L'Été D'Anaïs Actes 7 Et 8

ACTE VII SCENE UNIQUE MAEL MANON
Chambre de Maël. Deux jours plus tard. Il est allongé sur le ventre , un drap simplement jeté sur lui. Il lit. Manon entre.

MANON
Pardon de déranger mais je suis un peu triste
Ils sont tous partis pour une nuit échangiste,
Même Lola nous laisse en cette maison vide
Que le silence emplit d'une façon morbide.
Je désirais parler pour évacuer mon spleen,
Des images étranges filent sur mes rétines,
Au point de tout m’ôter, sommeil et appétit.
Il me reste mon frère à qui je n'ai pas dit
De mon imaginaire de curieuses pensées
Et un fantasme aussi presque inavouable...Eh !
Quelle est cette lecture que tu me dissimules
Prestement sous les draps ?..

MAEL
C'est un ouvrage nul.
Rien de tel pour dormir qu'un bouquin insipide.

MANON
Rien de ce qui paraît insignifiant et vide
Ne peut être en état de tant nous absorber.
C'est un livre sans doute qu'on a honte à citer
Tant il recèle d'art licencieux et vulgaire
Ou bien c'est un missel à la pensée austère
Qu'on cache pour masquer sa profonde piété...

MAEL
Je garde pour moi seul son contenu secret.
Avouons qu'il raconte la passion pour un Dieu,
La soumission d'un être dans un désir fougueux.
Les deux genres s'accordent plus que tu ne le sais
Ils guident son sujet vers la félicité.
C'est un livre qu'on lit pour goûter les moments
D'abandon souverain d'un bel isolement.
Aussi pour t'avertir , c'est cette solitude
Qui nourrit en mon cœur une juste quiétude.
Si je n'attachais pas ce soir autant de prix
Au lien unique et fort au sein de la fratrie
Je te dirais Manon, laisse moi en repos
Retourne te coucher, et fais un gros dodo...

MANON
Ah ! Tu conviens qu'aucun dans ce monde sauvage
Ne dois manquer d'un frère pour bien vivre un partage.


Et ta chambre je crois, a la commodité
D'être un endroit douillet, si calme , si discret,
Un endroit pour goûter en toute sûreté
Aux échanges féconds, aux confessions utiles
Qui nous soulageront dans ce pas difficile.

MAEL
Certes quelques instants à partager ensemble
Ne pourront qu'affermir tout ce qui nous rassemble.
Expose tes frayeurs, nous les étudierons
Et puis rassérénés, nous nous libérerons.
 
MANON
Une intuition me vient après ces quelques jours.
Mathis n'a pas tout dit sur lui et son parcours.
Cet individu-là me paraît dangereux
Même s'il me fascine et éblouit mes yeux.
Pour avoir sa fortune, et ses goûts , ses mystères,
Des relations bizarres auprès de gens divers,
Je ne peux supposer une vie ordinaire,
Ou c'est un comédien ou c'est un grand gangster.

MAEL
Tout libertin cultive un style inexplicable.
Son jardin est si dense qu'il est impénétrable.

MANON
Il y a dans tout ça un excès de secret,
Je perçois des intrigues, j'entrevois des marchés,
Cet homme a trop le goût du luxe et des luxures
Pour n'être pas mêlé à quelque histoire obscure.
Il a de l'entregent, des manières subtiles,
De la conversation à ravir des édiles
Et un charme si fort et si accapareur
Qu'on ne sait devant lui comment ira son cœur.

MAEL
J'ai perçu sans le croire des propos sibyllins
Donnant quelques détails de son passé lointain.
Il y a des affaires et peut-être des crimes
Je le sens homme à faire de nombreuses victimes.
Et pas uniquement dans l'univers sadique
Où il excelle tant par l'art et la pratique.

MANON
Je tremble à ce récit, approche-toi j'ai peur
Je sens au fond de moi un soupçon de malheur.

MAEL
Il ne faut pas laisser sujet qui s'obscurcisse.
Il a , j'ai bien compris, un grand bureau à Nice.

