Montalivet - L'Été De Marie

Montalivet – L’été de Marie

Une robe brun ocre en toile de lin, en drapé léger sur les manches flottantes et la poitrine, moulante sur les hanches, découvre largement les jambes dorées. La large ceinture de cuir noir sous laquelle elle a glissé le pouce de la main gauche fermée sur un paquet de Malboro descend sur l’arrondi du ventre souligné de la grosse boucle d’argent, épouse le galbe marqué de ses hanches. Sous les mèches épaisses qui balaient les épaules, le balancement des boucles brunes piquées de flammes auburn masque et découvre l’éclair d’or d’un anneau d’oreille.
Elle flâne, jouant d’une main devant elle avec un briquet doré qu’elle fait tourner entre ses doigts. Devant la vitrine de la pharmacie, quelque article, ou sa propre image, peut-être le reflet de la terrasse du bar de l’autre côté de l’allée piétonne, l’arrête.
A cette heure de fin de soirée, les lunettes noires à monture d’écaille plantées dans ses cheveux sont bien inutiles, souci d’apparence, détail soigné, comme le foulard orange de soie peinte noué sur son cou.
Elle reprend lentement sa marche, seule au milieu de ces couples qui parfois ralentissent le pas, au passage de groupes bruyants de jeunes filles qui se bousculent et échangent des rires cachés d’une main, pour ne pas relâcher le bras où une main s’est glissée. Des garçons, par deux ou trois, casquette vissée sur les cheveux courts, se retournent sur elle, et reprennent leur marche chaloupée.
Un léger sourire aux lèvres, elle croise des regards, s’attarde parfois, et de boutique en boutique, balayant les étoffes sur un présentoir d’une main distraite, elle suit la foule du soir des désœuvrées de l’été vers l’entrée de la plage.
Sur le chemin du retour elle s’arrête sur une terrasse de café. Assise un peu en travers, genoux serrés rejetés d’un côté et chevilles de l’autre, elle retire de son verre la petite brochette de fruits qu’elle ne goûtera pas, prélève d’un doigt un peu du sucre collé sur le verre du cocktail, et allume une cigarette.


C’est le second été qu’elle loue un appartement ici, seule. Ou presque. Elle ne croise Kévin que brièvement, en fin de matinée quand il se lève et qu’elle part à la plage, au repas du soir, qu’il avale bien vite puis disparaît pour retrouver des amis, une amie, aussi, pour leurs longues nuits sur la plage. Hier soir, il est venu l’embrasser à la terrasse du café, sans lâcher la main d’une jeune-fille brune, à qui il a donné la pique de fruit de son cocktail. Il partira rejoindre son père en août pour d’autres vacances, au bord de la méditerranée, choisira peut-être une blonde. Dix-sept ans est un bel âge.
Quand le père de Kévin l’a quitté, elle en était soulagée. Il ne lui manque pas. C’est la vie qu’elle avait avec lui qui lui manque. Elle vivait mieux, finalement, cette solitude accompagnée du brouhaha social des invitations et des sorties, que sa vie depuis. Petit à petit, par sa faute, peut-être, elle s’est repliée sur elle-même, sans le vouloir. Libre ; ces amies qu’elle ne voit plus si souvent, l’enviaient d’être libre, tout au moins le disaient, avec un air entendu et gourmand. Elle ne sent pas libre ; elle se sent seule.
Elle avait un amant ; cette petite aventure bourgeoise a fui devant sa liberté ; c’est la lâcheté qui l’a déçue, pas la disparition de l’amant qui pimentait le quotidien sans vraiment la satisfaire.
A quarante-trois ans, elle rêve encore, cède parfois, pas souvent, à une rencontre, brève, sans lendemain. Comme ce soir, elle soigne les apparences, les détails, par habitude et par goût. Malgré cela, elle n’a rien de futile, ne cherche pas à tout prix l’aventure, n’a pas cette volonté de séduction qu’elle trouve si navrante chez les amies dont elle s’est éloignée, mais comprend à quelques regards masculins croisés au hasard de la soirée que l’image les trompe.
Elle aussi observe, une attitude, un physique, et s’amuse de ne trouver d’intérêt qu’à des hommes jeunes, s’amuse encore, avec toutefois une pointe d’amertume, de constater que ces hommes jeunes ont le plus souvent pour compagnie des femmes plus jeunes encore, comme le couple qui vient de s’asseoir à la table voisine ; elle a croisé le jeune homme dans les couloirs de son immeuble à plusieurs reprises depuis qu’elle est arrivée ; la jeune-fille n’a pas vingt ans.

