La Bague

Une brume de novembre caressait la surface de l’eau à peine ridée par une brise légère. Le long du rivage du lac d’Arponce, des arbres aux feuilles plus ou moins rousses bordaient un chemin de terre que Renaud parcourait lentement d’un pas régulier. Dans les prés adjacents, quelques rares bovins arrachaient paisiblement, çà et là, l’herbe encore verte et grasse d’un geste précis de leur grosse tête aux yeux globuleux. Renaud agrippa le bâton que son chien lui rapportait en remuant la queue et le lança loin devant lui. L’épagneul démarra comme une flèche et ne mit pas longtemps à en reprendre possession. Avant de ramener le trophée à son maître, il prit soin de parader fièrement afin de bien montrer combien il était adroit. Le jeu recommença jusqu’à ce que le promeneur et son compagnon à quatre pattes parvinssent à une construction ancienne à l’entrée du village de Saint-Paul-en-Vercors. Renaud lança une nouvelle fois le bâton, mais le chien ne voulait plus jouer. Il avait reconnu la maison dont le toit recouvert d’ardoise soutenait deux pignons à redents et fonça dans la cour retrouver sa maîtresse pour lui faire la fête. D’un geste, la vieille femme le renvoya à l’intérieur de l’air bourru que l’on prend pour faire croire que l’on est en colère. L’épagneul ne s’y trompait d’ailleurs pas en regagnant d’un trot guilleret sa couverture sur laquelle il se coucha en rond, le nez à la porte entrouverte, prêt à bondir au moindre appel. La mère rangea son arrosoir dans un antique clapier à lapins dépourvu de fermeture et accompagna Renaud à la cuisine où ronflait une cuisinière à bois. Constatant que son fils avait les mains vides, la vieille femme fit sur un ton de reproche :
— Tu n’as pas rapporté de champignons, je suppose ? C’est pourtant l’époque.
— Non, maman, tu sais bien que je n’y connais rien en champignons et je n’ai pas envie de m’intoxiquer.
— Si ton pauvre père voyait quel fils tu fais… fit-elle en levant les yeux au ciel.


— Je sais maman, tu me l’as déjà dit. Non ! Je n’aime pas la chasse, non ! Je n’aime pas le football, non ! Je n’aime pas le gros rouge qui tache, et enfin non, je ne ramasse pas les champignons…
— Tu oublies « Non ! Je ne cours pas les filles », répliqua la mère sarcastique.
— Ah ! Nous y voilà ! Oui, je suis homosexuel. Et puis ? C’est vous deux qui m’avez fabriqué, alors ne t’en prends pas à moi, s’il te plait.
— Tu sais courir après les garçons, eh bien ! Fais la même chose, mais avec une fille nom de nom. Tu as trente ans, tu devrais songer à te marier plutôt qu’à faire tes saloperies !
Renaud ne répliqua pas et quitta la cuisine sous l’œil attentif du chien. Cette conversation revenait sur le tapis au moins une fois par mois et cela le lassait. Regagnant sa chambre au premier étage d’un pas lourd, il ressentit soudain dans l’escalier un courant d’air inhabituel et froid sur les épaules. Il leva la tête, la porte du grenier s’était ouverte. Renaud grimpa un niveau de plus et voulut fermer l’accès, mais la gâche s’était détachée. Soupirant et jurant entre ses dents, il entra dans la pièce poussiéreuse et encombrée pour tenter de remettre en place le mécanisme. Il poussa la porte avec difficulté, puis referma derrière lui et actionna un interrupteur. Une ampoule nue et grise s’éclaira au bout de son fil en se balançant mollement au gré des courants d’air. En cinq secondes, il remit la gâche dans son logement.
— Voilà, c’est réparé jusqu’à la prochaine fois, fit-il à mi-voix.
Puis se retournant, il parcourut d’un coup d’œil circulaire les étagères de bois brut et songea :
— Cela fait bien longtemps que je ne suis pas monté ici. Tiens ? Cette malle n’était pas là la dernière fois…
Il s’approcha d’une grosse valise brune, poussiéreuse et au couvercle de carton bouilli déchiré.
— Il y avait sûrement ce tapis dessus auparavant, dit-il en dégageant du pied une vieille carpette pliée en quatre qui gênait l’ouverture.
Il souleva le couvercle.
— Qu’y a-t-il là-dedans ?
Il laissa errer son regard dans le bric-à-brac qu’il venait de dévoiler.
