La Petite Des Archives

Elle était connue de toute l'entreprise, cette Petite des Archives.

Souvent, dans une entreprise, les archives sont au sous-sol, au niveau du parking.
Mais pas ici.
Dans cette tour du treizième arrondissement, cette compagnie d'assurance occupait les deux derniers étages et les archives étaient au "grenier", c'est à dire à un niveau de terrasse, entre le local technique de machinerie d'ascenseurs et les groupes de ventilation et de climatisation.

Le lieu n'était pas bien agréable. Bas de plafond, garni de rayonnages pleins de dossiers poussiéreux, et surtout très bruyant de moteurs, ventilateurs et autres sifflements de flux d'air dans des gaines métalliques galvanisées.
Sauf qu'une porte étroite munie d'une barre antipanique jaune donnait sur la toiture et le soleil et le grand air.

Aussi, la fille qui s'occupait des archives était plus souvent sur sa terrasse avec son ordinateur, à bidouiller ses rangements et ses classements en toute virtualité informatique, que dans l'antre sordide de la vraie réalité.
Elle était toute bronzée et son teint disait qu'elle aimait vivre dans le vent. Elle s'était organisé un bureau d'extérieur à l'abri d'un auvent devant le local technique électricité et téléphonie, Orange & EDF. Il y faisait froid en hiver et chaud en été mais ça lui plaisait bien. Elle s’habillait en conséquence, chaudement ou légèrement. Enfin, plus souvent lègèrement … c’était son état d’esprit, à cette fille-là.

Les archives, dans une compagnie d'assurance sont chose importante. Aussi chacun des salariés, ici, y "montait" souvent.
Ils disaient alors, je monte aux archives, je reviens bientôt. Sourire aux lèvres de tous, dans le bureau paysager, complices.

Sur la table de travail de la "Petite des Archives" trônait une machine à café Nespresso.
Le processus était toujours le même. Il fallait monter par un escalier car les ascenseurs de l’immeuble de grande hauteur, IGH, ne desservaient pas cet ultime étage.


Pour se faire ouvrir, il fallait avoir téléphoné préalablement. La "Petite des Archives" ne recevait que sur rendez-vous.

Elle était chaleureuse et entrait aussitôt au clavier les références de votre dossier. Pendant que la machine moulinait en recherches, elle vous proposait, en attendant, un bon café. Son sourire était encore plus avenant que son cul. On ne savait pas refuser.
Il fallait choisir parmi des dizaines de références de diverses couleurs.

Tout en matant les beaux nibars qui gonflaient son devant, on faisait traîner en hésitations, en expectatives. On posait des questions quant au Ristreto, à l'Arpeggio ou au Volutto.
On finissait par choisir une capsule au colori rare, rose métalique ou doré foncé, en toute indifférence des saveurs qu'aurait le café, uniquement obnubilé par son pubis et le frisotis qui marquait la jupe fluide en avant.

Elle racontait qu'on lui avait affecté le plus viel ordinateur de l'entreprise, de la ville, de la région même, du pays peut être.
Elle ne savait pas pourquoi mais la conséquence était qu'il fallait "un certain temps" pour que la machine antédiluvienne trouve enfin le résultat attendu à savoir l'adresse physique du rangement : le numéro de l'étagère sur laquelle était placé le dossier.

Elle disait, on a tout le temps de prendre un café et même plus si affinité.

Bien entendu, on avait largement fini le café et pourléché la tasse double coque Nespresso et rien n’était encore sorti du vieux PC HP. On regardait la fille car on savait.
On savait tout.

Le soleil caressait nos visages, le vent de haut de ville balayait la terrasse de béton, la fille des archives avait le visage buriné des aventurières aux quarantièmes rugissants.
En attendant la réponse du PC poussif, nonchalamment, sans l’air d’y toucher, elle vous mettait la main au paquet.

Vous pensez bien qu’aucun d’entre nous ne s’en offusquait… On le savait, on l’attendait.
La rumeur l’avait prédit, l’avait annoncé. Tous étions en attente, en bandaison prémonitoire.

Elle n’était pas déçue et offrait en réaction un sourire de contentement. Elle avait habileté digitale et, en moins de temps qu’il ne faut pour le dire elle avait fait sauter les boutons de la braguette et libéré l’oiseau de sa cage.
Pensez si nous étions heureux.

Elle n’y mettait pas la bouche, elle ne s’agenouillait pas. Ce n’était pas son truc à cette fille-là que de fêler.

En revanche, elle se penchait au balcon, comme en indifférence, à mater tout en bas le manège des autos sur l’avenue et ses fesses relevaient alors le bas de sa jupette comme en invite.

Aucun ne pouvait résister et enfilait son bitos tout raide sous le soleil de mai ou les brumes d’octobre au fond de l’abricot fondant de la Fille des Archives.
Elle était réactive et hurlait depuis le vingt-cinquième étage son bonheur aux péones minuscules qui arpentaient le parvis au bas de la tour.

Les gars repartaient ensuite, sereins, dans les étages inférieurs, les couilles allégées et l’esprit plus clair, un dossier d’archives dans les mains, en pensant à la promesse qu’ils avaient faite de le rapporter au plus tôt.

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