Portrait : Carmelle


Portraits : Carmelle


I

Dans son lit, Carmelle somnolait. Elle tenta d’ajuster sa vision sur les gros chiffres rouges implacables du réveil-matin : 10 heures. 10 heures ou plus : elle n’avait ni le courage ni l’envie de regarder les minutes. 10h01, 10h59, quelle importance ? C'était trop tôt de toute façon.
Bouche pâteuse et une vrille dans le crâne, Carmelle pensa un moment qu’elle devenait trop vielle pour ces sorties en club. Elle chassa vite cette idée ; 28 ans : pas trop vieille, mais trop bu. Il lui faudrait limiter la boisson, non les sorties. Mais difficile quand son club préféré lance une nouvelle Vodka : “Russian Standard, en provenance directe de Saint-Pétersbourg, 50% toute la soirée” disaient les panneaux publicitaires. Elle y avait déjà goûté et l'avait adoptée et ne put donc pas passer à côté. Argent, réduction ... la débauche était devenue une activité de riche. On devait même calculer un budget pour s'offrir de l'alcool.
Par chance, par habitude, elle n’avait pas été malade. Du moins était-ce son souvenir, mais quelle certitude pouvait émerger d’un tel mal de tête ?

De petits coups lui martelèrent les tympans : la sonnerie MP3 de son mobile. Putain de pubs mensongères, le son est horrible, grotesque ! S’il vous plaît il est temps d'arrêter d’en faire un argument de vente ! La vrille s'enfonça.
Carmelle était tellement dans le brouillard qu’elle ne s'était pas rendue compte tout de suite que c’est cela qui l’avait réveillée. Gesticulant le bras hors du lit, elle le tordit vers son téléphone. Elle devait lutter contre les paupières lourdes et les pupilles douloureuses. À tâtons et risquant de le faire tomber elle chercha son téléphone.

Putain … stop !

Quand elle l’eut enfin attrapé, elle pressa le bouton rouge pour le réduire au silence. Le monde des songes redescendit doucement sur Carmelle, apprivoisant doucement la douleur. Éphémère.



Elle perçut un babil inintelligible : au lieu d’avoir appuyé sur le bouton rouge, elle s’était trompée avec le vert. Elle soupira un long moment. Elle ne voulait pas raccrocher maintenant ; cela ne se fait pas, putain de politesse. Ensuite décida de répondre afin que cela cesse au plus vite. “Ça va, tu as gagné, je me rends.” se dit-elle avec humeur et repartit à la recherche du mobile, puis répondit en grommelant :

Ouais ?
Carmelle ? C'est moi, Monica. Ça va ?
Ouais ...
Oulah, ça n'a pas l'air d'être la grande forme. Je t'ai réveillée peut-être ?

Son cerveau dormait encore un peu de trop pour formuler une réponse polie ou même sarcastique ; elle répondit d'une manière détournée :

Eh bien, je suis sortie en boîte, je suis sans doute allée coucher il n'y a pas longtemps.
Oh ! Oui oui, je sais, on y était aussi !

Le ton de son amie est enjoué, impatient, elle avait visiblement quelque chose à dire qui l’amusait beaucoup. Mais Monica avait raison, elle avait été là hier soir paradant sa robe noire au milieu du groupe de copines habituel. Pourquoi appelait-elle à cet heure-ci alors qu’elle devait savoir que Carmelle dormait encore : elle ne s’éveillait pas avant midi lors des sorties en boîte.

Je suis rentrée à quelle heure Monica ?, demanda la jeune fille pour essayer d'être moins grossière, même si sa volonté mollissait à chaque réplique.
Je n'en suis pas sûr. On t'a laissé aux environs d’une heure en charmante compagnie, il est possible que tu sois rentrée plus tard !, fit-elle trop contente de la perche tendue.