— Ce sont les affaires du père on dirait…
Renaud fouilla parmi les livres, les pipes et tabatières, les journaux, les médailles de concours de pétanque et autres breloques pour s’arrêter sur une grossière boîte en bois verni qu’il ouvrit. Une bague de bronze côtoyait un morceau de papier plié en quatre. Il prit le bijou et le détailla. C’était une chevalière sans valeur, avec un curieux emblème gravé en relief sur le chaton circulaire. Un cercle sous lequel figurait une croix disposait d’une flèche orientée à l’opposé, les symboles de la féminité et de la masculinité mêlés en un seul blason. Vu le peu de valeur apparent de cette bague, Renaud fit la moue et la remit dans la boîte. Il déplia le papier et reconnut l’écriture de son père :
« Nous n’aurions pas dû l’essayer. C’est peut-être à cause de nous qu’il est comme ça. Je suis désolé. Robert »
Renaud, circonspect, relut le texte plusieurs fois. Une chose était certaine, c’est que son père avait porté la chevalière et bien qu’il ne comprit pas le reste de la phrase, il décida de faire de même. Reprenant la bague dans l’étui il se posa la question de savoir dans quel sens il devait la passer. La croix vers lui ou la flèche ? Il fit tourner l’anneau entre ses doigts à hauteur des yeux et convint que la flèche en avant était le plus esthétique. D’un geste prompt, il l’enfila à son annulaire gauche, la croix vers lui. Un souffle d’énergie indolore s’empara de lui, il vacilla…
— Que s’est-il passé ? fit-il à haute voix après avoir retrouvé son équilibre. Puis, croisant son reflet dans une psyché recouverte de toiles d’araignée, il s’empêcha de hurler en portant la main à sa bouche.
— Qu’est-ce que ça veut dire ?...
*
Deux semaines s’étaient écoulées depuis cette découverte. Un lundi, il était sept heures du matin, Renaud jeta son sac dans le porte-bagages prévu à cet effet et se laissa choir sur le fauteuil fatigué d’un autocar qui ne l’était pas moins.
Direction Grenoble, à douze kilomètres de Saint-Paul-en-Vercors. Il ne pouvait y aller par ses propres moyens, car une légère infirmité avait contraint Renaud à abandonner son permis de conduire à la Préfecture. Un accident stupide, provoqué par un automobiliste distrait, avait réduit la mobilité d’un de ses bras. Le côté positif de l’affaire, est que la compagnie d’assurances adverse lui avait versé un capital confortable et lui payait une pension qui lui permettait de vivre modestement, mais décemment sans travailler. Pas très courageux, il appréciait fortement cette oisiveté e. Le chauffeur lança le lourd moteur diesel ce qui ébranla la carlingue et intensifia l’éclairage dans l’habitacle. Une demi-douzaine de femmes âgées munies de leur cabas se pressèrent pour prendre place, des écoliers grimpèrent en riant et jacassant et le car démarra aux deux tiers vide. Le chauffeur arrêta son engin dans deux autres villages, quelques personnes montèrent, dont beaucoup d’s qui allaient en classe à Grenoble. Peu avant huit heures, le car stoppa à un lycée grenoblois où les élèves descendirent et un quart d’heure plus tard à la gare routière où le reste des passagers quitta le véhicule.
Renaud avait opté pour une chambre dans un hôtel proche qu’il connaissait bien. Quand il voulait un peu d’indépendance, il venait s’y réfugier quelque temps. Cela lui permettait entre autres de fréquenter les boîtes de nuit gay de la ville à la recherche d’une aventure d’un soir ou d’une semaine. Les patrons, qui connaissaient maintenant bien ce client, lui accordaient des privilèges particuliers comme celui de posséder une clé de la porte arrière pour rentrer aux heures de fermeture de l’accueil.
— Bonjour monsieur Defoix, dit une voix féminine enjouée. Ça fait longtemps qu’on ne vous avait pas vu.
— Bonjour madame Verjus. Oui, j’étais chez ma mère à Saint-Paul.
— Je vous donne la 8 comme d’habitude, elle est libre depuis plus d’une semaine ! répondit la gérante de l’hôtel ignorant la réponse apportée par Renaud.
Elle décrocha d’un tableau de bois ciré une clé dont le porte-clés était une boule de billard américain affichant le numéro de la chambre et une autre clé plate et sans porte-clés.
— Celle-ci, je ne vous dis pas à quoi elle sert… termina-t-elle en souriant et en clignant de l’œil d’un air entendu.
Renaud s’empara des clés d’un geste en la remerciant, prit son sac et se dirigea vers l’escalier. Parvenu à l’étage, il poussa la porte de la chambre et une odeur de renfermé lui saisit les narines. Fermant les volets de la fenêtre, il laissa toutefois les vitres ouvertes quelques instants pour renouveler l’air. Le temps de ranger ses affaires et il referma, car le froid envahissait la pièce. Se saisissant d’un sac qui était resté à l’intérieur de son bagage, il en étala le contenu sur le lit. Soutiens-gorge, petites culottes, collants, chemisiers, jupe, robe… Il regarda le tout avec circonspection.
— Je dois maintenant essayer tout ça, dit-il à mi-voix.
Renaud vérifia que la porte de la chambre était bien fermée et verrouillée puis se déshabilla et, quand il fut nu, s’allongea sur le lit à côté des vêtements épars. Prenant la chevalière de bronze qu’il avait posée sur la table de nuit, il la passa au doigt côté croix vers lui. Une forte énergie se dégagea, Renaud ferma les paupières, des phosphènes scintillants se mirent à étinceler. Quand ce fut terminé, il rouvrit les yeux puis s’assit en face de l’armoire à glace. Son reflet était celui d’une jeune femme magnifique, blonde et bouclée. Il se leva, la femme en fit autant. Il détailla son visage, sa poitrine, ses mains, son ventre, son sexe, ses jambes et se dit :
— Mon Dieu, aidez-moi à ne pas perdre la tête !
