Récits Érotiques De La Mythologie (24) Omphale, La Femme Qui Domina Héraclès

Dans la mythologie grecque, Omphale est une reine de Lydie, fille du roi Iardanos. Selon d'autres sources, elle aurait été l'épouse du dieu des montagnes, Tmolos (roi de Lydie), puis reine à son tour à la mort tragique de ce dernier. Elle est connue pour la période de servitude à laquelle le héros grec Héraclès fut contraint de se plier chez elle.

HERACLES PUNI OU CONSENTANT ?

C'est l'oracle d'Apollon qui prescrivit à Héraclès la sanction des Dieux, à savoir se vendre comme esclave à la reine de Lydie afin de se purifier du particulièrement honteux d'un certain Iphitos. Après lui avoir imposé un certain nombre de travaux - il dut lutter contre les Cercopes, contre Sylée et contre les Itones - la reine libéra le héros de son esclavage et l'épousa.

Des nouvelles circulèrent en Grèce annonçant qu'Héraclès avait quitté sa peau de lion et sa couronne de tremble et portait maintenant des colliers de pierreries, des bracelets d'or, un turban de femme, un châle pourpre et une ceinture.

Il passait son temps, disait-on, entouré de jeunes filles lascives et débauchées filant et tissant la laine; et qu'il tremblait lorsque sa maîtresse le grondait parce qu'il s'y prenait mal. Elle le frappait de sa pantoufle d'or quand ses gros doigts malhabiles écrasaient le fuseau, et lui faisait raconter, pour la distraire, ses exploits passés; mais il n'en éprouvait apparemment aucune honte.

C'est pourquoi certains peintres montrent Héraclès habillé d'une robe rose et se faisant coiffer et faire les mains par les femmes de chambre d'Omphale, tandis qu'elle, revêtue de sa peau de lion, tient sa massue et son arc.

HERACLES CALOMNIE PAR LE DIEU PAN ?

Une autre version fut présentée, pour défendre la réputation du héros. Un jour qu'Héraclès et Omphale visitaient les vignes de Tmolos, elle vêtue d'une robe rouge brodée d'or, les cheveux ondulés et parfumés, lui, portant également un parasol d'or au-dessus de sa tête, Pan les aperçut du haut d'une colline.

Il tomba amoureux d'Omphale et dit adieu aux divinités de la montagne en jurant qu'il allait la conquérir au plus vite.

Omphale et Héraclès arrivèrent à la grotte retirée où ils se proposaient de se rendre et où ils eurent la fantaisie de faire l'échange de leurs vêtements. Elle l'habilla d'une ceinture en filet transparente, ridiculement étroite pour lui, et lui passa sa robe rouge. Bien qu'elle ait déboutonné celle-ci le plus possible, il fit craquer les manches; quant aux cordons de ses sandales, ils étaient trop courts et n'arrivaient pas à croiser sur son pied.

Après avoir dîné, ils allèrent se coucher dans des lits séparés car ils avaient décidé de faire le sacrifice à Dionysos dès l'aube, ce qui nécessite que les auteurs du sacrifice soient en état de pureté.

Vers minuit, Pan se glissa dans la grotte, et en tâtonnant dans l'obscurité il atteignit ce qu'il prit pour le lit d'Omphale parce que la personne qui l'occupait avait des vêtements de soie. En tremblant, il releva les couvertures dans le bas du lit et se faufila à l'intérieur, mais Héraclès s'étant réveillé, car le dieu était en train de pénétrer dans son lit, le projeta au fond de la grotte d'un violent coup de pied.

Omphale, qui avait entendu un bruit de chute et un grand cri, se jeta hors de son lit et demanda des torches; quand les lumières arrivèrent, Héraclès et la reine se mirent à rire aux larmes à la vue de Pan recroquevillé tout endolori dans un coin en train de se frotter le dos. Depuis lors, Pan voua une haine farouche à tout vêtement et demanda à ses adeptes de venir nus célébrer ses rites.

C'est lui qui, pour se venger, fit courir le bruit que cet échange bizarre de vêtements avec Omphale était un vice et qu'ils en étaient l'un et l'autre coutumiers.

LA SOUMISSION DU HEROS VIRIL

Ce mythe de soumission d'un héros particulièrement viril aux caprices d'une femme, en guise d'expiation d'un crime, apparaît dans « Les Trachiniennes » du dramaturge Sophocle (495-406), puis a été développé jusqu'à mettre en scène chez certains auteurs une inversion symbolique des rôles dans le couple, ainsi sur un mode humoristique chez le poète romain Ovide (-43-+18), dans le monde romain, aux temps de l'empereur Auguste ; on le trouve ensuite sur un mode sexuellement ambigu, par exemple chez le rhéteur Lucien de Samosate (vers 120-180) : « Tandis qu'Omphale, couverte de la peau du lion de Némée, tenait la massue, Héraclès, habillé en femme, vêtu d'une robe de pourpre, travaillait à des ouvrages de laine, et souffrait qu'Omphale lui donnât quelquefois de petits soufflets avec sa pantoufle ».


Le thème de « l’effémination » d’Héraclès se développe à l’époque romaine. Les auteurs se plaisent à décrire comment, sous l’emprise de sa maîtresse, l’identité masculine du héros vacille. Les amants échangent leurs vêtements, leurs attributs et leurs rôles : amolli, parfumé et revêtu d’atours féminins, Héraclès « de sa robuste main file la douce laine » tandis qu’Omphale adopte sa massue et sa peau de lion.