Monica jubilait, même bourrée Carmelle ne pouvait pas ne pas le remarquer. “Génial ...” se dit-elle. C’était donc pour ça que son amie appelait : pour savoir avec qui sa copine avait passé la nuit. Son esprit marqua une pause : mais avec qui au fait ? Elle tenta de s’en rappeler mais vu le manque de souvenir déclara :

Désolée Monica, mais je ne vois pas de quoi tu veux parler j'en ai bien peur.
Énervée, Carmelle devenait verbeuse...
Carmelle..., elle marqua un pause irritante après le prénom puis repris : « Ne me mens pas, on t'a toutes vu avec le beau Roméo. »
Roméo ? Mais de quoi tu parles bordel? Et puis, c'est qui ce Roméo ?
... ou agressive.

Carmelle se frotta les yeux du bout des doigts à mesure que la conversation avançait. Foutu mal de crâne. Foutues questions. Foutue soirée. Franchement, elle en avait plein les bottes et avait bien envie de raccrocher à cet instant et de passer le reste de la journée à trouver une excuse pour ne pas se fâcher avec Monica. Ou peut-être que si après tout, ne l’avait-elle par mérité ?

Roméo, ma chère, et c'est à toi de me dire qui il est. Je sais juste que c'est le garçon que tu as collé tout au long de la sortie, affirma-t-elle.
Je sais pas ce que tu cherches, mais tu perds ton temps. Il n'y a pas de Roméo et il ne s'est rien passé avec lui. Maintenant si tu veux bien je vais dormir car ...
Menteuse ! Avoue que tu as mis le grappin dessus. Je crois qu'on est toutes jalouses de toi, tu pourrais au moins nous faire partager quelques détails ! Il était trop craquant !

Elle repris si vite que Carmelle ne put protester ni même l’insulter.

Ma chérie, tu es Carmelle la belle ! Et tu as encore frappé hier soir !

L'enthousiasme de Monica exaspérait déjà la jeune femme, mais ce surnom Carmelle le détestait encore plus que sa gueule de bois. Elle le trouvait digne d’une vulgaire allumeuse ou pire, d’une star du X.
Elle se demanda au fond pourquoi elle avait telle réputation. Ses hanches évasées ? Ou leur sensualité dans le mouvement ? Sa poitrine trop volumineuse ? Peut-être encore l’arrogance de son mascara ? Ou celle de ses fesses à peine couvertes ? Justement peut-être la taille de ses vêtements : trop courts, trop ajustés ?

Bien sûr, Carmelle ne niera pas non plus que coller les garçons comme elle le faisait n’aidait pas à sa cause.
Non plus sa manie d’accepter les verres de parfaits sourires charmeurs et inconnus. Ni de ne s’offusquer d’aucune main aux fesses ou baisers volés.
Peut-être qu'après tout elle n'était qu'une vulgaire allumeuse.

Carmelle ? Tu es là ?
Oui, oui, finit-elle pas répondre, plus calmement. J'ai bien peur de te décevoir, mais je n'ai conclu avec aucun Roméo. J'ai bien la souvenance de quelques beaux garçons avec qui j'ai pu danser, mais personne ne m'a emmenée au septième ciel. Maintenant Monica, s'il te plaît ...

Carmelle ne put finir et son interlocutrice renchérit :

Pourtant, je me souviens très bien de lui. Beau, charmeur, grand, les yeux qui pétillent … Je le voyais presque nu dans ma chambre sous la couette !

Carmelle eu cette impression fugace que Monica avait plus fantasmé sur ces garçons qu’elle-même. Sur le moment, elle eut beau tenter de faire plaisir à son amie et de se rappeler les détails que celle-ci convoitait, mais la seule souvenance de plaisirs torrides furent ceux de la vodka et son offre promotionnelle étendue à toute la soirée. Pour une clubbeuse comme elle ce genre d'actions est plus addictive encore que les soldes pour une victime de la mode.
Ce petit jeu avec Monica l'agaçait, elle le reprendrait plus tard ; ou jamais de préférence.

Monica, je veux dormir. Je suis fatiguée, j'ai mal la tête et je ne sais pas de quoi tu parles. Ça te dirait que je te sonne plus tard ?
Allez coquine, te fait pas prier !
Putain ! Monica, s'il te plaît. Répéta la jeune femme exaspérée.
D'accord Carmelle la belle, c'est bon je n'insiste pas. Mais tu n'oublieras pas de me raconter comment il a réussi à se glisser dans ta culotte tout à l'heure !