J'en ai trouvé l'adresse en ses petits carnets
Qui faisaient tant d'effet sur ma curiosité.
Il nous faut sans délai dévoiler son secret.
Mardi je volerai discrètement ses clefs
Puis nous prendrons sitôt le premier train pour Nice
Et irons explorer le lieu de tous ses vices.
Nous lui présenterons un prétexte futile
Pour partir tous les deux une journée en ville.
Il sera trop heureux de nous savoir sortis
Pour mieux organiser son lucre et ses orgies.

MANON
Voila un plan futé qui me paraît tenir
Mais j'ignore vraiment ce qu'on va découvrir...

puis après un silence

Mais je te vois trembler, tu sembles traversé
Par une onde magique proche des voluptés .
A la simple allusion des méfaits de Mathis
Se peut-il que ton corps dans le plaisir se glisse ?
Tout ton bassin s'agite, ton souffle est déficient
Et ton front qui ruisselle, et ton regard absent !.

Manon retire prestement le drap qui recouvre le corps de Maël allongé sur le ventre . Qui à son tour tente de le remettre sans y parvenir tout à fait.

Oh mon dieu peux-tu dire quel est cet instrument
Intimement planté là dans ton fondement ?

MAEL
Ne fais pas l'innocente. Tu le connais déjà,
Son nom et son usage, ses conditions d' emploi,
Celui-ci vibre en moi depuis près de deux heures
Pour cultiver l'effet avec sens et lenteur.
Il avive en douceur la sensibilité
De la fosse profonde , de ses tissus cachés,
Et progressivement en élargit l'accès
Pour rendre plus commode ce qu'on pourrait chercher.

MANON
C'est ma curiosité qui m'avait fait trouver ,
Dans la chambre de mère, dans ses tiroirs secrets,
Des boîtiers regroupant de ces pals synthétiques
A la forme évasée certainement pratique,
De tailles progressives, pour permettre en douceur
La dilatation lente de l'antre du sapeur.

C'est un plaisir subtil que l'on peut partager
Hommes, femmes, et autre, avec le même attrait ;
Quoique, nous connaissons la singularité
Dedans l'anatomie du mâle hominidé ,
Un organe discret si proche et si actif
Qui offre en profondeur, qui rend plus intensif
Le plaisir que la femme n'en n'aurait que partiel-...

MAEL
Je découvre l'envol d'une montée au ciel
A la simple présence de cet objet discret
Et je devine un peu ce qui m'arriverait
Si dans un jour futur, sans peur ni retenue,
Je m'offrais à l'entrée d'un semblable charnu
Même si je me convaincs que la situation
Me contraindra en force à bien des concessions.

MANON
Il me paraît bien sûr et tu t'en convaincras
Que l'opportunité, alors, qu'on t'offrira
Multipliera par cent les effets de transports
Sur les plans combinés de la tête et du corps...
En tout cas un conseil, pour n'avoir pas perdu
Dans ma mémoire et sur mes lèvres distendues,
Le souvenir lointain mais précis de Mathis
Je t'exhorte à choisir, sauf le choix du supplice,
Un diamètre plus large dans tes petits jouets
Pour mieux te préparer aux joies dont tu parlais.

MAEL
Je ne sais plus du tout s'il faut hâter ou non
Un rêve si confus, un songe en déraison,
Qui vient jour après jour, qui vient nuit après nuit
Dans mon esprit naïf, se montrer plus précis.
Mais que me contes-tu et qui m'anime tant ?
Dans mes extrémités, il bouillonne mon sang !
Approche toi ma sœur, joignons nos solitudes,
Pour réchauffer ton corps, soigner ma rectitude.
Notre union mimera le cocon prénatal,
Ce temps de l'ignorance et du bien et du mal
Nous étions tête-bêche au cœur du premier œuf.
Reproduisons-la en faisant soixante-neuf.

MANON
O nombre si mythique vu du Kamasutra
Ou sur les bas-reliefs du temple Lakshmana
Les artistes du monde, d'Hokusai à Wagener
Célèbrent son audace d'aujourd'hui et d'hier.

