Mon Ingénieur Et Le Petit Ange Roux

Mon couple partait à vau-l’eau…

Mon homme n’avait même pas pensé à fêter mes vingt-sept ans. Je lui avais trouvé une excuse de plus, mettant cela sur de la fâcherie entre les mecs et les dates d’anniversaires…

Nous étions ensemble depuis six mois et cela faisait plusieurs semaines qu’il ne m’avait pas touchée. Depuis un moment déjà, il laissait filer le temps entre nos rapports, comme pour m’habi à son absence et à mon isolement. Il travaillait de plus en plus tard et recommençait à sortir le soir avec ses collègues et ses amis. J’avais très peur de me retrouver seule, comme avant, repartir dans mes longues soirées et week-end de déprime. En plus nous étions en automne et l’hiver arrivait, avec le froid, la pluie et le brouillard parisien. Je suis une fille du sud en manque de soleil et de ciel bleu. J’avais peur et me tétanisais dans ma solitude. Je repris mes prières à Sainte Rita.

Quand j’entrebâillais légèrement la porte de la douche, tôt le matin, je voyais mon homme se donner des plaisirs solitaires. Je me cachais dans le noir de la chambre comme une petite souris et le regardait faire dans le reflet du miroir. J’avalais mes pleurs comme une petite conne en voyant mon homme se faire plaisir. Il se passait du savon sur tout son corps d’ingénieur frêle et imberbe. Puis il allait réveiller sa queue qui se tendait sous son invitation. Et dans la fluidité des bulles de savon, lubrifié, il accélérait ses mouvements de plus en plus rapides, de plus en plus longs. Puis il éjaculait cette semence qui était mienne, qui aurait dû se trouver en moi ou sur moi. Il me volait cet orgasme qui m’aurait donné tant de plaisir. Et ce sperme doux et chaud s’évadait tristement dans la bonde de la douche.

Je trouvais que tout cela était injuste ; cette semence était mienne. Je voulais embrasser mon chéri avec, ou bien qu’elle coule sur mon cou, sur mes seins, sur mon ventre, sur mon sexe blond et rose d’envie.

Ou que ce sperme épanche sa douce chaleur au plus profond de n’importe quel autre de mes orifices. Ce jus d’amour était mien et cette douche me le volait. Je ne pouvais retenir mes larmes à chaque fois et repartais me mettre en boule sous la couette, faisant semblant de dormir.

Mon homme traversait la chambre sans bruit, dans l’obscurité. Il partait à son travail depuis quelques semaines sans m’embrasser, soi-disant pour ne plus me réveiller et me laisser dormir une demie heure de plus. Pourtant je ne demandais qu’à être réveillée et qu’il me fasse l’amour. Dès son départ, j’allais à mon tour faire la même chose que lui, me caresser sous cette même douche. C’était mon rituel, comme pour rester en harmonie avec mon homme. Respirer à son rythme, m’imposer la même cadence, utiliser le même savon, les mêmes bulles, arriver aussi vite que lui. J’espérais au fond de moi regagner ainsi son amour. Que cette communion de plaisir, cette même pratique sexuelle identique nous unisse à nouveau. Comme si utiliser le même lieu pour un même usage puisse sauver notre couple par mes prières.

Je m’ouvris de mes difficultés à une ex-collègue de travail du même âge que moi. Car pour être honnête, de meilleure amie, je n’en ai pas. Ma grande timidité m’empêchait de me livrer totalement. C’était disons la seule copine que j’avais. Nous étions totalement opposées. Elle était volubile moi réservée, elle brune moi blonde, elle grande moi petite, elle poitrine généreuse moi petits seins. Nos différences nous faisaient rire. Elle m’encouragea comme d’habitude à devenir plus sexy, à ne plus m’habiller avec des vêtements larges d’étudiante attardée, à me maquiller, à porter de la lingerie fine et de me lâcher sexuellement. Tout cela n’était pas moi, mais pas du tout alors, étant en plus absolument pas sûre de moi. Si je devais me lâcher ce serait dans un mariage romantique avec au moins deux s. Cela la désespérait sur mon cas et sa conclusion tomba : si je ne changeais pas, alors, ment, les choses n’allaient pas s’arranger dans mon couple.
Nous allions nous séparer. Et honnêtement nous en avions bien pris le chemin.