Carmelle poussa un long soupir et raccrocha, le cervelle trop embrumée que pour formuler quoi que ce soit de cohérent. Impossible de jouer à ce jeu avec Monica si elle n'avait pas sa répartie, mais cette dernière le payerait plus tard.
Avant d'abandonner toute lucidité au royaume des songes tant convoité, elle éteignit son portable pour éviter les appels de ses autres amies : Monica était la pire mais pas la seule garce qu’elle connaissait!
Elle posa le plastique noir sur la table de nuit et glissa la main sous l'oreiller, puis se lova dans les couvertures pour trouver le sommeil. Elle ferma les yeux et pris congé du réveil avec un sourire délivré. Chaud et douillet, le lit l'entourait de ses bras molletonneux et elle se détendit.

Le souvenir vague de trois hommes lui revint doucement ; se pouvait-il que l'un d'entre eux fut Roméo ?

II

Son esprit vagabondait mollement entre les affirmations de Monica. Qui était ce Roméo? Mentait-elle ? Ce n'est pas son genre, et cependant impossible de se raccrocher à aucun souvenance d'homme qui l'aurait séduite en particulier, aucun détail précis. Pourtant, elle essaie de se remémorer de Roméo tel qui lui a été décrit par sa copine.
Les trois hommes de sa mémoire étaient tous séduisants, mais très différents. Étrange, la plupart du temps elle avait ses moments de préférence : un soir les blonds, un autre les bruns et ainsi de suite ; cela facilitait la comparaison : les pommes avec les pommes et les poires avec les poires! Était-elle déjà en train de rêver ? Avait-elle réellement côtoyé ces hommes ? Elle ne parvenait même plus à localiser où traînaient ses vêtements, pas dans l'armoire en tout cas. Elle tenta de matérialiser ses souvenirs, de les extraire de sa mémoire vaporeuse.

Elle parvint tout d’abord à se rappeler de sa tenue : Top jaune clair, simple, épousant les seins, plus large au niveau du ventre. Légèrement transparent pour laisser apparaître son soutien gorge peu discret : noir et push-up. Comme pantalon, un jean très moulant légèrement évasé sur les mollets et les chevilles couleur bleu marine très foncé, les coutures joliment rehaussées d’un fil plus clair, très travaillées. Elle s’était même faite broder Carmelle sur la fesse droite pour en faire son vêtement fétiche. Sandales de lanières noires à talons mi-haut, parfaites pour la danse et lui donner des jambes sexy par la même occasion. Et son sac étroit pendant discrètement d’une épaule, noir lui aussi.

Carmelle se détacha de sa propre contemplation pour celle de Roméo numéro un. Le blond aux cheveux courts et muscles saillants. Le tee-shirt uni, bleu cristal comme ses yeux, ajusté et enroulé autour de son torse puissant, rassurant, qu'on apprécie pour pouvoir y poser la tête après l'amour. Malgré les mains calleuses et la chair trop ferme, la peau restait douce aux endroits intimes : le dos, les épaules que Carmelle caressa copieusement lors des slows. Les traits de son visage n'étaient pas doux et l'expression de son faciès lui sembla bestiale par moment. Un homme, un vrai, qui cherchait à s'imposer par son physique au lit comme dans la vie. Ce Roméo emmenait les femmes au septième ciel à la seule force de son corps puis, une fois la tension retombée, protégeait sa partenaire au creux de son épaule.

Là, elle commença aussi à se souvenir de quelques sensations tandis qu’elle dansait à la soirée : comme c’est bon de plaire aux hommes, de connaître comment piéger leurs regards. Passée experte dans l’art du clin d'oeil pour piéger les garçons, armée de son sourire ; de toujours afficher ces gestes souples, langoureux ... voluptueux . Elle adorait se faire offrir des verres, dans son langage cela signifie qu’elle est prête à tenter l’aventure, à se laisser séduire, à lui laisser la main, un semblant de contrôle. La mascarade pouvait alors commencer : car derrière son masque de fille facile c’était bien elle qui menait le jeu.
Elle arborait parfois, sous certains angles, un certaine vulgarité qui plaisait énormément aux hommes.