Certes Renaud était un homosexuel passif, quelquefois actif selon l’envie du moment, mais il avait déjà eu dans le passé des expériences avec des femmes. Son homosexualité ne s’était révélée à lui que plus tard au contact d’hommes virils, mais portés sur les hommes jeunes, blonds de préférence, fluets et peu poilus, ce qu’il était. Cependant, il était frustré par le fait qu’une infinité de mâles plus beaux les uns que les autres étaient simplement hétérosexuels et qu’il n’aurait jamais leurs faveurs. Ce pouvoir merveilleux de se changer en femme, faculté inespérée pour lui, allait lui permettre d’approcher les étalons les plus sexy et de les amener dans son lit. Il avait testé la bague plusieurs fois chez lui à Saint-Paul. En la passant côté « croix », il se transformait en femme. S’il la portait la « flèche » vers lui, il redevenait homme. S’il retirait la bague, il restait femme ou homme selon sa dernière transformation. Qu’adviendrait-il si, une fois transformé en femme, il jetait la chevalière au fond d’un puits ? Devrait-il rester ainsi toute sa vie ? Le voudrait-il vraiment ou bien, malgré son orientation sexuelle, était-il simplement tenté comme la majorité des hommes dans leurs fantasmes, de vivre l’expérience d’une relation intime avec un sexe qui n’est pas le sien ? Il savait que, quelle que soit la virilité d’un homme, il existe toujours une part de féminité en lui. Il en avait fait l’expérience plusieurs fois quand, après l’avoir sodomisé, son partenaire sexuel lui avait pratiqué une fellation jusqu’à éjaculation. Juste après son propre orgasme, Renaud avait quelquefois remarqué un remords honteux sur le visage de l’autre, ce qui l’avait fortement étonné. Des amis travestis lui avaient aussi confié que, si les hommes avec qui ils couchaient aimaient leur aspect féminin au premier abord, ce sont leurs attributs virils qui les attiraient, surtout s’ils sont épilés et de petites tailles, atrophiés par les hormones qu’ils absorbent. Peut-être minimisent-ils ainsi leur sentiment de culpabilité ? Ou bien prennent-ils plaisir à se sentir supérieurs en raison du calibre de leur propre sexe ? Soudain, une pensée lui vint et il se rallongea. Il ferma les yeux et, de sa main fluette, se caressa les poils pubiens. Peu après, il glissa son médius entre les deux lèvres de son nouveau sexe. Il avait fait jouir des femmes dans le passé, mais ignorait tout de ce qui pouvait se passer dans leur corps. Il allait enfin savoir…
Son doigt essaya de trouver un peu de lubrifiant dans le vagin, mais il était encore trop sec.
— Il faudrait peut-être que je pense à quelque chose d’excitant, se dit-il. Les fantasmes d’une femme hétérosexuelle doivent ressembler à ceux d’un homme homosexuel…
Son esprit se mit alors à divaguer, voguant de corps d’homme en corps d’homme. Il se voyait pratiquer des fellations sur des glands énormes, ou se faire sodomiser par des phallus monstrueux. Il ne parvenait pas à s’imaginer être pénétré dans le sexe dont son corps était doté, mais pas son esprit. Cela fut efficace tout de même ; les lèvres de sa vulve laissèrent perler un peu de cyprine et le vagin s’ouvrit sous l’insistance de ses deux doigts qui en ressortirent trempés. Il se hasarda à remonter le médius en haut des lèvres pour chercher le petit bouton qu’il savait trouver là. Il le découvrit facilement et entama une caresse circulaire appliquée. Afin de maintenir dégagé le clitoris, il tira légèrement le capuchon de son autre main. Il poussa un soupir malgré lui, sa voix lui parut étrange, il avait déjà oublié qu’il était femme. La sensation sur son clitoris était la même qu’une langue autour de son gland en dix fois plus fort. Il se prit au jeu des soupirs et accéléra son va-et-vient en allant chercher le lubrifiant nécessaire aussi souvent qu’il le fallait. Soudain, ce fut le flash, l’orage, le râle bestial de la jouissance, la rotation du doigt à toute allure, la cyprine coulant à flots propulsée par les contractions spasmodiques du vagin, la tempête, les vagues, le déferlement puis l’écume qui s’étale lentement pour être rappelée par le ressac. Plusieurs vagues furent nécessaires pour stopper la tourmente. Renaud desserra les cuisses qui s’étaient crispées malgré lui et reprit son souffle péniblement.
— C’est donc ça une femme ! Si elles savaient combien nous leur sommes inférieurs, Tirésias avait bien raison quand il disait que la femme éprouvait bien plus de plaisir que l’homme… pensa-t-il.
