Mister Hyde - 17

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Les yeux rougis par l’inquiétude et le manque de sommeil, Frédérique regarda le médecin sans comprendre vraiment ce qu’il lui racontait. Cela faisait près de quatre jours qu’elle veillait sur Franck, gisant sur son lit d’hôpital. En le récupérant auprès de sa mère, elle avait bien senti que son petit était fiévreux mais elle ne s’en inquiéta pas outre mesure, la maison était pleine de courant d’air et il avait dû attr un chaud et froid. D’ailleurs, la fièvre se calma et tout sembla redevenir normal. Mais dans la nuit du jeudi, nouvelle poussée de fièvre : le thermomètre indiquait 40,1°. Le médecin de « S.O.S » le fit hospitaliser en urgence. On diagnostiqua une rougeole, à l’étonnement général puisque cette maladie, grâce aux vaccins, avait pratiquement disparu d’Europe et ne représentait plus qu’un épiphénomène dans les autres parties du monde. Cependant, dès la lendemain ce diagnostic fut battu en brèche par le manque de réactivité du bambin aux médicaments : la température poursuivait son ascension. Il fut transféré dans un autre hôpital, à Rennes, dans une autre région. En ce jeudi matin – une semaine après le début de la crise – le chef du service de médecine générale lui apprenait un nouveau transfert, à Paris cette fois, dans l’unité des maladies tropicales de l’hôpital Trousseau. Frédérique fondit en larmes face aux bras ballants du docteur qui sonnaient comme un aveu d’impuissance.

Ils firent le voyage en hélicoptère jusqu’à l’héliport de Robert Debray puis en ambulance jusqu’à Trousseau. Là, un médecin d’une étonnante jeunesse ausculta Franck et ne mit pas cinq minutes à décider. Le nourrisson fut mis sous perfusion d’aspirine et on lui injecta de l’immunoglobuline en intraveineuse. Le verdict était tombé : maladie de Kawasaki. Une saloperie extrêmement rare (moins d’un cas sur cent mille en France) et qui touchait principalement les asiatiques. C’était à n’y rien comprendre.

Sous l’effet de l’acide acétylsalicylique, la fièvre tomba rapidement de deux degrés.

De critique, l’état de l’ passa à préoccupant. Il dormit mieux et sans l’aide de sédatifs. Frédérique put s’autoriser un peu de repos, d’autant qu’un lit avait été mis à sa disposition dans la chambre de Franck.

Si on savait comment la soigner, on connaissait mal le mode de transmission de cette maladie. Frédérique se prêta aux analyses que voulurent lui faire subir les médecins. Il s’avéra qu’elle était exempte de toute contagion. L’hypothèse la plus vraisemblable, lui expliqua le médecin, était une transmission génétique dont on n’avait pas encore découvert le marqueur. Frédérique tomba des nues à cette explication : ni elle ni Frédéric n’ayant, à sa connaissance, de lien avec l’Asie.

La fièvre ne disparut qu’au bout de neuf jours. Franck était désormais hors de danger. Frédérique put enfin se concentrer sur des problèmes plus terre à terre.

Dans la précipitation du départ, elle avait laissé au loft, son téléphone et son portefeuille. Ce fameux jeudi soir, en rentrant du chez sa mère et tandis que Frédéric travaillait à la succursale, elle s’était connectée à internet dans le but de trouver un cadeau d’anniversaire pour le père de son . Elle avait donc extrait son portefeuille de son sac afin de pouvoir effec le paiement de ses achats et elle l’avait laissé sur le bureau. Elle se trouvait donc à Paris, sans le sou et sans moyen de communication. En ce mercredi après-midi, elle appela le siège de son entreprise grâce au téléphone de l’accueil.

