Lectures Érotiques (25). Corpus Delecta : « Le Choix» (Editions Blanche 2020)

Les hasards de mes lectures m’amènent à présenter, peu après « Lectures érotiques (24).
Sarah : « J’ai joui» (Editions Anne Carrière, 2002) » texte publié sur HDS le 19 mai
2020, une nouvelle fiche de lecture où l’auteure (je tiens à la féminisation de ce
terme), Corpus Delecta, a choisi, comme Sarah l’avait fait, d’utiliser un pseudonyme.

Comme Sarah, il s’agit de préserver le secret d’une identité, de discrétion, même si
Corpus Delecta a expliqué que le recours à un pseudonyme va bien plus loin pour elle que
cette volonté de ne pas s’exposer. A la différence de Sarah d’ailleurs, Corpus Délecta
n’a pas hésité à détailler ses motivations, ce qui l’amène à ne pas fuir les interviews
et à s’exprimer, y compris à travers un blog.

« Le Choix » est le premier roman érotique de Corpus Delecta édité sur support papier,
ses œuvres précédentes ayant été diffusées sur format numérique. Pendant le confinement,
nous avons pu nous procurer ce roman chez France Loisirs, où il était en prévente, avant
la date de sortie officielle chez Blanche le 14 mai.

L’AUTEURE

« Corpus Delecta », nous dit l’éditeur, « est née et vit sur les rives de la
Méditerranée.» Journaliste de formation, elle publie, dans différents domaines, pas
uniquement des ouvrages érotiques, toujours cachée derrière ses multiples identités qui
lui permettent de publier aussi des romans, des essais ou encore des textes
humoristiques.

Pour faire mieux connaissance avec Corpus Delecta, je signale également son blog :
https://corpusdelecta.com/blog/

Corpus Delecta se présente ainsi sur la page de son éditeur numérique Dominique Leroy :

https://www.dominiqueleroy.fr/auteur/246/Corpus%20Delecta

« Je suis née au printemps tardif, délicieuse saison où les jupes se font plus courtes et
les idées plus légères.

C’était en bord de mer, il faisait chaud… J’ai grandi dans des
villes pluvieuses, sur une île paradisiaque, dans de froids pays, ou près de la grande
bleue… Fille de marin, grande voyageuse, les sens toujours en éveil. Odeurs de tiaré,
cris des mouettes survolant des bateaux de pêche, couchers de soleil en or et en pourpre,
mélodie des gouttes de pluie sur les vitres, senteurs d’épices, goût de mangues et de
bananes fraîchement croquées…
Voir, entendre, toucher, sentir, et croquer. À pleines dents. La vie, le plaisir, les
hommes.
Premiers émois amoureux à six ans, il me chatouillait la plante des pieds d’une plume.
Premier vrai baiser huit ans plus tard, enivrante découverte d’une langue qui n’est pas
la mienne. Trilingue à 15 ans, dépucelée à 16, lumière douce et rideaux en dentelle, loin
des peurs, et déjà dans le plaisir… Depuis, il y a toujours des hommes dans ma vie,
certains m’accompagnent un bout du chemin, d’autres ne font que passer. Toujours avec
beaucoup de tendresse, de respect, et d’humour.
Femme par naissance, journaliste par vocation, joueuse par nature, amoureuse mais pas
trop, j’écris parce que j’aime ça, et que je ne veux rien faire d’autre… à part l’amour !
»
Corpus Delecta a toujours écrit. L’érotisme s’est imposé naturellement, dans sa vie de
femme comme dans ses envies d’auteure. Drôles, tendres, ou torrides, ses histoires font
la part belle au désir, à la surprise, et au langage, aussi.

Pour mieux connaitre cette auteure, j’invite également à lire l’interview qu’elle avait
accordée au blog « Une femme et des livres » :
https://unefemmeetdeslivres.com/tag/corpus-delecta/

Dans cet entretien, intitulé «une certaine idée du mystère », Corpus Delecta nous dit
vivre « de l’imaginaire et du fantasme ».

Le passage suivant est particulièrement intéressant pour mieux comprendre cette auteure
et ce qui l’anime :

• « Je ne suis pas une grande lectrice de littérature érotique, non.
Je ne saurais
vous dire pourquoi, mais c’est comme ça: j’adore en écrire, mais j’en lis très peu. J’ai
commencé l’érotique pour séduire, tout simplement. Adolescente, déjà, j’adorais écrire
des lettres très osées à mes amoureux. C’est certainement une histoire de pouvoir, aussi.
Troubler un homme avec des mots… c’est une sensation exquise! Mais mon « vrai » travail
d’écriture érotique a commencé lorsque je suis tombée follement amoureuse d’un homme.
Nous nous étions rencontrés sur Internet, écrire était la seule chance qu’il m’offrait de
le séduire. Hélas! il n’a jamais cédé à mes avances. Alors j’ai décidé de tenter de
publier les textes que je lui avais offerts, plutôt par jeu, au début. Comme une nouvelle
étape dans mes tentatives de l’attirer dans mes filets! Il n’est jamais devenu mon amant,
il est resté ma muse. La seule chose que je veux transmettre, avec mes textes, c’est du
plaisir. Celui de la lecture, avant tout. »

