L'Annonce

L’annonce


Par-dessus les toits de Lyon et de Pierre Bénite, le soleil couchant de septembre
ensanglantait la façade ouest des immeubles de la rue des Troubadours à Saint-Fons. L’un
d’eux, imposante barre de HLM posée là dans les années soixante-dix, était en proie comme
tous les ans à cette époque à une activité particulièrement intense. La rentrée
universitaire s’effectuant pour la plupart en octobre, les étudiants des facultés de Lyon
commençaient dès maintenant à s’installer pour l’année. Un ballet incessant de voitures,
de bagages, d’allées et venues ponctuées de cris en tous sens perturbait le voisinage
pendant une semaine entière. Cette année-là au deuxième étage de la porte D, rare entrée
à ne pas arborer de vitres cassées Judith, une jeune fille assise sur son lit s’enquit
auprès d’une amie calée dans un fauteuil aux coussins avachis.
— Dis-moi Viviane, tu restes encore dans ce foyer cette année ?
— Bien obligée. À deux cent cinquante euros le mois, je ne trouverais pas mieux. D’autant
plus qu’on n’est pas loin de la gare de Saint-Fons et la fac pas loin de Perrache.
Judith quitta le lit et secoua sa longue chevelure brune qu’elle attacha, d’un geste
élégant, en queue de cheval à l’aide d’un catogan. Ses bras levés pour l’occasion
mettaient en valeur sa poitrine ferme et juvénile. Ses yeux bleu très clair et sa peau
blanche tranchaient sur la noirceur de ses cheveux et ses lèvres incarnates joliment
ourlées. C’était une belle jeune femme à la silhouette élancée et au port altier.
— Oui d’accord, mais c’est mal chauffé, bruyant et pas toujours très bien fréquenté.
L’année dernière, ma porte a été e. Miraculeusement, on ne m’a rien pris. C’est vrai
qu’à part mon portable, il n’y a pas grand-chose à voler. Comme j’étais en cours et que
je l’avais avec moi...
— Tu ne trouveras rien d’autre pour ce prix-là, Judith.

Il faut bien accepter quelques
inconvénients.
— Deux cent cinquante euros ce n’est peut-être pas beaucoup dans l’absolu, mais pour moi
qui touche à peine trois cents euros de bourse et deux cents euros que ma mère
m’envoie... Quand j’ai payé tout ce que j’ai à payer, j’ai souvent fini le mois avec le
ventre et le frigo vides.
Viviane quitta le fauteuil avec difficulté tant l’assise était devenue molle. Plus petite
que Judith, elle n’en était pas moins mince et jolie. Sa frimousse, encadrée de cheveux
bouclés et constellée de taches de rousseur, était éclairée par des yeux d’un vert
tendre. Une très légère coquetterie dans le regard achevait de rendre cette jeune femme
plus que charmante. Elle se dirigea vers la porte.
— Regarde donc les annonces sur le net. Tu verras bien que tu resteras là ! Bon, je te
laisse finir de ranger. Je retourne dans ma piaule me doucher, ce soir Seb m’invite à
diner.
— Fais attention, ce sont des lits à une place ! Et puis essaye d’être discrète, les murs
c’est du vrai papier à cigarettes. Tu sais qu’on n’a pas trop le droit...
— T’es pas jalouse au moins ?
— Non, penses-tu. Cela fait un an que je n’ai pas de mec, je ne m’en porte pas plus mal.
La main sur la poignée de la porte, Viviane répliqua :
— Sinon, c’est comme tu veux. Seb a des copains vachement sympa et pas mal en plus.
— J’y penserai. Allez, va-t’en, fit Judith en administrant une petite tape sur les fesses
de son amie.
Elles s’embrassèrent et Judith ferma le verrou à double tour quand Viviane fut partie.
Sortant un ordinateur portable de sa valise, elle se brancha sur le WiFi du foyer. Après
avoir quitté son réseau social, où elle donna des nouvelles de son installation à ses
amis, elle se mit à chercher sans trop y croire des chambres à louer qui pourraient lui
aller ; mais les prix annoncés restaient décidément prohibitifs.
Soudain, une annonce,
datée de la veille, attira son attention. Elle était rédigée en ces termes :
« Lyon 2e. Homme légèrement handicapé offre gratuitement grande chambre meublée avec
bureau et salle de bains privative, WiFi, dans maison calme au milieu d’un parc. Proche
de la faculté de philosophie, conviendrait à étudiante contre travaux ménagers (ménage,
courses) et autres menus services. Hommes s’abstenir. » Suivait un numéro de téléphone.
Il n’était que dix-neuf heures trente. Judith sortit son portable et après quelques
hésitations, composa le numéro affiché. Quatre, cinq sonneries puis une voix se fit
entendre :
— Bonjour, vous êtes bien sur la messagerie d’Hubert de Leulandes, je suis indisponible
pour le moment. Veuillez laisser votre message et votre numéro si vous souhaitez que je
vous rappelle.
Judith s’éclaircit la gorge et, sans être tout à fait à l’aise comme le sont la plupart
des gens lorsqu’ils ont affaire à un enregistreur, dit :
— Bonjour... Je... J’appelle pour l’annonce de la chambre... Je suis étudiante en philo.
Pouvez-vous me rappeler au 06... même si elle est déjà prise ? Merci.
Judith raccrocha. Sans trop se bercer d’illusions, elle continua ses recherches, mais ne
trouva rien d’autre qui eût pu l’intéresser. Lassée de fureter sur la Toile pour rien,
elle arrêta son ordinateur et, comme elle n’avait rien acheté pour diner, décida d’aller
au restaurant du foyer situé au premier étage.
Tous les étudiants n’avaient pas encore investi leur chambre, certains n’arriveraient que
dans la deuxième quinzaine du mois. Aussi, il y avait peu de monde dans le réfectoire
habituellement bondé à cette heure-là. Judith s’installa à une table vide après avoir
rempli son plateau avec parcimonie, toujours respectueuse du plus petit euro. Son
portable sonna :
— Bonjour, Mademoiselle. Est-ce vous qui avez appelé pour l’annonce ?
— Oui, c’est moi.
Elle est déjà prise ?...
— Non, pas encore. Vous êtes la première ; j’ai un deuxième message sur mon répondeur,
mais dix minutes après vous. Je vous donne donc la priorité. Quand pouvez-vous venir ?
— Demain si vous voulez, à l’heure qu’il vous conviendra.
— Disons quatorze heures. Mademoiselle ?...
— Estribal. Judith Estribal.
— Je vous envoie l’adresse par SMS. Alors à demain, mademoiselle Estribal.
— À demain.
Judith raccrocha rêveuse. Elle se voyait avec cinq cents euros par mois. Une fortune !
Puis elle songea :
— J’espère que l’endroit va me plaire et qu’il n’y a pas trop de boulot. Il faut tout de
même que j’aie le temps d’étudier...