– Tu te rends compte que j’attends ton appel depuis dix jours… Qu’est-ce que tu foutais bordel ? J’étais mort d’inquiétude. Je suis même descendu jusque chez toi. Où es-tu.
– Franck…

La voix de la jeune femme était si triste, si perdue qu’il craignit le pire. Depuis qu’il avait trouvé vide l’appartement de Frédérique, il avait tout tenté pour la retrouver, allant même jusqu’à contacter sa mère et sa sœur ainée. Personne n’avait de nouvelles. À la succursale, Julie finit par lui apprendre que Frédérique était absente sans justification depuis le vendredi mais qu’une gestion en interne avait été décidée par le directeur, d’où les réponses qu’il obtenait des standardistes qui lui annonçaient des réunions ou des rendez-vous extérieurs.
Quand il se décida à joindre la responsable informatique, Frédérique avait disparue depuis une semaine… Depuis, il l’appelait chaque jour en espérant qu’elle avait des nouvelles. L’inquiétude fit place à l’angoisse. Il imagina les pires scénarii sans penser un instant que Franck put être malade. À l’hôpital de la ville, il demanda si une certaine Frédérique XXX s’était présentée. Il lui fut répondu que, non.

– Où es-tu ? répéta-t-il.
– À Trousseau, viens, vite !

Trousseau ? Frédéric connaissait et ça ne le rassura pas. Il jeta le combiné du téléphone sur son bureau. Il courut jusqu’au métro près à tout renverser sur son passage.

***

Il avait quitté son bureau en bras de chemise et il débarqua à Trousseau, trempé comme une soupe. Une lourde pluie avait commencé à tomber dès qu’il avait quitté l’abri du métro à la station « Bel-Air », comme si la météo avait épousé son humeur.

Durant tout le trajet, il n’avait eu qu’une envie, gifler Frédérique de toutes ses forces pour évacuer le stress qu’elle lui avait causé durant ces dix journées terribles. Lorsqu’il la vit, si frêle et si marquée par l’angoisse et le manque de sommeil, il la prit dans ses bras. Le récit qu’elle lui fit fut haché des larmes et des peurs qui remontaient au fil des souvenirs. Il fut décousu et désordonné mais sa fin provisoire était heureuse et c’est ce qui comptait le plus.

– Ils sont en train de faire des examens, expliqua-t-elle. La maladie de Kawasaki touche les vaisseaux sanguins, elle les cautérise petit à petit jusqu’à ce que le sang ne circule plus et n’arrive plus au cœur. Alors, ils veulent voir les dégâts qu’elle a fait et si elle évolue encore. À priori, certains de ses doigts sont mal irrigués et il pourrait les perdre et son artère abdominale aurait été touchée. Le point positif, c’est que c’est un bébé, ses cellules se reproduisent à une telle vitesse que tout pourrait se rétablir sans dommage. En plus, il est gavé d’aspirine, son sang est si fluide qu’il force le passage.
Au scanner ou à l’échographie d’hier, ils n’ont décelé aucun anévrisme. Ils sont en train de lui en refaire un. Quand il sortira de l’hôpital, il passera ces examens une fois par semaine pendant trois mois et puis une fois par mois les trois suivants et deux fois par ans jusqu’à ses quinze ans. Il est pas sorti de l’auberge mon petit loulou…

La voix de Frédérique s’éteignit dans un sanglot. Frédéric la tint enlacée, impuissant à stopper le torrent de larmes.

***

Renseignements pris, la maladie de Kawasaki n’était pas tout à fait ce que lui avait décrit Frédérique mais, grosso-merdo, c’était quand même une belle saloperie.

Maman jusqu’au bout des ongles, Frédérique avait refusé de quitter l’hôpital. Frédéric se chargea donc de l’intendance. Il commença par justifier l’absence de Frédéric auprès du directeur de la succursale qui se confondit en excuses en apprenant les liens qui l’unissaient à son employée. Il se fendit également d’un coup de fil à Julie qu’il remercia tant pour son aide que pour sa discrétion. Elle était remontée de plusieurs crans dans son estime mais continuerait à s’en méfier tant qu’elle ne cesserait pas ses minauderies avec lui. Il prit une journée pour ranger l’appartement de la rue Molière, il avait bien l’intention de voir Frédérique s’y installer le temps de récupérer des épreuves qu’elle venait de subir et il ne désespérait pas que Franck y prenne ses quartiers tant qu’il serait suivi à Trousseau, c’est-à-dire les trois prochains mois.

Les visites hebdomadaires furent fixées au jeudi matin. Ce n’était guère pratique pour Frédérique. Frédéric obtint donc gain de cause et organisa sa vie et son temps de travail en conséquence. Il dégotta une nounou à deux pas du boulot et modifia son emploi du temps. Il travaillerait plus tard le vendredi et n’arriverait qu’à quatorze heures le jeudi. Enfin, fort des heures supplémentaires qu’il avait faites lors de l’attaque des hackers, il prendrait une journée pour raccompagner Frédérique chez elle quand le moment serait venu.
Il en profiterait pour récupérer la voiture ce qui lui permettrait d’amener Franck chez sa mère sans avoir les tracas du train.