Il n’avait pas déplacé ses mains et son doigt était resté sur son clitoris. Machinalement, il se mit à le caresser de nouveau. Il fut tout de suite tenté d’aller jusqu’au bout. Il s’arrêta aussitôt.
— Et plusieurs fois de suite si elles veulent… constata-t-il à haute voix. Des orgasmes plus puissants, plusieurs fois de suite et qui durent plus longtemps, les hommes sont de bien piètres jouisseurs…
Renaud se leva et passa à la douche avant d’enfiler des vêtements plus en accord avec sa morphologie actuelle. Il avait choisi des chaussures élégantes dotées d’un talon raisonnable, une robe de laine grise moulante et courte, un collant noir transparent à motifs géométriques et un trois quarts noir arrivant à mi-cuisse au même niveau que la robe. Une écharpe de soie couleur feuille morte soulignait la blondeur de ses cheveux longs. Respirant profondément, il sortit de la chambre et se retrouva dans la rue par la petite porte de l’hôtel. Il se sentait mal dans cette peau, il avait l’impression que tout le monde le voyait tel qu’il était vraiment et riait de son déguisement. Il se rendit vite compte que les regards qu’il attirait étaient essentiellement ceux des hommes dont la lubricité ne faisait aucun doute. Quelques femmes toutefois regardaient sous cape cette beauté divine qu’il était devenu. Parfois avec envie, parfois avec désir charnel, parfois avec jalousie, mais toujours avec admiration. Il s’habitua rapidement à sa condition féminine, à ce léger balancement des hanches qui rendait sa démarche élégante et fluide. De même, il apprit très vite à répondre d’un regard gêné aux œillades appuyées des hommes qu’il trouvait beaux et d’un œil courroucé aux autres. Il compléta sa pauvre garde-robe par des emplettes dans des boutiques où il n’avait jamais mis les pieds, servi par des vendeuses qui lui parlaient comme à une femme qu’il était. Il entra plus tard, embarrassé de paquets dans un salon de thé où les seules clientes étaient des femmes. Il se rendit vite compte que les conversations ne tournaient pas seulement autour des s et de la mode. Il était souvent question des hommes et de leurs travers et quelquefois même de leurs attributs virils. Une femme seule devant sa tasse ne disait rien. Élégante, mince, les cheveux courts et bruns, une quarantaine à peine sonnée, la main sous le menton et le coude sur la table, elle contemplait Renaud avec une envie toute saphique. Curieusement, ce regard-là fut celui qui le gêna le plus. Il ne sut comment y répondre et la femme s’aperçut de son trouble. Celle-ci se leva et vint prendre une chaise à la table de Renaud.
— Vous permettez ? fit-elle
Renaud acquiesça d’un mouvement de tête et d’un sourire de circonstance.
— Je ne vous ai jamais vue dans ce salon. Vous venez de loin ?
— Je suis grenobloise depuis peu, avant j’étais parisienne, mentit Renaud en se forçant sur la forme féminine des termes employés.
— Ah ! Paris, quelle belle ville ! Tous ces monuments, ces musées, ces avenues, ces restaurants… À propos, il est bientôt treize heures, avez-vous déjà déjeuné ?
— Non, je n’y ai même pas encore pensé. J’étais juste venue pour un thé…
— Ce serait dommage ! Non loin de chez moi, il y a un restaurant bio. Nous pourrions y aller ; vous verrez, toutes les calories sont marquées sur le menu. Je suppose que vous faites attention à votre ligne, ajouta-t-elle en détaillant ostensiblement Renaud de la tête aux pieds.
Renaud éprouvait un certain malaise. Cette femme n’avait pas le regard lubrique d’un homme, mais ce n’était pas non plus celui de celles qu’il avait déjà rencontrées. On aurait dit un mélange des deux.
— Appelez-moi Valérie et je vous appelle…
—... Delphine, improvisa Renaud. Je voudrais d’abord me débarrasser de ces paquets encombrants.
— Bien sûr, rendez-vous dans une demi-heure au « Temps clair » à cette adresse, répondit Valérie en griffonnant un bout de papier, je vous donne aussi mon portable.
— D’accord, fit Renaud un peu plus sûr de lui. J’y vais tout de suite pour ne pas perdre de temps.
Valérie, pour toute réponse, sourit étrangement de ses dents blanches.
La porte passée Renaud, renonçant à sa boisson chaude, se dirigea prestement vers son hôtel ses paquets à la main. Il entra par l’arrière du bâtiment et se rendit dans sa chambre en se faisant discret afin de ne croiser personne. Il posa en vrac ses emplettes sur le lit et passa rapidement à la salle de bains. Renaud se regarda dans le miroir et rit aux éclats.
— J’ai le bol tout de même ! Je me transforme en femme pour me faire un beau mec et je me laisse draguer par une gouine ! Je suis poursuivi par l’homosexualité… Tant pis, je me lance, elle va sûrement m’apprendre quelque chose et puis, franchement, je suis curieux de voir ce qu’elles font habituellement entre elles.