Ragaillardie par cette bonne nouvelle, Judith se pencha sur son plateau avec appétit. De
retour dans sa chambre, elle ne manqua pas d’informer Viviane de ses démarches par mail.
Enfin, elle ouvrit « Les mots » de Jean-Paul Sartre et se jeta sur son lit.
*
Le lendemain matin, la conversation allait bon train dans la chambre de Judith.
— Tu n’es pas sérieuse ? s’exclama Viviane. C’est sûrement un malade, ce type. Et puis,
tu as bien lu l’annonce ? Ménage et courses, d’accord, mais « autres menus services », à
ton avis c’est quoi ? Hein ?
— Tu vois le mal partout... se défendit Judith.
— Tu es vraiment innocente ou tu le fais exprès ? Tu ne crois pas qu’il va te demander
une petite pipe par mois ou plus ?
— Tout le monde n’est pas comme ça. Et puis quand bien même, je n’ai pas de mec à qui
rester fidèle ! Et puis d’abord, il y a longtemps que je n’ai pas sucé une bite, conclut-
elle en riant.
— Arrête ! Tu tournes tout en dérision ! Et si ce type-là est un sadique ?
— Et si, et si, et si... J’y vais cet après-midi, je verrai bien.
— Tu ne verras rien du tout, oui. J’espère pour toi que c’est une blague ou que la
chambre sera déjà prise.
— Écoute, j’ai rendez-vous à quatorze heures.
Je t’appelle dès que je suis revenue.
Promis.
À moitié satisfaite, Viviane embrassa Judith et sortit de la pièce en disant :
— Fais attention à toi...
Judith réfléchissait allongée sur son lit. Bien sûr, les « autres menus services »
l’avaient interpellée également, mais elle ne voulait pas croire à une explication comme
celle que venait de lui donner Viviane. Si toutefois elle avait raison ? Que ferait-elle
? Bon, ça dépendait déjà du propriétaire. S’il était affreux ou sale, la réponse était
toute trouvée, mais s’il était regardable ? Elle connaissait des filles dans l’immeuble
qui se prostituaient pendant leurs études. Elle les voyait parfois claquer un fric fou
pendant qu’elle-même tirait la langue en comptant le moindre euro. Elle les enviait sur
le moment, mais quand elle les rencontrait au bras d’un vieil adipeux, elle ne les
jalousait plus du tout ! La situation ne serait pas comparable avec la sienne...
Quoique... Et que dirait sa mère ? Le rouge de la honte montait au front de Judith rien
qu’à évoquer le visage de cette sainte femme apprenant cela de son unique fille. Elle
s’empressa de chasser de son esprit cette idée qui la mettait mal à l’aise.
— Bon ! Assez tergiversé. Je verrai le quartier après le rendez-vous, peut-être que cela
me suffira pour refuser, dit-elle à voix haute.
Judith ne pensa plus à rien. La matinée passa rapidement et, après une collation vite
expédiée, vint le moment de partir. Judith jeta un coup d’œil par la fenêtre. Elle n’y
décela pas de menace de pluie aussi, rangea-t-elle son parapluie et se contenta-t-elle
d’enfiler un chandail sur son jean moulant pour filer en direction de la gare de Saint-
Fons. Le train ne se fit pas attendre et quelques minutes plus tard, elle descendait à
Lyon Perrache.
De Leulandes habitait le deuxième arrondissement, celui de la presqu’ile. Sortant de la
gare, Judith n’eut aucun mal à trouver la rue Victor Hugo, mais beaucoup plus pour
dénicher l’allée des Fleurs. Elle la découvrit entre deux immeubles haussmanniens très
bien entretenus. Cette voie, débouchant sur la rue d’Auvergne, ne desservait qu’un
portail imposant complètement fermé à la vue de l’extérieur ; seule une sonnette à
interphone permettait un semblant de communication. Judith hésita une dernière fois, puis
approchant son doigt tremblant elle appuya sur un bouton. Au loin, une clochette retentit
et une voix nasillarde surgit du haut-parleur :
— Oui ?
— Bonjour. Je suis mademoiselle Estribal…
— Ah ! Très bien, entrez !
Au même moment, la gâche électrique entrouvrit le portail. Judith s’engouffra dans
l’ouverture et découvrit à son grand étonnement un parc magnifique au fond duquel trônait
une imposante maison bourgeoise toute de pierres meulières. Pour se rendre au perron
d’entrée, il lui suffisait de suivre la grande allée de gravier devant elle. À gauche,
des peupliers gigantesques passablement dégarnis eu égard à l’époque de l’année et à
droite, des parterres de fleurs tardives au milieu d’une pelouse digne d’un château
anglais. Elle grimpa les quelques marches avec appréhension, la porte s’ouvrit.
— Bienvenue, Mademoiselle, si vous voulez bien vous donner la peine d’entrer.
L’homme qui venait de parler n’était pas très grand, mais mince et de belle prestance. La
quarantaine, il se déplaçait avec une canne à pommeau travaillé ; à l’évidence, sa jambe
droite ne pliait plus au genou. Avec sa veste d’intérieur mordorée, il avait tout l’air
d’un aristocrate.
— Je vous montre vos appartements et si cela vous convient, je vous explique le
fonctionnement de la maison. Si vous voulez bien me suivre…
— D’accord, répondit Judith intimidée par l’élégance de son hôte.
De Leulandes s’avança dans l’entrée, longea une volée de larges marches de pierre
équipées d’un fauteuil monte-escalier suspendu à la rampe et emprunta un corridor
desservant un grand salon sur la droite au fond duquel on distinguait une cheminée
ancienne. Il poursuivit jusqu’à un autre couloir perpendiculaire et plus petit, qu’il
prit à gauche. Il s’arrêta devant une porte de chêne et l’ouvrit. Galamment, il fit signe
à Judith de pénétrer la première. Elle s’exécuta et ce qu’elle vit la ravit au plus haut
point. La chambre, superbement meublée, au décor somptueux et largement éclairée par une
fenêtre triple, était si luxueuse qu’elle n’en croyait pas ses yeux. Rapidement, le
propriétaire des lieux ouvrit successivement deux portes sur le mur droit. Un petit
bureau, illuminé par une vitre simple, était équipé d’un secrétaire et de deux
bibliothèques aux rayons presque vides.
— J’ai laissé ici quelques ouvrages de philosophie. J’ai un faible pour Bergson, je ne
vous le cache pas. Vous pourrez y mettre les vôtres, mais avant d’en acheter un,
demandez-moi si je ne l’ai pas déjà. Venez voir la salle de bains maintenant.
Abasourdie, Judith sortit du bureau et alla jusqu’à la salle d’eau qui était à la hauteur
du reste. Carrelage et faïence gris sobre, douche italienne multijets, baignoire avec
jacuzzi, lavabo surmonté d’un immense miroir éclairé par deux spots, toilettes dans un
recoin séparé et meuble de rangement suffisamment grand pour une famille de quatre
personnes.