C'est, dit-on, sans emphase, ni autre périphrase,
La pose raffinée qui conduit à l'extase.
Pourtant , pour ce qui est du plaisir abouti
Je vois là sur tes draps des dessins en lacis,
Ils sont d'une fraîcheur et de belle étendue.
Aussi sans longue pause, mais comment pourras-tu
Malgré ta grande force et ta constitution,
De ton lait séminal , répéter l'éjection ?

MAEL
Il en bout déjà plein dans mes canaux noueux
A la simple intention de l'acte ueux.
Vois ! je me suis nourri des récits historiques
Où les liens familiaux de nature érotique
Unissaient frère et sœur, magnifiaient leur amour,
Dans un esprit ouvert de don et de secours.
Les exemples nombreux, ne les connais-tu pas ?
L'histoire a relaté la passion de Julia
Pour son empereur et frère Caligula,
Les mariages royaux des jeunes pharaons
Qui prenaient pour épouse, fille de la maison ,
Les Borgia, et bien d'autres, gente issue du clergé,
La Marquise-poison dite de Brinvilliers,
Isis et Osiris... et tous les anonymes
Qui se sont essayé à ce plaisir ultime...

MANON
Comme François-René et sa chère Lucile
Qui trouvèrent ensemble l'inspiration fertile
Par une belle histoire de passion fraternelle.


MAEL
Oui l'apport pour les Lettres a été essentiel..
Et je ne parle pas des passions hugoliennes
Qui donnèrent l'élan de poétique antienne..
Point de tabou ici ni de répression là
Le plaisir est lui seul l'enjeu de ces ébats ;
Et si quelque savant inspiré de morale
Réprouve ces unions comme destins fatals,
C'est pour la descendance qui en hérite mal
Des tares combinées de la femme et du mâle.
Pour sa part la nature n'a pas ces exceptions
Elle ne s'encombre pas de moralisation,
Et bien des animaux issus de même mère
S'accouplent sans souci de mal ou de bien faire...

MAEL
Aussi on peut user sans peur de descendance
A tout moment de l'an, en toute intempérance,
Sans risques, frères et sœurs, de façon opportune,
De deux voies infertiles, et qui nous sont communes.
...Mais ma langue durcit à beaucoup discourir
Allons ! prenons la pose, je m'en vais l'assouplir.

MANON
Oh mon frère adoré tu reprends de vigueur
Je la sens sous mes doigts la passion de ton cœur.
Des battements puissants semble endurcir ton membre...
Je le vois qui s'érige, je le vois qui se cambre...

Les deux adolescents prennent la position dite « congrès du corbeau » ou 69.

MAEL
Et ce petit bouton qui à son tour bourgeonne
Entre des lèvres fines que n'a souillées personne,
Je m'en vais d'une langue ardente et vibratile
L'aimer, le butiner, ô l'affolant pistil....
Et je sens, dans ta bouche, tout mon être se tendre...

MANON
Oh mon Dieu, un instant, je me dois de suspendre
De ton membre massif l'envahissement fol
Sous peine de mourir d'un arrêt de diastole ...
Je récupère un souffle altéré par le feu
Que me cause ta langue au laper savoureux...
Laisse aussi se détendre sous la pression du doigt
L'orifice secret, si nerveux si étroit,
Que je trouve assoupli par la fonction propice
Des objets vibrateurs aux délicats offices..

MAEL
Ah la douce caresse au fond de mes entrailles
A sa seule pensée, je sens que je défaille..
Mais tout en manœuvrant ton index si agile
Par pitié, dans ta bouche reprend l'objet viril
L'addition des plaisirs mène à l'exaltation..

MANON
Je reprends volontiers ma studieuse succion
Si pour ta part tu veux que ton doigt s'aventure
Aussi profondément dans l' étroite ouverture...

Puis pendant de longues minutes, alors qu'une douce musique envahit la pièce (qui couvre à peine le bruit de leurs succions) , Maël et Manon poursuivent leurs caresses.

MAEL
Ah ! Je jouis, j'exulte et je t'offre ma sœur
Au profond de ta gorge une amère liqueur...

Après quelques instants.