*
Les deux femmes firent plus amplement connaissance lors du repas. Renaud dut faire attention, pas toujours avec succès, à ses manières masculines et aux quantités qu’il mettait dans son assiette. Valérie se délectait de voir une si belle femme dont la légère gaucherie apparente ajoutait à son charme. À la fin du repas, elle dit :
— La cuisine est excellente ici, mais leur café n’est vraiment pas bon. J’ai trouvé un arabica brésilien sur internet, il est divin. Je t’en offre une tasse chez moi ? C’est à deux pas.
— Volontiers. Je ne supporte pas non plus les cafés rudimentaires…
Renaud savait exactement où Valérie voulait en venir et Valérie savait que sa nouvelle conquête avait compris. Une bruine légère tombait accompagnée d’un vent faible. Sortant du restaurant, les deux femmes traversèrent une rue puis un parc désert aux arbres dégarnis et ressortirent sur une allée en impasse. Elles s’engouffrèrent jusqu’au fond de celle-ci. Un immeuble vétuste, un escalier de bois ciré, un couloir sombre et Valérie ouvrit une porte au premier étage. L’intérieur contrastait avec l’extérieur tant il faisait clair. L’appartement entier avait été refait à neuf et Valérie l’avait meublé avec goût et sans regarder à la dépense. Renaud s’installa sur un canapé dans le salon tandis que son hôtesse alla préparer le café. Valérie revint, deux tasses à la main, et les posa sur une table basse. Elle s’assit à côté de Renaud.
— Tu es belle, lui susurra-t-elle à l’oreille.
Renaud se tourna vers elle prêt à dire quelque chose, mais Valérie fut plus rapide. Passant la main derrière sa tête, elle lui chiffonna ses cheveux blonds et approcha ses lèvres. Renaud se laissa faire et ouvrit la bouche pour accueillir une langue parfumée qui s’agita fébrilement. Tout en goûtant le baiser ardent, il glissa la main sous la jupe de Valérie qui écarta les jambes. Il remonta sa caresse jusqu’à la partie dénudée des cuisses au-dessus de ses bas et accrocha de l’index le string qui masquait, autant que faire se peut, un sexe épilé. Il caressa du dos du doigt les lèvres humides et il sentit sa propre culotte se mouiller abondamment. Ce fut le moment que choisit Valérie pour l’emmener dans sa chambre. Claire et très peu meublée, la pièce semblait n’avoir qu’un lit disposé en plein milieu. Renaud vit Valérie se déshabiller rapidement et jeter ses habits aux quatre vents. Quand elle fut nue, elle dit impatiente :
— Qu’est-ce que tu attends chérie ?
Ce fut le tour de Renaud qui chercha en vain une chaise pour poser ses affaires et qui les laissa finalement tomber au pied du lit. Valérie attira violemment sa partenaire qui s’allongea sur le dos les jambes ballantes en dehors du matelas. Elle se mit à genoux sur la moquette blanche et plongea nerveusement son visage entre les cuisses de sa conquête. Les deux mains sous les fesses, elle pénétra la vulve qui s’offrait à elle de sa langue pointue et raidie comme un pénis. Renaud soupira plusieurs fois en cadence. Il s’était masturbé avec le doigt ce matin, mais là, il se faisait lécher les lèvres et le clitoris avec une langue si douce… De plus, ce n’était pas lui qui était à la manœuvre et il goûtait un plaisir infini. Il entendit plusieurs fois Valérie déglutir le lubrifiant qu’elle recueillait à la sortie du vagin, il en était inondé, il le savait. Il revit, comme ce matin, se profiler une onde qui allait déferler. Mais ce n’était plus une vague, c’était un tsunami, une lame de fond, un raz de marée… Quand elle déferla Renaud poussa un cri comme jamais il n’en avait poussé lors d’un orgasme masculin. Accrochée à ses fesses et à son sexe, Valérie continua les caresses de sa langue en appuyant de plus en plus fort. Les lames se succédèrent, les contractions du vagin devenaient convulsives, les vagues n’en finissaient plus de déferler encore et encore, puis ce fut l’écume et le calme qui revinrent lorsque, victorieuse, Valérie quitta l’étreinte des cuisses de Renaud pour venir lui lécher les seins et l’embrasser de son visage barbouillé du plaisir de sa maîtresse. Elle se coucha radieuse à côté de lui. Quand Renaud eut repris son souffle, il se pencha sur la poitrine de Valérie et lui suça les tétons durcis par l’excitation. Il fit glisser sa bouche le long de son ventre puis, parvenu au mont de vénus, plongea d’un seul coup sur les lèvres trempées, rougies et gonflées. Il la lécha comme elle le fit elle-même pendant quelques minutes, Valérie geignait doucement. Sans céder à l’orgasme, elle prit le visage de Renaud entre ses deux mains et l’attira pour l’embrasser. Glissant ensuite le bras sous un oreiller, elle en ressortit un objet cylindrique d’une vingtaine de centimètres de longueur et de quatre à cinq centimètres de diamètre dont l’une des extrémités était ovoïde et brillante. Elle appuya sur un bouton et un léger bourdonnement retentit. Elle posa le godemiché contre la joue de Renaud.