Sûr de son fait, Hubert de Leulandes demanda :
— Cela vous convient-il ?
— Je serais bien difficile, admit Judith.
— Alors, venez avec moi que je vous explique, fit de Leulandes en entrainant la jeune
étudiante dans le salon où ils prirent place chacun face à face dans un fauteuil anglais.
— Comme vous le voyez, je suis un peu handicapé. Je n’ai plus de rotule à la jambe droite
et marcher est devenu pour moi une épreuve douloureuse. Une infirmière, Lucette que vous
croiserez souvent si vous acceptez, me fait régulièrement des injections d’un antalgique
puissant. De même, elle prépare les repas avec les produits qu’elle trouve dans la
cuisine. Comme elle ne fait pas les courses ni le ménage, ces deux tâches vous seront
affectées. Si vous le souhaitez, nous pourrons prendre nos repas ensemble ou séparément
dans le cas contraire. Le salon ainsi que tout le premier étage me sont réservés, vous
aurez la jouissance des pièces que je vous ai montrées et de la cuisine qui est commune.
Est-ce clair jusqu’à présent ?
— Oui, j’ai bien saisi.
— Venons-en à la partie la plus délicate.
À ces mots, Judith ne put s’empêcher de penser aux paroles de Viviane à propos des menus
services.
— Il y a une chambre au premier dont les volets sont fermés en permanence. C’est la porte
qui fait face à l’escalier. Tous les dimanches à une heure convenue, ou un autre jour
selon votre emploi du temps, je vous demanderai de vous y rendre et de refermer à clé
derrière vous. Accroché au dos de la porte, se trouve un masque noir. Vous le mettrez sur
vos yeux, il vous est interdit d’allumer ou d’apporter une lampe de poche. Vous vous
dirigerez à tâtons jusqu’au lit au milieu de la chambre et là vous vous déshabillerez en
totalité pour vous y allonger. Je continue ou nous arrêtons tout de suite ?
Judith réfléchissait à cent à l’heure. Viviane avait raison, mais Hubert ne semblait pas
être « un malade », de plus il était bel homme, et distingué de surcroît.
— Continuez, fit-elle, mais quoi qu’il en soit je vous réclamerai un temps de réflexion.
— Cela va sans dire. Quand vous serez nue sur le lit, j’entrerai par une autre porte. Il
est très important, j’insiste fortement sur ce point, il est très important que vous ne
cherchiez pas à voir mon visage. Je m’approcherai de vous et vous demanderai différents
services sexuels à ma convenance. Cela va de la simple masturbation, réciproque ou non,
au rapport vaginal complet en passant par la fellation et le rapport anal. En aucun cas,
je ne ferai de cunnilingus. Est-ce que je continue ?
— Oui, oui, souffla Judith doucement, je crois que j’ai compris.
— Encore une fois, vous ne chercherez pas à voir mon visage ni à le toucher. Je me
répète, mais c’est capital. De plus, il est inutile de me parler, je ne vous répondrai
jamais. Quand nos ébats seront terminés, vous patienterez jusqu’à ce que je sois sorti
comme je suis venu puis vous pourrez quitter la pièce jusqu’au dimanche suivant. Vous
êtes naturellement libre de partir de cette maison comme bon vous semble, mais tant que
vous resterez là, je vous demanderai de, disons, « encaisser » le loyer hebdomadaire.
Sachez également que je n’ai aucun penchant pour le sadomasochisme ou autre pratique
bizarre. Avez-vous des questions ?
— À combien de « services » par dimanche devrais-je m’attendre ?
— Un seul ; chacun d’eux a énormément d’effet sur moi, mais comptez environ deux heures.
D’autres questions ?
— Question ? Non ; seulement, je voudrais voir la chambre.
Hubert de Leulandes eut l’air surpris puis se leva avec difficulté.
— Venez avec moi.
Judith et son hôte retournèrent dans le couloir et se dirigèrent vers l’escalier. Hubert
s’installa dans le siège réservé à cet effet.
— Je ne vous emmène pas… fit-il un sourire aux lèvres en appuyant sur le bouton d’une
télécommande. Judith sourit également et posa le pied sur la première marche. Arrivée au
palier, elle s’arrêta devant la porte qui lui faisait face.
— Entrez, je vous prie, fit de Leulandes en descendant de son fauteuil.
Judith poussa le vantail ; la pièce obscure et calfeutrée ne sentait pas le renfermé,
juste un parfum floral agréable. L’homme, qui l’avait rejoint, actionna un interrupteur.
La chambre ne comportait aucun meuble à l’exception d’un très grand lit en son milieu.
— Voyez ici le masque, dit Hubert en indiquant le dos de la porte, et là-bas la porte par
laquelle j’arriverai, en désignant une autre issue au fond de la salle. Bien entendu,
vous ne devrez pas la franchir.
Judith laissa errer son regard une bonne minute puis déclara :
— J’en ai assez vu. Je vous tiens informé.
— Je vous rappelle que j’ai une demande en attente. J’ai promis ma réponse pour demain
midi. Pourrais-je avoir la vôtre avant ?
Judith réfléchit un instant. Observant Hubert minutieusement, elle dit :
— Je vous appelle demain matin. Au revoir, Monsieur de Leulandes ; ménagez-vous, il est
inutile de me raccompagner.
Elle lui tendit la main et descendit les marches rapidement. Il était quinze heures,
Judith croisa une femme dans le couloir qui posait son manteau. Ce devait être Lucette.
Elle lui accorda un petit signe de tête et sortit dans le parc.
La jeune étudiante alla directement à la faculté, s’aperçut que le chemin n’était pas
long et que le quartier paraissait calme et agréable. Assise sur un banc public, elle
réfléchissait et ne voyait aucune raison de refuser l’offre d’Hubert de Leulandes, hormis
le « détail » du dimanche. Que pesait-il ce détail par rapport au confort d’une telle
chambre ? Elle était logée, nourrie et pouvait utiliser toutes les commodités sans payer.
La fac était à cinq minutes et surtout, elle disposerait toute l’année de cinq cents
euros par mois. Pas seulement pour son plaisir personnel, mais combien de fois avait-elle
dû renoncer à une pièce de théâtre, un concert, un film « art et essai » ou un simple
livre ?... Ce n’était pas très moral tout ça, mais c’était tentant, d’autant plus que de
Leulandes était bel homme. Judith se leva et marcha pensive, sur un rythme de promenade,
jusqu’à la gare de Perrache. Elle s’engouffra dans le premier train pour Saint-Fons et
retourna au foyer. Parvenue dans sa chambre, qui lui parut d’une laideur abominable, elle
se jeta sur le lit et se mit à nouveau à réfléchir en contemplant le plafond. Elle décida
de ne pas appeler son amie Viviane, elle connaissait d’avance son point de vue. Il
fallait qu’elle prenne une décision, une décision importante, mais qui finalement ne
regardait qu’elle. Même si on pouvait la comparer aux étudiantes qui se prostituaient,
elle-même n’aurait jamais à coucher avec de laids et vieux libidineux. Hubert était loin
d’être laid et ce serait le seul avec qui elle ferait ça. De plus, elle vivrait dans un
confort que les autres filles ne connaitront pas…
L’air décidé, Judith se saisit de son téléphone, chercha le numéro d’Hubert et appuya sur
la touche verte.