***

– Tu es toujours mon Maître ?

Frédérique s’éloigna sans attendre la réponse, elle avait trop peur qu’elle fût négative.

Frédéric venait de grimper dans la voiture et la jeune femme s’était penchée à la vitre ouverte. Depuis la sortie de Franck de l’hôpital, ils n’avaient pas parlé de cet aspect de leur vie. Frédéric, à vrai dire, n’en était pas préoccupé et Frédérique se mordait les lèvres à chaque fois qu’elle brûlait de poser la question.

– Bien sûr que oui répondit-il au vent.

Il ferma la fenêtre, embraya et partit.

***

Avec constance, chaque vendredi, Lucile parcourait le train à la recherche de Frédéric. Il ne s’y trouvait pas, jamais. Les jours avaient beau passer et passer encore, devenir des semaines, le manque qu’elle ressentait était toujours aussi vif. Pourtant, fidèle à sa promesse, elle se laissait porter par le courant. Parfois, il la déposait sur une île. Elle en faisait le tour en une nuit et repartait, au matin, le corps apaisé, mais l’esprit triste d’avoir trompé l’homme qu’elle aimait. Elle avait acquis la certitude de cet amour en croisant Éric, un beau gosse plein d’assurance aux tendances dominatrices. L’homme l’avait retournée pour la prendre en levrette et dit qu’il voulait faire d’elle sa chienne, qu’elle aimerait ça… Elle l’avait planté là, en plein milieu de l’acte en l’assurant qu’elle conservait sa soumission pour un autre que lui. Depuis, elle ne cessait de chercher à le rencontrer, « par hasard ». Il semblait avoir disparu. Il y eut bien ce jour, un samedi où elle était descendue en ville pour faire le marché. Elle aperçut, de loin, un homme qui lui ressemblait étrangement mais il portait un marmot dans ses bras et la femme qui l’accompagnait avait l’air belle et libre, bien loin de l’image qu’elle se faisait d’une soumise accompagnant son maître…

***

– La réponse est : Oui !

Frédéric avait prononcé ces quelques mots puis l’avait embrassée. Frédérique ne comprit pas tout de suite à quoi il faisait référence puis elle rougit, de plaisir et d’espoir. Elle était incapable de calculer depuis combien de temps il n’avait pas agi en Maître avec elle. Depuis les quelques jours qu’elle était de retour au loft, ils avaient été en contact sur skype mais leurs échanges s’étaient limités à Franck, sa santé, ses rires, son appétit… ils avaient soigneusement évité de parler d’eux. Que ses premières paroles fussent pour lui annoncer le retour de Mister Hyde était pour elle comme un cadeau.

– J’ai apporté des cordes…

Frédéric était encore en bas quand sa voix parvint à la femme. Elle sentit son sexe s’ouvrir et dirigea son regard vers l’escalier. Dès qu’il fut visible, il lui indiqua d’aller se placer dans l’âtre. Elle obéit et commença à déboutonner sa robe.

– Garde ton string ! ajouta-t-il en avançant à grands pas dans la pièce. J’aime quand tu te déshabille !

Il porta le rockingchair devant la cheminée et s’assit. Il sortit son téléphone et ouvrit un morceau de musique qu’elle ne connaissait pas.

– Danse !

Ce ne fut pas une réussite, Frédérique n’était pas douée et la musique invitait plus à sauter sur place qu’à chorégraphier des pas. Cela n’eut pas l’air de choquer son Maître. Il se leva néanmoins et s’approcha d’elle.

– Ça suffit ! Mets-toi à genoux.

Frédérique s’exécuta, imaginant déjà la fellation qu’elle allait lui prodiguer. Depuis plusieurs semaines maintenant, le désir de sucer son Maître était aussi présent et aussi pressant que celui de se faire baiser ou enculer par lui. Elle avait été contrainte à une trop longue abstinence pour n’avoir pas les sens à fleur de peau. Elle ouvrit la bouche, prête à le recevoir mais un signe de dénégation vint décevoir son attente.