— Je ne t’explique pas comment ça marche, dit-elle.
Renaud sourit. Il approcha le vibromasseur de la vulve et le planta dans le vagin brusquement d’une douzaine de centimètres.
— Pas comme ça chérie ! Tu es aussi brutale qu’un homme, souffla-t-elle.
Confus, Renaud ressortit l’appareil. Valérie lui prit le poignet et le guida dans la manœuvre. Elle fit pénétrer le vibromasseur de cinq ou six centimètres seulement puis le fit émerger pour effleurer le clitoris et le replonger dans son vagin. Elle laissa Renaud aux commandes et écarta de ses deux mains le capuchon qui protège son petit bouton pour l’exhiber, gonflé et rougi, bien en évidence. Renaud, qui avait compris la leçon, introduisit légèrement l’extrémité brillante du vibromasseur, caressa le clitoris et recommença. Valérie, passablement excitée depuis son cunnilingus avait une respiration haletante entrecoupée de faibles cris. Soudain, alors que l’appareil était dans son corps, elle se crispa, agrippa fortement les draps des deux mains, releva le bassin et éclata en un râle fulgurant et bruyant. Renaud ne pouvait plus suivre, et le vibro s’échappa de son écrin. Valérie, rugissante, lui reprit le poignet et enfonça le godemiché d’une quinzaine de centimètres, au grand étonnement de sa partenaire. Puis ce fut l’orgasme dans ce qu’il a de plus bestial. Repoussant Renaud brutalement, Valérie s’empara de ce qui dépassait du vibromasseur et appuya dessus de la paume de la main. Le godemiché, comme dévoré, disparut totalement dans le sexe avide pendant quelques minutes, puis Valérie retira sa main et actionna immédiatement l’interrupteur. Le bruit lancinant cessa et le phallus de plastique, brillant de sécrétions, fut éjecté sur le lit. Valérie, les bras et les jambes en croix, respirait par saccades. Renaud la caressait doucement, puis lui déposa un baiser dans le cou et resta allongé près d’elle silencieusement. Renaud et Valérie s’amusèrent ainsi pendant tout l’après-midi. Tantôt avec la bouche, tantôt avec les doigts ou avec le vibromasseur, elles ne comptèrent plus les orgasmes qu’elles se procuraient mutuellement. À la nuit tombée, épuisées, elles se retrouvèrent toutes les deux sous une douche chaude à rire comme des adolescentes.
Un peu plus tard, à nouveau dans le salon devant un verre de Porto :
— Je dois rentrer, fit Renaud qui n’avait en fait rien à faire de particulier, et il se leva.
— Dis-moi que nous nous reverrons.
— N’aie crainte, mais la prochaine fois, laisse-moi le temps de boire mon café !
Valérie sourit.
— C’était ta première fois ?
Renaud ne répondit pas, mais son expression parlait pour lui.
— Je veux dire avec une femme…
— Oui et non.
Il laissa Valérie et ses interrogations, lui sourit, posa un baiser sur ses lèvres et sortit dans la nuit.
*
Un mois passa, Renaud rencontra souvent Valérie. Il n’avait plus envie de tester Delphine avec un homme quelconque, il était tombé amoureux fou de cette femme. Toutefois, l’homosexualité masculine lui manquait. Il ne voyait plus de pénis ni de scrotum dans ses ébats, pas même les siens qu’il ne retrouvait que lorsqu’il était seul, et il ne voulait pas tromper son amie. Devant ce dilemme, il sut qu’il n’y avait qu’une chose à faire : lui dévoiler son secret, au risque de tout détruire. Après avoir reculé plusieurs fois, il se décida un soir qu’il était venu, toujours sous la forme d’une femme, diner avec Valérie. À la fin du repas, cette dernière remarqua la mine préoccupée de Renaud.
— Tu as l’air soucieuse, lui dit-elle.
— Oui, j’ai à te parler, mais je ne sais pas par où commencer.
— N’aie pas peur, dis-moi ce qui te gêne.
Renaud évoqua sa découverte de la chevalière en termes choisis et ses propriétés miraculeuses. Il arrêta son récit à sa rencontre avec Valérie.
— Écoute, je ne t’ai pas interrompu par politesse, mais tu ne penses tout de même pas que je vais avaler ça. Tu me fais peur. J’hésite vraiment entre la mythomanie et la schizophrénie…
— Je savais que tu ne me croirais pas. Mais j’ai apporté la preuve, d’habitude, je la laisse dans la chambre.
— Je crois surtout que c’est ta raison que tu as laissée à l’hôtel.
Renaud ne répondit pas et repoussa sa chaise bruyamment en se levant. Il se déshabilla entièrement, ce qui ne manqua pas d’allumer une lueur lascive dans les pupilles de Valérie. Prenant la bague dans son sac à main, Renaud la passa côté flèche vers lui. Il redevint aussitôt lui-même sous les yeux abasourdis de Valérie qui, effrayée, se leva en renversant sa chaise et recula de trois pas en poussant un cri.