Ma copine me posa des questions sur notre sexualité et je bottais en touche, évitant le sujet. Je n’aimais pas parler de cela. Elle ne lâcha rien, insista, me demanda quels étaient nos fantasmes, nos désirs, nos envies. Je réalisais alors que nous ne parlions jamais de ces sujets avec mon ingénieur. Nous étions deux personnes sous un même toit, avec deux vies et des trajectoires différentes. Certes, je lui avais confessé que j’avais eu deux expériences lesbiennes dans mon petit passé. Il m’avait posé beaucoup de question là-dessus. Je savais aussi qu’il aimait les brunes aux yeux bleus, du type un peu intello gauchiste tendance grande gueule révolutionnaire. Moi je craquerais plutôt un grand brun latino baraqué. Mais c’était tout.

Suivant les conseils de ma copine et pour rompre un peu la monotonie des séries Netflix de notre jeune couple, je suggérai de sortir au restaurant le samedi suivant. Un bon indien ferait l’affaire ou un thaï. Tout était complet et on tourna un moment dans la rue piétonne Montorgueil. J’avais mis une petite robe noire classique avec un peu de maquillage, relevé mes cheveux pour dévoiler mon joli cou et portais un soutien-gorge généreux de type push-up. Rien de rebelle et surtout rien de provoquant, mais je me sentais au fond de moi comme une poupée Barbie. Tous les regards me semblaient être posés sur moi et mon trouble grandissait à chaque paire d’yeux insistant que je croisais. J’avais l’impression d’être dévisagée, regardée de haut en bas et que les gens se retournaient sur moi. Les terrasses de café étaient pleines à craquer. Les gens me paraissaient tous géants, agressifs, rapides, pervers. J’avais l’impression d’être nue, regardée par des chasseurs comme un petit animal sauvage apeuré, une proie.

Mon homme me prit la main pour la première fois depuis longtemps et mon cœur se mit à battre. Il me protégeait de tous ces gens, de la foule.
Je me collais tellement à son bras que je sentis qu’il bandait. J’étais fière de moi, de mon effet sur lui. Mes peurs de le perdre, de me retrouver seule s’effaçaient. Ma confiance et mon estime remontaient. Il fallait je le séduise, que nous refassions l’amour au plus vite.

Dans une petite rue parallèle on tomba sur un bio vegan qui venait d’ouvrir. L’établissement était absolument vide. Un petit ange roux avec une peau de lait nous invita à nous asseoir avec toute l’excitation d’accueillir les premiers clients de sa vie. Elle devait avoir dix-neuf ans, tout juste, probablement étudiante, aussi nerveuse que moi. En me tendant le menu nos mains se touchèrent et nos yeux se croisèrent. Nous tombâmes toutes les deux dans un océan de douceur et de fébrilité. Nos sens étaient en harmonie absolue, aux aguets, en attente, en demande. Notre niveau d’émotion à chacune de nous était tel que nos âmes se connectèrent, nos neurones, notre respiration. Le doigt de Dieu venait de nous toucher. Un coup de foudre immédiat. J’en perdis ma respiration, et ma parole. Le choc était réciproque, pur, sublime. Elle était rousse aux yeux verts, habillée ethnique vintage bobo.

Le regard de mon homme posé sur nous deux changea le cours des choses. Il avait visiblement adoré nous voir succomber l’une à l’autre. Nous fîmes l’amour toute la nuit. Nous avions vite mangé, étions vite rentrés à l’appartement. Il m’avait prise comme jamais sur la table de la cuisine, puis dans le salon puis dans le lit. Comme au premier jour. Mon sexe était douloureux et repu d’amour. Le lendemain j’avais eu droit à un petit déjeuner au lit et à des tendres câlins de sodomites. J’avais même reçu des compliments sur ma tenue de la veille. J’avais enfin retrouvé mon homme et en ressentais une grande fierté. Je pensais déjà à Noël dans ma famille, au grand repas de fête, au soulagement de mes parents de me savoir enfin en couple. Peut-être me ferait il la surprise de m’offrir la bague de fiançailles et demander ma main à mon père ? J’irai porter un cierge à Sainte Rita.


En allant nous balader ce dimanche après-midi, mon cœur se mit à battre à tout rompre quand mon homme me fit passer devant le restaurant de la veille. Était-elle là ? Allais-je la croiser ? Agrippé à son bras, je lançais des regards fuyants vers la devanture et quand je la vis ma respiration se coupa. Mon homme stoppa, me laissant la regarder. Le petit ange roux sentit ma présence comme par magie et se tourna lentement vers nous. Dans nos yeux passa cette lumière magique de la veille. Nous rentrions l’une dans l’autre comme si un rayon cosmique nous unissait. Tout n’était que silence dans cette rue bruyante et je ne sentais que son parfum.