Je t’ai dit que j’avais des cordes. Pour le moment, je vérifie juste que tu n’as pas oublié comment tu dois te présenter à moi. Je vois que tu te souviens bien de cette position, voyons les autres…

– Lève-toi.

Derechef, la soumise prit la posture attendue par son Maître. Elle fut parfaite. Les souvenirs de Frédérique étaient intacts, à l’instar de sa mémoire corporelle : un désir vibrant électrisa son sexe. Frédéric réduisit encore l’espace qui le séparait de sa proie. Il avait dans les mains de longs morceaux de cordelette. Frédérique soupira et attendit les ordres.

***

Un palan muni d’une poulie obstruait en partie le conduit de la cheminée. C’était une nouveauté à laquelle Frédérique ne s’attendait pas, pas plus qu’elle n’avait envisagé de se retrouver flottant à une centaine de centimètres du sol, retenue en apesanteur par les quatre membres et une ceinture ventrale. Elle se balançait, d’avant en arrière et s’empalait à chaque retour sur le vit bandé de son maître. La sensation était des plus étrange et des plus agréables. Tout en l’attachant, Frédéric lui avait montré tous les points de sécurité qu’il avait prévu afin qu’elle ne se blessât pas. Elle ferma les yeux pour augmenter l’intensité de ses perceptions. Elle atteignit l’orgasme avec une rapidité fulgurante. C’est la frustration qui se venge pensa-t-elle mais quand survint la deuxième vague de plaisir, elle dû se rendre à l’évidence : ne plus exercer aucun contrôle, pas même celui de toucher terre, l’excitait prodigieusement.

Comme prévenu par un sixième sens, Frédéric mit fin à l’expérience à l’instant même où, les muscles, étirés par une trop longue suspension commençaient à la faire souffrir. Avec moult lenteurs et précautions, il la fit descendre jusqu’au sol de pierre. Les froids granules la caressèrent, ses seins saillirent un peu plus malgré l’écrasement dont ils étaient victimes. Ils s’étaient alourdis tandis qu’elle lévitait, entrainés par l’attraction terrestre. Elle en avait éprouvé une délicieuse douleur que la froidure de la rugueuse surface transforma en plaisir. Frédéric l’avait entièrement libéré qu’elle s’agitait encore. Il patienta, afin qu’elle retrouvât son calme puis accompagna son lever. Ses jambes la supportaient mal, il la porta jusqu’à son lit.

Elle le retint, alors qu’il s’éloignait. Elle savait qu’en faisant cela elle encourait une punition mais elle n’en avait cure, le sentiment d’injustice qu’elle éprouvait était trop fort.

– Maître… Et vous ? Vôtre plaisir… ?
– Sans doute en étais-tu plus avide que moi. Laisse-moi, tu dois te reposer. Le sommeil répare… Tes membres ont été mis à rude épreuve, il faut qu’ils se détendent.
– Vous aussi, vous devez vous détendre et vous êtes encore tout dur…

Il la regarda, agacé de son insistance.

– Veux-tu que je t’impose deux ou trois orgasmes supplémentaires pour que tu te souviennes de qui est le maître ?

Ce n’était pas une bonne idée de le mettre en colère. Elle se tint coite.

***

Frédérique s’éveilla. Elle était reposée. À travers les persiennes le soleil d’octobre luisait éclairant le dos musculeux de Frédéric. Elle se lova à son coté. Sa main, tendrement, caressa ses épaules, son torse et descendit toujours plus bas. Son sexe était dur, déjà. Dormait-il vraiment, rêvait-il ou n’avait-il pas débandé depuis la veille ? Elle ne répondit pas à la question, mais elle allégea sa main pour lui conférer le poids d’une plume. Lentement elle longea le membre, de haut en bas, de bas en haut. Il était doux. Elle le décalotta pour sentir sous ses doigts, dans sa paume, la force que recélait son gland. Et bientôt, elle en voulût plus. Elle se leva et contourna le lit avec la discrétion d’une souris. Puis elle s’agenouilla face au vit érigé comme jamais dans ses souvenirs. Elle laissa couler un peu de salive sur le gland et l’humecta de sa langue. Il était gonflé et d’un rouge violacé, comme une grenade trop mûre. Elle le happa et le cajola entre ses lèvres et ses joues, sa langue et son palais. Enfin, elle l’aspira. Elle le pompa de haut en bas, de bas en haut, reproduisant avec sa bouche les mouvements de sa main. Dans son sommeil (feint ?), Frédéric gémit. Elle redoubla de tendresse. Ce ne fut que quand elle sentit sa poigne se crisper dans sa chevelure qu’elle sut qu’il était réveillé et qu’il allait très bientôt jouir. Elle se prépara à recevoir sa jouissance. Elle voulait qu’il sente à quel point elle était heureuse du plaisir qu’elle lui donnait. Lorsque la première vague fusa, elle l’avala en plaquant le membre contre son palais. Frédéric la sentit déglutir et râla de satisfaction. Longtemps, il se déversa, comme s’il répandait en une seule fois toute sa frustration des semaines passées. Elle, avala et avala encore le nectar qui la remplissait. Et elle explosa de bonheur quand, repu, Frédérique l’embrassa à l’en r.

