Grands Moments De Solitude (7)

J’ai investi la plage tôt, très tôt, pour pouvoir profiter à plein de cette dernière journée de mer et de soleil.
Julien est presque aussitôt venu m’y rejoindre. Il s’est allongé sur le sable, à mes côtés.
– C’est aujourd’hui…
– Qu’on repart, oui.
– C’est pas à ça que je faisais allusion.
– Ah !
Ce à quoi, il pensait, lui, c’était…
Il s’est redressé sur un coude.
– On pourrait peut-être déjà s’offrir un petit acompte, non, qu’est-ce t’en dis ?
Ce que j’en disais, moi, c’est qu’un type comme Julien c’était impossible de pas avoir envie avec lui ? Mais je me suis tue. Je me suis contentée de le regarder.
Il s’est penché, penché encore. Ses lèvres ont effleuré les miennes. S’en sont éloignées. Y sont revenues. S’y sont installées. Sa queue s’est élancée, sous le maillot, contre ma cuisse. Les pointes de mes seins se sont dressées contre son torse. On s’est embrassés. Encore et encore. On s’est un peu caressés. Sa main s’est égarée dans ma culotte. Un peu plus. Un peu plus loin. C’était bon ! Comment c’était bon !
Il s’est brusquement arrêté.
– Il y a des pêcheurs là-bas. Ils regardent par ici.
Et alors ! Qu’est-ce qu’on s’en fichait des pêcheurs ! Ils allaient pas en perdre la vue. Ah, non, non ! Pas question de s’arrêter en si bon chemin. Sûrement pas ! J’avais trop envie. Je ruisselais. Il m’avait trop donné envie.
Et je me suis pressée contre lui. Je suis allée la lui chercher sous le maillot. Je l’ai flattée, fait durcir un peu plus encore. J’ai fait rouler ses boules au creux de ma main.
– Laisse-moi faire !
Et je l’ai chevauché. Je l’ai enfourné en moi. Je me suis rageusement élancée, à grands coups de bassin, à la conquête de mon plaisir, un plaisir que j’ai atteint et longuement psalmodié quand il s’est déversé en moi, en longues giclées tièdes.
Je ne me suis pas retirée tout de suite. Je l’ai laissé se recroqueviller à l’intérieur, les mains posées sur mes fesses, devenir tout fragile, tout attendrissant.

Je lui ai piqueté les joues, le menton, les tempes, les paupières d’une multitude de petits baisers.
Et je suis retombée sur le côté. Je me suis blottie contre lui, la tête dans son cou.
J’ai murmuré.
– Depuis le temps que j’attendais ça…
Il a soupiré.
– Et moi donc ! Trois ans ! Une éternité…
– Trois ans ? Comment ça, trois ans ?
– Dès que je t’ai vue, j’ai eu envie de toi. Dès la toute première fois, quand tu es venue t’asseoir à côté de moi en amphi. Tu te rappelles ? C’était un cours de Domingo.
– Encore lui ! Décidément…
– Domingo qui savait pas encore comment t’étais faite à l’époque. Mais moi, si !
– Hein ? Comment ça, tu savais ?
– Oui. J’étais là le jour où tu t’es retrouvée le cul à l’air dans le magasin de sapes.
– T’étais là ? C’est pas vrai. Je te crois pas.
– C’est pas vrai, non ! Bien sûr que c’est pas vrai. Mais j’aurais tellement aimé. T’y es jamais retournée depuis ?
– Jamais, non.
– Mais t’es quand même passée devant, avoue ! Plusieurs fois. Et ça t’a démangée, je suis sûr, de pousser la porte et de te retrouver sur le théâtre de tes exploits.
Mais comment il savait ? Comment ?
J’ai bien évidemment prétendu que non.
– Non, je t’assure !
Il a poursuivi…
– On y retournera ensemble, si tu veux. Et d’ailleurs, tu sais ce qu’on pourrait faire ?
Il n’a pas eu le temps d’achever. Chloé et Pauline ont surgi.
– Vous vouliez vous envoyer en l’air en douce, hein ? Sans nous laisser en profiter. Ben, c’est raté ! On a tout vu de la fenêtre.
– Et tout entendu.
– Ce qui nous a donné sacrément envie.
– Et nous aussi, on s’est bien amusées du coup.

* *
*

Chloé s’activait autour de son sac de voyage. Sous l’œil perplexe de Pauline.
– Qu’est-ce tu t’agites ? On a bien le temps !
– J’ai peur d’oublier quelque chose.
– Ça, par exemple ?
Et elle lui a extirpé, de sous son oreiller, un gode d’une impressionnante dimension.