— Allo ?
— C’est Judith. Pas besoin d’attendre demain, c’est d’accord.
*
Le lendemain matin, la valise de Judith qui n’était pas encore totalement défaite fut
vite remplie. Viviane, qui n’avait pas eu de nouvelles comme promis, était venue tôt dans
la chambre de son amie.
— Tu ne sens pas que ce n’est pas sain cette histoire ?
Judith avait raconté son entrevue avec Hubert de Leulandes, mais avait occulté les «
services » du dimanche.
— Écoute. J’ai rencontré le propriétaire. C’est un bel homme distingué, mais handicapé.
S’il m’agressait, je n’aurais qu’à le repousser pour qu’il tombe. Tu vois que je ne
risque rien. De plus, il y a une infirmière qui vient tous les jours. Je ne serai
pratiquement jamais seule avec lui.
— Mais alors, pour quelle raison cette chambre gratuite ?
Judith, qui connaissait la réponse, se contenta de répondre :
— Pour être moins seul, sans doute…
— Puisqu’il n’y a pas moyen de te raisonner, promets-moi de m’envoyer un mail tous les
jours, sauf si on se voit à la fac dans la journée.
— C’est promis.
— Tu y vas quand ?
— En fin d’après-midi, le temps de donner mon congé. Nous sommes mercredi et l’accueil
n’est pas ouvert le matin.
Viviane tira la porte et, avant de partir, dit à son amie :
— On se retrouve au self ?
— D’accord, à midi.
*
Il était dix-huit heures, Judith attendait sur le perron à la porte de la maison, sa
valise à la main. Lucette lui ouvrit et l’accompagna jusqu’à sa chambre.
— Je vous laisse vous installer. Nous dinons ce soir à vingt heures dans le salon avec
monsieur de Leulandes si vous le voulez bien. Je rentre chez moi après cela et je reviens
demain matin. Je vous montrerai tout en détail.
— D’accord, à tout à l’heure.
Judith défit sa valise en totalité et rangea ses affaires dans des placards bien trop
spacieux pour le peu qu’elle possédait. Puis, avant de se rendre au salon, elle décida de
prendre un bain en savourant le plaisir du jacuzzi. Le diner fut plaisant, Hubert était
un homme d’esprit et très cultivé. Elle pouvait parler librement de philosophie, de
musique, d’art, Hubert jouissait toujours d’un avis éclairé. Revenue dans ses quartiers,
elle passa sa soirée à discuter sur le net avec Viviane et d’autres amis communs, puis se
coucha dans le lit vaste et confortable de sa chambre. C’était sa première nuit, avant de
s’endormir Judith se persuada qu’elle avait fait le bon choix. Après tout, elle avait
déjà fait l’amour avec des garçons pour qui elle n’avait pas vraiment de sentiments, par
conformisme, pour « faire plaisir » ou pour apaiser sa propre libido. Alors, quelle
différence cela ferait-il avec Hubert ?
Le lendemain matin, elle se rendit à la cuisine prendre son petit-déjeuner. Après le
court passage de Lucette qui lui donna ses instructions, elle prit connaissance des
tâches qui lui étaient confiées pour la journée et s’en acquitta rapidement. Elle
retrouva Viviane le lendemain et le surlendemain et lui racontait ce qu’elle faisait.
Viviane, restée sceptique, était de plus en plus rassurée sur le sort de son amie. Vint
alors le premier dimanche.
Le matin dans la cuisine devant sa tasse de café, Judith lisait et relisait ce qui était
écrit sur un morceau de papier.
« Ce soir dix-huit heures »
C’était laconique. Son cœur s’emballa par le trac et son estomac se serra. Elle avait
décidé de se plonger dans ses livres toute la journée, mais eut parfois bien du mal à se
concentrer. Elle réussit toutefois à s’occuper l’esprit en lisant les ouvrages de la
bibliothèque qu’elle ne connaissait pas. Le midi, elle préféra déjeuner seule, n’osant
pas rencontrer Hubert avant l’heure fatidique. À dix-sept heures trente, elle prit un
bain puis se prépara.
— Puisque je dois tout enlever, autant en porter le moins possible, fit-elle à voix
haute.
Elle ne passa en effet qu’une jupe sur un string et un chemisier blanc qui laissait
deviner sa poitrine nue. Elle attacha ses cheveux en queue de cheval et resta pieds nus
dans ses mules. À dix-huit heures, Judith se dirigea d’un pas décidé vers la chambre
noire. En respirant fortement, elle poussa la porte qu’elle referma derrière elle. À
tâtons, elle prit le masque qu’elle mit sur ses yeux en se disant que c’était une
précaution bien inutile puisque même sans cela, on n’y voyait goutte. Les bras tendus
devant elle, Judith marchait doucement vers le centre de la pièce jusqu’à ce qu’elle
touchât le matelas de ses genoux. Elle ôta rapidement ses vêtements et s’allongea nue sur
le lit. Elle attendit en respirant comme une forge.
— N’ayez pas peur, dit une voix qui la fit sursauter. Je vais entrer et vous rejoindre.
Dès que j’aurai franchi cette porte, je serai muet comme une tombe.
Judith entendit le bruit de la porte qu’on ouvre et qu’on referme, puis ce fut celui de
quelques pas et le lit bascula légèrement. Elle sentit que l’homme mettait un genou de
chaque côté de son corps au niveau de ses seins. Elle fut surprise d’imaginer Hubert
agenouillé du fait de son handicap, mais ne chercha pas plus loin. Hubert prit la main
droite de Judith et l’amena jusqu’à son scrotum pour lui faire enserrer ses testicules.
Judith poussa une exclamation de surprise. Âgée de vingt-quatre ans, elle avait connu
quelques garçons dont le sexe était plus ou moins gros, mais aucun d’eux ne se démarquait
réellement par la taille. Lorsqu’elle tâta les gonades de l’homme, elle ne put s’empêcher
de dire à voix haute :
— Mais elles sont énormes !
De l’autre main elle caressa le corps de son compagnon de lit. Il était musclé, bien plus
que ne le laissait supposer la silhouette fragile de son hôte. Quelques minutes plus
tard, Hubert dirigea la main de Judith vers son membre à moitié en érection. Elle
s’exécuta et ne fut qu’à peine étonnée d’enserrer une verge démesurée dont elle ne
faisait pas le tour de ses doigts et d’une longueur qu’elle évalua à vingt-cinq
centimètres au minimum. Elle palpa le pénis du pouce et de deux doigts en pince depuis la
base jusqu’au gland. Elle en était sidérée et dit comme pour elle-même :
— Je n’en ai jamais touché d’aussi grosse.
