Ca Va, Ça Vient 2

- On s'installe à ta table et je commande. Que prendras-tu? Comment ?

- Merci. Je préfère consommer au bar. Le service y est plus rapide et j'espère retourner danser avec toi le plus vite possible. N'est-ce pas préférable? Au bar...et on reprend ensemble. Que je suis heureuse .

Voilà, je ne ferai pas tapisserie cet après-midi. Cette fille commence à me plaire. On n'est pas aussi aimable uniquement pour se faire payer à boire. Elle promet une suite. Lydie c'est fini, tu es remplacée..., je ne te pleurerai pas toute ma vie. Tu as choisi ce beau gaillard à ma place. C'est douloureux, c'est vexant aussi. Tu aurais pu me prévenir ou me fournir une explication au lieu de m'ignorer. Bien sûr ce bonhomme est plus grand que moi. A tes yeux il doit aussi être plus beau ou plus riche, plus que sais-je, plus citadin ou plus hardi. Je veux t'oublier.

Linda elle n'a pas froid aux yeux et exprime en toute simplicité ce qu'elle souhaite. J'aime ce genre de caractère primesautier mais pourtant réfléchi. J'avais trouvé ces qualités chez Lydie. Malheureusement elle a changé, elle semble vivre ailleurs aujourd'hui, loin, si loin de moi. Bienvenue donc à Linda dans ma vie. Et à regarder Linda de plus près, je conviens que je ne perds pas au change. Physiquement elles ont des caractères communs, beaucoup reste à découvrir chez cette admiratrice tombée du ciel au bon moment. Sans insister sur mon malheur, elle est devenue ma consolatrice, discrète mais si réconfortante.

Certains spectateurs se demandent probablement comment je m'y prends pour attirer les filles l'une après l'autre sans discontinuer.Ne m'accusera-t-on pas d'inconstance ? Moi-même je me pose cette question. Car je n'y suis pour rien. Lydie envolée, accrochée subitement à un autre homme étonne moins l'assistance que moi de nouveau en compagnie féminine enviable

Je suis au bar à la gauche de Linda. Un grand type s'installe à sa droite.

Grand, châtain-clair, il fixe le bleu de ses yeux sur ma cavalière. Quelle audace de la part de cet homme que je hais. Sûr de son charme l'irrésistible Karl engage immédiatement la conversation avec Linda. Il agit comme si je n'existait pas. Ca se comprend, il a eu Lydie, il peut et doit me piquer Linda. Ce doit être évident pour lui; il va de victoire en victoire. Il m'a écrasé une fois, il profite du premier succès pour m'infliger un nouvel échec amoureux. C'est un jeu cruel qui l'excite, dont il tire gloire.

- Excusez-moi, vous ressemblez beaucoup à Lydie, ma danseuse de cet après-midi. J'ai cru... je me suis trompé. En effet elle est assise à notre table. Comment me faire pardonner mon erreur et le dérangement ? Par une invitation pour les prochaines danses ? Je serais enchanté de pouvoir réparer de cette manière.

Le prétentieux en s'attaquant à Linda va ramasser un râteau. Je m'amuse de sa proche déception. J'attends fiévreusement la réponse cinglante de ma compagne. J'écoute sans en avoir l'air :

- Que c'est aimable cher monsieur. Je vous ai observés. Vous formez avec Lydie un couple bien assorti. Si toutefois votre cavalière accepte de vous céder pendant quelques danses, je serai heureuse de répondre à votre invitation. Allez vous assurer de son accord et attendez-moi à votre table.Dans une demi-heure je viendrai vous obliger à me suivre en piste.

Karl est presque surpris de cet accueil et s'en va pour conserver ses chances. Linda m'examine. Je suis scandalisé et je lui demande s'il s'agit d'une mauvaise blague :

- Tu ne peux pas avoir l'intention de fricoter avec ce sale individu. Tu te moques de moi. Te souviens-tu de ce que tu m'as déclaré. Je cite tes paroles :
". Je danserais comme ça avec vous jusqu'au soir."
Et il suffit que ce bellâtre te courtise pour que tu fondes et que tu me laisses tomber. je suis déçu. Va, puisque c'est ce que tu veux. Mais oublie-moi ensuite.

Linda garde son calme :

- Tes reproches sont justifiés.
Ma conduite te révolte, c'est normal. J'en suis même flattée. Tu tiens donc à moi ? De quoi as-tu peur ? Que j'imite Lydie et que Karl m'ajoute à son tableau de chasse? Ne serais-tu pas jaloux. Mais alors je compte pour toi? N'as-tu rien à me dire pour m'empêcher de le rejoindre au lieu d'étaler un découragement ?

- Tu es majeure, tu décides de changer de compagnon pour terminer ce bal. Grand bien te fasse. Je ne dirai rien pour contrarier ta décision de personne libre et indépendante. Va.Pars sans attendre. Je vais quitter cette salle qui me porte malheur. Je ne souffrirai pas deux fois de suite le même affront, c'est au-dessus de mes forces.

- Tu rends facilement les armes ? Ta première déconvenue t'a abattu. Tu n'as rien de positif à m'opposer ? Sache que moi je ne suis pas défaitiste et, puisque tu es trop timide ou trop respectueux de ma liberté, je romps les codes. Jean, j'ai trop envié Lydie quand vous étiez ensemble. J'ai trop souvent rêvé d'être dans tes bras à sa place. L'occasion s'est présentée, je l'ai saisie.