***

Le week-end passa comme une romance. Et le suivant aussi. Et encore. Et encore… Frédéric était toujours son maître mais ce n’était plus Mister Hyde. Depuis qu’il avait la garde de Franck, il ne l’insultait plus, ne l’humiliait plus et ne la fessait que rarement. Quant au martinet, il était exclusivement réservé aux punitions dont elle était systématiquement exemptée. Tout cela manquait à Frédérique à tel point que parfois, la semaine, elle retournait sur le tchat. Elle y cherchait « Faustus » qu’elle ne trouvait plus (mais sans doute avait-il trouvé soumise à sa mesure) ; y évitait « Fezeur Delum » (qui la harcelait pourtant de demandes) et changeait d’interlocuteur à chaque fois.

Novembre et décembre s’étaient éteint et avec eux l’étincelle qui habitait Frédérique. Depuis quelques temps, Julie s’était rapprochée d’elle et sa nouvelle amie la pressait de l’accompagner dans des soirées dont beaucoup avaient lieu en semaine. Frédérique résistait mais sa volonté faiblissait à mesure que l’ennui s’installait. Et puis un jour, miracle ! C’était près de deux semaines après le retour définitif de Franck auprès de sa mère, elle reçut un appel de Frédéric alors qu’elle était au travail :

– Bonjour ma chose…
– Bonjour… mon chéri
– Je comprends que tu n’es pas seule, ma jolie salope pourtant, j’ai une grande envie que tu retires ta culotte et que tu te touches.
– Julie était dans son bureau dont la porte ouverte augmentait la promiscuité avec ses autres collègues.
– Je crains que ce ne soit pas possible tout de suite, j’ai des dossiers urgents et…
– Et je m’en contrefous. Débrouille-toi ! je te rappelle dans cinq minutes.
– Disons…

Il avait raccroché et Julie la regardait, hilare.

– Un petit ami secret ?
– Euh… Non. Pourquoi tu dis ça ?
– Parce que tu ressembles à une écrevisse ! En tout cas, c’est quelqu’un que tu connais bien puisqu’il a ton numéro perso…
– Oui… Enfin, bon. Comme je le lui ai dit, j’ai des dossiers urgents. Et ferme la porte en sortant… S’il te plaît.

Elle s’installa derrière son bureau en prenant soin de retirer sa culotte. Frédéric ne rappela pas. En revanche, elle reçut un texto : « Tu n’aurais pas dû porter de culotte. Prépare-toi à une mauvaise surprise ce week-end. »

Les jours suivants, elle alla travailler cul nu sous sa jupe. Mais ce fut en pure perte.

***

– Tu m’as trompé Frédérique ! Pas avec ton corps, tu n’en es pas encore capable mais avec ton esprit et c’est presque pire. Tu m’as trompé en me mentant par omission, tu m’as trompé en ne me demandant pas la permission de faire ce que tu as fait. Tu m’as trompé comme une imbécile en pensant que je ne le saurais pas alors que je sais tout de toi. Je suis capable de te dire quand et où tu allumes la lumière, je suis capable de te dire ce que tu lis et quand tu lis. Je suis capable de te dire ce que tu manges et à quelle heure tu l’as préparé. Je suis capable de te dire qui tu as eu au téléphone. Je suis informaticien, Frédérique. Concepteur de programmes et spécialisé dans la surveillance et la sécurisation des données. Pirater ton ordi a été un jeu d’…

J’ai donc pour toi une punition qui ne vas pas te faire plaisir. Tu veux savoir….