Soudain, Hubert lui prit le poignet et entama un va-et-vient assez rapide. La jeune femme
comprit et continua la masturbation avec entrain. Elle ne voyait rien, aussi était elle
obligée d’imaginer ce qu’elle faisait et ne fut pas étonnée de sentir couler de la
cyprine des lèvres de son sexe. Elle saisit le gland à pleine main ; son diamètre, encore
plus imposant que celui de la hampe, la stupéfiait et l’émerveillait en même temps.
Reprenant le prépuce elle augmenta la vitesse de ses aller et retour. Hubert approcha son
pénis de la bouche de Judith qui se méprit et voulut le sucer. Il se retira vivement et
Judith, interloquée au premier abord, devina ensuite ce qu’il désirait. Au jugé, elle se
plaça face à la verge d’Hubert et maintint sa masturbation. Quelques minutes plus tard,
de Leulandes poussa un râle bestial et éjacula sur le visage de sa maîtresse. Une fois,
deux fois, trois fois… Judith compta treize jets de sperme chaud qu’elle reçut en pleine
figure. Le liquide séminal s’infiltrait partout, dans ses yeux, dans ses cheveux, sur ses
lèvres, dans son cou, dans son nez, sur ses joues et elle continuait malgré cette
tempête, à le branler en se demandant quand il lui ferait signe d’arrêter enfin. Cet
homme valait un véritable étalon. Quel dommage qu’il fût handicapé ! Encore que…
Hubert se retira, posa sa main sur le visage de Judith et finit de lui barbouiller la
bouche, le menton, le cou et les seins en étalant sa semence. La jeune femme mouillait de
plus en plus. Deux minutes à peine s’étaient écoulées que l’homme la prit fermement par
la taille et la retourna comme une crêpe. Lui soulevant le bassin, il l’installa à quatre
pattes et elle écarta les jambes, étonnée de la vigueur de son amant si peu de temps
après l’éjaculation. Doucement, Hubert approcha son phallus du sexe de Judith et,
s’aidant de la main, introduisit son gland entre les lèvres offertes. Judith soupira.
Jamais elle n’avait ressenti un tel écartement de son vagin. Il accentua sa pénétration
et fut stoppé par le col de l’utérus. Judith émit une plainte. L’homme amorça une série
d’aller et retour de grande amplitude. Sa maîtresse goûtait avec délectation la sensation
du membre glissant sur ses parois vaginales distendues, mais poussait toujours un petit
cri lorsqu’il allait trop loin, ce qui était fréquent, car Hubert, sentant son orgasme
proche, assenait parfois d’énormes coups de boutoir. Judith jouit la première en criant.
Elle perdit la tête, les contractions de son vagin enserraient fortement le phallus
imposant de son amant ce qui augmentait l’intensité de son propre spasme. Elle n’avait
jamais rien connu de tel. Relevant le bassin, elle se donna complètement à la jouissance
d’Hubert qui râla encore plus fort que la première fois. Judith ne put compter les jets
de sperme, mais quand il se retira une impressionnante quantité de liquide séminal
s’échappa de sa vulve pour lui mouiller l’intérieur des cuisses. Rompue, elle s’affala
sur le ventre ; l’homme resta à genoux deux ou trois minutes de plus puis se leva après
avoir caressé les fesses de son amante. La jeune femme l’entendit se diriger vers le fond
de la pièce. La porte s’ouvrit et se referma. Soudain, une voix retentit comme au tout
début :
— C’était très bien Judith. Vous pouvez retourner dans votre chambre.
— Vous aussi étiez très bien, répondit-elle.
— Je…
La phrase s’interrompit puis ce fut le silence.

Revenue dans ses quartiers, une idée fixe taraudait l’esprit de Judith : celle de se
laver. Elle entra dans la douche et ouvrit le robinet à fond, le plus chaud qu’elle put
supporter. Elle essaya les différents jets de massage quand, au hasard de ses essais,
l’un de ceux-ci vint frapper la région supérieure de sa vulve. Encore excitée de ses
ébats, Judith souleva délicatement le capuchon de son clitoris et présenta celui-ci à la
douce violence de l’eau qui jaillissait. Elle remua son bassin doucement d’avant en
arrière pour que le jet titille le petit bouton, mais aussi la partie sensible du vagin
entre les lèvres de son sexe. Elle ferma les yeux et se mit à émettre des plaintes à
peine audibles, tout en résistant à la tentation impérieuse de remplacer le jet par son
doigt. Si l’orgasme débuta effectivement grâce à l’eau projetée, il se termina par une
vigoureuse caresse de son clitoris et de sa vulve par un médius qui faisait l’aller et
retour à une vitesse extrême. La poitrine et le visage écrasés contre le mur, les jambes
écartées légèrement repliées, son bras coincé devant elle, Judith jouit puissamment en
poussant un cri aigu.
Séchée et ragaillardie, Judith sortit de la douche, s’habilla et se jeta sur son lit.
— Il y a longtemps que ça ne m’était pas arrivé, dit-elle à voix haute en souriant. Quel
pied ! murmura-t-elle.
Puis elle songea :
— Mais il y a vraiment une chose que je ne comprends pas. Hubert parait mince et frêle ;
or il avait une musculature exceptionnelle. Et puis, il y a ce genou ! Il ne le plie pas
ici et il marche avec une canne, mais dans le lit il est aussi valide que moi. Quel est
ce mystère ?
Lucette frappa à sa porte :
— Si vous voulez venir diner. Monsieur de Leulandes vous attend, si vous le souhaitez
bien sûr.
— J’arrive.
Judith se leva en trombe, se désola devant la glace des cernes bleu foncé qui lui
enlaidissaient les yeux et sortit.
À la fin du repas, elle accepta le verre de cognac qu’Hubert lui offrit. Assis l’un en
face de l’autre, elle avait une vue plongeante sur l’entrejambe de son hôte. Elle n’y
trouva pas, à son grand étonnement, une bosse suffisamment importante pouvant dissimuler
le membre hors norme qu’elle avait eu entre les mains. C’était un mystère de plus. Elle
écoutait cet homme parler avec avidité, elle se remémorait leurs ébats avec envie, elle
se sentait de plus en plus soumise. Était-ce cela l’amour ?
*
Le lendemain, Judith rencontra Viviane à la faculté de philosophie. Leurs emplois du
temps différaient, aussi elles ne se retrouvèrent qu’à treize heures au restaurant
universitaire. Judith s’épancha et raconta toutes ses aventures, même les plus intimes, à
Viviane qui écoutait, passionnée.
— Je n’ai pas connu beaucoup de garçons, mais je n’avais jamais vu un sexe comme le sien.
— Tu m’intéresses, plaisanta Viviane. Sébastien n’est que dans une petite moyenne, sans
plus ! Puis elle pouffa.