Elle aimerait avoir son âge … avoir son regard lumineux pour cet homme …
Quelques jeunes les accompagnaient quand ils sont arrivés et la jeune-fille discutait avec eux avant de rejoindre son voisin d’immeuble. Il ne la quittait pas des yeux : que ne donnerait-elle pas pour être regardée par un homme comme il la regarde !
Kévin est arrivé en courant, essoufflé, traînant son amie derrière lui, et s’est joint à leur groupe, visiblement ses amis, avant de venir à sa table, pour annoncer, comme si c’était utile, qu’il allait sur la plage, qu’il rentrerait tard, qu’elle ne devait pas s’inquiéter.
Son voisin lui a souri en haussant une épaule, d’un air de complicité amusée :
- Nous dormirons tranquille ! ils surveillent la mer !

Peu après, un grand garçon brun qu’elle avait aussi croisé dans les couloirs de l’immeuble est venu s’asseoir à la table du couple.
- Alors Yohann, tu as pu sortir, finalement ?
- Oui … mais seul … un soir chacun jusqu’à samedi ! Maman est vraiment fâchée, ce coup-là !
- T’as abusé, Yohann … non ?
Sans le vouloir, elle entendait la conversation, et regardait le jeune homme à la dérobée. Il semblait à peine plus âgé que son fils, mais avec un look bien différent : lui, portait un pantalon de toile beige et une chemisette blanche flottante, ce qu’elle appréciait autrement que les baggies et sweat informes de Kévin, portés sur des chaussures toujours délacées.
- Plus que trois jours, Yohann ! ce n’est pas si long, après tout ! et au revoir la petite anglaise !
- Elle m’énerve de toute façon … à toujours me mettre ses fesses sous le nez !
Elle n’a pu s’empêcher d’éclater de rire en même temps que le couple, et s’est excusée auprès du garçon :
- Excusez-moi ! je n’ai pu m’empêcher d’entendre bien que ça ne me regarde pas ! Pardon !
L’homme est intervenu :
- Je crois vous avoir croisée en rentrant ce matin, et comme nous habitons le même immeuble il est bon que vous soyez mise en garde ! Vous risquez de croiser mon neveu et sa correspondante anglaise dans les couloirs dans des tenues … pour le moins indécentes ! Sa mère tente d’y remettre un peu d’ordre !
- Marc, ça va ! raconte pas tout à tout le monde !
- Ne t’inquiète pas, mon fils a dix-sept ans, et adorerait avoir une correspondante anglaise aussi démonstrative!
Plus tard, Marc et sa jeune compagne, il s’était présenté, se sont levés pour partir et Yohann a demandé :
- Tu finis pas ton verre, Mag ? je peux ?
- Oh oui, je t’en prie, c’est un peu trop sucré, je trouve !
Le couple s’est éloigné et Yohann s’est installé face aux promeneurs du soir :
- Vous habitez aussi au-dessus de la librairie ?
- Oui, tout en haut !
- L’appart avec terrasse ? ça doit être super … je connais peut-être votre fils, alors …
- Il s’appelle Kévin, un brun, plus petit que toi !
- Le surfeur ? oui, je le connais …
- Le surfeur ?
- Oui, son look, bermuda et t-shirt moulant le jour, baggy le soir, et surtout pas de peigne !
- Ça lui ressemble, en effet, c’est bien lui.
Par contre entre nous, tu as tort pour le peigne : il passe beaucoup de temps devant la glace de la salle de bains pour obtenir cet effet !
Elle a commandé de nouvelles boissons. En regardant les gens passer devant eux, il lui a expliqué en désignant des groupes, les diverses modes vestimentaires et leurs codes, leur manière de parler, le genre de musique qu’ils écoutent.
Elle s’est amusée à tenter d’en faire de même lorsqu’ils repéraient des personnes plus âgées.
Quand est passée devant eux une dame d’une soixante d’années vêtue comme une ado, au bras d’un homme beaucoup plus jeune qui devait fréquenter assidûment les salles de musculation, ils se sont regardés en riant, se refusant à tous commentaires.
Un peu plus tard, elle a vu une femme et son fils ; il l’a corrigée en riant doucement :
- Non, je ne crois pas, suivez-les des yeux plus longtemps …
Elle a pensé en voyant la dame glisser sa main dans la poche du jeune homme sur ses fesses que le geste était sans doute un peu déplacé pour une mère ; le petit baiser qu’ils ont échangé devant l’étalage de bijoux a définitivement donné raison à Yohann.
En se retournant vers lui pour reconnaître qu’il avait vu juste, elle a surpris son regard sur elle. Il a détourné vivement la tête et violemment rougi. Elle ne s’était pas trompée sur la lueur si particulière qu’elle avait vu dans ses yeux. Elle s’est étonnée elle-même à prendre autant de plaisir à éveiller cet intérêt, et a eu honte de ses pensées, rougissant à son tour bien après Yohann, qui s’était déjà repris et la regardait à nouveau. Le demi-sourire fugitif entrevu sur ses lèvres l’a encore plus désarçonnée et elle a nerveusement sorti une cigarette de son paquet, cherchant un dérivatif à son embarras.
Il a pris le briquet sur la table, et s’est approché pour lui tendre du feu :
- Je ne porterai plus que des pantalons avec des poches derrière …
Elle s’est un peu étranglée avec la fumée de sa cigarette en riant.
Lui ne riait pas en la regardant dans les yeux et avait à nouveau ce regard intense qu’elle avait surpris, qu’il ne cachait plus cette fois.
Pendant un instant, elle a eu à nouveau dix-huit ans. Elle se souviendrait, plus tard, que c’est à ce moment-là que tout avait commencé.