— Je deviens folle !, dit-elle en se mettant les mains sur les joues.
— Ne t’inquiète pas, fit Renaud de sa voix d’homme en avançant vers elle.
— Ne m’approche pas !
Renaud enleva sa bague et la repassa dans l’autre sens. Delphine refit son apparition au grand soulagement de Valérie. Renaud vint vers son amie et, toujours nu, la prit dans ses bras.
— Ce n’est rien, je comprends que cela t’impressionne, j’ai mis moi-même quelques jours avant de l’admettre. Tu te rends compte des horizons que cela nous ouvre ?
Valérie observait la bague au doigt de Renaud comme si elle regardait une tarentule échappée de sa cage.
— Passe-la pour essayer, mais déshabille-toi avant.
— Pas question.
— Comme tu voudras. Auparavant, sache que si je suis un homme de naissance, la nature m’a fait homosexuel. Quand j’ai eu l’âge, j’ai eu quelques aventures avec des femmes, mais j’ai vite été attiré par les hommes. Je suis aussi bien actif que passif…
— Épargne-moi les détails. Pourquoi moi alors ?
— Parce que j’étais devenu femme par curiosité et pour emballer de beaux hommes, mais tu m’as plu tout de suite. De plus, je dois dire que l’expérience homosexuelle avec toi n’était pas pour me déplaire. Maintenant que je suis amoureux de toi, franchement, tu te rends compte ! Nous deux, nous pouvons faire l’amour comme deux femmes, comme deux hommes et comme un homme et une femme. Cela ne te tente donc pas ? Personne n’a jamais rien vécu d’aussi extraordinaire !
— Si. Ceux qui ont conçu cette bague démoniaque et ceux qui l’ont utilisée avant toi, fit Valérie pragmatique.
— Démoniaque ?
— C’est une façon de parler, quoique…
Valérie prit la main de Renaud et regarda à nouveau le bijou, mais d’un air intéressé cette fois.
— Tu crois que…
Renaud ôta la chevalière et la tendit à son amie.
— Si tu veux la tester, mets-la côté flèche vers toi. Mais enlève tout avant, sinon tu vas avoir des problèmes avec tes vêtements. Un homme a une carrure plus imposante.
Valérie se déshabilla entièrement. Elle prit la bague, la tourna dans le sens voulu, hésita, puis la passa à son doigt en fermant les yeux. Elle vacilla légèrement et s’accrocha au dossier d’une chaise. Un très bel homme venait d’apparaître, parallèlement, Renaud était redevenu lui-même.
— Tiens, une seule transformation à la fois constata-t-il.
Nue, Valérie contemplait ses mains puissantes, ses bras et jambes musclés, ses pieds qui lui parurent gigantesques. Elle ne put s’empêcher de détailler son sexe qu’elle prit à pleine main en riant.
— Qu’est-ce que je vais faire de ce truc ?
— Ne t’inquiète pas, je vais te montrer.
Sur ces paroles, Renaud prit Valérie par la main et l’entraina dans la chambre.
Allongée sur le lit, Valérie contemplait son sexe se dresser.
— C’est amusant une érection… Mais il est plus petit que mon vibro…
— Ce qui est encore plus amusant, c’est ce qu’on peut faire avec, même avec quelques centimètres de moins ! dit Renaud qui se coucha à côté d’elle.
À ces mots, il saisit le sexe durci de son nouveau compagnon, le décalotta et, après un sourire à Valérie, plongea la verge dans sa bouche. Son amie eut un soupir de bien-être. Renaud effectua quelques va-et-vient savants sur le gland tout en caressant les testicules.
— Je comprends que les hommes aiment ça, fit Valérie en respirant bruyamment.
Instinctivement, comme si elle avait toujours été un homme, elle posa sa main à l’arrière du crâne de Renaud et le força à engloutir le plus loin possible ce pénis dont elle ignorait tout, mais qui lui procurait tant de sensations agréables. Renaud maîtrisa le geste afin de ne pas avoir de haut-le-cœur provoqué par le contact du sexe de Valérie sur la luette et continua sa succion tout en faisant tournoyer sa langue autour du gland gonflé. Les soupirs devinrent des râles discrets puis de plus en plus en plus présents jusqu’à ce que Valérie poussât le cri d’un orgasme qu’elle n’avait jamais connu. Elle éjacula dans la bouche de Renaud qui, contrairement à son habitude, n’avala pas le sperme pour le laisser couler par la commissure des lèvres le long de la verge et des testicules. Lorsque le gland fut trop sensible après une demi-douzaine d’éjaculations, Valérie repoussa son partenaire. La verge durcie se courba et Renaud prit la main de Valérie pour la lui faire passer sur son sexe couvert de liquide séminal.
— Voilà le produit de ton plaisir, lui dit-il.
— Il y a longtemps que je n’en avais pas vu.
— Parce que tu as déjà… Avec un homme ?
— Ben oui ! Tu n’es pas tout seul à avoir commencé dans l’erreur !