— Ça ne fait pas tout. Il est aussi distingué, érudit, galant, doux, attentionné… Il n’y
a que cette phobie de ne pas montrer son visage pendant l’amour, j’ai du mal, mais je
m’en passe.
— Bref ! Tu es tombée amoureuse…
— Je crois que oui, conclut Judith.
— Profites-en. Moi, mon Seb, je l’aime bien, il se comporte convenablement au lit, mais
il est continuellement jaloux et ça me saoule ! J’ai souvent envie de l’envoyer balader,
un jour ça va lui faire tout drôle.
— Bon, j’y retourne, déclara Judith. Je dois faire un peu de ménage puis les courses.
Après, je vais bosser un peu. Dans deux mois, quand j’aurai un peu d’argent, je t’invite
au restaurant, celui que tu veux. Si tu savais ce que je me sens libérée du côté fric !
— Je te le rappellerai le moment venu, ne t’en fais pas…
Judith et Viviane se levèrent, se firent la bise et se séparèrent d’un petit signe de la
main.
*
C’était avec une pointe d’impatience et de fébrilité que Judith vint prendre son petit-
déjeuner dans la cuisine le dimanche suivant. Lucette n’était pas là, son bol et ses
couverts étaient pourtant sortis. Sous le couteau, un petit papier, identique à celui de
la semaine précédente, indiquait :
« Ce matin onze heures »
Machinalement, Judith regarda la pendule de la cuisine. Elle marquait huit heures
quarante-cinq, elle pouvait prendre son café et se préparer tranquillement. Elle se
demandait bien pourquoi une heure si matinale, mais ne chercha pas plus loin
d’explications. Revenue dans sa chambre, elle décida de se faire couler un bain,
envisageant de s’y plonger avec délice, mais sans s’avouer l’idée qui lui trottait dans
la tête. Elle disposait d’une heure et demie avant le rendez-vous dans la pièce noire ;
aussi, elle avait amplement le temps de se mettre en condition. L’eau du bain était très
chaude, plusieurs minutes furent nécessaires à Judith pour y entrer en totalité. Se
saisissant alors de la douchette de la baignoire, elle en ôta la pomme et régla la
température sur « tiède » et la pression sur « moyen ». Hissant son bassin elle fit
émerger son mont de Vénus, au système pileux abondant, et approcha le tuyau de sa vulve.
Elle avança l’extrémité de la buse si près que celle-ci pénétra entre ses deux lèvres.
L’eau s’infiltra avec force dans son vagin puis d’un geste elle dirigea le jet vers son
clitoris dont le capuchon fut aisément soulevé par la pression. De vagin en clitoris et
de clitoris en vagin, Judith soupirait et accélérait le mouvement tant et si bien qu’une
quinzaine de minutes plus tard, son râle d’orgasme se mêlait au gargouillis de l’eau.
Quand ce fut terminé, elle stoppa la douche et seuls quelques nuages de cyprine
s’échappaient encore de son sexe pour se perdre en petites trainées blanches dans l’eau
du bain. Ravie, elle acheva sa toilette en ignorant toutefois que son vagin ne lui
servirait aucunement ce jour-là.
Onze heures. Le cœur de Judith battait moins vite que la fois précédente, mais elle avait
toujours l’estomac serré. Elle pénétra dans la chambre, referma derrière elle, prit le
masque et le passa sur ses yeux. Les bras en avant elle se dirigea vers le lit. Quand
elle le trouva, elle quitta ses vêtements et s’allongea à plat dos nue sur le drap. Elle
patienta.
— Je suis prêt, dit une voix
— Moi aussi, répondit-elle plus sûre d’elle que la première fois.
Bruit de porte, de pas, du lit qui craque un peu et Hubert se retrouva comme précédemment
un genou de chaque côté de sa maîtresse. Il approcha son pénis du visage de Judith qui
attendit un peu de savoir ce qu’il voulait. Il apposa son gland gonflé sur les lèvres de
la jeune femme qui ouvrit les mâchoires et engloutit profondément sa verge. Elle craignit
un instant d’être étouffée. Sa bouche grande ouverte était à peine suffisante pour
laisser entrer un membre de ce diamètre et seule une spécialiste du « deep throat »
aurait été capable d’en absorber toute la longueur. Judith, la tête sur le lit et le
pénis de l’homme entre les dents, ne pouvait pas bouger. Hubert entama des va-et-vient de
sa verge, affirmant ainsi sa domination par une irrumation active. La jeune femme se
tenait les articulations des mâchoires tellement celles-ci étaient douloureuses. Une
envie irrésistible de serrer les dents la taraudait, mais elle se retenait en
s’arrangeant au mieux pour que son amant éjacule le plus vite possible et que soit finie
cette épreuve qu’elle n’avait jamais affrontée. L’orgasme vint enfin. Judith sentit les
contractions musculaires des cuisses de son compagnon de lit et sa semence qui lui
emplissait la bouche, semence qu’elle ne pouvait pas encore déglutir. Hubert se retira
d’un seul coup et ferma de la main la mâchoire de Judith. Ce fut un grand bonheur pour
ses articulations, mais elle se retrouva avec une quantité impressionnante de sperme dans
les joues. Devinant qu’Hubert ne souhaitait pas qu’elle le recrache, il ne lui restait
plus qu’à l’avaler. Elle prit sur elle, se concentra et déglutit une seule fois avec un
bruit de gorge exacerbé. Ses joues gonflées reprirent leur volume normal, Judith,
essoufflée, haletait bruyamment. Elle se saisit du sexe de son amant et passa la langue
sur tout le tour du gland et vers le méat où perlaient encore quelques gouttes. Un goût
un peu âpre lui restait sur la langue. Enfin, elle reposa la tête, ses doigts enserrant
le membre étonnant de son partenaire.
Quelques minutes s’écoulèrent puis, comme la fois précédente, Hubert retourna sa
maîtresse et la fit mettre à quatre pattes.
— Ça ira mieux comme ça, se dit Judith qui se souvenait de l’orgasme magnifique qu’elle
avait connu de cette manière. Elle se trompait et elle le comprit lorsqu’elle sentit la
main d’Hubert appliquer entre ses fesses et sur son anus une gelée qui lui parut froide.
— Oh non ! Pas ça ! Elle est trop grosse ! supplia-t-elle.
L’homme n’eut que faire de ses lamentations. Il appuya sur les épaules de la jeune femme
pour que le bassin soit bien en évidence et approcha du sphincter son gland énorme. Il
tenta de pénétrer par cette porte étroite à trois reprises, sans succès.
— Vous voyez bien que ça ne rentrera pas, articula douloureusement Judith espérant que
cela le ferait abandonner. Prenez ma chatte s’il vous plait…
Mais c’était sans compter sur la ténacité de son amant qui recommença et qui finit par
dilater légèrement le sphincter en poussant de son pénis. À peine celui-ci ouvert, Judith
émit un petit cri.