En quittant la terrasse, sans se consulter, ils ont pris le chemin de la plage. A deux reprises, ne pouvant marcher côte-à-côte pour croiser des groupes, il lui a cédé le passage en la guidant d’une main dans le dos. Il guettait ces moments pour l’effleurer, sans imaginer une seconde qu’elle attendait ce contact.
Sur la terrasse, pendant un long silence, elle avait très lucidement analysé son trouble. Il était beau, il était gentil et prévenant, il la regardait comme toute femme aime l’être.
Et.
Elle avait quarante trois ans et un fils presque de son âge, des rides au coin des yeux et un corps … qui aimait ce regard.

Elle ne l’a pas encouragé, encore moins provoqué, au prix de quelques efforts cependant, quand elle aurait aimé s’appuyer sur sa main. Elle ne l’a pas découragé non plus. Elle aurait pu, elle le savait, couper court et désamorcer la tension qu’elle sentait et lever toute ambigüité, de quelques mots qu’elle tenait prêts, choisis, mais qu’elle n’a pas prononcés.
Curieusement, quand elle y a pensé plus tard, elle s’est aperçue qu’elle ne pensait pas réellement à lui, Yohann. Elle pensait à un jeune homme, dépersonnalisé, qui la trouvait belle peut-être, attirante plus certainement. Elle connaissait l’attrait que les jeunes hommes peuvent éprouver pour des femmes plus mûres et découvrait aujourd’hui qu’elle en était flattée et ravie ; et troublée ; troublée de l’écho en elle de cet attrait.
Elle s’occupait les mains avec son paquet de cigarette et son briquet, il ne savait que faire des siennes. Croisant puis décroisant les bras, mettant les mains dans ses poches. En haut du chemin, ils regardaient la mer. Si, quelque qu’en soit le prétexte, mais il ne savait pas ne pas en avoir besoin, il avait posé son bras sur ses épaules ou l’avait prise par la taille, elle aurait accueilli le geste avec plaisir et l’aurait laissé faire, malgré la foule et les regards dont elle était très consciente, la retenue à avoir. Flottaient dans son esprit agité des idées de respectabilité, de convenances. Elle l’aurait malgré tout laissé faire.
Sur un regard, ils ont fait demi-tour. Il a regardé sa montre .
- Tu es en retard ?
- Oh non ! il est à peine dix heures …
A l’entrée de l’immeuble, il a lui a dit que le coucher de soleil sur la mer devait être très beau depuis la terrasse. Elle a trouvé sa remarque délicieusement maladroite, tant la demande cachée était évidente. A un autre que lui (plus vieux, a-t-elle pensé) elle aurait fait une remarque un peu moqueuse. Avant tout, elle s’est retenue parce qu’il lui offrait l’opportunité de prolonger ce moment, lui reconnaissant un courage qu’elle n’aurait pas eu.