Les yeux de Carmelle roulèrent pour se poser sur le deuxième homme. Elle troqua aussitôt son sourire innocent pour une moue approbatrice. Grand et beau, subtil et délicat comme ses traits en témoignaient. Elle put encore ressentir son assurance, sa suffisance dans sa stature filiforme mais posée, hautaine. Maître de lui, il pouvait endosser le costume romantique de ces hommes qui abordent les femmes une rose entre les lèvres. Son visage paru dessiné par les dieux, souligné délicatement par la chemise aux parfaites proportions que les couturiers avaient confectionnée à son attention. Elle en était sûre, elle était replongée dans un rêve des les plus humides.

Carmelle avait posé sa poitrine contre celle de Roméo, mais ne s’en rendit compte qu’avec regret quand elle s’en éloigna, fixant le bel apollon. Elle utilisait son corps comme stimulant pour son partenaire, pour se faire désirer. Elle savait ce qu'elle voulait pendant la danse et le sexe ; elle n'avait pas froid aux yeux, avide de contacts physiques : frotter son corps, poser ses mains sur les bras quand elle parle ou qu'elle rit ... Même sur ses amies. Ces gestes ne présentaient pas toujours d'intentions sexuels mais elle était juste très tactile, elle aimait profiter de son corps.

Le dernier Roméo se cachait derrière un sourire ravageur. Celui qui fait fondre le cœur gelé des garces les plus endurcies, un piège parfait comme sa silhouette. Un surfeur – musclé mais svelte, les cheveux longs et blonds – du moins était-ce l'image qu'il paradait en plus de son humour. Elle lui avait demandé, elle s'en souvint, s'il pratiquait ce sport mais au lieu de s'offusquer du stéréotype, il rit. Partit dans une ronde en l'emmenant avec lui sur sa plage privée, Roméo posa les lèvres sur celles de la jeune femme dans un baiser brûlant. Alors que Carmelle et son cavalier tournoyaient, ils étaient assourdis par les battements de leurs cœurs et les rouleaux de la mer. Les danseurs s’enlacèrent à même le sable fin. Nuages et océan se fondirent l’un dans l’autre comme deux corps amoureux quand la jeune femme sentit sa conscience s’évanouir et s’endormit bercée de chaleur et de volupté, transportée dans cet endroit paradisiaque.

Tout à coup une main se posa sur l’épaule de Carmelle qui revint abruptement à la réalité.

III

Les poumons de Carmelle gardaient jalousement leur oxygène comme si on leur interdisait toute nouvelle bouffée d'air. Tandis que son cœur cognait tel un boxeur, son corps se figea. Plus un bruit ne franchit sa bouche, plus un muscle ne se détendit. La peur lui offrait ses sueurs froides alors que elle maudissait son cerveau de ne pas l’autoriser à bouger les jambes, de ne pas lui laisser la possibilité de courir pour se sauver. Pourquoi la peur paralyse-t-elle ? C'est stupide, il faudrait qu'elle vous pousse à courir, à vous enfuir plutôt que de vous forcer à regarder les phares se rapprocher inéluctablement !
Il y avait un homme dans le lit, juste derrière elle. Il se prélassait et s’éveillait doucement alors qu’elle le sentait se frotter contre elle, presque tendrement malgré sa légère maladresse. Il descendit un main et la posa par dessus le bras de la jeune femme comme pour l'enlacer. Tout le corps engourdi plaqua sa chaleur contre le dos et les membres de Carmelle. L'adrénaline dissipa d'un coup la brume pour lui libérer l'esprit et elle fut lucide de nouveau.

Alors qu’elle s'apprêta enfin à sauter hors du lit, Carmelle se retint de peur d'avoir l'air ridicule : cet homme ne l'agressait pas. Au contraire, il embrassait comme l'amant embrasse sa femme au réveil après une nuit torride. Non, ce type était là parce qu’elle l’avait amené dans son lit hier ; cela lui arrivait régulièrement et n'avait rien d'étonnant. De quoi aurait-elle eu l'air si elle s'était mise à courir complètement nue partout dans la chambre à l'accuser de viol alors que quelques heures auparavant elle lui avait sans doute supplié de se glisser sous ses draps, de l’étreindre et de lui faire l’amour. De plus, elle ne savait toujours pas où se trouvaient ses habits. Étrange réaction cependant que de risquer le viol de peur de la moquerie !