MANON
Et moi-même je suis traversée par la joie
Je devine un geyser qui s'écoule de moi...
Ne la sens-tu Maël cette onde qui nous prend
De part en part, partout, du dehors, du dedans
Qui nous rend amoureux du simple acte d'aimer
Et qui nous exténue par son intensité.

MAEL
Oui la tendresse vient et puis nous engourdit
Après cette effusion et cette frénésie..

MANON
Pour la deuxième fois je reçois le nectar,
La masculine source du dard aux jets bizarres ;
J'en perçois l'artifice, le sens et la nature...
L'abondance n'est pas, tout comme la texture,
Celles que je goûtai, à genoux, à ses pieds,
Des poussées de Mathis au fond de mon palais...

MAEL
Il ne tient qu'à toi et ta bouche de velours
De lui ouvrir tes lèvres et boire chaque jour
Le précieux élixir qui ne se perdra point
Dans le pertuis plus noir , délaissé, d'un conjoint.

MANON
A Mathis je ne peux lui offrir cette grâce
Puisqu'un de mes serments me conduit en impasse
Celui de rester vierge, à notre mère aimée
Et à notre despote, une vraie chasteté.

MAEL
Tu conçois qu'avec moi tu en a trahis un
En me laissant licher ton petit capucin.

MANON
Oh Mon Dieu j'oubliais qu'avec son propre frère
Il pouvait y avoir quelque péché de chair.
Bien vite, de ce pas, je m'en vais vers mon lit
Retrouver mon état , mon modus vivendi,
Qui conduit ma vertu pour ce qui est du corps
Mais me laisse penser, imaginer encore,
Et puis lire, et puis voir ce qui est licencieux
Sans qu'aucun de mes gestes, en impuissant aveu,
Ne puisse concéder un abandon physique.

MAEL
Il est l'heure en effet d'être un peu plus civique.
Demain tu supplieras Lola ou notre mère
De bien cingler le fouet sur ton petit derrière.
Elles en ont, je le pense, un très bon exercice
Plus doux en tous les cas que celui de Mathis...
Bonne nuit belle et moi bien allongé,
Je me remets en scène comme tu m'as trouvé..

Elle quitte la chambre, la lumière s'éteint.
Fin de l'acte VII








ACTE VIII SCENE 1 Lola, Anaïs
Salle de séjour de la villa, le lendemain.

LOLA
Madame vous semblez avoir mauvaise tête
Votre regard vitreux, cette mine défaite
Tout me laisse à penser que la soirée d'hier
N'a pas été pour vous une agréable affaire. 
Vous vous êtes apprêtée durant de longues heures
Moi-même j'ai veillé sur vous comme une sœur
Pour que vous deveniez au sein de l'assemblée
Et la plus désirable et la plus enviée.
Vous attendiez l'orgie comme un événement ;
Cela n'a pas été pour vous si ravissant ?