- Tu peux monter, si tu veux, c’est mieux que depuis le sable de la plage.
Elle n’a pas aimé le ton impersonnel qu’elle a pris, presque froid, s’est immédiatement traitée de manipulatrice sans courage, et parce qu’elle s’en voulait, elle a pris son bras pour franchir la porte de l’immeuble.
Au second palier, elle butait sur l’idée de ce qu’il pourrait advenir ; au troisième, elle a ralenti le pas, imaginant voir son fils monter vers l’appartement d’une autre à son bras.
Elle a pris entre ses seins la clé de l’appartement et ouvert la porte. Tous les deux se regardaient hésitants. Elle pensait qu’il aimerait être invité à nouveau comme au pied de l’immeuble, et elle tergiversait encore, n’ayant pas résolu ses dilemmes, ce qu’elle en attendait, ce qu’elle s’autorisait.
Il a une fois de plus été le plus honnête et courageux des deux. Il s’est penché vers elle, posant une main sur son épaule et a avancé ses lèvres sur les siennes, à peine effleurées. Il avait les yeux écarquillés de son audace, d’attente inquiète ; elle sentait sa main trembler sur son épaule.
Elle a compris qu’il allait s’excuser et s’enfuir.
Elle a avancé la main pour caresser sa joue, l’a attiré vers elle en glissant les doigts dans ses cheveux.
A nouveau elle avait dix-huit ans.

Elle l’a conduit sur la terrasse en lui tenant la main et l’a abandonné d’un petit signe. Dans la salle de bains elle a enlevé les lunettes de ses cheveux et les grandes boucles de ses oreilles, dénoué le foulard, sans se quitter des yeux dans le miroir, se regardant sans complaisance aucune. Elle s’est tirée la langue et est partie rejoindre Yohann.

Il lui tournait le dos accoudé à la rambarde.
Cinq mètres, un peu plus, vingt ans, un peu plus.
Les mains croisées dans son dos épousant le crépi chaud, elle a fermé les yeux.
S’approcher doucement et refermer ses bras sur lui.
Coller sa joue à son dos.
Ce n’est plus un jeune homme croisé qui la fait rêver. C’est Yohann, un nom, des espoirs, des envies.
Qui m’attend ? moi ?
- Marie …
Elle a ouvert les yeux et tourné le visage vers lui, qui la regardait; il était adossé au mur, les mains appuyée au crêpi, son épaule proche de la mienne.
- Je sais que tu t’appelles Marie …
Elle a fermé le yeux et cherché sa main.
- Tu dois rentrer à quelle heure ?
- Onze heures … Bientôt …
- Sauve-toi, Yohann …
Marie n’a pas ouvert les yeux quand il a lâché sa main ; il a effleuré ses lèvres ; elle a entendu la porte se refermer ; la porte s’ouvrir. Marie a ouvert les yeux.
- Tu avais oublié la clé sur la serrure, dehors …
Elle a pris sa main et la clé et c’est elle qui l’a embrassé.
- Va … sauve-toi …

