Kentin 7 Souvenirs

Je me souviens, maintenant. A cette époque, mon regard se situait à un mètre de hauteur. Le monde m’apparaissait incroyablement grand, les gens marchaient incroyablement vite pour mes petites jambes. Tout allait si vite, tout était nouveau, étrange. Ma seule bouée de sauvetage était la main de maman. Si chaude et pourtant si tyrannique quand elle me traînait à sa suite dans ces rues infinies qui se succédaient les unes aux autres.
-Voyons Kentin, arrête de traîner!
J’aurais tellement voulu m’arrêter devant ces vitrines aux détails étonnants. Mais il fallait toujours aller de l’avant. Nous sommes entrés dans un hall d’immeuble. Des boîtes aux lettres, un escalier, mais surtout le silence et la fraîcheur qui faisaient un contraste avec l’extérieur. Nous sommes montés. Un, deux, trois étages je ne me souviens plus, mais ce qui me revient c’est la rampe métallique de l’escalier, de sa peinture écaillée et aussi de mes doigts sur les barreaux verticaux qui produisait un son grave qui se répercutait dans la cage d’escalier. Maman frappa à une porte, doucement. Un homme lui ouvrit.
-J’ai emmené Kentin avec moi. Je n’ai trouvé personne pour le garder. Kentin, dis bonjour au monsieur.
-Bonjour monsieur.
L’homme portait une fine moustache. Il avait l’âge de mon père mais il était plus mince. Il m’embrassa sur la joue. Je n’aimais ni son contact, ni son odeur. Il sentait fort le tabac.
- Vous prendrez bien un café. Il se rendit à la cuisine.
- Ta maman et moi, nous avons à discuter. Voici, la chambre de Pierre, mon fils. Il n’est pas là aujourd’hui. Voici sa malle à jouet, si tu veux. Je peux aussi te mettre un dessin animé sur sa petite télé.
- Kentin, tu restes bien sage ici, mon chéri. Maman a à discuter avec le monsieur. Si tu es bien sage je t’offrirai une récompense.
Je me retrouvais enfermé dans cette chambre, assis sur le lit à regarder la télé, à jouer aux petites voitures ignorant ce qui se tramait à quelques mètres de moi.

Seul, infiniment seul. Et je suis resté, cette fois là et les autres fois qui ont suivi. A chaque fois en sortant, maman me félicitait en me disant que j’avais été un grand et qu’elle était fière de moi. A chaque fois, elle m’offrait une petite voiture en guise de récompense. Le soir, je savais instinctivement que je ne devais rien dire à papa. Parfois, Pierre le fils du monsieur était là. Il était plus grand que moi, plus vieux aussi, j’aurais voulu être son ami, mais il m’ignorait ostensiblement. Quand il daignait me prêter attention c’était pour des jeux de force où il me dominait physiquement, il me serrait jusqu’à m’ et je supportais cela sans pleurer, pour ne pas décevoir maman. Je n’ai jamais rien dit à qui que ce soit, j’ai pris cela sur moi. Je n’avais pas les mots pour mettre sur ce que je vivais. J’ai gardé précieusement dans une boîte les petites voitures alignées les unes contres les autres. Elles sont maintenant quelque part dans le grenier au dessus de notre chambre. Personne d’autre que moi n’y a touché. Je sais qu’elles sont le prix de mon silence et de ma soumission.

****
- Pierre viendra manger ce soir. Ne t’occupe de rien, je suis passée chez le traiteur.
C’était la première depuis la révélation de leur relation qu’on se retrouvait ensemble. Au départ on était tous un peu tendus, mais le repas avançant et l’alcool aidant, on s’est détendus. Corinne avait pour moi des gestes, des attentions qui montraient que c’était bien moi son mari. Elle traitait Pierre uniquement en ami. Je me sentais rassuré. Quand elle est montée coucher Katia, on s’est retrouvé tous les deux Pierre et moi devant la bouteille de digestif.
-Ça me rassure que ça se passe comme cela. Je pensais qu’il y aurait chez toi un ressenti négatif à mon égard, vu la situation. Je ne pensais pas que tu serais un pote à ce niveau là. J’ai beau faire le mec sûr de moi, dans le fond, ce n’est pas cas. Tous les deux vous comptez vachement pour moi, je me sens si seul parfois.
..