ANAIS
En langage d'amour soumis peut-on vraiment
Un moment prononcer le mot ravissement ?
C'est à chaque sortie une égale surprise
Ce qu'on y attendait ne semble plus de mise.
Bien que l'annonce fut l'adresse d'un donjon
Nous sommes descendus dans un endroit profond
Qui rassemblait déjà au moins douze personnes. 
La cave était voûtée , tous les sons y résonnent, 
Les femmes invitées     devaient déambuler 
En tenue bien légère qui laissaient dénudées
Les parties postérieures et les seins balafrés...
Elles étaient nombreuses les compagnes marquées
Par des coups de cravache , des séances de fouet,
Par des anneaux fixés, des marques de soumise,
Chaque maître apposant de ce fait son emprise.
La gente masculine de son côté allait
Plus librement dedans ce souterrain secret,
Les uns mis en costume d'autres en bas collants,
Qui mettaient en valeur leurs  attributs vaillants.
Nombre d'entre eux touchaient d'appréciables louanges
De par leurs homologues en prémices aux échanges.
Et chacun sa façon pour nous complimenter
Les uns par un regard, mais qui déjà promet,
Insistant sur nos formes rarement vertueuses,
Les autres en inspectant par une main fouilleuse
Les parts mises à nue, si dociles des corps
Anticipant déjà leur soif de Minotaure.
Il y avait chez eux un homme bien curieux 
A la tenue austère et aux traits ténébreux
Il n'était point venu avec une soumise
-Et J'ignorais ma foi la formule  permise-
Mais avec un garçon ravissant et gracile
Aux atours harmonieux, à l' air si juvénile 
Qu'on aurait pu craindre être hors de la loi,
Dépourvu de morale et susciter l'effroi,
Si d'avance on n'avait  reçu pour règlement 
De prohiber le lieu aux moins de dix-huit ans . 
Son visage si fin et ses formes plastiques
Et sa docilité, et ses airs angéliques...
Il avait en effet bien les traits d'un éphèbe.
Son maître le veillait comme le serf sa glèbe.
Il était tant à l'aise au cœur de la mêlée.
Recevant compliments et regards appuyés
Qu'on oublia bientôt la moitié des présents
-Des présentes plutôt-, remisées sur les bancs.
Une folie alors accapara les  hommes
Qui se mirent en chœur à  célébrer Sodome.
Chacun suivant son tour autant qu'il semblait plaire
Lui pénétra la croupe de son glaive de chair.
Le garçon haletait aux envahissements, 
Le plaisir se lisait sur son front rougeoyant 
Et c'est à peine si entre chaque saillie 
On lui autorisait    un moment de répit .
Ils usèrent chacun diverses positions
Selon les suggestions, selon l'inspiration.
En levrette, à genoux, allongé sur le flanc
Ou offrant sur le dos son beau visage franc.
Le jeune sodomite se sacrifia beaucoup.
Son maître décida de le prendre debout.
L'appuyant contre un mur , caressant son bas-ventre
Pour deviner l'effet qu'il faisait en son centre,
Il le laissa glisser vers un plaisir parfait.
 Tenant à pleine main,  pour mieux les écarter, 
Les deux lobes fessiers, le garçon lui offrait
A son épais pilon, l'orifice enserré.
Et Mathis dans tout ça ne fut pas le dernier 
A demander sa place dans la folle tournée
Et bientôt il passa dans le dos du garçon 
Puis tenant fermement sa taille de giton
Se caressa longtemps contre lui sans entrer. 
Je le voyais sourire et bien s'abandonner
Admirant le beau corps tout devant prosterné.
Enfin il pénétra par petite poussée
La voie qui désormais , à force d'être offerte,
A force d'être prise, lui semblait bien ouverte...
La séance pour lui dura un long moment 
Il sut se retenir,  faire le patient amant
Sans égard envers celle qui vous parle aujourd'hui 
Car il tint à ce que  je l'assistasse aussi :
J'avais aidé le sexe à trouver son chemin
Puis Mathis m'ignora, me laissa dans un coin.
A chaque coup de rein s'enfonçant davantage 
Dans le corps frêle et fin du jeune homme sans âge 
Je le vis s'enivrer de ce délice ardent...
Cela dura combien ? cela dura longtemps...
Tandis que moi, liée au pied de son couchage
Je n'étais qu'un témoin du coupable étalage.
Il y allait si fort et si profondément
Qu'en moi-même souffris pour l'éphémère amant.
J'ai pleuré, non d'effroi mais bien de jalousie,
Rageant de voir Mathis serein et épanoui
Faire ses va-et-vient dedans ce corps docile
Pour achever de jouir en tricheur homophile,
Et crier son bonheur, qu'en écho dans sous la voûte,
On entendit longtemps , au cœur de ce raout.