Elle est restée longtemps sous la douche, restée longtemps nue devant le miroir, restée longtemps éveillée.
Plusieurs fois elle a posé le livre et éteint la lumière, jambes serrées pour son désir, rallumé la petite veilleuse quand elle se sentait céder de faiblesse. Elle ne s’accorde pas souvent ces plaisirs. Pas souvent. Dans le noir au secret de son lit.
Ce soir elle a cédé et a étouffé sa plainte dans l’oreiller.

Kévin s’est levé à midi passé. Marie était revenue du marché et mangeait une salade sur la terrasse. Il a fini le sachet de Doo-Wap en buvant du lait à la bouteille a pris une douche a fini le pot de gel à cheveux a disparu ; laissant l’emballage des gâteaux et la bouteille vide sur la table de la terrasse, son caleçon sur le sol de la salle de bains à un mètre du panier à linge. Dans sa chambre, elle a ouvert le volet, et a renoncé à ranger le désordre de son fils.

Sur la plage, la tête à l’ombre de son petit parasol, elle a lu et dormi. Elle a reconnu, de loin, le couple qu’elle avait rencontré la veille ainsi qu’une des filles de la bande qui était partie sur la plage. Yohann était là lui aussi.

Vers sept heures, Kévin a fait une rapide apparition, le temps en fait de lui demander 10 euros pour la pizza et le coca qu’il amènerait sur la plage, et d’enfiler sa tenue de nuit.
Elle a préparé la jupe blanche et le top en fine maille qu’elle mettrait ce soir, des sous-vêtements blancs satinés parce qu’ils mettaient son bronzage en valeur, se traitant d’idiote d’imaginer s’exposer en sous-vêtements.
Yohann a frappé à sa porte à 8 heures. Elle était encore dans la salle de bains et s’est enveloppée du paréo qu’elle portait dans l’appartement au retour de la plage.
- Je ne savais pas si vous sortiez ce soir.
- Je me préparais justement. Ne reste pas sur le palier, entre. Tu as passé une bonne journée ?
- J’étais à la plage avec mon oncle, son amie et ma sœur, vous les avez vus hier soir, et d’autres amis aussi … je vous ai aperçue, je n’ai pas voulu vous déranger …
- J’ai dormi un peu, je crois. Tu veux boire un soda ?
- Oh … oui, merci
- Va donc sur la terrasse, je te l’amène.
Il a posé sa main sur la sienne quand elle s’est assise à ses côtés après l’avoir servi. Depuis son entrée elle hésitait sur la contenance à adopter. Ils s’étaient quittés sur des baisers. Elle se souvenait trop bien des images qui avaient troublées sa nuit et qu’il évoque le fait de l’avoir vue à la plage avait ravivé son trouble. La nudité au milieu d’inconnus ne la gênait pas, mais que lui l’ait aperçue était différent.
Assis face-à-face sur la terrasse, tous deux accoudés à la table de jardin, il la dévorait des yeux, et elle, regardait la mer dans la brume de sable des fins de soirée ; elle n’était pas perdue dans des pensées lointaines et vagues ; elle attendait, toujours indécise, un mot, un geste.
Machinalement cependant, dans le silence qui s’était installé elle avait retourné sa main sous celle de Yohann et jouait avec ses doigts, comme hier elle tournait son briquet en tous sens.
Yohann, timidement, avait avancé la main, et d’un doigt léger, caressait le genou découvert.
- Je n’ai pas osé venir vous dire bonjour cet après-midi …
- Tu aurais pu …
- Je … j’ai pensé à vous cette nuit …
- Moi aussi, Yohann …
Immédiatement, en même temps qu’elle lui répondait très vite, les images agitées de sa nuit lui sont venues à l’esprit et le rouge lui est monté au front, vite suivi d’un rire qu’elle a retenu quand elle a substitué au souvenir de sa nuit, ce qu’elle pouvait imaginer de la sienne, lui aussi se donnant du plaisir en pensant à elle.
Pour cacher ce rire à Yohann elle a attiré son visage au creux de son épaule et glissé ses doigts sur sa nuque penchée et ses cheveux courts.
Ses mots, son geste, qu’elle s’approche ainsi de lui au moment où il osait avancer sa main sur son genou, son rire, il les a pris pour un encouragement à se montrer plus audacieux, une acceptation.