Carmelle tenta de se calmer et prit conscience que l’homme se trouvait entièrement nu contre elle, particulièrement à cause du sexe qui se pressait contre ses fesses. Il ne bougeait plus, il semblait s’être rendormi. Elle profita du répit pour essayer de trouver une échappatoire de ses yeux maintenant habitués à l’obscurité. Malheureusement, elle n’aperçut ni pyjama, ni peignoir ni même aucun drap vers lequel courir, pour s’en vêtir et sortir de chez elle avant que l'intrus ne s’éveillât à nouveau.

Elle avait eut peur d’esquisser le moindre mouvement alors que le torse et les bras de l’homme reprirent vigueur. Et le sexe mâle se fit lentement plus dur derrière la jeune femme. Alors que tout cet être s'échauffait contre sa peau, Carmelle demeurait de glace, parfaitement immobile, feignant le sommeil, impossible de se décider si elle était morte de trouille ou de honte. Peut-être de cette façon il l'oublierait et se lèverait pour la laisser oublier ce matin et se réveiller avec un simple mauvais rêve ?

Mais l’homme continua, se fit plus cajoleur avec la jeune femme : une main glissa sur son sein. Alors qu'elle hésita toujours à protester, il se fit plus insistant en pinçant ses tétons, le puissant corps masculin s'excitait et ondulait contre le dos et les fesses de Carmelle. Son rythme cardiaque ne baissait pas, pourtant elle n’avait plus peur ; une autre sensation l’envahissait : la glace fondait. Des fourmis lui montèrent sur les jambes ; les petits poils qui lui parsemaient l’échine s'électrisèrent. Son corps s'éveillait doucement et demandait que la caresse de l'homme rejoignit celle de la couette.

Elle s’étonna bientôt de sa propre réaction, sentir son entrejambe fleurir doucement sans qu’elle ne put rien contrôler, ses tétons se mirent en érection pour plaire à l’homme, lui signifier que son corps était près à accueillir les futures avances.

Carmelle se révélait très sensible au toucher – moins au niveau des sentiments par contre : sans être une sans-cœur, elle était capable de faire la différence entre le sexe et l'amour. Tout à fait capable de s'amouracher d'un type bien et lui faire l'amour mais aussi d'avoir des relations sexuelles avec un homme sans amour, et de le jeter comme une vieille chaussette une fois la nuit s’achevant. Carmelle était bâtie pour le sexe. Son corps pouvait réagir au moindre stimuli et le transformer en pulsion sexuelle ; un authentique réceptacle à sensations. Elle criait, gémissait bruyamment pendant l’amour ; elle adorait qu'on lui tire les cheveux aussi, qu'on lui maintienne la tête, qu'on la prenne fermement par les hanches. Elle aimait que l’homme soit aussi bestial qu’elle. Elle en demandait toujours plus, jusqu’à l’explosion de plaisir des deux partenaires !

Son corps se mit à suivre les ondulations de Roméo, ses reins se creusèrent. Elle sentit des frissons dans son dos alors que Roméo lui souffla doucement derrière le cou. Carmelle ne put retenir sa respiration haletante qui laissait couler de petits gémissements. Elle sentit le vent frais contraster avec son entrejambe bouillante quand le drap fut enlevé, tiré par dessus ses hanches, dévoilant son sexe. Puis la main de l’homme vint le couvrir et y enfoncer un doigt.

L'excitation croissante de Carmelle finit par avoir raison de sa pudeur, fragile comme sa volonté, alors que le sexe darda plus profondément entre ses cuisses, sous ses fesses ... L’étreinte de Roméo se montra aussi plus ferme. Elle voulut se retourner pour embrasser l'homme à pleine bouche et lui crier qu'elle le voulait, qu'elle avait envie de son corps, que l’attente devenait insupportable.
Mais elle n'en eut pas l'occasion car il lui peigna les cheveux de ses doigts avant de refermer le poing et de maintenir fermement la tête de Carmelle en arrière alors qu'il glissa sa verge sans peine dans le sexe déjà humide de la jeune femme. Elle ne pouvait s’empêcher d'être aussi excitée dans pareille situation érotique : un amant inconnu dans ses draps !