LOLA
Je les connais les hommes et leurs penchants déviants !
Le vôtre à tous les goûts qui font le bon amant.
De vous laisser ainsi faire tapisserie
Pendant qu'il se goberge, puis pendant qu'il jouit,
Est le signe flagrant qu'il veut vous affamer,
Vous mettre en pénitence et mieux vous retrouver !
Mais aujourd'hui, je sens qu'il cherche le repos,
Épuisé qu'il semble être par l'art du jouvenceau
Tant ces effets produits sur la gent masculine
Sont aussi foudroyants que ceux de l'atropine.
Si vous le souhaitez, pour vous réconforter,
Je puis trouver une heure, en milieu de journée
Et vous accompagner dans un secret alcôve
Pour vous faire éprouver des leçons d'amours fauves.
Je reviendrai vers vous , vous offrir mon étreinte,
Accompagnée d'outils de plaisir, de contrainte,
Qu'une liste exhaustive ne saurait être faite
Sans vous rendre impatiente, sans vous rendre muette...

Lola étreint Anaïs et l'embrasse ardemment sur la bouche.

ANAIS
Ce baiser si profond m'étouffe et m'ensorcelle
Il a le goût si fort d'un bâillon qui muselle.
J'ai bien hâte Lola, d'être sous ton contrôle
D'appuyer mon visage tout contre ton épaule,
Et L'entends-tu ma voix sans souffle qui hésite
Car tant à t' écouter mille pensées s'excitent ?
Et les vois-tu mes mains trembler à l'unisson
Tant à savoir bientôt que des liens les tiendront ?
Et le sens-tu mon pouls qui s'emballe en mon sein
Tant à le concevoir ce délirant instinct ?

Puis ayant tendu l'oreille

Mais silence j'entends des pas dans le lointain
Aucun doute permis c'est Maël qui nous vient.
Prépare le couchage et viens vite te dis-je
Avec ce qu'il faudra pour trouver le vertige.


ACTE VIII SCENE 2
Anaïs et Maël 

ANAIS
Ah Maël, mon cher fils, ne me demande pas
Ce que j'ai fait hier, je l'ai dit dit à Lola
Et tes jeunes oreilles assimileraient-elles
Les remous répétés de la fête charnelle ?
Non, je veux ce matin surtout t'entretenir
De ce qui fait pour moi source de déplaisir.
Je sais qu'aux premiers jours Mathis, ami, beau-père ,
Semble avoir , par ses actes, aigri ton caractère,
Faussé ta perception par sa parole altière...
Coupable empressement d'une amitié sincère
Qui simplement s'offrait, pour se montrer plus libre,
Sans vaine précaution, sans égard pour ta fibre...
Je le sens désolé de te voir s'écarter
A chacune des fois où tu peux le croiser,
Même ton regard fuit, ta querelle se tait,
C'est à croire que toi, tu ne sais où tu es.
Aussi je te demande un abord plus commode
Car je crains que bientôt sa patience s'érode
Il me semble en mesure comme ami plus que père
T'apporter l'affection, le soutien exemplaire.
Il n'a à ton endroit que générosité,
J'attends de toi plus de responsabilité.

MAEL
Je ne peux qu'avouer un embarras confus
A votre écoute, Mère... Ce qui est sous-tendu
Dans votre plaidoyer me vaut de sous-entendre
Une invitation ferme à ne plus me défendre.

ANAIS
Je te laisse à tes songes et plus à tes secrets.
Je ne pourrai jamais sonder tes facultés,
Tu conserves le masque en toute circonstance
Même ta mère avoue sa piètre incompétence...
Lola m'attend, j'y vais, je te laisse à Manon
Que j'aperçois venir du bas de la maison.
Ne parle qu'à mi-mots de ce bref entretien
Sa tête est trop emplie de fantômes sadiens.
Je veux qu'elle découvre un à un les désirs
A son temps, à son heure, elle a tant à choisir...

MAEL
Je me veux le gardien de sa virginité,
Mathis, pour la toucher, devra me trucider...

ANAIS
Dieu t'entende, mon fils, et ton seigneur aussi,
Qu'il veuille bien absoudre un esprit indécis...


ACTE VIII SCENE 3 MAEL MANON

MAEL
Je viens de discuter à l'instant avec mère
Et je ne sais plus bien où je demeure, où j'erre..

MANON
Moi non plus je ne sais ce qu'on attend de moi
Tantôt on me présente bien plus qu'il ne se doit
La grande variété des débauches perverses
Tantôt on veut me clore en un schéma adverse
Et me faire toute divagation
Que je veux exprimer de l'imagination.