Renaud sourit et la conversation se poursuivit plus en détail sur des tranches de vie qu’aucun des deux n’avait encore osé aborder. Il s’écoula un peu plus de vingt minutes puis Renaud posa sa main sur le sexe flaccide de Valérie. Dès qu’il le caressa, l’érection revint à la grande joie de Valérie.
— Une demi-heure entre chaque ! Vous n’êtes pas gâtés, vous les hommes… Mais je dois dire que ça vaut le coup aussi, même si je préfère de loin un orgasme féminin.
Renaud ne parlait plus. S’emparant du lubrifiant que Valérie utilisait pour son vibromasseur, il en enduisit la verge de Valérie et son propre anus.
— Viens, souffla-t-il seulement à Valérie qui avait compris.
Renaud se mit à quatre pattes en écartant les jambes. Valérie se positionna derrière lui, et apposa son gland sur le sphincter de son ami.
— Grands dieux ! Si j’avais un jour pensé cela !
— Vas-y, supplia Renaud.
Valérie s’exécuta. Elle poussa sa verge sur l’anus de Renaud qui, habitué à cet exercice, s’ouvrit rapidement. Elle pénétra le rectum de cinq centimètres.
— Plus loin ! implora Renaud. Plus loin !
Sa partenaire, d’un coup de reins, enfonça la totalité de son pénis brusquement. Renaud poussa un soupir. Valérie entama maladroitement quelques aller et retour, puis de plus en plus habilement. Elle fut entrainée dans la recherche du plaisir qui se profilait par ce moyen et ses gestes, plus précis, comblaient d’aise Renaud qui l’acceptait totalement en lui. Lorsque l’orgasme survint, Valérie se mit à crier et à enfoncer sa verge le plus loin possible en tapant de son bas-ventre les fesses de Renaud qui n’attendait que ça. Le plaisir, mêlé de râles, vint une dizaine de fois. Elle eut l’impression de traverser totalement son compagnon de son sexe puis les va-et-vient s’espacèrent tout en demeurant profonds. Enfin, le gland fut douloureux et elle se retira pour s’allonger sur le dos, la main sur les testicules comme pour les protéger.
— Je vous comprends maintenant, dit-elle. Attends un moment et je m’occupe de ton cas.
— Je peux me débrouiller tout seul si tu veux.
— Chiche !
Renaud ne se le fit pas dire deux fois. Son sexe en érection ne demandait que ça. Il s’agenouilla entre les jambes de Valérie et au-dessus d’elle entama une masturbation rapide. Valérie ne détestait pas le voyeurisme et quand elle vit Renaud se crisper et retenir un râle, elle se mit à bander à nouveau. Les puissants jets de sperme atterrirent sur son ventre, sa poitrine, ses cheveux et même juste sur ses lèvres closes. D’un coup de langue, elle goûta à la semence de Renaud en fermant les yeux de bonheur.
Renaud et Valérie s’excitèrent mutuellement une bonne partie de la nuit et quand ils furent épuisés et qu’ils ne purent plus s’adonner à un orgasme supplémentaire, les deux hommes s’enlacèrent avec chacun le sexe de l’autre dans la main.
*
Plusieurs jours s’étaient écoulés depuis la révélation et dans le car qui les emmenait à Saint-Paul-en-Vercors, Renaud et Valérie, qui avaient leur aspect naturel, voyageaient côte à côte.
— Quand je vais annoncer ça à ma mère, elle ne va pas en revenir.
— J’espère que je vais lui plaire, répondit Valérie.
— Tu serais un laideron pourvu que tu sois une fille, tu serais acceptée les bras ouverts.
— Tu es gentil, ça me rassure ! fit-elle en riant.
L’arrêt du car n’était pas très éloigné de la demeure de la mère de Renaud. À l’approche du couple et mû par un instinct mystérieux, le chien de la maison sortit de la cour et fonça vers Renaud en remuant la queue. Les deux pattes avant sur le torse de son maître, il lui fit la fête, heureux de le retrouver après deux mois d’absence. La mère qui vaquait à quelque occupation dans la cour regardait venir son fils tenant Valérie par la main. Elle paraissait sidérée. Sans ambages, Renaud déclara sur un ton qui n’admettait pas de réplique :
— Maman, je te présente Valérie. Nous allons nous marier. Je vais porter notre bagage dans ma chambre. Prépare-toi pour ce soir, je vous invite au restaurant.
Valérie et la mère de Renaud s’embrassèrent puis la future épouse se laissa emmener par son ami. La vieille femme les observait qui s’éloignaient vers la maison, toujours suivis du chien exubérant. Quand elle fut sûre de ne plus être ni vue ni entendue, elle sourit et dit à voix haute en regardant les nuages :
— Tu vois mon Robert, je ne savais pas si je devais me séparer de cette bague… Finalement, que Valérie soit une vraie fille ou non importe peu, j’espère simplement qu’ils vont s’amuser autant que nous ! En tout cas, les apparences sont sauves, ça fera taire les voisins.
*

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