L'Étudiante Nouvelle Vie (1/3)

L’étudiante, nouvelle vie (1/3).

Deux pleines années se sont écoulées sans que je n’aie eu de nouvelles de mon étudiante. Je repensais à elle bien souvent en regrettant parfois de ne lui avoir pas fait l’amour comme elle l’avait manifestement désiré. Mais ces pensées s’évanouissaient tout aussitôt devant la fierté que je ressentais en me conduisant comme je l’avais fait.

Un jour pourtant, et alors que je m’apprêtais à quitter le bureau, elle m’apparut tout au fond du couloir faisant de grands gestes à mon intention. Je la devinai plus que je ne la reconnus et restai pétrifié devant la porte, la clé à hauteur de la serrure. J’attendis et, arrivée à quelques mètres de moi, elle me dit avec un immense sourire de toute sa figure : enfin je te retrouve ! Le tutoiement qui, en français, aurait paru si incongru en pareille circonstance, allait de soi dans notre langue commune qui, naturellement, ne connaît de vouvoiement qu’à l’adresse de plusieurs personnes.

Elle me fit la bise en ignorant la main que je lui tendis instantanément en lui rendant le sourire. Je dus ouvrir la porte et nous rentrâmes. Nous nous assîmes l’un en face de l’autre et discutâmes. Tandis qu’elle s’enquérait de ma santé, je l’interrogeai sur sa vie d’étudiante en la resituant mentalement dans le cursus doctoral. J’appris qu’elle était très avancée dans ses recherches ainsi que dans la rédaction de sa thèse. Profitant de mes questions et de sa réponse concernant la rédaction, elle me dit tout de go qu’elle était venue me solliciter pour une relecture de son projet de thèse ; mission que j’acceptai naturellement comme je le faisais depuis de nombreuses années pour mes étudiants de Master et de doctorat.

Je remarquai furtivement une bague qu’elle portait à l’annulaire de sa main gauche et, en allusion, je lui demandai si elle s’était mariée ou fiancée. Elle me fit oui de la tête, le visage légèrement rembruni sans que je sache si c’était ma question qui l’avait incommodée ou l’état matrimonial dans lequel elle s’était rangée.

Je l’en félicitai tout de même sans trop insister et passai à une discussion plus académique sur ses travaux de recherche, sur les résultats auxquels elle avait abouti ou espérait aboutir et sur ses relations avec ses collègues étrangers, dont je savais d’expérience qu’ils n’étaient pas faciles à vivre comme on dit, en dépit de leur grande instruction : de nombreux préjugés restaient indéboulonnables dans leur esprit, qu’on repérait aisément à leur attitude condescendante ou distante selon les cas.

Elle me fit d’elle-même ensuite le récit de sa vie qui la conduisit au mariage : non, ce n’était pas un étranger qu’elle avait épousé mais bien un gars de chez nous, un lointain parent me dit-elle, auquel elle consentit à se lier sans amour juste pour se soustraire aux commérages et pour rassurer ses parents qui la voyaient déjà vieille fille à moins de trente ans. Ce fut un mariage arrangé, son mari ayant profité de l’aubaine qui s’offrait pour chercher à émigrer en toute légalité comme la loi française le prévoyait dans le cadre du regroupement familial. La procédure était en cours, si bien qu’elle ne vivait presque pas avec son mari. Mais son mariage l’obligeait à présent à revenir plus souvent au pays, en profitant du coup de ces séjours s pour rendre visite à ses connaissances. N’en étais-je plus qu’une de celles-ci me suis-je surpris à me demander ?

Mais j’avais ressenti vaguement autre chose que je redoutais tout en le souhaitant ; terrible dilemme psychologique dont j’avais moi-même tissé les fils ! Elle était encore amoureuse de moi et sa visite n’avait rien d’une visite de courtoisie. Le mariage arrangé qu’elle avait contracté en était une preuve car, belle, sensuelle et sentimentale comme elle était, elle n’aurait eu aucune difficulté à trouver un meilleur parti, ni à tomber de nouveau amoureuse, si mon souvenir n’avait entravé le cours des choses de sa vie.

Elle se leva enfin pour prendre congé de moi. Je me levai à mon tour pour la raccompagner.
A la porte du bureau, elle se retourna vers moi et me fit une bise appuyée à la naissance de mes lèvres. Elle me dit qu’elle allait repasser pour me remettre le document à corriger et partit. Je dus attendre quelques minutes pour sortir à mon tour afin de ne pas la croiser de nouveau ; la tête pleine de pensées volages et de souvenirs érotiques.

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