Carmelle partit, s’abandonna au plaisir, brisa le reliquat de scrupule. Elle se sentit à la merci du désir, elle devint fantasme. Roméo épousait son corps en cuiller, malaxant sa poitrine généreuse.
Mais qui était-il, ce Roméo qui méritait mille compliments, mille mercis, mille fellations ?

IV

Tandis que Carmelle s’approchait des portes du septième ciel elle ouvrit les yeux et se trouva en face des portes de la boite de nuit, qu’elle poussa ... Elle pénétra avec volupté dans le pays des sensations, des rêves et se retrouva à onduler le corps vers la piste de danse. Elle se fraya un chemin avec les hanches, caressa des corps innombrables massés en haies d'honneur ; des mains la flattèrent comme une prêtresse païenne. La jeune femme fini par rejoindre ses Roméos.

L'un après l'autre, Carmelle essaya de se les remémorer : leur corps ou leur façon de bouger qui pourrait peut-être trahir qui la tenait par derrière. Mais elle ne remarqua que leurs regards subjugués par le spectacle que cette femme sublime offrait. Elle jouissait de ce don de pouvoir capter l'esprit masculin et de l'exciter avec très peu d'effort, encore et encore tout le long d’une nuit.

Carmelle dessina des mouvements lascifs sur la piste sans spécialement les adresser, ils étaient destinés à qui voulait. Elle chérissait ce moment précis quand apparaît cette lueur d'intense excitation dans l'œil de l'homme qui la matte en train de sucer un doigt, ou autre chose : elle sait qu'il l'imagine à genoux. Ou la façon qu’avaient ses seins de dévier de manière presque obscène la chute de sa chevelure blonde.
Ses hanches accueillaient volontiers les regards quand elle bougeait et ses reins arboraient un tatouage ostentatoire où l’on pouvait lire en lettres gothiques Caramel qui dardait jusqu’à l’origine de ses fesses.

La jeune femme au sourire carnassier se tourna vers Roméos. Le dessus de son top se souleva alors qu’elle dansait, ce qui laissa fugacement entrevoir son nombril percé à l’effigie d’un petit bonbon, au sein d’un ventre plat. Carmelle adorait porter des vêtements saillants à sa taille même si sa poitrine donnait toujours l'impression que le vêtement fut d'une demi-taille trop peu. Sa culotte apparut à chaque fois quand elle se penchait : un string noir de dentelle sobre, suffisant pour souligner le galbe des fesses.

Carmelle renouvela sa danse avec Roméos ; plus bas qu’eux, le visage au niveau de leurs ceintures. Presque nue, on dirait qu’elle s’offrait alors qu'en vérité elle jouait. Sûre d’elle, de son corps et ne ressentant de toute façon aucune gêne à être dénudée devant les hommes que du contraire, elle avait un corps à les faire rougir. Elle adorait exhiber son corps aux mâles, les faire languir juste assez que pour taquiner la bête tapie en eux. Celle qui, bannie par le puritanisme, grogne frustrée d'être e au repos, muselée et pourtant tellement puissante. Mais surtout elle chérissait ce jeu pour pouvoir mieux jouir avec eux.

Carmelle émergea à demi de son rêve humide. Ses mains s’enfoncèrent dans le satin de son lit, dans le sable fin de la plage devant cet océan turquoise ... Elle leva la tête, encore ivre de plaisir et aperçu les vagues reposantes se perdant dans l’infinie beauté. La jeune femme se tenait à quatre pattes devant l’horizon, jouissant du plus magnifique des paysages.

