Histoire Des Libertines (61) : Dali Et Gala, Couple Candauliste

Ce n’est pas de l’œuvre ou de la vie commune de ce couple mythique dont je veux parler ici, mais de la vie de couple qu’a connue Gala, d’abord avec Eluard, puis avec Salvador Dalí, dans un cadre candauliste.

Gala Dalí, née Elena Ivanovna Diakonova (1894-1982) a eu pour époux le poète Paul Éluard, pour amant Max Ernst puis s'est finalement mariée avec Salvador Dalí.

Femme mystérieuse et d'une grande intuition, elle sut reconnaître le génie artistique et créateur là où il se trouvait et elle fréquenta de nombreux intellectuels et artistes de son époque.

LA JEUNESSE D’UNE MUSE

Née à Kazan, Elena passe son enfance à Moscou et son père meurt lorsqu’elle a onze ans. Plus tard, sa mère épouse un avocat, avec lequel Gala entretient de très bons rapports et grâce à qui elle peut recevoir une bonne éducation. Elle est envoyée en 1912 au sanatorium de Clavadel à Davos en Suisse où elle se remet de la tuberculose, où elle retrouve l'ambiance littéraire que cultivait sa mère. C’est une étudiante brillante : elle termine ses études au lycée féminin M.G. Brukhonenko avec une très bonne moyenne et un décret du Tsar l’autorise à exercer comme institutrice et à donner des cours à domicile.

C’est lors de son séjour à Clavadel qu’Elena rencontre Eugène Grindelle, qui deviendra le grand poète Paul Éluard (1895-1952).

Plus magnétique que belle, sensuelle et émancipée, la brune à l’esprit raffiné ne tarde pas à inspirer à Paul Éluard l’élan d’un lyrisme fougueux, en même temps qu’ils découvrent l’un et l’autre l’ivresse des premières amours.

L'impétuosité, l'esprit de décision, la grande culture de cette jeune fille de 18 ans impressionnent le jeune Éluard d'un an son cadet qui prend avec elle son premier élan de poésie amoureuse, un élan qui se prolongera dans tous ses écrits. Ils se marient à Paris en février 1917. Une fille, Cécile, naît un an plus tard.

PREMIERE EXPERIENCE CANDAULISTE

En octobre 1921, Éluard et Gala se rendent à Cologne pour rencontrer le peintre Max Ernst (1891-1976).



Gala, avide d’expériences, n’entend pas résister au charme fou de l’artiste visionnaire. Pour mieux, peut-être, anticiper leur inévitable liaison, c’est le poète qui le premier l’encourage, exhibant devant le peintre conquis les photos de la muse nue au corps parfait.

Gala pose pour lui et devient son amante, tout en restant l'épouse d'Éluard. L'année suivante, Ernst vient s'installer dans la maison des Éluard à Eaubonne dans le Val-d'Oise. La relation triangulaire n'est nullement cachée.

Éluard souffre pourtant de partager sa muse plus encore que sa femme. Le 24 mars 1924, rongé par la jalousie, il disparaît sans un mot, et embarque à Marseille pour un solitaire tour du monde, qu’il qualifiera ensuite de « voyage idiot ». La distance, cependant, n’apaise pas sa souffrance. Gala lui manque et après deux mois d’absence, il lui adresse de Tahiti une lettre pleine de tendresse, la suppliant de le rejoindre.

L’insoumise part le retrouver en Asie, accompagnée de Max Ernst. Cependant, en dépit des tensions qui traversent désormais le trio, la complicité qui lie le peintre et le poète ne faiblit pas. Gala est alors la femme de deux hommes.

DALI LE GRAND AMOUR DE GALA

Au mois d'avril 1929, Salvador Dalí se rend à Paris pour présenter le film qu'il a réalisé avec Luis Buñuel, « Un chien andalou », et c'est là que Camille Goemans, poète et galeriste belge, présente Dalí à Paul Eluard. Dalí les invite à passer l'été à Cadaqués. Goemans et sa compagne, René Magritte et sa femme, Luis Buñuel, Paul Eluard et Gala, avec leur fille Cécile, vont y faire un séjour. Lorsque le peintre fait la connaissance de Gala, il en tombe amoureux.