À peine de retour à l’appartement, mon ingénieur me pris en levrette contre le mur de l’appartement avec une force que je ne lui soupçonnais pas. Il m’avait même arraché mon shorty. Nous refîmes encore l’amour ce soir-là. J’étais dans un trouble indescriptible, ne sachant pas ce qui m’arrivait, totalement débordée par mes émotions et mon ressenti. Mes pensées étaient chez elle et chez lui en même temps. J’étais amoureuse des deux. Je flottais d’un orgasme à un autre, tellement heureuse d’avoir sauvé mon couple et d’avoir croisé cet ange porte-bonheur.

Après ce week-end de folie, le lundi matin, je trouvai enfin la force et la confiance de partir prendre la douche avec lui. Et tout en félinité, en sensualité, sous cette eau chaude, je le masturbai jusqu’à ce qu’il éjacule au plus profond de ma gorge. Je lui chuchotai au creux de son oreille que plus jamais je ne voulais que son sperme ne me quitte par la bonde de la douche. Et je lui fis jurer qu’il en serait ainsi. Désormais il n’éjaculera qu’en moi ou sur moi, pour le restant de sa vie. Nulle part ailleurs.

Mais ce serment prêté par mon homme n’avait été que dans mon rêve du lundi matin. Je ne l’avais rejoint sous sa douche qu’en pensée, cachée en pleur dans le noir de la chambre. C’est seul qu’il continua à prendre ses douches masturbatoires tandis que je sanglotais. Je n’avais jamais osé lui dire ma vérité, mes attentes, mes désirs. Pourtant je voulais lui offrir ce que d‘autres femmes n’osent pas donner, si seulement il me l’avait demandé. Je voulais être unique pour lui, différente des autres, mais ma timidité maladive m’en avait empêché. J’aurais dû le lui crier. Il aurait dû le deviner.

Tous les jours de la semaine en passant devant le restaurant je ne vis plus cet ange à la peau laiteuse, cette belle rousse, pleine de taches de rousseur. J’étais à la fois déçue et rassurée. J’avais très envie de la revoir, mais aussi peur pour mon jeune couple. Notre rencontre avait agi sur mon chéri comme un aphrodisiaque diabolique l’espace d’un week end seulement.

Le vendredi, je partis déjeuner à ce restaurant avec ma copine. Je lui avais tout avoué dans la semaine et elle m’avait posé mille questions sur le sujet, toute excitée par ce retournement de situation dans notre couple. Assaillie de questions plus intimes les unes que les autres, je finis par craquer sous la pression. Je lui décrivis dans les moindres détails notre dernier week-end. Elle aussi était surprise des performances sexuelles de mon frêle ingénieur.

Elle osa demander à la patronne où était la jeune serveuse de ce week-end. Et celle-ci répondit qu’il n’y avait jamais eu de serveuse ici à part elle. Devant son assurance je crois bien que ma copine me prit pour une folle mytho. À son regard je compris que je passais pour la plus stupide des petites menteuses. Je m’enfermais donc dans un silence coupable, recroquevillée dans ma coquille.

De toute façon ma copine et moi n’étions pas vraiment faites pour devenir un jour des amies. Elle se mit en couple avec mon ingénieur le mois suivant. Il ne lui avait fallu qu’une soirée entre « amis » pour me le piquer. Je perdis donc mon Homme et ma seule copine en une seule fois, le même jour. J’aurai dû me douter à la façon qu’elle avait de rigoler à ses blagues de geek et à lui balancer son décolleté plongeant sous ses yeux. Visiblement, avec mes confessions de petite conne je lui avais donné envie de se faire démonter par un ingénieur imberbe. Ils se marièrent deux ans plus tard et eurent deux s.

C’est donc célibataire que je passa Noël en famille, conformément à la tradition.

Le petit ange roux travaillait uniquement les week-ends de façon non déclarée. La patronne avait pris mon ex-copine pour un agent du fisc. L’hôtel des impôts n‘était pas loin et certains lâchait la cantine le vendredi midi pour s’encanailler à l’extérieur. C’est par le plus beau des hasards qu’un dimanche pluvieux et froid, avant le premier de l’an, je recroisai ce superbe rayon de soleil éblouissant. Nous passâmes le réveillon ensemble. Notre connexion fut aussi belle et intense qu’au premier jour.

Cet ange s’appelle Rita.

La morale de cette histoire est qu’il faut toujours faire confiance à l’amour, et ne pas essayer de retenir des gens qui ne sont pas pour vous.

Comments:

No comments!

Please sign up or log in to post a comment!