Elle aussi s’est rendu compte en même temps que lui que l’attirer dans ses bras au moment précis où il osait un geste prêtait à confusion, et puis, elle a aimé le frisson, oublié ses craintes et toutes les questions qu’elle se posait sans y trouver de réponse, pour savourer le frisson.
Elle a suivi les yeux clos, sa joue pressée sur le front de Yohann sur son épaule, la légère et timide caresse de sa main sur sa cuisse au-dessus du paréo.
Elle aimait le parfum dont il avait pourtant abusé. Il s’était préparé, pour elle, détail d’attention qui la touchait. Elle aimait le souffle chaud au creux de son cou et la douceur de sa main, du bout de ses doigts à l’intérieur de sa cuisse, incapable de reconnaître si le tremblement venait d’elle ou de lui.
Tournant à peine la tête, elle embrassait sa joue, bouche entrouverte, caressant de ses lèvres plus qu’elle n’embrassait, le serrait plus fort contre elle de sa main sur son cou.
Yohann avait atteint les limites de sa témérité, peut-être ; il avait interrompu sa progression, quand ses doigts avait buté sur les deux cuisses jointes de leur appui sur la chaise de Marie, n’osait pas glisser plus profond la main entre elles ni remonter plus haut.
Par plaisir égoïste elle l’a laissé là, encore un peu, profitant du frisson de l’attente. Elle savait maintenant qu’elle ne s’en contenterait pas, non pas qu’elle ait décidé, mais elle acceptait et elle voulait. Elle voulait lui donner sa chaleur, incertaine encore à prendre la sienne, n’y pensant même pas. Elle a dénoué leurs doigts sur la table, posé sa main sur la sienne sur ses jambes, a penché plus bas son visage sur son cou, écartant du nez le col de chemise pour trouver la peau douce, pour y noyer son souffle chaud oppressé, le faire frissonner à son tour. Sa main sur la sienne la tenait pressée sur ses jambes qu’elle a lentement ouvertes, l’encourageant d’une pression sur son poignet et d’un baiser dans son cou.
Elle a savouré l’instant parfait où du bout des doigts il caressait la chair si tendre et si sensible tout en haut de ses cuisses effleurant à peine les coutures du slip qu’elle s’était choisi, où le dos d’un doigt si léger qu’il la frôlait à peine remontait sur la cuisse le long de la couture, s’enhardissait une deuxième fois à effleurer le renflement de la lèvre sous le nylon, osait la fois suivante suivre le dessin du sillon entre les lèvres gonflées, toujours si léger et tremblant, gestes doux accompagné sur son épaule de soupirs retenus. Elle a soulevé son visage et cherché de sa bouche les lèvres de Yohann ; baiser retenu ; seules leurs lèvres se goûtaient.
Elle s’est séparée de lui d’une caresse sur sa joue, s’est levée, arrangeant sur ses jambes le paréo d’un réflexe. Elle ressentait la chaleur de ses joues et tentait de maîtriser son souffle rapide et irrégulier, ses yeux allant de sa bouche à ses yeux, de ses yeux à la main, ouverte paume en l’air, toujours tremblante qu’il avait posé ainsi sur ses propres genoux quand elle s’était levée.
Elle savait la suite, ne s’interrogeait plus sur ce qu’elle voulait, elle le voulait lui, elle voulait ses mains et sa bouche ; elle voulait seulement ne pas rompre le charme du moment.
Elle lui a tendu la main, a noué ses doigts aux siens et l’a amené à sa suite vers sa chambre, à petits pas, se retournant plusieurs fois pour lever vers lui un regard inquiet, rassurée de son sourire calme. Elle n’aurait pas aimé un air de triomphe affiché, l’avait craint, sachant que sans doute ça ne l’aurait pas arrêtée ; elle aimait son attente et sa timidité ; elle se rendait bien compte en même temps qu’à partir de cet instant, ce serait à elle de prendre les initiatives, qu’elle devrait le guider.
La nouveauté de cette situation lui faisait un peu peur, toujours inquiète d’une maladresse, mais était aussi, elle en était pleinement consciente, pour une part importante dans la montée de plaisir qu’elle accueillait avec bonheur et étonnement.