- Vite et aussitôt tu te jettes sur l'occasion suivante. Je ne te connaissais pas avant. Tu ne m'as pas laissé le temps de t'apprécier véritablement. Ce Karl brise mon rêve à la racine.

- Tu ne veux donc pas comprendre. Je serai plus explicite, au risque de passer pour une folle trop pressée. Jean, je t'aime... Oui! Sinon que ferais-je ici ? Je t'aime...Je te le prouverai aujourd'hui encore.

- Et pour me le prouver tu danseras avec le" roi des coureurs". Ta logique dépasse mon entendement...C'est d'un drôle!

- A quoi sert l'ironie? A cacher que ce n'est pas réciproque, que les sentiments que j'ai pour toi ne trouvent pas d'écho dans ton coeur ? C'est ce que je redoutais, je suis trop directe. Rompons sur ce constat qui me désespère.

- Il est plus sage de renoncer à danser avec ce dangereux séducteur. Je ne vois aucun intérêt à votre rencontre. N'es-tu pas bien avec moi ?

- Je t'aime mais j'ai besoin de vérifier deux choses.
En premier je veux être certaine que ton coeur n'est plus pris par Lydie. Comment peux-tu savoir toi-même où tu en es avec elle? Rencontre la pendant que j'éloignerai Karl de sa proie en dansant avec lui et fais-toi une opinion.

- Tu es sure de ne pas m'exposer à une rechute amoureuse ? je te déplais au point que tu cherches à te débarrasser de moi en me renvoyant à elle comme un mendiant d'amour?

- Arrive ce qui devra arriver. On ne peut pas construire du solide sur le doute. Tu l'aimes peut-être encore plus que tu ne le penses. Je veux, moi, une situation clarifiée avant de m'engager avec toi.

- D'accord. Et quel est ton deuxième problème ?

- Je n'aime pas les extrêmes, ni un amour mou, ni l' amour maladivement jaloux. Tu dois te prouver que tu peux m'accorder assez de confiance même quand tu me vois danser avec un type que tu soupçonnes d'intentions malsaines.

- Tu veux jouer avec le feu, t'exposer à la tentation pour me mettre à l'épreuve ? Et si cela me déplaît ou me dégoûte, on écrira fin sur notre histoire avant son début.J'espérais que nous deux ça pouvait marcher.

- C'est trop de tergiversations. Passons aux actes. J'entraîne le ravisseur de femmes sur la piste et tu fais le point avec Lydie. A la fin nous tirerons les conclusions. Je souhaite que l'amour sortira vainqueur de l'épreuve et que tu seras certain de pouvoir m'aimer et plus si...

On ne me retirera pas de la tête qu'elle est tentée par l'offre de Karl. Mais je jouerai honnêtement le jeu. Me voici assis face à Lydie, ou plus exactement à l'ombre de Lydie. Elle est pâle, ses paupières sont closes, elle ne me voit pas. J'appelle "Lydie". Sa tête bouge dans ma direction, elle interroge, yeux toujours fermés. Elle est méconnaissable. Je lui rappelle que nous avions rendez-vous.

- Ah! Jean, tu es venu? Karl m'a dit que tu avais téléphoné pour t'excuser ... Tu es Jean. Trop tard... Je suis si fatiguée.

Sa voix est pâteuse.
Elle me fait peur. Elle semble se rendormir assise sur sa chaise. Cet état second n'est pas normal chez une personne habituellement pleine de vie. Pas normal est faible. Je pense inquiétant. Elle oublie ma présence, sa tête se pose sur ses avant bras. Je décide, j'appelle la sécurité, j'engage un processus de sauvetage...On attend... Des ambulanciers la couchent sur une civière, l'emportent vers les urgences de l'hôpital. Il y a eu du remue-ménage. Karl arrive trop tard pour empêcher cette prise en charge reconnue utile par les infirmiers.

Il pâlit à son tour, m'invective:

- Tu n'as pas supporté qu'elle te quitte. Que lui as-tu fait ?

Linda intervient, lui fait remarquer qu'il ne peut rien faire pour Lydie. Il lui doit encore quelques tours...Elle le tire vers la piste.
Après. une courte interruption l'orchestre rétablit l'ambiance. Pourquoi Linda a-t-elle fait comme si elle n'avait pas les réponses qu'elle attendait. Je nage dans le flou. Soudain, à l'intervalle qui sépare un tango d'une valse , éclate un cri de douleur à glacer le sang.. La salle entière fixe un grand gaillard plié en deux, les mains sur son bas ventre. Une voix de femme hurle :

- Salaud. Au secours Ce cochon ! Sa main sur mon sexe. Sous ma robe. frotter ma culotte et ma vulve Sauvez-moi.

Linda crée le scandale, accuse son agresseur et recule alors que la sécurité encercle Karl. On l'emmène. Linda vient pleurer dans mes bras. On nous regarde. Nous quittons cet endroit hostile. Isolés, nous marchons. La voix de Linda revient à la normale, ne tremble plus. :

- Tu as vu ? Il ne chassera plus dans ce dancing.

Qu'est-ce qu'il t'a fait. Il a osé te toucher?

- Il a essayé. Sa main est descendue entre nos ventres, ses doigts ont plissé le bas de ma robe et il s'est mis à me caresser. Je lui ai envoyé un grand coup de genou dans les burnes. Vlan! Ca lui apprendra à draguer ta danseuse. J'avais déjà piqué ce tube dans sa veste en dansant. Je crois avoir mis la main sur la cause du malaise de Lydie.

Comments:

No comments!

Please sign up or log in to post a comment!