Le peintre déclarera même que l'expérience la plus passionnante de sa vie est cette rencontre avec celle qui va devenir sa femme. Pour Gala, cette histoire naissante est aussi l'occasion d'échapper à un schéma classique d'épouse dans lequel elle étouffe. Mariée à Paul Eluard, elle est aussi mère d'une petite fille.
Mais elle s'ennuie dans ces rôles qui ne conviennent pas à sa nature indépendante et passionnée. La jeune femme a d'ailleurs déjà une relation extraconjugale avec un autre artiste, Max Ernst. Elle quitte donc deux hommes pour Dalí. Lui est déjà fou d'elle, au sens littéral du terme

Gala a 35 ans, Dali, 25. Ils s'épousent civilement en 1932. La célébration religieuse de ce mariage n'a lieu qu'en 1958.

Si l'histoire d'amour entre Dalí et Gala sonne comme une évidence pour eux, il n'en est pas de même pour la famille du peintre. Son père n'apprécie pas la liaison de son fils avec une femme mariée. Salvador se voit donc contraint de faire un choix. Et entre sa famille et celle qu'il considérera toujours comme la femme de sa vie, c'est Gala qui remporte le bras de fer.

En 1948, Dalí et Gala rentrent des États-Unis, après huit ans d'exil. Dalí est reconnu dans son pays et son père a enfin accepté la relation de son fils avec une femme russe et séparée. Dès lors, les Dalí passent le printemps et l'été à Portlligat et l'hiver et l'automne entre New York et Paris.

En 1958, Dalí et Gala se marient religieusement au sanctuaire des Àngels, près de Gérone. En 1968, le peintre achète un château à Púbol, Gérone, pour Gala, auquel il ne peut accéder qu'avec l'autorisation préalable écrite de celle-ci. Entre 1971 et 1980, Gala y fait quelques séjours, toujours en été. En 1982, Gala y meurt et y est enterrée.

UN COUPLE LIBRE

De New York à Rome, d'Italie en Espagne, inséparables, ils séduisent les milieux intellectuels et artistiques de l'époque. Pendant un demi-siècle, rien n'aura raison de leur amour fou: ni les disputes et les réconciliations légendaires qui suivent, ni les escapades de Gala en compagnie de jeunes hommes, ni la relation de Dali avec Amanda Lear, nouée au milieu des années 1970.

Pendant plus de 50 ans, ils vont s'aimer au gré des aléas de l'histoire comme la Guerre d'Espagne qui les fera voyager en Europe ou la guerre 39-45 qui les poussera à embarquer pour New York.
L'artiste est de plus en plus connu. Sa réputation et la vente de ses œuvres leur assurent un quotidien plus que confortable. Si leur vie n'est pas un long fleuve tranquille, leur relation non plus. Si Salvador croit et attache de l'importance à la fidélité, tant dans le couple que dans la relation de l'artiste et sa muse, il n'en est pas de même pour Gala qui prendra plusieurs fois des amants. Mais cela ne suffit pas à séparer le couple.

Peu importe les coups d'éclat, les disputes publiques, les infidélités, Gala et Salvador Dalí vont s'aimer jusqu'à la mort de la muse.

Il existe ce fameux dicton qui nous rappelle que derrière chaque grand homme, il y a une grande femme. C’est sans doute le cas de l’histoire de Salvador Dalí et Gala, son épouse, sans qui Dalí ne serait jamais devenu une icône de l’art moderne.

DALI LE CANDAULISTE

La grande amoureuse qu’était Gala a eu besoin de sortir d’une relation qui lui demandait trop, et comme elle l’avait déjà fait avant avec Eluard, elle a voulu rencontrer d’autres partenaires au vu et au su de son partenaire actuel.

Muse pour Dalí, il a longtemps été dit que non contente d’avoir converti Dali au candaulisme, Gala l’avait sauvé de la folie ou d’une mort prématurée.

Selon la plupart des témoignages, Gala a une forte libido et toute sa vie, elle aura de nombreuses liaisons extraconjugales, y compris avec son ex-mari Paul Éluard, ce que Dalí encourageait, puisqu’il était un pratiquant du candaulisme.

Dans une quête infinie de jeunesse, elle est devenue de plus en plus exigeante sur un plan financier : Dali travaillait pour qu’elle puisse s’offrir des liftings et fréquenter des garçons plus jeunes.