– Oh, non, lui, il y a pas de risque que je l’oublie. Et quand bien même ! J’ai de la ressource. Tiens, regarde !
– Ah, oui, carrément ! C’est tout un arsenal.
– Oh, mais faut bien ça, hein, en plus des mecs, quand on est une nana normalement constituée…
Elle le lui a repris des mains.
– C’est Émile, celui-là. Vu sa taille, c’est quand j’ai envie de me sentir bien remplie. Et les autres…
Elle les a étalés sur sa couchette.
– Lui, c’est Gaston. Pour quand je veux que ça vibre à l’intérieur et que ça me pilonne un max. À côté, t’as Fernand. Spécial clito. Et je peux te dire qu’il sait y faire, le bougre. Quant au petit dernier, Gabriel, comme tu peux voir, il est multi-fonctions. Il occupe le terrain devant et derrière. En même temps.
– Et c’est tout ?
– Oui. Enfin, non. Mais les autres, ils sont restés à la maison. Oh, mais me dites pas que vous, de votre côté, hein, les filles…
Ben oui, si, nous aussi ! Ça nous arrivait. Mais on n’était pas aussi bien équipées qu’elle.
– Loin s’en faut.
– À propos de godes, d’ailleurs, vous savez pas ce qu’il m’est arrivé un jour ?
Julien s’est commodément installé.
– Ah, notre petit quart d’heure confidences quotidien.
Et nous aussi. À côté de lui.
– Bon, ben, vas-y, on t’écoute !
– C’était à Pâques, il y a deux ans. J’avais entrepris un petit périple dans le Lot. Un régal. Tout ce qu’il y a à voir là-bas ! De la folie ! Et donc, ce soir-là…
Pauline l’a interrompue.
– T’oublies pas quelque chose ?
– Ah, si, oui !
Et elle s’est débarrassée de son maillot. Tout en continuant à raconter.
– J’ai débarqué à Rocamadour. Tard. Il était pas loin de neuf heures. Dans le premier hôtel dont j’ai poussé la porte, il restait une chambre, une seule, que j’ai aussitôt retenue. Et je suis retournée à ma voiture chercher ma valise. C’était une vieille valise fatiguée que je traînais depuis des années. Qui fermait de moins en moins bien.
Dont je me disais, chaque fois que je partais en voyage, qu’il faudrait bien qu’un jour je finisse par la remplacer sans m’être, jusque là, jamais résolue à le faire. J’étais garée assez loin et le temps que je fasse l’aller et retour, un car de bonnes sœurs – elles étaient pas loin d’une trentaine – avait envahi le hall. Elles discutaient, par petits groupes, au milieu desquels je me suis frayé tant bien que mal un passage jusqu’au monumental escalier qui menait aux chambres. J’en avais gravi pas loin de la moitié quand cette fichue valise s’est brusquement ouverte. Et carrément, hein ! Tout a dégringolé : mes sous-tifs, mes petites culottes, mes affaires de toilette et… mes godes. Il y en a un qu’a descendu trois marches, posément, une à une, tandis qu’un autre s’est allègrement précipité en bas et est venu finir sa course aux pieds de l’une des bonnes sœurs. Vous auriez entendu ce silence ! Et tous ces regards, profondément réprobateurs, levés sur moi, accrochés à moi.
– Oh là là ! Tu devais pas en mener large.
– Non ? Tu crois ? J’ai tout ramassé, en catastrophe, le plus vite possible, à la va-comme-je-te-pousse, tout réenfourné, n’importe comment, en vrac, dans ma valise. Bon, mais restait quand même le gode-sauteur, là-bas, tout seul. Loin. Si loin.
– Lequel c’était ?
– Gabriel. Le « devant-derrière ». Qu’il a pourtant bien fallu que j’aille chercher ! J’ai pris mon courage à deux mains, j’ai respiré un grand coup et je suis descendue dans la cage aux cornettes. En m’efforçant de ne pas les regarder. De ne voir que lui. Uniquement lui. Je m’en suis approchée. Tout près. Encore plus près. Là. J’y étais presque. Un bout de pied l’a poussé vers moi. Dont la propriétaire a clamé bien fort, bien sonore. « Tu n’as pas honte, grande dégoûtante ? » J’ai détalé sans demander mon reste. Mais, une fois la porte de la chambre refermée, j’ai été prise d’une de ces crises de fou rire ! Je pouvais plus m’arrêter.
– N’empêche que t’as dû t’en ramasser plein la tête après !
– Ah, ça c’est sûr ! Moi et tous les jeunes d’aujourd’hui.
Tous des dépravés ! Des pervers ! Bon, mais ça, après ! Je m’en fichais après. J’étais plus là. Elles pouvaient bien raconter ce qu’elles voulaient.
Pauline a pris en mains le gode coupable, lui a flanqué une petite claque. Tout au bout. Sur la plus grosse de ses têtes.
– Méchant ! Tu te rends compte dans quelle situation tu l’as mise, ma copine ? Tu l’as fait exprès, je suis sûre.
Et on a, tous les quatre, éclaté de rire.

* *
*

– Bon, ben ça y est ! C’est fini.
On venait de refermer la porte. On regardait la mer. La voiture était chargée, mais on n’arrivait pas à se décider à monter dedans.
Pauline a encore répété. Au moins pour la dixième fois.
– Bon, mais c’est sûr, hein ! On s’installe ensemble en septembre.
Mais oui, c’était sûr, oui !
C’est Julien qui a posé la question.
– Et avant ?
– Avant ? Comment ça, avant ?
– Le reste de l’été. Vous faites quoi ?
Rien de spécial. Personne. Chloé suivrait sûrement ses parents à la campagne. Sûrement. Pauline, elle, elle allait rester à Argenteuil et commencer à s’avancer pour son master. Quant à moi, je savais pas encore au juste, mais pas question que je passe les deux mois à me morfondre à Épinay. Ah, non, alors !
– Je mourrais d’ennui.
Dans ces conditions, ce qu’il proposait, Julien, c’était qu’on se quitte pas.
Oui, mais pour aller où ? Pour faire quoi ?
– Un pélerinage. Là où ça s’est passé tout ce qu’on s’est raconté. Qu’on visualise. Et puis on sait jamais. Peut-être que…
– Et on irait où d’abord ?
– En Espagne. Là où Chloé nous a raconté qu’elle avait été obligée de traverser tout le bled à poil après son bain de minuit.
L’idée ne lui déplaisait pas vraiment à Chloé.
– D’autant que ça fait un bail que j’ai pas revu ma cousine.
– Eh, ben en route alors !
Et on a pris la direction du sud.

Comments:

No comments!

Please sign up or log in to post a comment!