SOUMIS PAR AMOUR

Aux IIIe siècle av. J.-C., l'auteur grec Palaiphatos de Samos donna dans ses « Histoires incroyables » une variante différente de l'histoire. Selon lui, Héraclès ne fut pas l'esclave d'Omphale : elle feignit d'être amoureuse, et lui, amoureux, lui donna un . Pris de passion pour elle, soumis, il faisait ce qu'Omphale lui commandait.

MAIS PAS FIDELE !

Héraclès, durant son esclavage, selon son habitude, n'observa pas au sujet de cette princesse une fidélité scrupuleuse et courtisa une de ses suivantes, Malis.

Héraclès eut d'Omphale une nombreuse descendance, dont un fils nommé Alcée, ou Achélès (ou Agélaos). Les rois de Lydie et en particulier le célèbre Crésus (596-546) prétendaient en être les descendants.

UN MYTHE D’UNE ETONNANTE MODERNITE

Féminisme et inversion des genres, l’histoire d’Hercule et Omphale est d’une étonnante modernité. Dans l’imaginaire collectif, Hercule est LE symbole de puissance physique et de virilité ; ce héros vaillant et intrépide qui survécut à une série de douze travaux plus inhumains les uns que les autres.

Hercule amolli, parfumé, revêtu d’atours féminins et homme battu, qui l’eut cru ? Le plus musclé des héros peut assumer, sans aucune gêne, son goût pour la douceur. Le mythe en dit long sur la bisexualité enfouie dans tout homme, fut-il le plus viril en apparence.

Le mythe d’Omphale soumettant Hercule a inspiré la littérature. Je citerais une nouvelle de Théophile Gautier, en 1834, et, plus dans la thématique d’HDS un court poème pornographique sur Hercule et Omphale dans son roman « Les Onze Mille Verges » publié en 1907.


Au Moyen âge et à l'époque moderne, Hercule et Omphale sont régulièrement représentés dans la peinture classique puis académique.

Au XVIIIe siècle, le peintre français François Boucher peint un tableau érotique montrant Hercule et Omphale nus tous les deux et occupés à se caresser sur un lit, tandis que deux Éros jouent l'un avec la peau de lion d'Hercule, l'autre avec le fuseau d'Omphale, allusion à l'échange des vêtements du mythe antique.

Ce sera aussi une source d’inspiration pour les Péplums. Ainsi dans « Hercule et la Reine de Lydie », film franco-italien réalisé par Pietro Francisci en 1959, Omphale, incarnée par Sylvia Lopez, épouse des hommes beaux et vigoureux et leur fait perdre la mémoire en les droguant. Lorsqu'elle se lasse d'eux, elle les tue en les jetant dans un bain de préservation qui pétrifie leur corps : elle s'est ainsi constitué une galerie des statues de ses anciens amants infortunés. Mais Hercule échappera à ce sort !

LA FEMME DOMINANTE ?

« Omphale représente la femme dominante par excellence », comme l’écrit Christian-Georges Schwentzel.

Que les Dieux grecs punissent Héraclès en faisant de lui l’esclave d’une femme, en dit long sur la misogynie de cette société patriarcale. Héraclès, le grand héros grec, soumis à tous les caprices et humiliations, quoi de pire, n’est-ce pas ?

Il est vrai que le mythe se termine bien, une fois Héraclès ayant subi sa punition. Omphale tombe amoureuse d’Héraclès, qui prolongera son séjour. Omphale et Héraclès forment alors le couple parfait, avec une complicité totale entre les deux amants, une sexualité épanouie et une fertilité assurée. Aux yeux de la société grecque antique, les choses sont revenus dans l’ordre et Omphale l’amante parfaite.

LE MYTHE D’OMPHALE ET MOI

A première vue, j’ai peu de points communs avec Omphale. Hypersexuelle, je recherche des mâles qui me soumettent à leur loi et, pour être directe, qui me baisent.
Je ne suis pas attirée par la domination et de ce point de vue je ne suis pas Omphale.

J’apprécie évidemment dans le mythe d’Omphale sa dimension féministe et la rupture qu’il représente avec le modèle patriarcal. Même avec un mâle dominant comme l’incarne Héraclès, la femme peut changer le rapport de forces. Aujourd’hui s’établit un autre équilibre, d’autres rapports entre hommes et femmes, au sein du couple comme dans la société.

On connait enfin mon grand intérêt pour la bisexualité masculine et on sait comment j’ai incité mon mari Philippe à l’assumer. J’adore être témoin d’étreintes viriles et notamment voir mon chéri se faire prendre en ma présence. Le mythe d’Omphale rappelle surtout qu’en toute personne, y compris chez le macho le plus viril, il y a une dimension bisexuelle, le passage à l’acte étant ensuite affaire d’opportunités.

PRINCIPALES SOURCES

Christian-Georges Schwentzel, dans son livre de référence, « Le nombril d’Aphrodite. Une histoire érotique de l’antiquité. » (Payot 2019), présente le mythe d’Omphale, pages 23-25.

Je renvoie également à l’article de Wikipédia ainsi qu’aux liens suivants sur la toile :

• https://mythologica.fr/grec/omphale.htm

• https://www.cairn.info/revue-archeologique-2008-2-page-265.htm

• https://mythologiegrecque.pagesperso-orange.fr/HerosGrecs/Heracles/Personnages/Omphale/Omphale1.htm

• https://lesyeuxdargus.wordpress.com/2015/05/04/hercule-et-omphale/

• https://www.liberation.fr/debats/2009/02/25/hercule-champion-de-la-bisexualite_1812140/

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