MAEL
Bénie soit la contrainte qui t'est faite de taire
Une émotion qui vient comme au pied d'un calvaire
Et celle d'obéir sans aucune défense
Avec dans le regard les éclairs d'innocence
Au maître incontesté de ses gestes et dires...
Rien n'est plus éprouvant qu'être libre à choisir...

MANON
Anaïs, elle-même, égare sa raison,
Elle sombre en secret dans une dépression.
Car je crois que Mathis a changé d'attitude
Il la laisse éplorée, souvent, en solitude,
Pour mieux la corriger quand il le détermine.
Il lui promet parfois un destin d'Agrippine
Comme il attend de toi un signe singulier
Aussi fort que l'image obsède ses pensées.
Et pour mieux signifier sa détermination
Il Impose à ma mère ma présence aux sanctions.
Moi, toute assujettie, souple à ce qu'il exige
Lors de chaque séance qu'à ma mère il inflige
Je me dois d'endurer les genèses d'un rite
Quand il vient détailler ses manies sodomites
Ou les stades cruels d'un perpétuel supplice.
Puis vient le moment où , après ces longs prémices,
En plus de ma présence il veut mon assistance
Pour que la pauvre femme se trouve sans défense.
Pendant ces durs moments, aussi longtemps qu'ils durent,
J'assiste notre mère à trouver la posture,
Et je dois pour aider bien lui saisir les mains,
Les serrer sur mes lèvres quand il lui prend les reins
Pour sentir au plus près leurs mouvements profonds,
Entendre ici des râles, là des supplications...
Et je dois pour aider apporter les objets
Dont il se servira pour la bien corriger,
Puis maintenir un corps qui veut se dérober,
Endurer les sanglots, et les cris partagés....
Et je dois pour aider quand tout semble fini
Calmer les tremblements de cette chair meurtrie
Essuyer un visage tout inondé de pleurs ,
Garder les yeux baissés aux pieds de son seigneur...
A lui, à elle, à moi, et aux esprits qui rodent
Pour le respect glacé des rites et des codes
Tout est sujet d'ivresse dans ces sessions sévères
Tout est objet de spleen quand l'abandon opère.

MAEL
Je comprends mieux alors les propos sibyllins
Que mère prononçait en ce petit matin.
Aurais-je donc bientôt le devoir et l'envie
D'apporter sous ce toit un climat adouci ?
J'aviserai bientôt puisque dans quelques jours
Sonnera pour nous cinq le moment du retour,
Et j'aurai décidé de gré ou de raison
Le sort qui se dessine avec appréhension.

Puis se ravisant, après un silence.

Mais Manon, c'est demain que nous allons à Nice
Il me faut détourner les soupçons de Mathis
Par quelque stratagème que j'imaginerai
Il se doit d'ignorer quel est notre projet...
Mais silence j'entends qu'il vient d'un pas discret..

MANON
Adieu je t'abandonne, et pour toi je prierai...

Elle sort




ACTE VIII SCENE 4 Mathis, Maël

MATHIS
Mon ami, quel hasard, te voilà enfin seul,
Je te vois, on me fuit, tu te montres bégueule
J'en viens à redouter un manque de crédit,
Quel est le sentiment qui t'anime aujourd'hui ?

MAEL
La réserve pudique , uniquement, monsieur,
Je n'ai, à votre endroit, pas un seul contentieux.

MATHIS
Bien aise de t'entendre et de te voir sourire
Cette belle éclaircie, il me faut la saisir..
Profite bien des heures qui s'écoulent ici
Vas et viens, sans entrave , dans l'espace fleuri
Borne ton territoire et chasse les intrus ;
Ceux qui l'occuperaient te piétineraient nu
Si tu dénies en toi tes belles aptitudes
Tu interdis aux autres un choix de plénitude...
Vois le soleil venir, les journées s'accomplir,
Les corps contre les corps doucement s'avilir...
Et tu reconnaîtras ce qui se niche en toi
Le don de projeter les éclairs qui foudroient
De jouer la partition que composait Daphnis
Tout en engourdissant plus d'un damné Mathis