Elle y dit aussi pourquoi elle a choisi un pseudo et l’anonymat :

• « Aucun goût d’interdit, l’interdit n’est pas dans ma nature. Non, je veux rester
anonyme un peu par jeu, et beaucoup parce que je ne cours pas après la notoriété. J’écris
de l’érotique par plaisir. J’aime ça. J’ai la chance d’être publiée, et d’être lue, et
bien qu’il soit peu probable que j’en vive un jour, c’est une situation qui me convient.
Je n’ai pas besoin de voir mon visage ailleurs que dans mon miroir! Et puis, finalement,
le « Mystère Corpus Delecta » permet aux lecteurs de me fantasmer à leur goût, ce qui est
un petit plus non négligeable, je pense.»

Parmi les ouvrages érotiques de Corpus Délecta, publiés chez Dominique Leroy, on peut
citer, en sous format eBook :

• « Les Talons rouges » (2015). Le résumé de l’éditeur : « Écrire le trouble
ressenti, écrire pour attiser le désir, écrire pour témoigner d'une expérience érotique
sans commune mesure.
Toutes les femmes de ces lettres, qu'elles prennent la plume ou
qu'elles soient évoquées par un tiers, portent des talons rouges. Il semblerait qu'il
s'agisse d'un signe indiscutable de liberté sexuelle… »

• « Le Club » (2016). Le résumé de l’éditeur : « Lorsque Mélodie a rencontré Cyril,
sa vie en a été bouleversée. Elle ne s'appartenait plus, elle était à lui, corps et âme.
Cette passion amoureuse a exacerbé sa sensualité. Le club l'a révélée. La narratrice,
Mélodie, entraîne le lecteur dans un dérèglement des sens, dans une folle
désappropriation de son être où, étrangement, elle semble trouver sa véritable
personnalité.

• « Plein la vue » (2017). Voici ce qu’en dit l’éditeur : « Qu'ils observent leur
voisine ou leur voisin à travers les vitres, qu'ils espionnent, qu'ils surprennent des
couples en plein acte, ou qu'ils se découvrent eux-mêmes dans le reflet d'un miroir,
tandis qu'un autre corps s'encastre dans le leur, tous les acteurs de ces histoires
connaissent l'excitation que procure le voyeurisme. Dans « Plein la vue », les
protagonistes découvrent le délice des jeux de miroir, quand leur propre reflet devient
vecteur de trouble. Ils deviennent intervenant là où ils se croyaient protégés,
deviennent arroseur arrosé parce qu'au petit jeu du sexe, on peut toujours faire mieux,
ou faire pire… Parfois cocasses, mais toujours excitants, ces textes font la part belle à
cette position, troublante, de celui ou celle qui regarde sans ment participer à
l'acte. Porno, prostitution, miroir et fenêtres… « Plein la vue », et plein les sens…

Je renvoie également à la lecture d’une autre interview de Corpus Delecta, parue en
février 2015 sur le blog de Jean-Louis Riguet « JL à l’écoute de … Corpus Delecta » :
https://librebonimenteur.net/jl-a-lecoute-de-corpus-delecta/

Corpus Delecta a su préserver son anonymat, mais nous en dit au final beaucoup sur elle
et ses motivations.


UN BREF RESUME : quand un homme propose à sa compagne de s’égarer dans le libertinage

Après 5 ans d’un amour passionnel avec Eliane, Julien rêve à d’autres corps, d’autres
peaux. Il annonce son choix à Éliane : non pas la quitter, mais ouvrir leur couple aux
plaisirs défendus de l’infidélité, sans mensonge, ni trahison.

Pour combattre la routine amoureuse dans son couple, Julien décide donc de renoncer à la
fidélité. Ce choix, qu'il impose à Eliane, son épouse, fait voler en éclats tout ce
qu'elle croyait de leur amour. De rencontres torrides en transformations intérieures,
cette quête sensuelle bouleverse leur vie.

Éliane accuse le coup, puis se lance à son tour dans l’aventure. Au fil des rencontres,
chacun redessine les contours de l’amour avec fièvre et passion ! Le roman nous fait
découvrir jusqu’où les mènera cette quête sensuelle.

Le roman est le récit des conséquences inattendues de ce choix, racontées successivement
par la voix de Julien et celle d’Eliane.