La question était purement rhétorique mais il prit son temps avant de reprendre :

– Je te donne deux semaines, pas un jour de plus, pour trouver une femme disposée à passer le week-end avec nous. Je veux qu’elle connaisse mes règles et qu’elle s’y plie. Tu seras responsable du moindre de ses manquements, donc, ne te trompe pas ! Je veux, enfin, qu’elle soit déjà là quand j’arriverai le vendredi soir et je t’indiquerai la tenue que je désire lui voir porter trois jours avant. En cas de besoin, tu l’emmèneras dans le magasin que je t’indiquerai. J’espère que tu as bien compris parce que je ne me répèterai pas.

Il raccrocha.

Il avait appelé à l’heure exacte où il aurait dû descendre du train. Une jeune fille la regardait d’un air bizarre tandis qu’elle blêmissait, le téléphone collé à son oreille. D’instinct, elle sut qu’elle ne verrait pas Frédéric cette semaine ni la semaine suivante. Les larmes coulèrent sans qu’elle cherche à les retenir. Jamais il ne lui avait imposé une punition aussi cruelle.

– Vous allez bien ?
– Oui… Oui… Juste une mauvaise nouvelle. Merci de votre gentillesse.

Frédérique remonta en voiture, Lucile resta seule sur le parvis de la gare. Naturellement, Gauvain était en retard.

***

– Ouh La ! ça a pas l’air d’aller ce matin ! c’est Franck ?

Julie venait de croiser Frédérique dans le couloir. Elle s’était mise à apprécier cette fille d’apparence sage mais à l’esprit étonnamment ouvert et à l’humour décapant. Il était donc tout naturel qu’elle s’enquit de sa santé en lui voyant ce teint de craie. Fa ce au mutisme de Frédérique, elle eut le tort d’insister :

– C’est le petit ami secret ?
– Je t’ai déjà dit qu’il n’y a pas de petit ami ni secret ni pas secret ! fous moi la paix !

Julie laissa passer l’orage et regagna son bureau sans demander son reste. Pour que Frédérique soit dans un tel état, soit elle avait appris un décès, soit le père de Franck avait fait des siennes. Elle savait d’expérience qu’il savait être rude et, s’il l’était avec des inconnus, il était sans doute pire avec ses proches. La pauvrette avait dû passer un week-end pourri.

***

Frédérique entra dans le bureau de Julie quelques minutes avant qu’elle parte déjeuner. Elle ferma soigneusement la porte.

– Je n’ai pas de petit ami ! Et Frédéric n’est pas, pour moi, que le père de Franck. Je voudrais t’en parler. Si je t’invite à déjeuner, tu m’écouteras ?

Pour toute réponse, Julie décrocha son téléphone et prévint le standard qu’elle allait déjeuner et avec qui. « Nous devrions revenir vers seize heures, si nous avons du retard, je vous en informerais » conclut-elle avant de raccrocher. Puis se tournant vers son amie, elle la prit par le bras.

– Viens, on prend ma voiture.

***

Julie emmena Frédérique loin du bureau, dans un restaurant qui abritait également des cabinets particuliers. Elle fut accueillie comme une habituée ce qui n’étonna pas vraiment son infortunée compagne.

– Ici, nous serons au calme et tu pourras crier, personne n’y fera attention.

Elle commanda un martini et un porto pour Frédérique et donna le signal du départ avant de porter son verre à ses lèvres.

– Je t’écoute !

Frédérique mit d’interminables secondes avant de se lancer. De toute façon, elle ne pouvait plus reculer. Donc, elle se lança.

– J’ai, avec Frédéric, une relation compliquée. Il est le père de Franck mais c’est aussi mon…
– Amant ?
– Maître ! Frédéric est mon Maître et je suis sa soumise. Voilà, c’est dit !
– Je m’attendais à de sombres révélations mais je dois avouer que celle-là me laisse pantoise.

Julie avait marqué un temps avant de parler, un peu comme quand on reprend son souffle après un coup au ventre. Elle soupçonnait Frédérique d’être une coquine mais pas un instant elle n’avait pensé qu’elle pouvait donner dans le SM. Elle avala une gorgée pour se donner contenance et appuya sur la sonnette.