Gala avait aussi un penchant pour les jeunes artistes, à qui elle offre avec bonheur, de coûteux cadeaux pour la complicité partagée. Comme se fut le cas dans les années soixante-dix, ou Gala, âgée de plus de soixante dix ans, entretient une relation suivie avec le chanteur de rock Jeff Fenholt à qui elle offre des tableaux de son époux et une maison à un million de dollars à Long Island.


MUSE ET MODELE

Gala devient l'unique modèle féminin et le principal sujet d'inspiration du peintre qui ne cessera de la magnifier et de la représenter comme un mythe vivant et une icône moderne. Gala prend en main les affaires de son mari et saura les faire fructifier. Gala était la muse de Dali. Elle lui tenait lieu de famille, organisait ses expositions et vendait ses toiles.

Gala apparut dès 1931 dans une œuvre minuscule de Dali (Premier portrait de Gala), véritable tour de force de miniaturiste. Ses portraits furent ensuite très nombreux, son visage et sa coiffure caractéristique la faisant reconnaître aisément. Elle apparut de face (L’Angélus de Gala, 1935) ou de dos (Ma femme, nue, regardant son propre corps devenir, trois vertèbres d'une colonne, ciel et architecture, 1945), nue (Leda Atomica, 1949), en Vierge Marie (La Madone de Port Lligat, 1950), un sein nu (Galarina, 1945).

Ces très nombreuses représentations sont la preuve de l’amour qu’il avait pour elle.

LE MYSTERE DE GALA

Gala montra très jeune un caractère doté d'une volonté féroce. Extrêmement séduisante, elle cacha mal un esprit dominateur et un goût immodéré pour l'argent et le luxe, indifférente au vide que sa cupidité et son cynisme creusèrent peu à peu autour d'elle.

Gala fut-elle cette femme fatale et sans cœur décrite par certains? Adorée par ses maris et amants, Gala était aussi l’amie de nombreux artistes et figures intellectuelles de l’époque.

C’était une femme en avance sur son temps. Elle fut bien davantage qu’une simple muse. Cultivée et créative, elle produisait elle-même objets surréalistes et écrits en prose, et participait souvent au processus créatif des œuvres de Dali, qui signait certaines d’elles par Gala Salvador Dali.

Gala était surtout une femme libre, qui luttait pour ce en quoi elle croyait. Demeure le mystère de la véritable personnalité de cette femme qui paraissait en total décalage avec son temps et suscite encore de nombreuses interrogations.

GRAND AMOUR ET CANDAULISME

J’ai, dans cette série de textes historiques, évoqué le destin de femmes libertines ou adultères, dont certaines étaient clairement des hypersexuelles.

Avec Gala, c’est la première fois où peut être évoqué un couple candauliste, en réalité deux, celui qu’elle forma avec Paul Eluard puis avec le fantasque Salvador Dali. Peu importe au final si ce fut elle qui les convertit au candaulisme.

Eluard, comme Dali savaient et ils étaient plus que complices : c’était une façon pour eux de prouver leur amour pour celle qui fut la muse de l’un, puis de l’autre.

Nul ne sait jusqu’où fut poussé ce candaulisme. Assez loin au temps de son mariage avec Eluard, puisque le peintre Max Ernst s’était installé chez Paul Eluard et partageait l’épouse de celui-ci au vu et au su du mari complice. En ce qui concerne Dali, il ne se contentait pas de savoir, il encourageait sa muse, lui donnant les moyens de trouver de jeunes amants alors que Gala avançait en âge.

Si certains ont critiqué l’influence de Gala sur Dali, on peut même dire sa domination, la manière dont elle gérait ses affaires et contrôlait sa fortune, il faut reconnaître qu’elle a formé des couples fusionnels poussant leur amour jusqu’au candaulisme.

Si Gala a été infidèle toute sa vie, elle est restée jusqu’au bout aux côtés de Dali. Pour le vivre, je sais le bonheur rare qu’elle a vécu : celui d’être aimée par un mari candauliste.

PRINCIPALES SOURCES :

Outre l’article Wikipédia sur Gala dont je me suis largement inspirée, je renvoie aux ouvrages suivants :

• « La véritable Gala Dali » de Bertrand Meyer-Stabley (Pygmalion, 2006)

• « Gala », de Dominique Bona (J’ai lu, 2012)

Je signale aussi ce lien :

• https://www.salvador-dali.org/fr/dali/bio-gala/

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