— Vous me faites mal… se plaignit-elle.
Imperturbable, Hubert appuyait, le gland gonflé continuait à augmenter peu à peu le
diamètre de l’anus, Judith se mit à pleurer.
— J’ai mal ! S’il vous plait ! J’ai mal.
La verge parvint enfin à passer, une douleur fulgurante traversa le ventre de Judith puis
celle-ci s’apaisa. Le pénis d’Hubert entra de moitié d’un seul coup. La jeune femme hurla
puis pleurnicha doucement. Son partenaire profita de cette accalmie provisoire pour
pénétrer encore plus en avant et jusqu’à ce qu’il ne pût plus avancer. Judith était
égarée, elle paraissait ne plus rien ressentir. Elle imaginait, vaincue, ce cylindre de
chair de vingt-cinq centimètres de long et de six ou sept de diamètre lui fouillant les
entrailles. Ce fut à ce moment que son amant entama les aller et retour de sa verge dans
le rectum de sa maîtresse. La douleur qu’il avait provoquée semblait l’exciter au plus
haut point, car il jouit rapidement et puissamment d’un cri bestial en secouant d’avant
en arrière le bassin de Judith presque inanimée. Enfin, il se retira laissant couler son
sperme de l’anus de Judith le long de ses fesses et de ses cuisses, sperme zébré de
quelques filets de sang, invisibles dans l’obscurité.
Comme le dimanche précédent, il caressa la croupe de sa compagne et sortit. La porte
claqua et une voix retentit.
— C’était encore très bien Judith, très bien…
En larmes, Judith répliqua :
— Vous ne m’avez rien pris, je vous ai tout donné ! Vous ne voyez pas que je vous aime !
La voix ne répondit pas et Judith cacha son visage dans les draps pour y pleurer
doucement.
*
L’après-midi même, dans la chambre de Judith se déroulait un étrange spectacle. Judith, à
quatre pattes sur son lit, offrait ses fesses nues à Lucette qui, armée d’une aiguille en
forme de demi-cercle, s’affairait à recoudre l’une des trois déchirures du sphincter de
la jeune étudiante. Cette dernière émettait de petites plaintes en serrant les dents de
douleur jusqu’à ce que les trois fils fussent posés.
— Voilà, Mademoiselle ! dit Lucette. Mais vous feriez mieux d’utiliser l’autre entrée, au
moins elle est faite pour cela.
Judith rougit.
— Je… Je vous remercie pour votre aide, j’aurais eu trop honte d’aller chez un médecin.
— Je vais faire la piqûre à Hubert, je lui dirai de faire autrement pendant deux ou trois
mois.
— Vous saviez…, fit Judith interloquée.
— Je connais cet homme mieux que personne et j’ai bien conscience de la taille de ses
attributs. Il n’y a que lui pour faire des dégâts pareils.
Lucette sortit puis réapparut avec un plateau-repas qu’elle déposa sur le bureau de
Judith. Celle-ci n’y toucha qu’à peine, mais le finit le soir même, sans avoir quitté sa
chambre de la journée.

Le lendemain midi, Judith retrouva Viviane au restaurant universitaire comme elles
avaient l’habitude de le faire lorsque leur emploi du temps respectif le leur permettait.
Viviane regardait son amie avec désolation :
— Tu as l’air crevée, ma pauvre, tu as des soucis ?
— Des petits problèmes de santé, mais sans importance éluda Judith.
— Tu l’aimes vraiment alors ?
— Oh ! Oui, si tu savais… et je suis sûre qu’il m’aime aussi et qu’il n’ose pas me le
dire. Moi, je lui ai avoué mon amour et ça l’a troublé, il est si seul et pourtant, c’est
un homme tellement sensible et attirant… J’ai pris une décision.
— Ah ? Et laquelle ? s’enquit Viviane.
— Je veux le guérir de sa phobie. La prochaine fois que nous ferons l’amour, j’apporterai
de la lumière. Comme je suis sûre qu’il m’aime, il me pardonnera et il verra que rien de
plus ou de moins ne se passe en n’étant plus dans le noir. Au final, nous pourrons avoir
une relation normale et nous regarder mutuellement quand nous faisons l’amour.
— D’où peut lui venir cette phobie ?
— Je n’en sais rien, comme j’ignore l’origine de son handicap.
— Alors j’espère pour toi que vous serez heureux. Je t’aime beaucoup, tu sais…
Judith prit la main de son amie et la fixa droit dans les yeux.
— Merci, dit-elle.
*
Le dimanche suivant, l’œil à peine ouvert, Judith se leva et fila dans la cuisine
éclairée par un rayon de soleil timide pour découvrir ce qui l’attendait sur la table.
L’infirmière était absente, mais comme à l’accoutumée, un petit papier était posé en
évidence. Fiévreusement, elle le lit : « Ce matin dix heures ».
— Juste le temps de prendre mon petit-déj’ et de faire ma toilette, songea-t-elle en
s’installant à table.
Judith avala son café, ses deux croissants et passa sous une douche rapide. Peu avant dix
heures, à peine habillée, elle saisit son trousseau de clés et en enleva le porte-clés
qu’elle serra dans le creux de la main. Le cœur battant, elle grimpa ensuite les marches
quatre à quatre et poussa la porte de la chambre pour la refermer nerveusement. Elle
avait maintenant bien en tête la distance qui la séparait du lit aussi, tout en mettant
son masque, elle parvint assez vite sur le lieu de sa rencontre galante avec Hubert.
Ôtant le peu de vêtements qu’elle avait revêtus, elle s’allongea nue sur le matelas, le
poing gauche étrangement fermé. Dans l’obscurité, de Leulandes pénétra dans la pièce. Il
n’avait pas pris la précaution de s’annoncer cette fois-ci, cela devenait un peu
routinier pour eux deux, devait-il penser. Contrairement à son habitude, il s’installa à
la droite de Judith et non par-dessus. Glissant sa main entre les cuisses de sa
maîtresse, il força un petit peu pour les séparer. Il n’eut pas beaucoup de peine à se
donner, Judith comprit tout de suite et écarta les jambes aussi largement que possible.
Hubert entama une caresse sur l’intérieur de la cuisse droite de Judith, puis remontant
doucement, la termina sur la cuisse gauche en ayant eu soin d’effleurer volontairement
les lèvres de la vulve de Judith qui se laissait faire en respirant calmement. Le jeu
dura plusieurs longues minutes, la jeune femme devinait que la main de son amant se
mouillait un peu plus à chaque passage devant son sexe, car elle avait conscience de
produire de la cyprine en quantité. La caresse d’Hubert l’excitait au plus haut point et
malgré l’absence de lumière, elle ferma les yeux pour mieux apprécier. Soudain, elle
sentit un doigt, sans doute l’index, qui montait et descendait sur ses petites lèvres
puis qui pénétra innocemment dans son temple chaud. Après quelques aller et retour, le
doigt fut accompagné du médius tandis que le pouce appuya doucement sur le clitoris.