Eliane finira par découvrir le « poly-amour », et donc avoir non seulement des relations
sexuelles hors du couple légitime, mais avoir des sentiments pour une autre personne,
tout en continuant à aimer son conjoint. Eliane le dit « J’ai ouvert des portes qu’il
m’est impossible de refermer. » Pour elle, l’amour n’est plus exclusivement dans le
couple qu’elle forme avec Julien. Ce sera au tour de Julien de choisir, de savoir s’il
veut rester aux côtés d’Eliane alors qu’elle en aime d’autres.

Le roman venant de paraitre, je suis particulièrement soucieuse de respecter l’œuvre et
l’auteure. Afin de ne pas en dévoiler le contenu, je n’en dirai donc pas davantage, de
même que je limite strictement les extraits pour la même raison, en invitant, plus que
jamais, à la lecture du livre lui-même.

Après la lecture du roman, je confirme que Corpus Delecta est à la hauteur des ambitions
qu’elle affiche. Elle a raison de se définir comme une véritable auteure. Son œuvre est
littéraire, pas seulement érotique, même si l’érotisme en est d’évidence un moteur
essentiel.

Cette lecture, qui m’a beaucoup excitée, fut un vrai plaisir. Enthousiasmée, j’ai envie
de découvrir les précédents opus de Corpus Délecta, tout en espérant qu’elle nous offrira
d’autres textes, où elle continuera à allier œuvre littéraire et érotisme.

QUELQUES EXTRAITS (limités) POUR INVITER A LA LECTURE

• QUAND ELIANE PASSE AUX ACTES AVEC UN INCONNU :

« Le voilà qui la prend, là, à même le mur, la pénètre, d’une seule poussée, en gémissant
dans son cou, brûlante, elle est brûlante ! Ses coups de bassin la coincent contre les
pierres âgées, qu’importe ! (…) Eliane revit enfin ce qu’elle n’a plus vécu depuis si
longtemps, sexo puro, de l’animalité et rien d’autre, et cet homme qui jouit en elle
alors qu’elle plante ses dents dans la toile de la veste pour ne pas hurler telle une
louve. »

AVEC UN AUTRE AMANT:

« Et puis soudain, sans qu’elle ne comprenne très bien comment il s’y était pris, elle
sentit qu’il la pénétrait d’un coup, d’un seul, comme pour la clouer au lit. Sous l’effet
de la surprise elle enfonça ses ongles dans les épaules glabres de celui qui, désormais,
prenait clairement le dessus. Il la mordit en retour dans le creux du cou, planta ses
canines avec douceur dans la peau chaude de la jeune femme, sans arrêter d’aller et de
venir, dans de larges mouvements du bassin, comme s’il allait s’envoler avant d’atterrir
de nouveau en elle. (…) Une énergie tonique qui entraîna Eliane vers une nouvelle montée
orgasmique, qu’ils atteignirent ensemble, dans une rare synchronisation. Elaine réveilla
le reste de l’immeuble, elle avait oublié à quel point elle pouvait être bruyante,
lorsque vraiment elle se laissait aller. »

CE LIVRE ET MOI :

J’aime le style d’écriture de Corpus Delecta et pas seulement parce que, comme elle, je
suis née sur les rives de la Méditerranée.

Je reprendrais volontiers à mon compte certains de ses propos, quand elle dit par exemple
: « Une femelle sait reconnaître son mâle et ce soir-là, Eliane avait reconnu le sien. »
Je reconnais, pour en avoir mesuré ensuite les conséquences, que c’est ce que j’ai
ressenti successivement envers Rachid, Hassan ou N et qu’envers Philippe, même si je
reconnais que ce ne fut pas toujours le cas.

La démarche de Julien n’est nullement candauliste, seulement libertine. Il veut
s’affranchir des obligations de fidélité et d’abord à son seul profit. Il n’envisage pas
qu’Eliane fasse la même chose et se prenne au jeu.

Philippe m’avait poussé à l’infidélité, non pour s’affranchir, mais pour réaliser son
fantasme candauliste. Longtemps, j’ai refusé de répondre à l’invitation de mon compagnon.
Malgré ou à cause de mon hypersexualité, je voulais préserver une relation de couple «
classique » à laquelle j’aspirais. Je craignais aussi les conséquences si je redonnais
libre cours à mes « tendances » et ce qui s’est passé ensuite a montré que mes craintes
étaient justifiées.

