Le Poète S'Amuse Avec Sa Muse

Le poète se tenait assis à sa table d’écriture. Les yeux dans le vague, il scrutait l’écran changeant de ses pensées, de ses sensations.
Son stylo restait là, posé sur l’écritoire. L’acte de création n’avait pas encore pris naissance. Il semblait attendre un signe venu d’ailleurs, déjà en route. En fait c’est elle qu’il attendait. Il la savait déjà là derrière la porte lourde de palissandre. Depuis leur rencontre, il la vouvoyait, un prénom seulement. D’où venait elle, bourgeoise, catholique pratiquante, grande, un peu forte, il en avait fait sa muse en assouplissant une à une ses réticences.
Qu’elle frappe, qu’elle franchisse le seuil ! Il ne se retournerait pas, mais il saurait. Il sentirait. Brigitte chaque fois allumait mille bâtons d’encens dans le cerveau du poète, alors de sa main droite, il prenait le stylo pour célébrer, célébrer la vie, la pulsation primitive.
Et c’était un ballet d’oiseaux, de mots étranges et beaux qu’il traçait sur le papier en suivant les arabesques de sa pensée fécondée. Le poète s’interrompt … son flot s’est tari peut être.
La muse pose ses vêtements de ville sur le canapé blanc. Les étoffes, les boutons, les agrafes signent son déshabillage … jusqu’où ? elle est si proche dans son dos, il ne se retourne pas.
De sa main droite, il vient à sa rencontre. Il sent sa robe légère qu’il relève, pressé. Comme à l’accoutumée, elle porte des bas. Qu’il aime ce lieu insensé où finissent les bas et où commence sa peau, cette frontière où la douanière peut vous arrêter à tout moment. Elle ouvre le ciseau de ses cuisses à rendre fou le poète si sensible. Sans culotte, elle offre son fruit tout de suite. Il est ébloui, sonné. C’est une épreuve volcanique, brûlure d’arriver si vite à la faille originelle. Et voilà que son fumet de femme déborde son inspiration.
Le poète reprend son stylo, il reprend la cavalcade des mots, ébouriffé et transpirant. Il tord, il forge son texte sur l’encolure du papier.

Il épuise à nouveau sa réserve de force créatrice, un instant sans vie, tout s’est figé.
Toujours sans se retourner, il lui parle, lui demande très poliment de se tourner, de s’accroupir dans la posture de celle qui va à la feuillée. Elle n’aime pas, elle a franchi bien des indécences, poussé bien loin le péché de chair, mais cette position habituellement dévolue aux besoins naturels la dérange. Il aime, il aime que par lui elle aille au-delà de ses préjugés, de ses pudeurs.
Elle se soumet à ce désir, alors il quitte sa chaise, s’allonge par en dessous et vient lécher cette impensable blessure, enivré de sa femelle fragrance, des plis, de la fourche de ses cuisses. Il nage à contre-courant du temps, remonte aux époques de l’humanité encore sauvage.
Il s’arrache de la miraculeuse faille. Son stylo brûle de mots d’avant les mots, de râles qu’il a tiré de sa muse en lapant son entre deux. Sa plume peut à nouveau guerroyer sur le pré blanchi au chlore. Il invente, il file, il rebrousse chemin, trousse une jolie voyelle, s’étonne d’une consonne. Il tranche, assemble, colle, rustine sans égard pour la syntaxe. C’est l’âge de faire, du fer, du bronze, de la pierre. C’est l’oubli des spasmes ridicules de la civilisation. Sa rage d’écriture consommée, il retourne à sa muse.
Sans avoir vu son visage, sans avoir croisé son regard, il la fait se pencher sur une table, sa lourde poitrine y repose. Il se saisit de jolies cordelettes de soie. Elle sera écartelée. Ses poignets fixés aux pieds de la table, devant elle, ses chevilles aux pieds de la table derrière elle. Elle est offerte soumise, entravée, son sublime cul ouvert et sans défense. Elle sait le poète hypnotisé par l’œil plissé de son fondement.
Qui, à cet instant est le maître du jeu ? Peut-être lui qui décidera à quel moment, de quelle manière.
Peut-être elle qui sait qu’il ne pourra pas longtemps résister à l’attraction qu’elle exerce dans l’offrande de la fleur de ses reins.
Elle sentit quelques tapes sur ses fesses, douces et fermes à la fois, elle ne se crispait pas tant était douce cette fessée de ses mains qu’elle connaissait par cœur.
Et puis la main se coulait avec une insupportable lenteur dans le sillon, glissant dans les replis, s’attardant à peine à l’orée plissée. S’ensuivit la caresse douce et étrange d’une plume sur son œillet, rien qui cherche à entrer, mais juste à émouvoir, à alimenter la sensation et l’imagerie d’un prochain envahissement.
L’envahisseur sera-t-il romain avec ses puissantes légions bien en ordre ou bien wisigoth avec sa furieuse cavalerie qui laisse la campagne pantelante ?

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