MAEL
Je ne peux décemment répondre à vos propos,
Ils se perdent un peu dans un large écheveau..
Voici tant de mystères et de sous-entendus
Que je les vois glisser comme corde au pendu...
Mais si vous me parlez d'une volonté forte
Qu'à l'emploi des plaisirs vous voulez qu'il importe ,
Je ne sais si un jour me pourra pénétrer
Dans le corps ou l'esprit , la chose ou bien l'idée...
Pour l'instant me voici empli d'incertitude
Et je n'ai pour tout dire plus la distance prude
Que je mettais naguère aux avances hardies
Quand Monsieur se tenait si près, pas loin d'ici...


MATHIS
Je te soupçonne fort de feindre l'innocence
Mais je ne peux vraiment le prendre comme offense.
Je comprends tes propos et tes hésitations,
L'acte mérite en soit la bonne initiation.
Moi-même chaque jour j'en cultive l'envie
Et la modération m'aiguise l'appétit.
Nous avons toi et moi devant nous quelques jours
Pour trouver la formule utile de l'amour...

MAEL
Puisqu'il en est ainsi nous irons à trépas ...
La dernière soirée je la passerai là
Accoudé au balcon et regardant la mer
J’aurai la tète vide et les reins découverts
Je me rappellerai des moments disparus...
Est-il utile enfin d'en dire beaucoup plus ?

MATHIS
Point besoin de hâter un désir si profond
Mais de bien l'exprimer fait franchir un jalon.

MAEL
Je ne sais cher Mathis ce qui me pousse à dire
Dans cet air étouffant qui souffle et qui expire
Mes pensées de l'instant que bientôt par méprise
Je me repentirai d'avoir ce jour émises...
Ce paisible jardin, les oiseaux nécessaires,
Voyez cette croisée qui donne sur la mer,
Imagineriez-vous que je m'y accoudasse ?
Que j'offrisse à vos yeux dans une ultime audace
Cette partie de moi que vous complimentiez
Tant de fois par bravade ou bien pour me flatter,
Que j'attendisse enfin le temps utile au rite
Votre approche tout contre, comme jadis vous fîtes,
Que subrepticement vous levassiez mes nippes
Dans un geste appliqué qui resserre les tripes,
Que vous découvrissiez mon corps brûlant et nu
Dans la pose d'offrande à vos reliefs charnus,
Que vous ne tinssiez  plus à tant d'égarement,
Que vous écartassiez  deux choses en tremblant,
Que vous...

MATHIS
...Basta ! tais-toi, c'est moi qui jugerai
Et du jour et de l'heure où je te pourfendrai,
Comme de la façon d'aborder et de faire
Ce qui semble agacer ta jeune et douce chair ...
Sache que ce n'est pas parce qu'un jouvenceau
Cette nuit m' a offert longo, ritardando
La symphonie des corps, la sonate à la lune,
En spectacle devant une large tribune,
Que ma faim tout à coup s'en trouve rassasiée...
Mais aujourd'hui, vois-tu, je veux me reposer,
Trois jours consécutifs avec deux partenaires
Il m'en faut un de plus pour aborder un tiers.

MAEL
Demain, s'il vous agrée, je prendrai la journée,
Il me faut réfléchir avant de se livrer .
J'irai avec Manon, elle est de bon conseil
Pour ce qui chaque nuit perturbe le sommeil
Et chaque jour qui suit tourmente les esprits.

MATHIS
Prends le temps qu'il te faut, tu es tant indécis,
Manon possède en elle un fond de connaissance,
Une intuition, du charme, un vœu de dépendance,
Il est bon d'éduquer en elle des pensées
Qui l'aident à mûrir dans sa passion d'aimer.
Mais hors de cette enceinte où elle est enfermée
Surveille tous ses actes et guide ses pensées.
Les hommes ont pour elle une attraction certaine,
Sans effort, je la sens succomber aux fredaines...

MAEL
J'y veillerai chaque heure et couperais sa main
Qui pourrait effleurer celle d'un galantin...

Fin de l'Acte VIII

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