Judith poussa un soupir. Veillant bien à ce que tous ses doigts soient correctement
lubrifiés, Hubert allait et venait dans le vagin et caressait circulairement le bouton
rose et gonflé. Afin de mieux offrir ce dernier aux doux assauts de son amant, Judith
tira la peau du capuchon et laissa apparaître son clitoris en érection. Ses soupirs
devinrent de plus en plus bruyants et rapprochés. La main d’Hubert allait, venait,
appuyait, excitait, frôlait ou tout à la fois et Judith ne savait plus où donner de la
tête. Enivrée par l’odeur de son propre lubrifiant et par le bruit mouillé que sa vulve
produisait au contact de la caresse de son partenaire, elle poussa soudain un râle
guttural et enserra violemment les doigts dans son vagin en les bloquant du puissant étau
de ses cuisses. L’orgasme lui fit retenir sa respiration un moment puis la tension se
relâcha subitement, libérant son souffle et la main d’Hubert. Judith masqua délicatement
son sexe de la main pour le protéger et le soustraire à la convoitise de son amant, la
jouissance l’avait épuisée. Hubert, doucement, caressait les jambes de sa compagne en la
laissant récupérer. Il s’écoula plusieurs minutes puis il reprit sa position favorite, à
cheval par-dessus sa maîtresse. Il se pencha légèrement en avant et mit en contact son
énorme phallus avec le thorax de sa partenaire, juste entre les deux seins qu’il enserra.
Il fit aller et venir son membre dans ce tunnel improvisé et, si l’épaisse obscurité
s’était soudain évanouie, on aurait pu observer le gland apparaître et disparaître sur la
peau satinée de Judith qui se régalait d’offrir sa poitrine à la jouissance de son amant.
Celle-ci ne tarda pas et Hubert, accélérant ses mouvements du bassin, poussa un soupir
profond et éjacula. Judith sentit le premier éjaculat de sperme se perdre entre ses seins
et le deuxième sur son cou. Relevant légèrement la tête, elle ouvrit la bouche pour
cueillir au jugé sur sa langue la troisième et la quatrième giclée. Reposant la tête,
elle déglutit avec un plaisir non feint la semence d’Hubert tandis que son visage
demeurait la cible des nombreux jets suivants. Totalement en extase, elle desserra la
main gauche qu’elle tenait fermée depuis le début et se saisit du porte-clés dont
l’extrémité était pourvue d’une petite lampe à LED. Judith fit glisser son masque sur
l’oreiller.
— Je sais que tu ne me répondras pas, dit-elle, mais sache que je t’aime et que je sais
que tu m’aimes aussi. Je fais ça pour nous deux.
Sur ces paroles, elle appuya sur un bouton et un faisceau de lumière blanche et crue
jaillit de sa main gauche pour frapper les épaules d’Hubert. Judith dirigea le pinceau
lumineux plus haut et, glacée d’horreur, poussa un formidable cri d’effroi.
Un hurlement lugubre lui répondit et l’homme, d’un seul coup de poing dans la mâchoire,
l’assomma.
*
Trois semaines plus tard.
Une voiture aux couleurs de la Gendarmerie quittait la propriété d’Hubert de Leulandes en
direction de Valence.
— C’était un collègue, tu dis ? questionna le passager en se grattant la tête sous son
képi.
— Oui, je l’ai connu à Dijon, répondit le conducteur. C’est dans le secteur, lors d’une
chasse à l’homme qu’il s’est pris une balle dans le genou.
— Ah ! C’est moche.
— Oui, estropié à vie. Même avec une pension et la Légion d’Honneur, ça ne fait pas
envie. C’est dommage, il n’avait pas son pareil pour pister les fuyards. Je ne sais pas
comment il faisait, on voyait ses ailes du nez palpiter, on aurait dit qu’il flairait…
— On fait quoi maintenant ?
— On a récupéré les affaires de la petite, on va les rapporter à sa mère à Beauvallon. La
pauvre, elle a déjà perdu son mari il y a deux ans… Heureusement, il lui reste encore un
fils.
— Qu’est-ce qui a bien pu arriver à cette fille, nom de Dieu ? Le visage et le cou
bouffés par un loup, tu y crois toi ? demanda le passager en écartant les bras autant
qu’il le pouvait.
— Je n’ai pas à y croire ou non. Les faits sont là, dit le conducteur avec un geste
d’impuissance. Moi, les questions qui me taraudent c’est « Où a-t-elle pu rencontrer un
loup ? » et surtout « Pourquoi un loup aurait pris la précaution de la balancer dans le
Rhône ? » Elle était défigurée, mais encore vivante avant de se retrouver dans la flotte.
Qui a pu faire une horreur pareille ?
— Ouais… La police a du pain sur la planche.
— J’aime autant pour eux que pour nous, conclut le conducteur en pénétrant sur la
bretelle d’accès à l’autoroute du sud.

Lucette regardait par la fenêtre du salon s’éloigner la voiture bleue des gendarmes.
Quand celle-ci eut passé le portail, elle laissa retomber le rideau et se tourna vers
Hubert :
— Tu es fier de toi maintenant ?
Hubert ne répondit pas.
— Ça devait bien se terminer comme ça. Tu sais bien que les piqûres que je te fais ne
réparent que ton corps quand tu es en rut, pas la tête.
— Oui, je sais. Même que ça agit un peu trop pour moi là, entre les jambes…
— Ne te plains pas ! Tu es beaucoup mieux loti que tes aïeux terrés au fin fond des
Cévennes. Pourquoi s’appelaient-ils de Leulandes à ton avis ? Hein ? Pourquoi ?
— Elle ne devait pas regarder ! Il a fallu que cette petite sotte tombe amoureuse !
Changeant de conversation Lucette se calma et reprit :
— Qu’as-tu fait du corps ?
— J’ai laissé le loup s’en occuper puis je l’ai jeté dans le fleuve non loin de la
faculté, avoua Hubert.
— J’espère que cela t’aura servi de leçon ?
Mutisme forcené d’Hubert.
Soudain, la sonnerie d’un téléphone portable retentit. Lucette eut un geste
d’impuissance, abandonna la discussion et retourna dans la cuisine préparer le repas du
soir. S’appuyant sur sa canne, Hubert se déplaça jusqu’au portemanteau où son portable
était resté dans une poche de veste.
— Allo ? fit-il
—…
— Viviane ? Ah oui ! Viviane, ça me revient. Vous étiez bien une amie de Judith ? Elle
m’a souvent parlé de vous.
—…
— Oui, c’est un grand malheur.
— …
— Oui, oui. La chambre a été vidée par les gendarmes aujourd’hui, elle est de nouveau
disponible. Judith vous a informée des conditions particulières d’occupation ?
—…
— Bien, je vois que vous étiez vraiment intimes. Je suis libre dès demain si vous voulez.
Disons quatorze heures ?
*

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