Roméo la surplomba et jeta une ombre sur la peau de la belle jeune femme en levrette qui ne put s’empêcher de gémir lorsque le sexe dur et droit se faufila dans son intimité, draguant sensations et plaisirs. Carmelle le sentit fort, agrippé à ses hanches forçant chaque centimètre à travers l’étroitesse de sa vulve. L’homme dut s’aider des longs cheveux blonds de la jeune femme pour garder équilibre et vigueur dans ses mouvements sourds. Une telle fermeté plût à Carmelle, elle adorait le sexe par derrière, par terre ou contre les murs. Les mèches qui s’aventuraient devant le visage de la jeune femme ondulaient comme les vagues de l’océan témoin de son plaisir. Sa blondeur rappelait l’écume des vagues qui se brise sous la force du vent. D'ordinaire ses longs cheveux atteignaient le milieu du dos et le bas des seins. Légèrement ondulés sur les extrémités plus claires que la base presque noire, en parfaite harmonie avec sa peau mat et café au lait.

Dans le sexe, elle est gourmande : elle n'hésite pas à faire savoir à son partenaire s'il s'avérait trop lent, qu'elle aimait le sexe intense. Et l'impatience la rend encore plus excitante et excitée, c'est une boulimique du sexe. Elle aime que son partenaire ait la personnalité forte, qu'il la comprenne, qu'il puisse suivre cette tornade érotique qu’elle chérissait. Les hommes qu'elle préfère, ceux qui font à son sens le mieux l'amour sont ceux qui arrivent à comprendre et l’accompagner dans ses propres fantasmes à elle.

Elle sentait l'extase monter lentement à mesure qu’elle se cambrait, que les coups de reins se firent plus volontaires au rythmes des râles de Roméo qui eut bientôt du mal à se tenir droit à cause de l’intensité de l'amour. Il finit par s'affaler sur elle ; il pesa sur elle de toute sa virilité et le plaisir de la jeune femme n'en fut que plus divin. Il profita de la situation et força pour ses mains le passage sous le ventre de Carmelle pour ensuite tâtonner vers sa poitrine. Elle suça de l'air entre ses dents quand il lui pressa les tétons et lui tira de plus belle sur les cheveux. Son esprit s'échappa pour laisser à son corps l'exclusivité de la volupté, les mains de la jeune fille se crispèrent encore un peu plus submergées par les sensations érotiques. Roméo parlait, mais elle ne saisit que de vaporeux Carmelle la belle.

Elle essaya de se rappeler des voix de ses Roméos, de leurs tonalités, des harmoniques qui pourraient la transporter encore plus. Ils parlaient mais elle ne comprenait pas, ses sens bien trop saturés par le sexe. Aidées de cils longs et denses qui lui soulignaient le regard, Carmelle ancra ses grands yeux rieurs dans ceux des hommes avec qui elle partagea ces danses torrides la nuit passée. Puis, incapable de résister plus longtemps, elle colla ses lèvres sur ces visages parfaitement sculptés, appétissants, avides ; leurs langues dansèrent, érotiques comme les douzaines de couples sur la piste.

Carmelle imagina ces langues lui titillant l’oreille et le cou. Elles répandaient leur salive sur le chemin descendant ouvert par des mains impudiques. Elles caressèrent ses seins , ses mamelons, son ventre, ses fesses, sa vulve ... Cette dernière pensée eut raison de la jeune femme et la fit jouir, paralysant ses muscles avant de les libérer violemment dans une explosion de plaisir et de cris. Alors qu’elle était presque perdue dans la volupté, la main de l’inconnu claqua contre sa fesse nue et vulnérable, et l’embrasa. Roméo avant sentit l’orgasme de Carmelle et lui maintint fermement les épaules contre le matelas, renforçant encore son emprise sur les sensations de la jeune fille qui s'égosillait.

Ce que Carmelle aimait dans la jouissance, ce qui la rendait heureuse, c’était de sentir ses genoux trembler, ses yeux lourds et son corps sombrer dans la volupté alors que son sexe se resserrait sur celui de son partenaire, le faisait crier plus fort et souvent jouir dans la foulée. C'était à ce moment précis, dans le crépuscule de son acte sexuel, qu'elle était au paradis et toisait le monde de son plaisir, que la terre pouvait brûler mais ne serait jamais aussi chaude que son corps à cet instant. Elle adorait cela, lui au dessus d’elle sa main sur ses fesses, le sexe s'enfonçant vigoureusement entre ses lèvres tandis qu’elle léchait le doigt de l'homme quand il passait à portée de sa bouche, pour l'exciter encore plus. Roméo peinait à se retenir pour ne pas la violenter d’excitation alors qu'il la prenait

Mais l’orgasme de Carmelle avait trop resserré son étreinte autour du sexe de l’homme, alors il finit par ne plus pouvoir se retenir et dans un orgasme chaotique à la mesure de leur chevauchée Roméo jouit sur le cul de la jeune femme et dans le sillon creusé par sa cambrure. Il serra encore plus le poing autour de la magnifique chevelure de Carmelle pour la relever légèrement alors qu’il éjaculait dans son dos et ne retint pas ses mugissements.