L’objectif de Julien n’est pas celui qu’avait poursuivi Philippe : mon mari était et
reste candauliste, il aspirait à voir se réaliser ce fantasme que ses précédentes
compagnes lui avaient refusé. Julien veut seulement être libre « d’aller voir ailleurs »,
il « aspire à d’autres épidermes ». Philippe n’a pas proposé cela pour être libre d’avoir
des relations hors du couple. Il a certes eu des relations avec d’autres femmes, dont
j’ai parlées et que j’ai particulièrement mal vécues et toujours refusées, mais, à aucun
moment ce n’était ce qu’il recherchait lorsqu’il m’a proposé ce « choix » d’avoir des
relations extraconjugales. Julien, quant à lui, a fait ce « choix » avant tout pour lui,
alors que Philippe l’a fait pour moi, même s’il voulait être le témoin privilégié, le
complice de mon libertinage. Au contraire, Julien va mal vivre les conséquences
inattendues de son choix, quand Eliane va y souscrire pour elle-même et changer le
fonctionnement de leur couple.

Le « choix » de Julien s’avérera donc décevant pour lui, qui ne trouve pas ce qu’il
recherchait dans d’autres relations, et douloureux quand il verra Eliane se transformer.

Un point commun entre ce couple et le nôtre est que la volonté de Julien, comme celle de
Philippe, ont en effet ouvert « la boite de Pandore », chez Eliane, comme chez moi.

Comme Julien l’a fait, sans le vouloir, pour Eliane, Philippe, qui l’avait tant voulu, a
ouvert des portes qui ne peuvent se refermer.

Cette « ouverture des portes », quand elle n’a pas été maîtrisée, a débouché sur des
crises qui faillirent emporter définitivement notre couple. Nous sommes parvenus
aujourd’hui à un nouvel équilibre, que nous voulons durable : il n’est pas question de
revenir en arrière, et donc de refermer ces portes dont parle Eliane. Il est juste
question, et c’est un équilibre difficile à trouver, de maitriser, d’éviter les dérapages
éventuels. J’y suis résolue et je m’en remets à Philippe pour y parvenir.

Je partage la jalousie d’Eliane.

Sans aller jusqu’à exiger l’amour dans la fidélité, j’ai toujours refusé à Philippe la
moindre réciprocité de ce qu’il m’accordait sans limites. Je comprends ce qu’a ressenti
Eliane quand Julien lui a fait part de son choix et pire encore quand il a affiché ses
conquêtes. Il y avait de l’humiliation et de la colère. J’ai ressenti cette colère en
présence de celles que je considérais comme des rivales. Je l’ai exprimé avec virulence,
j’ai réagi, y compris avec violence, face à des rivales particulièrement dangereuses,
quand j’ai surpris Philippe avec son ex-compagne, Flavienne (voir « Philippe, le mari
candauliste et Olga, l’épouse hypersexuelle (33) : le candaulisme est aussi un jeu très
dangereux pour un couple », paru le 28 septembre 2017) ou encore quand j’ai eu
connaissance de sa liaison cachée avec Ambre. Je renvoie sur ce point à ces textes, plus
particulièrement « Philippe, le mari candauliste et Olga, l’épouse hypersexuelle (46) :
la plage et le camping : plaisir et jalousie » et « Philippe, le mari candauliste et
Olga, l’épouse hypersexuelle (53) : le bureau », parus respectivement le 5 juillet 2018
et le 29 novembre 2018.

Dans le cas d’Eliane, cela se comprend. Cela peut surprendre, voire choquer, pour ce qui
me concerne, au regard de la liberté que Philippe m’a offert, mais cette volonté
d’exclusivité sur « mon » homme remonte loin en ce qui me concerne, à savoir pour être
claire au complexe d’Electre que j’avais développé dans mon adolescence

Comme Eliane l’illustre, j’ai moi aussi pensé que le « poly-amour » était possible.

On me fera remarquer qu’il existe pour moi, puisque je le vis aujourd’hui pleinement dans
l’harmonie de mes deux couples, avec Philippe, mon mari, et ma compagne Agun. Cela
fonctionne parce que mes deux couples, l’un hétérosexuel, l’autre homosexuel, ne sont pas
en concurrence mais en complémentarité. Philippe est mon mari, Agun ma femme, ils n’ont
jamais cherché à écarter l’autre, sachant combien ces deux couples répondent aux besoins
de notre équilibre.

Contrairement à Eliane, je ne crois plus que le « poly-amour » soit praticable
durablement avec d’autres hommes. Ce fût en tout cas une de mes expériences quand j’ai
voulu aimer Philippe ET Hassan. Cela s’est avéré impossible et j’ai dû choisir, certaine
d’avoir fait le bon choix avec Philippe.

Je suis arrivée à la conclusion que la monogamie du couple hétérosexuel n’était pas
qu’une question de filiation, mais qu’elle est à la base de la solidité de ce couple. Les
pratiques libertines, y compris par la voie du candaulisme, sont autre chose, à partir du
moment où sont séparés sexe et sentiment.

Parce qu’au-delà de passages qui m’ont émoustillé à la lecture, le roman de Corpus
Delecta m’a fait réfléchir sur le couple et mon couple, je confirme avoir eu entre les
mains une œuvre littéraire et de création.

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