Sans lâcher sa main, elle l’a entraîné jusqu’à la porte fenêtre de la chambre qu’elle a ouvert en grand et dont elle a presque entièrement tiré les doubles rideaux, plongeant la chambre dans la pénombre, puis jusqu’au lit. Elle s’est assise au bord du lit :
- Viens Yohann … viens … s’il te plaît …
Il s’est assis, une jambe repliée sous ses fesses, tourné vers elle.
Elle s’est penchée vers lui pour l’embrasser sur la joue :
- … je t’ai interrompu … j’aimerais tant que tu reprennes où tu en étais …
Elle a posé la main de Yohann sur ses jambes en s’allongeant lentement. D’une main derrière son dos, elle a défait le nœud qui tenait le paréo sur ses épaules, déposant les deux brins détachés sur ses seins, lui laissant le soin de l’écarter lui-même quand il le voudrait.
Elle espérait douceur et lenteur, profiter longtemps de chaque moment, de chaque geste.
En reculant un peu sur le lit, bousculant son genou pour s’approcher de lui, elle a masqué son visage d’un bras, glissé l’autre main sous la chemise de Yohann dans son dos. Elle voulait son regard sur son corps sans qu’il ne se sente observé, se concentrer aussi sur les seules sensations que feraient naître ses mains, et le toucher, lui, toucher sa peau nue, s’habi à lui. Elle savait les imperfections de son corps et n’en avait pas peur, voulait les soumettre à ses yeux de jeune homme, sans honte et sans fard, bien qu’ayant un peu triché en tirant les doubles rideaux. Elle le regrettait presque sur l’instant.
Elle a continué à l’aider, il le fallait, de pressions de sa main sur son dos, de ses ongles sur sa peau, de petits mouvements trahissant son attente.
Longtemps avant de poser la main sur son sexe il a caressé ses jambes, et ses hanches, frôlé le nylon blanc, en repoussant le paréo, la dévoilant peu à peu, longeant la taille et descendant vers une cuisse qu’elle a repliée sur ses genoux, offrant un passage entre ses jambes au doigt qui dessinait les contours du nylon jusqu’au pli de la fesse.
Elle a griffé son dos sous la chaleur de sa main enfin posé sur elle et le nylon tendu imprégné de désir depuis longtemps, griffé encore quand il a glissé ses doigts sous le nylon, l’enveloppant toute entière.
Elle a ôté son bras de son visage et posé ses deux mains sur le large élastique de son pantalon de lin écru :
- Ne bouge pas, reste-là … soulève-toi juste un peu …
Il n’a pas retiré sa main, s’est soulevé un peu, l’aidant de l’autre main, à faire glisser pantalon et boxer vers ses pieds. Il a lui-même déboutonné la chemise qu’elle l’a aidée à enlever, le mettant nu sur son lit. Au contraire de ce qu’elle voulait de lui, elle a très vite glissé de sa taille à son sexe qu’elle a emprisonné de sa main fermée, immobile, en attente de ses mouvements à lui.
Elle a accompagné chaque frémissement de ses doigts sur son sexe d’un mouvement de sa main sur la verge, aussi douce et lente qu’il l’était, épousant son jeu. Très vite elle l’a senti se raidir et sa main se crisper sur elle, alors seulement, un peu surprise de son plaisir si rapide, elle a accéléré son geste, voulant pour lui un plaisir plus fort et accompli, continuant bien après le dernier spasme dans sa main devenu glissante d’un plaisir généreux. En continuant sa caresse, elle l’a attiré vers le lit sur son bras et l’a embrassé. Il gardait dans sa main la vigueur de son âge et s’est souvenu enfin où sa main était emprisonnée, reprenant une caresse à peine ébauchée, plus fermement, d’une main plus impérieuse et curieuse, s’imprégnant de sa liqueur avant de remonter tout en haut de son sexe. Elle avait failli prendre sa main pour l’amener là ; impatiente ; finalement heureuse de s’être retenue, le plaisir n’en étant que plus fort. Elle a été surprise d’être si vite emportée, et l’a surpris lui aussi de son orgasme soudain.