– Apportez m’en deux autres demanda-t-elle au serveur, en secouant son verre.
Bon ! Effectivement, ce n’est pas une conversation pour toutes les oreilles. Raconte-moi.

Frédérique raconta tout : leur rencontre, leur vie de couple, la lassitude qui s’était installée et les secrets, et les non-dits. Elle fit le récit de leur séparation et celui du déménagement. Elle raconta le plaisir, les jouissances toujours différentes. Elle raconta ses émois, l’excitation de certains mots, de certaines situations, de certains ordres… Ne s’interrompant qu’en présence du serveur pour reprendre de plus belle dès qu’il avait passé la porte. Elle raconta le martinet les cordes, les bâillons, les plugs, les paddles, le fouet. Elle raconta la cheminée et le donjon dans le garage, elle raconta la croix de saint André, les punitions. Elle narra deux trois anecdotes puis raconta les caresses qu’il dirigeait au téléphone, la séance de d’uro et son pourquoi et son comment… Enfin, elle raconta le tchat, sa plus grosse erreur, la dernière et elle évoqua, sans la détailler la punition qui s’ensuivait.

Durant toute la narration, Julie s’était gardé d’intervenir. Elle voulait connaître l’histoire telle que Frédérique l’avait ressentie et vécue avec les cachoteries et les embellissements de la protagoniste. Bien entendu, elle ne pouvait distinguer la réalité brute des fioritures ni supputer les omissions mais elle pouvait jauger la sincérité de son amie à l’aune des horreurs qu’elle osa relater et à celle de sa propre excitation face à ce récit.

***

– Il est bientôt quatre heures, il faut y aller. Je suis sûre que tout le monde pense qu’on est en train de se gougnotter, pas la peine d’en rajouter. Mais ce soir, je dors chez toi. J’ai pas mal de choses à te dire et même, je crois que je peux t’aider.

Julie serra Frédérique dans ses bras. Elle fit, en sortant, signe au serveur de tout mettre sur son ardoise et prit le volant de son coupé sport. Frédérique n’avait pas retrouvé le sourire mais se sentait tout de même plus légère.

***

Frédéric ne décolérait pas. Il s’en voulait depuis qu’il avait découvert que Frédérique recherchait ailleurs ce qu’il ne lui offrait plus : un maître exigeant, dur et pervers. Naturellement, il avait fait retomber la faute sur elle mais il était parfaitement conscient que c’était le manque d’attention dont il avait fait preuve pour ses désirs et ses besoins qui était responsable du faux-pas de sa femme. Il devait cependant frapper un grand coup pour revenir dans la partie et retirer à Frédérique toute envie d’aller voir ailleurs.

Il n’avait pas commis d’erreur en dévoilant à Frédérique son état de soumise. C’était le seul moyen à sa portée pour la récupérer et pour qu’elle se réalise pleinement. Non, son erreur avait été de penser qu’il en avait fait assez et qu’il pouvait désormais lever le pied. Il avait également eu tort de l’entraîner vers ce tchat, elle n’était pas prête, pas assez solide pour être confrontée à d’autres dominateurs tout en étant à même de résister aux sirènes qu’ils feraient chanter autour d’elle.

Il était à la fois coupable et responsable de ce qui était arrivé mais c’était sur elle que devait retomber la punition. Il avait longuement hésité puis avait fini par comprendre qu’un châtiment classique n’aurait pas la portée suffisante pour réinstaurer son autorité et renouveler le pacte qui les liait. Il devait trouver une pénitence qui l’aspect de sa domination qu’il avait négligé : l’insulte et l’humiliation. En lui imposant de trouver une autre femme prête à se soumettre aux mêmes règles qu’elle, au même Maître qu’elle, il l’insultait, l’humiliait et la rendait jalouse. Bref, il imposait sa loi.

Si elle réussissait, ce dont il doutait, il lui imposerait d’être la spectatrice passive des ébats qu’il mènerait avec l’autre. Dans le cas contraire, il réserverait sa décision et la bannirait pendant deux jours qu’il passerait seul avec Franck.

Mais, s’il était, en apparence, satisfait de ce plan, il savait que jamais elle n’amènerait dans le donjon, la seule personne qu’il voulait y voir. Car, quand il ne pensait pas à Frédérique, c’est Lucile qui occupait ses songes. 

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