésitais à voir Sophie en Cécile. Je l'admirais de tant de rouerie si jeune. Elle m'était bien plus Marquise de Merteuil ou du moins ébauche d'icelle.
Je pensais, elle a perdu son père tôt et la marâtre Fichini l'a tant fait souffrir, lui imposant même de porter son nom, la battant, la soumettant.
Elle en est devenue rebelle. Dans le mot rebelle n’entend-on pas d'évidence le son belle ?

Étonnant qu'elle ait ainsi mené mes lèvres aux siennes, d'un mouvement si facile si naturel, vierge libertine, prescience, clairvoyance … instinct. Ou bien conséquence de ses lectures nocturnes libertines, Sade ? Intello à coup sûr, la nièce

L'histoire s'est poursuivie dans la nuit de l'été.
Après le souper, Sophie a été priée de passer au salon de musique et d'y jouer les morceaux qu'elle avait préparés.
Tous étions tous assis comme au théâtre devant le piano. Les bougeoirs illuminait la pièce. Les porte-fenêtres sur la terrasse étaient restées grand'ouvertes tant la chaleur pesait.

Sophie était belle dans la lumière vacillante tremblotante style Barry Lyndon. Sa robe de percale blanche était fermée dans le dos de vingtaine de petits boutons mais droite plate sur le devant.
Sur le devant, sur le plastron de cotonnade claire, ses deux seins juvéniles ronds haut perchés pommelaient en dardant chacun son petit pointu saillant.
Elle s'est assise, nous tournant le dos, sur le tabouret devant le clavier. Velours rouge.
Lieu de plisser sa robe pour s'en faire protection, elle l'a élargie en corolle pour en coiffer le rond rouge du tabouret.
Moi je savais.

En d'autres temps je lui eusse dit, joue donc du piano debout !
Anachronisme du berger à la bergère...

Après le petit concert et les applaudissements nourris de la famille réunie, Sophie s'est levée pour saluer. Bas. Très bas. Heureusement personne n'était assis derrière le grand piano à queue... Il eût profité pleinement des jolies fesses de la pianiste.
Sophie, grande fille déguingandée, toute à sa gloire d'une interprétation osée et maîtrisée, dos de la robe collé, retenu haut à ses épaules par l'humidité des efforts, n'avait pas conscience de l'indécence de sa posture.

L'assemblée est passée sur la terrasse prendre le frais dans la nuit étoilée. Moi je suis sorti le dernier, non sans avoir passé une paume attendrie sur le velours rouge du tabouret, devant le piano. Pour m'imprégner de ses humeurs, pour complicité de son impertinence, de sa liberté.

Le petit monde aristocrate balançait entre louanges à la jeune interprète de Réan et une certaine réticence à accepter les nombreuses variations qu'elle avait introduites dans la composition et dont on comprenait parfaitement qu'elles étaient d'inspiration roturière, révolutionnaire même, Fuchini...
Docteur Jekyl, Mister Hyde ... Renaud Renard

Moi j'ai marché solitaire sur la pelouse du parc jusqu'à loin, jusqu'à la balustrade de pierre derrière les grands pots d'Anduze et leurs citronniers, orangers, mandariniers. J'étais là à rêver au monde de demain, au retour bientôt d'exil de Victor Hugo et à ses diatribes contre Napoléon le Petit ... Flamby qu'il disait.

Pas feutrés de ballerines noires dans l'herbe et sans me retourner je sus que c'était elle. Elle, qui se colla à mon dos dans l'obscure clarté du ciel étoilé d'été finissant et m'enserra de ses bras, l'un à la poitrine, l'autre plus bas à mon bassin. Ses bras était longs comme lianes comme serpents de forêt amazonienne.

Nous sommes restés longtemps ainsi, moi accoudé sur la pierre encore chaude de la balustrade et elle en cuiller sur mon dos, son souffle en mon cou et ses yeux, je le savais, cherchant par delà l'horizon son destin de fille du siècle.

Je me devais de lui prendre la main et lui faire traverser le Rubicon. Elle était là pour ça et je ne pouvais m'exempter.

Au loin, au château, les lumières s'étaient éteintes, bougies mouchées. Seules les deux tours se détachaient noires sur le ciel presque clair.

Elle a dit, ce furent ses premières paroles, oui fais moi femme mais ne me fais pas d', moi j'ai encore toute une vie à vivre.


Les multiples chemins que suivent les filles pour devenir grandes sont très exactement le faisceau de convergence de l'avenir de l'humanité.

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