Carmelle retomba sur la plage, exténuée. Elle pensa que la brise dans son cou était le fait d'un vent marin, mais ce n’était que le souffle de son Roméo affalé lui aussi, rompu par l’effort. Alors elle leva les paupières et se retrouva dans la chambre avec le bras de l’homme autour d’elle ; leurs corps nus, enlacés, bouillants. Puis, le sommeil vint malgré son envie de découvrir le mystérieux inconnu.

V

14h08. Il était rare qu'elle s'endormit après ces moments car elle les adorait justement. Elle en profitait toujours un maximum : le sourire radieux et le regard pétillant perçant à peine ses paupières mi-closes comme si elle voulait garder la totalité des réminiscences de la nuit rien que pour elle. Le bonheur, la béatitude. Mais ici, elle était vraiment trop fatiguée alors elle n’avait put s'empêcher de sombrer sans même jeter un coup d’œil à son partenaire. Elle n’avait pas réussi à se battre contre le coaltar cette fois.

Carmelle ouvrit les yeux, sans mal de crâne qui avait finalement disparu. ment, après ce qu’elle venait de vivre, il y avait de quoi être de bonne humeur. Maintenant, elle allait avoir de quoi raconter à Monica et surtout pouvoir lui présenter son Roméo qui, et elle s’en vanterait, baisait comme un dieu. Elle se retourna, mais Roméo s’en était allé et avec lui, cette plage comme théâtre sulfureux. Elle n’aura donc pas le loisir de le voir, elle ne saura sans doute jamais qui il était avec certitude.

La jeune femme était quelque peu déçue mais cela n’enlevait rien à la bonne humeur qui l’habitait, ni au merveilleux réveil qui lui avait été accordé. Que du contraire : elle sourit copieusement, consciente d’avoir sans doute vécu l’un des plus beaux moments intimes de toute sa vie ainsi qu’à la longue quête à la recherche d’un digne successeur qui allait désormais commencer.

Le mystère entourant Roméo l’avait réellement excitée, emmenée au delà de frontières qu’elles ne pensait jamais traverser. Mais qui était-il, cet amant secret dont elle ne connaissait rien sinon qu’il possédait les ailes pour l’emmener au Paradis ? Qui se cachait derrière le masque à qui elle offrit corps et âme, de qui a avait-elle recueilli la semence sur son dos creusé ? Pour un peu, elle sentait encore l’étreinte de son amant la transporter. Était-ce un des trois Roméos de son souvenir ? Ou un autre quatrième ?

Elle tenta une ultime fois de se remémorer qui l’accompagna dans son lit, sur cette plage, au paradis. L’unique certitude dont elle jouissait fut l’intensité de son orgasme, elle en tremblait encore. Elle se frotta doucement contre les draps encore chauds et humides de ses ébats ; le satin semblait divin contre ses seins et ses tétons ultrasensibles ... déchargeant leur électricité dans tous le corps. Elle sentit sa fleur s’éveiller encore et glissa sa main entre les cuisses. Harassée par la nuit et l’amour Carmelle se recroquevilla et se para d'un sourire coquin. Avant de replonger dans les songes, elle se remémora Carmelle la belle.

D'une certaine manière, elle aimait ce surnom. Au diable son amour propre ; ou la façade que ses amies voulaient d’elle. Au diable ce que pensaient les gens ; ce que pensaient ces moches, jalouses de sa beauté et du succès qu'elle avait auprès des hommes. Car c'était pour ce genre de moments qu'elle vivait. Elle était Carmelle la belle, déesse du sexe et du plaisir. Quel bonheur de nager en paix avec soi.

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