Corinne est redescendue et on a fini la soirée un peu paf. Quand Pierre s’est levé, il s’est pris un bon coup de recul. Visiblement, il n’était pas en état de conduire et ni Corinne ni moi n’étions en état de le ramener.
-Reste donc dormir dans la chambre d’amis, lui-ai-je proposé. Je ne veux pas que tu conduises dans cet état
-Mais c’est pas loin, je peux…
Il est retombé sur le fauteuil comme une masse. Finalement il a accepté la proposition et s’est rendu d’un pas lourd vers l’étage.
-Il en tient une bonne, me dit alors Corinne.
Nous avons tout rangé dans le salon, avant de monter nous aussi. L’alcool avait rendu ma femme amoureuse et elle m’embrassait à pleine bouche en m’enlaçant dans ses bras. L’alcool la rendait amoureuse. Nous sommes montés nous coucher et je ne suis écroulé dans un sommeil sans rêve.
Quand je me suis réveillé, ma tête était engourdie, je regardai l’heure au réveil. Une heure, peut-être s’étaient écoulées. En étendant mon bras je constatai l’absence de Corinne. Je mis quelques minutes à émerger. J’étais désormais lucide et je scrutais les bruits de la maison silencieuse. Rien. Je ne percevais rien. Ni bruit de pas ni chuchotement. J’étais seul dans la chambre à l’affût de n’importe quel indice. Je collais mon oreille au mur. Je percevais des sons diffus qui provenaient de la chambre d’amis. C’était des bruits de matelas. Corinne était donc allée rejoindre son amant, sous notre propre toit! Et puis comme une prophétie auto réalisatrice, les bruits se sont faits plus régulier. C’était les sons que j’avais recherché en collant mon oreille au mur. Et bien ce vœu pervers s’était réalisé. A quelques mètres de moi, seulement séparés d’une cloison, ma propre femme se faisait baiser par son amant. Je visualisais la scène. Je l’avais vue dans de nombreux films pornos. Au lieu de me dégoûter, de m’inviter à me révolter ce que je devinais me faisait incroyablement bander. Je connaissais la puissance du membre qui embrochait ma femme.
Je voulais suivre la montée inexorable du plaisir en elle. Je voulais qu’au delà de se plaisir viennent des cris de souffrance, que sa chair soit marquée par cette souffrance afin de la punir, elle, afin de me punir moi de ma lâcheté.
Je me suis mis entièrement nu, ma main couvrait et découvrait mon gland, de l’autre main je me pinçais le téton. Les bruits étaient nettement audibles. Corinne soupirait, gémissait. Je suivais la montée de son plaisir, la fréquence des battements du lit. Quand elle eut son premier orgasme, j’ai joui moi aussi à une hauteur peu commune inondant le haut de ma poitrine. Mon torse était recouvert de liquide visqueux. Ma femme allait rentrer dans la chambre et me trouverait ainsi. Je n’osais pas allumer la lumière, j’étais paralysé, honteux. J’ai fini par m’essuyer avec mon tee-shirt. Je commençais à retrouver mes esprits quand le balancement du lit reprit dans la chambre voisine. Et comme par synchronisme avec Pierre, je me remis à bander. Je repris mon sexe en main et suivis de nouveau la montée du plaisir de ma femme, un plaisir intense, ponctué de cris animaux, un plaisir que je n’ai jamais réussi à lui donner, mais que je lui donnais désormais par procuration par l’intermédiaire de mon pote Pierre. Cette fois j’éjaculais bien avant que mon épouse n’explose. Même par procuration, j’étais un éjaculateur précoce. Ils firent l’amour encore une ou deux fois dans la nuit. J’ai perdu le décompte car j’ai fini par cacher ma tête sous les oreillers vaincu par cet amant hors norme.

Quand j’ai émergé le lendemain, Corinne était levée et vaquait en peignoir dans la cuisine. Elle m’apprit que Pierre était parti à l’aube.
-J’espère qu’on ne t’a pas trop empêché de dormir, me dit-elle. Je n’ai pas pu m’empêcher, je ne sais ce qui m’a pris.
Elle était nue sous son peignoir, ce qui ne lui arrivait jamais. Je voyais le sillon entre ses seins libres et ça ne me laissait pas indifférent. Son odeur était imprégnée des restes de sa nuit d’amour.
J’avais envie d’elle, mais je n’osais pas le lui dire.
-Non, non, ma chérie. Je me suis endormi comme un masse. Je n’ai presque rien entendu.
-Il faudra qu’on en reparle à tête reposée.
Notre conversation a été interrompue par notre fille qui descendait les escaliers. Je lui ai servi son petit déjeuner.
-Cette nuit, maman a fait un gros cauchemar. Je l’ai entendue crier. Je ne savais pas que les grands faisaient aussi des mauvais rêves, a-t-elle dit.
-Tu sais, Katia. Ce n’était pas un cauchemar, je crois au contraire que c’était un joli rêve. Quelquefois les grandes personnes font des rêves tellement beaux qu’ils crient de bonheur. Je souhaite qu’un jour tu fasses aussi des rêves comme celui que j’ai fait cette nuit.

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