D’un baiser et d’un murmure, elle lui a dit de ne pas bouger, s’est levée. Elle partait et s’est retournée très vite pour l’embrasser à nouveau. Ils avaient le même sourire.
Elle est revenue très vite. Elle avait pensé se couvrir et puis non, au contraire, elle a enlevé son soutien-gorge dans le salle de bain, une serviette de toilette à la main.
Avant de le rejoindre, elle a ouvert les rideaux sur les dernières lueur du soir et un peu de fraîcheur. Il n’avait pas bougé, assis au bord du lit dans la position où elle l’avait laissé, les mains croisés, appuyé des coudes sur ses genoux, cachant sa nudité.
Elle s’est agenouillée devant lui et a écarté ses mains :
- Allonge-toi, Yohann …
Elle a essuyé sur son ventre les traces collantes de son désir, levant de temps en temps les yeux vers lui pour croiser son regard, puis il s’est allongé complètement et comme elle l’avait fait, a caché son visage sous son bras, embarrassé de sentir son sexe se dresser à nouveau sous ses yeux. Elle l’a caressé. De ses deux mains sur lui, se mordant la lèvre inférieure, levant parfois les yeux pour vérifier qu’il ne la voyait pas le regarder ainsi, attentive et curieuse, caressant pour voir autant que pour toucher et sentir et provoquer. Jamais elle n’avait observé ou touché son mari ou un amant ainsi, à genoux entre ses jambes, soulevant et soupesant, curieuse, simplement curieuse. Elle s’est relevée, a enlevé son slip de nylon blanc, ravie de son regard sous le bras qu’il avait relevé en la sentant le quitter.
Elle lui a tendu la main et l’a relevé, l’a embrassé, et rougissante de ce qu’elle considérait comme une perrversité, elle l’a fait pivoter , s’est allongée à sa place sur le lit :
- Caresse-moi encore, découvre- moi …
Elle a caché ses yeux sous son bras et ouvert plus largement ses jambes.

Allongée contre lui, tenant une main dans la sienne entre leurs corps, elle l’a caressé de l’autre main, la joue sur son torse, faisant durer le temps, bien qu’elle vérifié peu avant que les onze heures fatidiques approchaient. Elle prenait plaisir à tenir ce sexe dressé dans sa main, à voir une deuxième fois ses doigts inondés de son plaisir chaud. Pendant qu’elle l’essuyait de la serviette abandonnée au pied du lit, elle a embrassé plusieurs fois son sexe avec tendresse, lèvres entrouvertes et enveloppantes. Un autre jour, elle aimerait …
Elle est restée nue pour le raccompagner à la porte. Il n’a prononcé que « bonsoir » en la quittant mais son regard disait tellement plus qu’il lui suffisait amplement.

Comments:

No comments!

Please sign up or log in to post a comment!